Nous voici à nouveau réunis pour légiférer sur les relations entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Cela témoigne non seulement de l'importance que les membres de cette commission, et les députés en général, quelle que soit leur couleur politique, accordent à la juste rémunération des agriculteurs, mais aussi de la grande complexité de la question.
Nombre d'entre nous le disent : nous avons la meilleure agriculture au monde. Je me plais à croire que cela est vrai. Comme le rapporteur l'a souligné, l'implication de nos agriculteurs pour assurer la continuité de l'approvisionnement alimentaire pendant la crise de la covid-19 mérite d'être saluée. Face à cette agriculture d'excellence, nous avons aussi – je le dis avec une pointe d'ironie – l'un des secteurs de la grande distribution les plus « performants » au monde, capable, un jour, de se livrer une guerre sans merci et, le lendemain, de se regrouper dans quatre centrales d'achat, qui pèsent 80 % du marché. Notre grande distribution à la française arrive à nous faire manger toujours mieux, dit-elle, et toujours moins cher, assurément. Bien qu'apparemment avantageuse pour le consommateur, cette politique des prix bas a de nombreux coûts cachés, dont certains sont supportés par les agriculteurs. C'est à cela que nous nous attaquons aujourd'hui.
Dans ma circonscription, il n'est pas rare qu'un couple d'éleveurs de vaches limousines ne gagne même pas l'équivalent du SMIC. Cela est vrai partout en France et dans presque toutes les filières. Les prix proposés aux agriculteurs dans la grande distribution et, dans une certaine mesure, par les industriels, sont totalement déconnectés des réalités du marché. La loi EGALIM a cherché à rectifier le tir, avec l'élaboration des indicateurs de référence, le relèvement du seuil de revente à perte, l'encadrement des promotions et l'inversion de la construction des prix.
Force est de constater que les acteurs économiques n'ont pas voulu s'emparer des outils que la loi a créés, alors que le terrain les plébiscitait plutôt. Quelque treize ans plus tard, la spirale inflationniste que la loi de modernisation de l'économie de 2008 a instaurée en connaissance de cause, continue à produire ses effets. Il faut que cela cesse. Pour reprendre les mots de Daniel Couderc, président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Corrèze, il faut que les gens sachent que l'alimentation a un coût. J'ajouterai qu'elle a par conséquent un prix. Cette exigence émane d'un nombre croissant de consommateurs, qui sont à la fois sensibles au sort de nos agriculteurs et conscients de l'injustice sur laquelle le système repose.
Je salue à ce titre l'excellent travail et l'application sans faille de notre rapporteur sur le sujet. Il s'agit bien là d'un texte d'initiative parlementaire. À travers la proposition de loi, nous nous proposons de réintroduire de la contrainte dans la loi, afin d'encadrer les relations commerciales entre agriculteurs, industriels et distributeurs. D'abord, dans l'article 1er, en généralisant les contrats écrits et pluriannuels de vente de produits agricoles. Ensuite, en inscrivant dans le droit la non-négociabilité des matières premières. Enfin, l'article 3 crée un comité de règlement des différends commerciaux agricoles, qui se prononcera dans un délai d'un mois sur les litiges portés à sa connaissance.
Le groupe La République en marche votera en faveur de la proposition de loi, sous réserve que l'article 2 précise le champ d'application de la transparence sur le prix d'achat de la matière première agricole et de la non-négociabilité de la part agricole qui en résulte. Il proposera également des amendements visant à renforcer l'obligation de publication des indicateurs de coût de production et à prévoir une sanction administrative en cas de méconnaissance de l'article L. 441-1 nouveau. Le texte aura vocation à évoluer encore en séance.
Au cours de la législature, nous avons pris à bras-le-corps le problème de la rémunération des agriculteurs, à travers différents textes. L'adoption de la proposition de loi du président Chassaigne visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite les plus faibles, le plan de relance, ou le combat que la France a mené pour la revalorisation du budget de la politique agricole commune l'attestent. La présente proposition de loi est une nouvelle pierre à l'édifice. J'espère que les débats seront à la hauteur des enjeux.