Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du mercredi 6 décembre 2017 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Mazars, rapporteur pour avis :

En fait de sport, chers collègues, c'est à des dispositions très techniques et très juridiques que nous allons nous confronter dans le cadre des travaux de la Commission, saisie pour avis de six articles.

Le projet de loi vise à transposer dans notre droit interne les exigences posées par le Comité international olympique (CIO). Lorsque Paris a présenté sa candidature à l'organisation des Jeux de 2024, cela valait engagement de se conformer à un certain nombre d'exigences et de prescriptions du CIO. La commission des Affaires culturelles et de l'éducation est saisie au fond ; la commission des Affaires économiques s'est également saisie pour avis de plusieurs dispositions.

Monsieur le président a raison : il s'agit du plus grand événement sportif que la France ait jamais organisé. Lors de son audition, le préfet chargé de coordonner les voies olympiques et paralympiques, qui font l'objet de l'article 14, a indiqué que ces Jeux, en matière d'organisation, seraient cinquante fois plus exigeants que la Coupe du monde de football de 1998. C'est donc un vrai défi pour la France, mais aussi une chance extraordinaire de mettre notre pays sur le devant de la scène internationale, d'améliorer nos infrastructures, de relancer l'emploi et l'économie. Chacun de nos concitoyens pourra s'approprier les Jeux. Telle est l'ambition exprimée, que ce texte vise à mettre en oeuvre le mieux possible.

L'article 5 du projet de loi attribue au Tribunal arbitral du sport (TAS) la compétence exclusive de règlement des litiges relatifs au contrat de ville-hôte. L'article 61 § 2 de la Charte olympique prévoit que tout différend survenant à l'occasion des Jeux ou en relation avec eux soit exclusivement du ressort du TAS. Conformément à cette exigence, la Ville de Paris et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) ont conclu avec le CIO, le 13 septembre dernier, le contrat de ville-hôte pour les jeux Olympiques de 2024 : par cette signature, ils se sont expressément engagés à soumettre tous les litiges relatifs à la validité, l'interprétation, l'exécution de ce contrat à l'arbitrage du TAS.

Mode alternatif de règlement des conflits, l'arbitrage n'est en principe pas permis pour une personne morale de droit public en vertu des articles 2059 et 2060 du code civil. Toutefois, le droit administratif admet de plus en plus le recours à des arbitres, ceux-ci étant reconnus pour leur souplesse, leur expertise technique ou encore leur célérité. Ainsi, diverses lois ont autorisé à compromettre des entreprises publiques – la SNCF, La Poste, Réseaux ferrés de France. Puis l'arbitrage s'est imposé dans le cadre de relations entre des personnes publiques et des sociétés étrangères, notamment à l'occasion de l'accueil sur le territoire national d'Eurodisney en vertu de la loi dite « Mickey » du 19 août 1986. Le Conseil constitutionnel a validé le principe de cette dérogation en jugeant que l'interdiction du recours à l'arbitrage par les personnes publiques avait une valeur législative et non constitutionnelle.

Ainsi, par dérogation aux articles précités du code civil, l'article 5 du projet de loi reconnaît que le contrat de ville-hôte ainsi que ses conventions d'exécution peuvent comporter des clauses compromissoires, en l'occurrence au bénéfice du Tribunal arbitral du sport. Le champ de compétence du TAS sera cependant strictement limité aux litiges liés au contrat de ville-hôte et à ses conventions d'exécution. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas codifier cette dérogation, considérant que, du fait même de la nature ponctuelle de l'événement, cette dérogation ad hoc était vouée à une désuétude certaine.

L'article 14 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur les règles de circulation et de stationnement en vigueur pendant les Jeux. Le Gouvernement disposera, après la promulgation de la loi, d'un délai d'un an pour mettre en oeuvre un système de voies prioritaires et réservées. Dans le cadre de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux de 2024, le Premier ministre M. Bernard Cazeneuve en avait pris l'engagement auprès du CIO. Ces voies dites « olympiques et paralympiques » seront réservées au cheminement des athlètes, des officiels, des véhicules de secours et de sécurité, entre les lieux d'hébergement et de compétition.

Ce sont 366 kilomètres qui seront ainsi dédiés aux Jeux : 121 kilomètres de « voies permanentes » activées de six heures à minuit un mois avant le début des Olympiades et jusqu'à la fin des Paralympiques, et 245 kilomètres de « voies dynamiques » ouvertes en fonction du calendrier des épreuves. Les dispositions du code général des collectivités territoriales permettent déjà de créer des voies réservées mais elles ne sont pas adaptées aux Jeux : elles ne concernent qu'une certaine catégorie de véhicules et ne s'appliquent que pour des motifs bien précis, qui touchent notamment à la protection de l'environnement, et pour quelques heures seulement. Il faut donc un dispositif spécifique. L'article 14 prévoit également de transférer la police de la circulation et du stationnement sur ces voies réservées à une seule autorité, en l'occurrence l'autorité administrative compétente de l'État. La violation du dispositif sera sanctionnée par contravention.

L'article 15 habilite le Gouvernement à légiférer sur l'organisation de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et la transposition en droit interne des dispositions mondiales de lutte contre le dopage. Au niveau international, la lutte contre le dopage repose sur l'Agence mondiale antidopage (AMA), fondation de droit privé créée en 1999. Financée alors par des fonds privés, elle bénéficie également, depuis 2002, de subventions des États. Sa mission est notamment d'unifier les règles antidopage en vigueur dans les différents pays ; à cette fin, elle édite un code mondial antidopage.

Le système antidopage français trouve son origine dans les lois du 23 mars 1999 et du 5 avril 2006. C'est cette dernière qui a institué l'AFLD, qui détient un pouvoir disciplinaire subsidiaire des fédérations sportives en matière de répression du dopage.

En 2017, l'AMA a consulté les autorités nationales de lutte contre le dopage pour évaluer le degré de transposition en droit interne du code mondial antidopage. Les normes françaises ont été jugées partiellement insuffisantes au regard des standards internationaux. Un certain nombre de prescriptions ont été émises par l'AMA, qui ont vocation à être appliquées par ordonnance dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi. L'AMA a également relevé, ce qui avait déjà été reproché en droit interne à d'autres autorités administratives indépendantes, qu'un seul et même organe de l'AFLD était chargé d'engager les poursuites et d'instruire les dossiers, puis de sanctionner les athlètes confondus. Il s'agit de mettre un terme à cette situation en distinguant les organes de poursuite et de répression.

Dans le cadre des auditions, il nous est apparu opportun de réduire à six mois le délai donné au Gouvernement pour prendre ces ordonnances, étant précisé que la France se prépare à accueillir d'autres événements sportifs d'envergure tels que la Ryder Cup, la coupe du monde de rugby ou encore le championnat du monde de football féminin.

L'article 16 vise à la répression de la corruption sportive. La loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs a modifié les termes de l'article 445-1-1 du code pénal et créé une difficulté. La personne qui rémunère le sportif aux fins d'accomplir un acte modifiant le déroulement normal d'une manifestation est incriminée, mais également celui qui rémunérerait un sportif afin qu'il s'abstienne d'accomplir un tel acte. Une lecture littérale conduirait à condamner un dirigeant qui rémunérerait un sportif au motif que ce dernier s'abstient d'en fausser le résultat ! C'est là une malfaçon que le projet de loi vient rectifier. Je signale que la corruption en matière sportive est punie de cinq ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende, tant à l'encontre du corrupteur que du sportif corrompu. Néanmoins, aucune condamnation n'a encore eu lieu : les sanctions prononcées le 1er février dernier par la cour d'appel de Montpellier à la suite du match de handball entre Montpellier et Cesson sont fondées sur les articles réprimant l'escroquerie et la complicité d'escroquerie.

L'article 17 ne vise pas à répondre aux exigences du CIO ; il traduit la volonté de la France d'organiser les Jeux en totale transparence et dans le respect de la plus parfaite éthique. Il vise plus précisément à prévenir les conflits d'intérêts qui pourraient apparaître au sein du comité d'organisation des jeux Olympiques (COJO).

Créée par les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a pour mission de collecter les déclarations de patrimoine et d'intérêts des élus, des membres du Gouvernement, des responsables de la sphère publique. Elle en vérifie le contenu, notamment avec le concours et les moyens juridiques de l'administration fiscale. Depuis la loi du 1er mars 2017, la HATVP est compétente dans la sphère sportive, puisque sont également soumis à ces obligations de déclaration les présidents des fédérations sportives, des ligues professionnelles, du CNOSF et du Comité paralympique et sportif français (CPSF).

L'article 17 soumet à l'obligation de déclaration le président du COJO ainsi que toutes les personnes investies de délégation de pouvoirs ou de signature. Contrairement à celles des parlementaires, leurs déclarations ne donneront pas lieu à publication. Le COJO est une structure de droit privé qui n'exerce pas de responsabilités de nature administrative ; 97 % des fonds gérés par le COJO seront d'origine privée, seulement 3 % seront versés par les pouvoirs publics. Cependant, l'État apportera une garantie de remboursement des avances du CIO en cas d'annulation des Jeux ou de déficit budgétaire, et une garantie des emprunts bancaires. Cela légitime un regard public sur la transparence de la gouvernance de cette association, fût-elle de droit privé.

Dans le même souci d'assurer la probité et la transparence des Jeux, le Gouvernement a par ailleurs l'intention de compléter le dispositif légal par quatre mécanismes de sauvegarde : un comité d'éthique auquel seraient soumises les propositions de nomination ; un comité des rémunérations chargé de fixer les émoluments de chacun ; un contrôle économique et financier de la structure ; une charte de déontologie.

Les dirigeants de la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) ne sont pas concernés par les dispositions de l'article 17, puisqu'il s'agit d'un établissement public de l'État à caractère industriel et commercial déjà soumis aux prescriptions de la loi du 11 octobre 2013.

Au cours des auditions, il est apparu intéressant de ne pas limiter la transparence au COJO et d'étendre le dispositif de déclaration à l'ensemble des grands événements sportifs internationaux organisés sur le territoire national. Il y en aura d'autres, d'ici à 2024, auxquels appliquer la même exigence de transparence et d'éthique.

L'article 18 prévoit une supervision de la Cour des comptes. Celle-ci se livre traditionnellement à une évaluation des compétitions sportives : ce fut le cas pour les Jeux de Grenoble et d'Albertville, pour la coupe du monde de football de 1998 et tout récemment pour l'organisation du championnat d'Europe de football de 2016. C'est en dressant le bilan de cette dernière compétition que la Cour a émis le souhait de contrôler les comptes et la gestion de l'ensemble des organisateurs, qu'ils soient publics ou privés.

Le COJO est une personne de droit privé dont 97 % des ressources seront d'origine privée, ce qui ne permet pas, jusqu'à présent, un contrôle de la Cour des comptes. L'article 18 a donc pour objet de prévoir expressément ce contrôle. Celui-ci commencera dès la promulgation de la loi et se poursuivra au fil de l'eau jusqu'en 2024, ce qui permettra à la Cour de faire des points d'étape à tout moment et de donner l'alarme si elle constate des irrégularités en matière de gouvernance ou sur le plan financier.

Ces dispositions, je vous l'avais dit, sont très techniques. Elles visent notamment à tenir l'engagement de la Ville de Paris de respecter les exigences du CIO, mais également à marquer la volonté de l'État d'instituer toutes les garanties en matière de transparence et de gouvernance. C'est là un point important dans la mesure où les seules réserves de nos concitoyens, très majoritairement favorables à la tenue des Jeux en France, portent précisément sur les risques de dérapage dans ces deux domaines. Les dispositions soumises à notre examen sont de nature à les rassurer à cet égard.

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