Je remplace au pied levé notre collègue Sébastien Jumel, retenu en Normandie par une cause noble.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a organisé le 3 mai dernier, dans le cadre d'une semaine de contrôle, un débat sur le bilan de la loi EGALIM sur la rémunération des agriculteurs. Je vais vous en lire quelques extraits, qui vont vous montrer à quel point il est urgent d'agir, mais aussi qu'il est nécessaire d'avoir conscience des enjeux. Or, pour avoir étudié la proposition de loi, je peux vous dire qu'au regard de ces derniers, on ne trouve guère que des poussières. « C'est dire l'importance du plumeau », ajouterais-je.
J'en viens aux témoignages que nous avons recueillis. Le premier a été celui de M. Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires : « De manière générale, au stade actuel et au vu des éléments dont nous avons connaissance, l'effet de la loi EGALIM est resté relativement limité, d'autant que l'année 2020, vous en conviendrez, fut exceptionnelle, puisqu'elle s'est traduite par une modification des habitudes alimentaires des Français. »
Cette modification aurait pu tirer les prix vers le haut, mais le rapport 2021 de l'Observatoire confirme que plusieurs filières, notamment le système d'élevage bovin viande, se trouvent dans une situation catastrophique. M. Chalmin note d'ailleurs en introduction de ce rapport que « la France est le pays d'Europe où les relations commerciales sont les plus difficiles ». D'où l'exigence d'agir.
Deuxième témoignage, celui de Mme Sophie Devienne, professeure d'agriculture comparée et de développement agricole à AgroParisTech : « Dès lors que la branche agricole accroît ses consommations intermédiaires et utilise de plus en plus de biens d'équipement, et dès lors que les prix de ces derniers ne baissent pas autant que ceux des produits agricoles, il en découle que la richesse créée par le secteur agricole, c'est-à-dire la part de la valeur ajoutée par rapport au produit brut, ne cesse de fondre. »
Elle ajoutait : « Un prix rémunérateur est essentiel, car il ne faut pas laisser les agriculteurs encaisser des chocs de prix qui peuvent être brutaux ; il n'est néanmoins pas suffisant pour maintenir leur revenu. La régulation des marchés est donc nécessaire pour éviter les chocs de prix auxquels nous assistons depuis une dizaine d'années. »
Troisième témoignage, celui de M. Guillaume Gauthier, éleveur de bovins en Saône-et-Loire : « Je sais, moi, ce que c'est qu'un prix rémunérateur : c'est un prix qui couvre mes coûts de production. L'interprofession y a travaillé durement. […] Malgré cela, […], dès qu'il s'agit de ramener une partie du prix vers le monde de l'élevage, et surtout vers l'éleveur, certaines familles [de l'interprofession] s'y opposent. Comme toutes les décisions doivent être prises à l'unanimité, on n'avance pas sur la rémunération des éleveurs. […] Trois ans après le plan de filière et les États généraux de l'alimentation, il n'y a pas grand-chose qui ait avancé dans ma cour de ferme, au point que mon père, qui a 74 ans et qui travaille encore beaucoup avec moi, […] a calculé le manque à gagner entre le prix de vente de mes animaux en 2020 et le coût de production : c'est un euro du kilo pour la carcasse, soit 150 000 euros pour mon exploitation. » Et de conclure : « Vous avez beaucoup parlé de régulation ; eh bien, moi aussi, je veux de la régulation. Je veux que l'on régule nos marchés et, clairement, que l'on fixe un prix. On ne peut pas créer un ensemble de contraintes […] , tout en nous exposant à un marché mondial sans doute très libéral qui nous impose la concurrence des prix étrangers et des feedlots américains de 30 000 animaux. »
Indéniablement, la proposition de loi ne va pas régler grand-chose. Bien évidemment, vous écartez les mesures de régulation, pourtant impératives. On parle d'indicateurs de production, on renvoie une fois de plus aux interprofessions, alors que l'on pourrait confier un rôle beaucoup plus important à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et à FranceAgriMer, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer. Si l'on n'impose pas davantage de contraintes, on n'obtiendra pas des prix rémunérateurs.