Pas moins de 2,2 millions de ménages attendent un logement social en France. Le chiffre est d'autant plus inquiétant qu'il ne cesse d'augmenter du fait du mouvement de ciseaux qu'impriment l'accroissement de la demande et le déclin de l'offre depuis le début du quinquennat. La priorité est donc de répondre à la pénurie de logements sociaux. C'était précisément l'ambition de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain. L'analyse du bilan triennal 2017-2019 témoigne de son efficacité puisque près de 211 000 logements sociaux ont été mis en service ou financés dans les communes concernées, soit 107 % des objectifs cumulés.
Cependant, ces bons résultats masquent d'importantes disparités. Beaucoup de communes restent carencées et certains élus mettent de la mauvaise volonté à remplir leurs obligations. Nous devons sans cesse lutter contre les égoïsmes locaux. Dans ce contexte, nous sommes favorables à la pérennisation de l'article 55 de la loi SRU qu'il faudra aménager avec prudence pour ne pas altérer le dispositif. Bien évidemment, je n'approuve pas les nombreuses modifications que le Sénat a apportées, car elles rompent l'équilibre de la loi SRU. La mesure de rattrapage glissant et différencié selon les communes carencées va dans le bon sens, mais je regrette que les seuils d'entrée progressive, applicables aux communes nouvellement concernées par l'obligation de construire des logements sociaux, aient été abaissés.
De même, la possibilité laissée offerte à la mutualisation intercommunale entre les communes déficitaires appartenant à un même EPCI ne permettra pas de bien répartir les logements et pourrait donner lieu à des dérives – par exemple, concentrer les logements sociaux loin du centre. Je suis défavorable à cette demande répétée des communes carencées.
Quant à l'interdiction de construire des logements locatifs très sociaux dans les communes qui comptent plus de 40 % de logements sociaux, elle pourrait, sous couvert de renforcer la mixité sociale, empêcher certaines personnes fragiles d'obtenir un logement.
L'ouverture à de nouveaux publics prioritaires me semble superfétatoire. Elle pourrait retarder et alourdir la procédure d'attribution. Il serait plus judicieux de renvoyer cette mesure au niveau réglementaire ou de laisser aux territoires le soin de les définir. Les bénéficiaires de logements sociaux attendent en moyenne treize mois entre leur demande et l'entrée dans un logement – souvent beaucoup plus en Île-de-France.
Même si je regrette que certaines de vos décisions aient fragilisé les bailleurs sociaux ou réduit les aides à l'accession, la pérennisation de la loi SRU va dans le bon sens. Cependant, la relance de la construction de logements sociaux impose que l'État accompagne les organismes HLM et les collectivités, et soutienne l'accession sociale à la propriété pour atteindre les objectifs de mixité sociale. J'espère que nos débats nous permettront d'avancer sur ce terrain.