Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mardi 14 décembre 2021 à 17h15
Commission des affaires économiques

Bruno le Maire, ministre :

Le pouvoir d'achat est la première préoccupation des Français, ce qui est d'autant plus légitime que l'inflation est de retour et qu'elle constituera le principal problème économique du début d'année 2022. Nous devons donc apporter des réponses concrètes à ces difficultés et à ces craintes.

La première réponse, je le répète, c'est la valorisation du travail. J'invite chaque Français à regarder ce que nous avons fait – prime d'activité, défiscalisation des heures supplémentaires, intéressement et participation – et aussi ce que nous proposons dans le cadre de la campagne électorale. Je rappelle que des réponses rapides et efficaces sont préférables à d'autres qui sont contraires au droit ou qui poseraient des problèmes en matière d'embauche, notamment dans l'industrie.

La deuxième réponse, c'est la baisse des impôts et des taxes : si nous voulons améliorer le pouvoir d'achat des Français, il faut éviter de leur reprendre d'une main ce qu'on leur a donné de l'autre.

La troisième réponse, enfin, c'est la protection contre les événements imprévus et les augmentations les plus fortes des dépenses – en particulier l'énergie. En Italie et en Espagne, le prix de l'électricité a augmenté de 50 % en 2021 : il a été stable dans notre pays, qui est celui d'Europe qui préserve le mieux les citoyens de la hausse des prix de l'énergie. Nous avons ainsi décidé de plafonner l'augmentation des prix de l'électricité à 4 %, alors qu'elle aurait dû être en janvier au minimum de 15 %, peut-être 20 %. Pour cela, nous avons diminué la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité, que nous sommes par ailleurs prêts à supprimer. Si cette mesure ne suffit pas, nous augmenterons le volume du fameux accès régulé à l'électricité nucléaire historique, dit ARENH. De 100 térawattheures aujourd'hui – environ un quart de la consommation française – il pourrait être porté en juillet à 150, qui seront donc fournis à un prix de 42 euros le mégawattheure contre 200 au prix du marché.

Les tarifs du gaz ont quant à eux été gelés, ce qui coûte plus de 1 milliard d'euros puisqu'il convient évidemment de compenser les coûts des entreprises distributrices.

Nous utilisons donc tous les moyens à notre disposition, nous anticipons, nous décidons et nous agissons. Nous ne laissons pas seuls les Français. Le résultat est que leur pouvoir d'achat a augmenté en moyenne de 8 % sur le quinquennat.

Monsieur Rolland, s'agissant des tests PCR, je transmettrai vos questions à M. Olivier Véran. Pour le reste, je salue votre implication sur le dossier sensible de Ferropem. Un certain nombre de résultats ont d'ores et déjà été obtenus mais Ferropem continue de subir les répercussions des difficultés financières du groupe Ferroglobe, dont six sites sont implantés dans notre pays. Nous en avons sécurisé cinq, dont ceux des Clavaux, de Montricher et d'Anglefort, notamment grâce au soutien financier de la puissance publique – je tiens à ce propos à saluer la mobilisation exemplaire des salariés mais aussi des élus locaux et nationaux. Reste donc le site de Château-Feuillet. L'objectif est en effet que Ferroglobe accepte de le céder à un repreneur afin de garantir une activité industrielle. Le site est de qualité et il n'y a aucune raison pour que cette cession n'ait pas lieu. Je suis ce dossier de très près et j'espère que nous réussirons.

Disons-le clairement, l'industrie automobile traverse de grandes difficultés, pour plusieurs raisons : une transition technologique très difficile à négocier entre le véhicule thermique et le véhicule électrique, la nécessité d'investissements considérables, à la fois dans ces nouvelles technologies et dans les bornes de recharge, et aussi le manque actuel de semi-conducteurs – certaines usines tournent ainsi à 40 % ou 50 % de leurs capacités. Ne le cachons pas : l'industrie automobile a besoin d'un soutien quotidien et massif. Nous suivons donc au jour le jour non seulement la situation des deux grands groupes français Stellantis et Renault mais aussi et surtout celle des sous-traitants.

À ce titre, nous avons déployé en juillet dernier un plan automobile de 15 milliards d'euros et j'ai annoncé hier le lancement de prêts industriels de BPIFrance, pour un montant total de 700 millions, réservés aux PME et dont la durée d'amortissement sera de dix ans au lieu des sept ans habituels, afin de redonner de l'air aux trésoreries des sous-traitants de ce secteur.

Je connais votre engagement, Monsieur Potier, à propos de la responsabilité sociale des entreprises, et je le partage. Je vous confirme que nous voulons voir aboutir la directive européenne sur le devoir de vigilance – je rappelle que vous êtes à l'origine de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. La traduction de cette excellente initiative dans les textes européens sera l'une des priorités de la présidente française de l'Union.

Vous le savez, je suis convaincu qu'il faut réduire les écarts salariaux et qu'une plus grande transparence est nécessaire. Si une entreprise peut verser des salaires élevés et d'autres qui le sont moins, la cohésion sociale et nationale implique néanmoins qu'il n'y ait aucun excès, dans un sens comme dans l'autre.

Un certain nombre de parlementaires ont appelé mon attention sur le problème de concurrence déloyale que pouvait créer l'installation en France du géant indien Electrosteel pour le site de Saint-Gobain PAM de Pont-à-Mousson. L'implantation d'Electrosteel à Arles, avec 190 emplois industriels à la clé, doit se poursuivre, mais sur une base équitable. Aucun euro d'aide publique ne sera donc versé si le bilan carbone des tuyaux de fonte fabriqués par Electrosteel à Arles n'est pas comparable à celui de Saint-Gobain et ne répond pas aux règles environnementales les plus strictes. Autrement dit, pas de dumping environnemental pour Electrosteel : la concurrence doit être loyale.

Après mon entretien d'hier avec le nouveau ministre allemand des finances, M. Christian Lindner, je considère que le vent qui souffle depuis Berlin est porteur. Nous partageons en effet la même ambition stratégique pour une Europe souveraine, et nous sommes d'accord sur la nécessité de trouver le bon équilibre entre le soutien à l'investissement et le désendettement des États membres de la zone euro. J'ai été très clair : nous voulons réduire fermement et progressivement le niveau de la dette publique française. Il n'est pas possible, quand la dette publique de l'Allemagne s'élève à 70 % du PIB, que celle de la France soit de 115 %. Une telle situation doit rester l'exception et non la règle, ce qui implique les réformes de structure que j'ai évoquées, la pluriannualité des dépenses et une croissance forte.

Le bilan que je tire de la baisse des impôts de production est, en l'état, expérimental. Nous recréons des emplois industriels et nous ouvrons de nouvelles usines. Je considère donc que nous devons continuer dans cette direction, tout en garantissant la compensation de cette baisse aux régions.

De 2010 à 2017, quatre-cents usines ont fermé dans notre pays ; depuis 2017, cent-vingt ont ouvert. Je rappelle également qu'en 2021, nous avons ouvert deux fois plus d'usines que nous n'en avons fermées, et que six-cent-cinquante projets de relocations industrielles sont en cours. Tous ceux qui prétendent que le déclin industriel de la France est inévitable et les délocalisations inéluctables mentent aux Français ou manquent de confiance dans la force des entrepreneurs, des ouvriers, des ingénieurs de notre pays. Je suis convaincu qu'en poursuivant dans la voie que nous avons engagée, avec l'amélioration de la compétitivité-prix de nos usines, celle de la qualité de nos produits et la baisse des impôts de production, nous pouvons gagner ce combat industriel.

La balance commerciale est le nouvel indicateur du redressement français que nous devons fixer. Trois facteurs expliquent sa dégradation.

Tout d'abord, la moitié du déficit commercial s'explique par l'envolée des prix de l'énergie : raison supplémentaire pour être davantage indépendants et, comme l'a dit le Président de la République, pour construire de nouvelles centrales nucléaires et investir plus massivement dans le domaine des énergies renouvelables, les deux étant complémentaires.

Ensuite, nous sommes confrontés à un problème de positionnement de gamme dans tous les secteurs industriels, y compris l'agroalimentaire, où les chiffres sont sans appel : d'un excédent de 9 milliards d'euros, nous sommes passés à un peu plus de 7 milliards. Face à ces problèmes de positionnement, de valorisation, de packaging, nous devons améliorer notre offre, monter en gamme, créer plus de valeur et valoriser davantage nos produits.

Enfin, les circuits d'exportations peuvent encore être facilités : nous pouvons faire mieux que ce qui a déjà été fait.

Je partage votre indignation, Monsieur Ruffin, à propos de l'ISF et du contentieux que nous avons avec les trusts canadiens. Depuis plusieurs années, nous avons lancé toutes les procédures nécessaires pour obtenir des informations de la part des autorités canadiennes. La question est de savoir si ces trusts sont révocables ou non. Le processus est en cours, et nous attendons les décisions des autorités canadiennes. Nous restons entièrement mobilisés et notre détermination pour lutter contre toute forme de fraude ou d'évasion fiscales, qui révoltent légitimement les Français, est intacte. Je rappelle qu'un article du projet de loi de finances pour 2022 vise à renverser la charge de la preuve sur le caractère irrévocable ou non du trust déterminant la fiscalité. Nous avons donc pris à bras-le-corps le problème de la révocabilité des trusts canadiens qui est au cœur de ce contentieux fiscal. Croyez-moi : nous ne laisserons pas tomber cette affaire.

Nous veillons bien entendu à la bonne application de la loi EGALIM s'agissant notamment de l'encadrement des promotions. Vous le savez, nous entrons dans la phase des négociations commerciales entre les distributeurs et les producteurs. En tant qu'ancien ministre de l'agriculture, je crois qu'il est possible que ces derniers soient bien rémunérés. Avec le ministre de l'agriculture, nous avons ainsi signé hier avec M. Hu Chunhua, vice-Premier ministre de la République populaire de Chine, un accord sur le zonage porcin que nous réclamions depuis trois ans. Les conséquences en sont majeures pour nos producteurs : en cas de peste porcine sur une partie de notre territoire, par exemple dans le Nord – il y en a eu en Belgique – des exportations vers la Chine seront toujours possibles depuis la Bretagne ou la Normandie, ce qui tirera les prix vers le haut. Faute d'un tel accord, un seul cas de peste porcine interdit toute exportation.

Je suis d'accord avec M. Adam à propos de la relance des exportations. Huit mille entreprises ont bénéficié de dispositifs de soutien mais, je le répète, nous pouvons et devrons faire mieux tant que notre balance commerciale extérieure ne se sera pas redressée.

La crise du marché de l'électricité sera au cœur de la présidence française de l'Union européenne. Il faut que nos partenaires européens se mettent à notre place : nous ne demandons pas une réforme du marché de gros, mais ils doivent reconnaître qu'un problème se pose sur le marché de détail. Une flambée des prix du gaz se répercute immédiatement sur le prix de l'énergie en France, alors que notre électricité est décarbonée, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables ! Nous ne pouvons pas payer deux fois, et pour le nucléaire – le « grand carénage », la fabrication de nouveaux réacteurs – et pour le coût marginal de l'ouverture des centrales au gaz à l'est de l'Europe. Nous demandons donc la déconnexion de l'augmentation des prix de l'électricité en fonction des prix marginaux du gaz, qui est injuste et, sur le plan environnemental, inefficace.

J'ai pris note des problèmes soulevés par Mme Leguille-Balloy et M. Daniel. Une réponse écrite et précise leur sera adressée dans les meilleurs délais.

Pour ce qui est des PIIEC, il s'agit d'un nom technique qui cache une révolution politique : l'autorisation donnée aux États d'apporter une aide financière publique, à hauteur de dizaines de milliards d'euros, pour développer certains secteurs industriels et créer de nouvelles chaînes de valeur, comme le font largement les Chinois et les Américains – je rappelle que SpaceX est d'abord le fruit de la NASA avant d'être celui d'Elon Musk.

Nous nous l'interdisions au nom du principe de libre concurrence. Résultat : nous sommes passés à côté de nombre de révolutions technologiques, faute d'un financement public adéquat pour amorcer la pompe. Avec les PIIEC, l'Europe entrera de plain-pied dans le XXIe siècle. Nous les utiliserons dans les domaines de l'hydrogène, de la santé, des biotechnologies, du cloud et des semi-conducteurs, et nous pourrons enfin faire jeu égal avec la Chine et les États-Unis. Mais une approche territorialisée s'impose, bien entendu, afin que les territoires qui, au départ, ont le moins de chances, puissent bénéficier des retombées de ces PIEEC.

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