Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 14 décembre 2021 à 17h15

Résumé de la réunion

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  • quinquennat

La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné, en visioconférence, M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur le bilan de son action ministérielle.

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J'ai souhaité que nos dernières semaines de mandat soient mises à profit pour entendre les principaux ministres intervenant dans le champ de compétences de la commission sur leur bilan, et que nous commencions par vous, cher Bruno, parce que nous avions aussi commencé la législature ensemble, le 19 juillet 2017 : vous nous aviez alors exposé votre programme. La législature a été un peu surprenante à bien des égards, mais vous avez réussi à tenir le cap.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance

Cette audition a en effet un caractère un peu particulier, puisqu'il s'agit de tirer le bilan du quinquennat du Président de la République dans les domaines économique et financier.

Je commence par vous remercier, Monsieur le président de la commission des affaires économiques, ainsi que tous les députés de la majorité, qui m'ont accordé un soutien sans faille, et ceux de l'opposition, qui parfois ont soutenu les propositions du Gouvernement. Nos travaux ont été de qualité et cela a beaucoup facilité les choses pendant la crise.

Nos échanges ont toujours été courtois et sereins. Je constate qu'en cette période de campagne présidentielle, ce n'est plus toujours le cas sur les plateaux de télévision.

Il y a évidemment, dans les domaines économique et financier, un avant et un après-crise. La crise économique de 2020 a été la plus brutale depuis 1929 en France. Notre PNB s'est effondré, l'économie a subi un choc d'une violence inouïe, ce qui a appelé des réponses massives et rapides. À circonstances exceptionnelles, il fallait des mesures exceptionnelles, qu'ont soutenues les députés de la majorité et beaucoup de députés de l'opposition.

Les résultats de la politique que nous avons lancée au début du quinquennat de M. Emmanuel Macron sont sans appel : une des meilleures croissances de la zone euro, le taux d'emploi le plus élevé depuis un demi-siècle et une nation qui est devenue la plus attractive pour les investissements étrangers en Europe. Et, pour la première fois depuis des décennies, nous avons en 2021 ouvert plus d'usines que nous en avons fermées.

Le vrai motif de fierté de la majorité est que nous avons tenu nos engagements de 2017 et suivi la ligne de conduite fixée avec le Président de la République lors de son élection. Les promesses de 2017 ont été tenues contre vents et marées. Les points fixes qui avaient été choisis pour définir la politique économique de la majorité ont été rigoureusement et scrupuleusement respectés.

Le premier a trait aux finances publiques. Je le dis à un moment où les critiques pleuvent : la maîtrise des finances publiques est dans l'ADN de notre majorité, qui est la seule depuis plus de douze ans à avoir ramené la France sous les 3 % de déficit public, la seule à l'avoir sortie de la procédure pour déficit public excessif. Nous avons stabilisé à la baisse la dette publique qui avait explosé au cours des dernières années. Tout cela a été fait entre 2017 et fin 2018.

La crise passée, nous reviendrons, progressivement et sans casser la croissance, mais avec la plus totale détermination, à l'équilibre des finances publiques. Les Françaises et les Français comme nos partenaires européens doivent le savoir : la France tient à cet équilibre, parce qu'il n'y a pas de nation puissante sans finances publiques bien tenues, et parce que la dette fait peser un risque sur l'avenir de nos enfants.

Notre stratégie d'après-crise est claire et convaincante : elle vise à conjuguer investissement et rétablissement des finances publiques. Le nouveau chancelier allemand, M. Olaf Scholz, a lui-même souligné lors de sa venue à Paris cette nécessité de concilier investissement et maîtrise des finances publiques, tout comme le nouveau ministre des finances allemand, M. Christian Lindner, lors du dîner que j'ai eu avec lui hier.

L'investissement permettra la croissance et la croissance accélérera le désendettement : tel est le cœur de notre stratégie, une stratégie qui me paraît plus moderne, plus efficace et plus salutaire que le comité de la hache des années trente.

Si nous voulons faire front, face à la Chine et aux États-Unis, dans les domaines de l'intelligence artificielle, du calcul quantique, de l'hydrogène, des semi-conducteurs, de la 5G, il est indispensable de maintenir un niveau élevé d'investissement.

Mais la croissance seule ne suffira pas à rétablir les finances publiques : elle est une condition sine qua non du désendettement du pays, mais une condition insuffisante, car elle doit être accompagnée de deux actions structurelles.

La première est la poursuite des réformes structurelles. Sur ce plan, certains disent que le quinquennat d'Emmanuel Macron a été un quinquennat pour rien. Pour ma part, je ne compte pas pour rien la réforme de la SNCF et la fin du statut spécial de ses agents. Je ne tiens pas pour rien la réforme de l'assurance chômage, devant laquelle tout le monde avait reculé, et l'obligation d'avoir cotisé six mois au lieu de quatre pour être indemnisé. Je ne tiens pas pour rien la réforme du salaire journalier de référence ni ce qui a été fait sur l'apprentissage, transformé en voie d'excellence, avec pour la première fois plus de 500 000 apprentis.

Oui, le quinquennat de M. Emmanuel Macron a été un quinquennat de réformes structurelles. Je ne tiens pas pour rien la création d'un million d'emplois au cours de ces cinq ans, grâce à la réforme de la formation et des modalités de qualification, ni les réformes fondamentales de la fiscalité que nous avons introduites dès 2017. Je ne tiens pas pour rien la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU), la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la baisse de l'impôt sur les sociétés (IS) : Les Républicains en avaient rêvé, nous l'avons fait !

Nous, nous ne disons pas, nous faisons ; nous ne commentons pas, nous décidons. C'est la différence entre les oppositions et nous. Les députés de la majorité peuvent être fiers d'avoir tenu bon sur cette ligne économique qui nous permet aujourd'hui d'obtenir de tels résultats.

La dernière réforme qui reste à accomplir est la réforme des retraites : nous la ferons si les Français nous font confiance en avril prochain.

Le deuxième élément structurel est une règle pluriannuelle de dépense publique. Je remercie et je félicite MM. Éric Woerth et Laurent Saint-Martin de l'avoir introduite : c'est la seule manière de maîtriser sereinement la dépense publique, avec efficacité mais sans blesser. De mon point de vue, cette règle doit en outre avoir valeur constitutionnelle pour nous obliger à faire des choix démocratiques dans la dépense.

Nous avons inscrit le rétablissement des finances publiques dans un calendrier extrêmement clair : nous voulons passer sous les 3 % de déficit public en 2027. En outre, nous avons décidé avec le Premier ministre que toutes les recettes fiscales supplémentaires qui résulteraient d'une croissance supérieure aux 6,25 % anticipés iront directement au remboursement de la dette.

Nous avons fait preuve en matière de finances publiques de clarté et de détermination. Je regrette la schizophrénie de certains qui, dans les meetings, promettent de tailler dans les dépenses mais, à l'Assemblée nationale, explosent la caisse en demandant systématiquement des dépenses supplémentaires. La somme des amendements Les Républicains au projet de loi de finances pour 2022 représente 40 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ! Au contraire de ce double langage des Républicains, qui se montrent économes dans le discours mais dépensiers dans les actes, nous nous voulons économes de nos discours autant qu'économes dans les actes…

Notre deuxième point fixe concerne la baisse des impôts. Elle se monte à 52 milliards d'euros, soit la plus forte baisse depuis deux décennies. La crédibilité du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité en la matière est totale : les discours ont été transformés en actes. Les 26 milliards de baisse d'impôts sur les entreprises et autant sur les ménages ont eu pour résultat 6,25 % de croissance. C'est mieux que les 13 milliards d'impôts supplémentaires de 2012 et que la croissance nulle qui avait suivi.

La baisse des impôts permet aux entreprises d'investir, d'innover et d'embaucher, et aux ménages de consommer – une consommation qui tire notre croissance aujourd'hui.

Sur ce point, nous avons tenu notre ligne de conduite malgré les circonstances : quelle autre majorité aurait eu le courage de poursuivre la baisse de l'IS pour respecter la parole donnée aux entreprises, alors que la crise faisait rage ? Comme je l'avais promis en 2017, l'IS, parti de 33,3 %, a baissé et passera pour toutes les entreprises à 25 % en 2022.

Pour les TPE (très petites entreprises) et les PME (petites et moyennes entreprises), le taux est déjà ramené à 15 % – et elles sont plus nombreuses à bénéficier de cette mesure, puisque le plafond d'éligibilité a été porté de 7,4 à 10 millions d'euros de chiffre d'affaires. Les TPE et PME constituent bien la priorité absolue de cette majorité. Ce ne sont pas des discours mais des actes, pas des commentaires mais des décisions.

En matière fiscale, nous avons mis en place le PFU et le prélèvement à la source. Nous avons en outre fait preuve d'originalité en allant piocher dans des « poches » nouvelles : après quatre années de bataille acharnée, nous avons réussi à instaurer la taxation des géants du numérique. Beaucoup en avaient rêvé avant nous, en pensant que c'était impossible. Impossible n'est pas français ! Impossible n'est pas non plus de cette majorité, qui a su obtenir une taxation minimale à 15 % du chiffre d'affaires des multinationales qui pratiquaient l'optimisation ou l'évasion fiscales.

Troisième point fixe : le travail. Quel Président de la République l'a autant valorisé, depuis M. Nicolas Sarkozy en 2007 ? Certains se livrent à quelques contorsions idéologiques pour ne pas reconnaître que le président Emmanuel Macron, que notre politique économique sont tournés vers le travail. Les grands gagnants de son quinquennat sont les hommes et les femmes de France qui travaillent : nous revendiquons ce choix politique et nous en sommes fiers.

Valoriser le travail, c'est d'abord créer des emplois : nous en avons créé un million. C'est aussi reconnaître qu'en France, lorsqu'on n'a pas un emploi, on vit moins bien que si on en a un. Notre taux de pauvreté s'élève à 14 % de la population, ce qui est déjà beaucoup trop pour un pays développé, mais il est de 34 % chez les personnes au chômage ! Évitons les controverses inutiles et battons-nous tous ensemble pour qu'il y ait du travail pour tous en France !

Nous avons également valorisé la rémunération et permis à chacun de vivre plus dignement de son travail, en augmentant la prime d'activité de 100 euros, en défiscalisant les heures supplémentaires et les pourboires, en baissant les cotisations patronales et salariales et en les supprimant au niveau du SMIC, en doublant entre 2017 et 2022 le nombre de bénéficiaires de l'intéressement et de la participation grâce à la suppression de la taxe à 20 %.

Mesdames et Messieurs de la majorité, tel est votre résultat. Vous pouvez en être fiers. Mieux vaut ces mesures simples et efficaces que les usines à gaz proposées par certains, qui se heurtent d'ailleurs à des obstacles constitutionnels. Il est vrai que pour notre part, nous estimons que dans un État de droit, il faut respecter la Constitution. Les résultats plaident pour nous : un salarié au SMIC gagne désormais 1 500 euros par mois grâce à l'ensemble des compléments salariaux que nous avons institués.

Valoriser le travail, c'est aussi baisser l'impôt sur le revenu : nous l'avons fait à hauteur de 5 milliards d'euros pour les catégories moyennes et pour les travailleurs les plus modestes. C'est enfin valoriser l'apprentissage, car nous avons toujours considéré que l'intelligence de la main vaut celle de l'esprit : nous en sommes à 560 000 contrats d'apprentissage signés, ce qui ne s'était jamais vu !

Le quatrième point fixe réside dans l'innovation, parce qu'il ne peut pas y avoir au XXIe siècle de souveraineté politique sans souveraineté technologique. Au sortir de la crise actuelle, il y aura des gagnants et des perdants. Il y aura des nations qui maîtriseront les technologies de rupture et d'autres non, des nations qui seront productrices et d'autres qui seront clientes.

Nous voulons que la Nation française crée ces technologies et les vende. Nous voulons que son économie repose sur ces nouvelles technologies, et qu'elle reste un creuset d'innovation. Une nation qui importe ses batteries électriques de Chine et son hydrogène d'Allemagne ou des pays du Golfe, qui dépend de Huawei pour sa 5G et qui doit utiliser SpaceX pour ses lanceurs renouvelables n'est plus une nation souveraine et indépendante. Nous avons fait le nécessaire pour rester une nation qui compte au XXIe siècle : nous serons gagnants parce que nous avons bâti un quinquennat de rupture économique et industrielle.

Nous avons maintenu le crédit impôt recherche, élaboré le plan France Relance, doté de 100 milliards d'euros, lancé plus de 30 milliards d'investissements avec France 2030, et fait de l'alliance européenne industrielle et des projets d'intérêt collectif européen une priorité absolue.

Les résultats sont, là encore, sans appel. Depuis deux ans, la France est le pays d'Europe le plus attractif pour les investissements étrangers. Entre 2017 et 2021, le nombre des licornes, ces start-up dont la valorisation est supérieure à 1 milliard d'euros, est passé de trois à vingt-et-un, parce que nous avons libéré le capital pour leur permettre de grandir. Ainsi, elles ont pu devenir des entreprises de taille intermédiaire en France au lieu d'être rachetées par les États-Unis ou d'autres puissances étrangères. Au premier semestre de 2021, nos start-up ont levé, je le rappelle, plus de 5 milliards d'euros, soit le montant le plus élevé depuis que ce type d'entreprises existe.

Voilà le bilan que je souhaitais dresser, avec passion et conviction, du quinquennat économique. Vous pouvez en être fiers, Mesdames, Messieurs de la majorité : il s'agit d'un élément important de notre bilan. La reprise est plus forte en France que dans tous les autres grands pays d'Europe, le taux d'emploi n'y a jamais été aussi élevé depuis cinquante ans. Nous voyons la lumière au bout du long tunnel de la désindustrialisation et de l'absence de valorisation du travail. Il nous faut poursuivre dans cette voie, corriger et compléter ce qui doit l'être, en croyant toujours dans les forces de la France.

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Merci, Monsieur le ministre, pour cet exposé complet, que vous nous avez présenté avec conviction. À titre personnel, je tiens à vous féliciter pour votre longévité au ministère de l'économie : lorsque je travaillais à Bercy, il y a quelques années, les ministres se succédaient presque au même rythme que les budgets. La constance de votre action est indissociable de votre investissement durant cinq ans au service de ce beau ministère.

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Monsieur le ministre, les députés sont, je crois, sensibles à vos remerciements, notamment ceux de la majorité, qui ont agi à vos côtés au cours de ces cinq années, avec loyauté et détermination.

On parle beaucoup de l'indemnité inflation, dont près de 38 millions de Français bénéficieront, mais votre engagement en faveur du pouvoir d'achat ne date pas d'hier. Ainsi, depuis 2017, vous avez fait en sorte, avec le soutien constant de la majorité, que le travail paye : grâce à la diminution des cotisations sociales, à la suppression de la taxe d'habitation et à la baisse de l'impôt sur le revenu, 25 milliards d'euros ont été restitués aux ménages, ce qui est inédit. Par ailleurs, vous avez revalorisé le travail, en augmentant la prime d'activité, en défiscalisant les heures supplémentaires et en encourageant le versement de primes exceptionnelles de pouvoir d'achat. Enfin, vous avez revalorisé des prestations qui soulagent de façon non négligeable le budget des Français, avec une offre de soins dentaires, optiques et auditifs pris en charge à 100 % qui permet de ne laisser personne au bord du chemin.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les gains de pouvoir d'achat accomplis pour nos concitoyens au long du quinquennat, et nous indiquer les pistes qui permettraient de les amplifier, en faisant en sorte que, demain, le travail paie davantage encore qu'aujourd'hui ?

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Loin de toute polémique électoraliste, je vous poserai deux questions factuelles. La première concerne l'entreprise industrielle Ferropem, filiale du groupe Ferroglobe. Ce dernier a décidé hélas de fermer le site de Château-Feuillet, situé dans ma circonscription. Or il a perçu des aides de l'État, notamment des avances sur la compensation carbone, et déposerait des dossiers au titre du plan France relance. Je vous demande donc d'obliger Ferroglobe, en contrepartie de ces aides, à céder le site de Château-Feuillet, ce à quoi il se refuse pour l'instant.

Ma seconde question, à laquelle j'associe M. Éric Pauget, a trait au tourisme. Il est manifestement difficile d'obtenir une harmonisation des différents passes sanitaires internationaux. Si le chiffre d'affaires des stations de ski ou des cafés, hôtels et restaurants est en nette baisse, percevront-ils des compensations ou allez-vous élargir la possibilité pour les étrangers de recourir à des tests PCR pour venir dans notre pays, notamment en montagne ?

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Monsieur le ministre, je veux saluer à mon tour votre action, qui s'est inscrite dans la durée puisque vous serez avec Valéry Giscard d'Estaing les deux seuls ministres de la Ve République à avoir détenu ce portefeuille pendant cinq années consécutives.

Beaucoup de mesures sont à porter à votre crédit. Avec la pandémie, le « quoi qu'il en coûte » puis le « quoi qu'il arrive » ont permis de déployer plus de 150 milliards d'euros en moins de deux ans. Encore récemment, de nouveaux soutiens décisifs ont été octroyés aux discothèques, au secteur de l'événementiel et aux traiteurs. En convertissant Bercy à la dépense, vous avez obtenu d'excellents résultats dans vos efforts de relance.

Les moyennes positives ne doivent cependant pas nous faire oublier les problématiques qui persistent ici et là. Je pense notamment au secteur automobile, en particulier aux équipementiers, nombreux dans mon département, l'Yonne. Récemment, l'entreprise Automotive Lighting, fabricant de feux arrière implanté à Saint-Julien-du-Sault, s'est mise en grève après la perte du marché de PSA, qui lui préfère la production d'entreprises polonaises légèrement moins chères. Nous avons pu obtenir la non-fermeture de l'usine ainsi que de futures commandes, et des projets d'investissements sont à venir, dont je vous ferai part. Mais, à quelques kilomètres de là, l'usine Benteler Automotive, sous-traitant allemand, va fermer ses portes : en perte de vitesse face à des concurrents installés dans des pays à bas coûts, le site d'emboutissage à chaud de Migennes subit des pertes financières depuis des années et, sans repreneur sérieux, 400 emplois sont en jeu.

Au mois de juillet, le Gouvernement annonçait que de nouveaux projets bénéficieraient du fonds de soutien à la modernisation et à la diversification des filières automobile et aéronautique, à hauteur de 72 millions d'euros.

Fort de votre bilan, que proposez-vous pour venir en aide aux entreprises qui rencontrent des difficultés telles que celles que je viens d'évoquer ? Vous aviez annoncé qu'en contrepartie d'aides importantes de l'État, les constructeurs automobiles, comme Renault ou Peugeot-Citroën, devaient s'engager à maintenir leurs contrats avec les sous-traitants français, voire à relocaliser certaines chaînes de valeur en France. Qu'en est-il ?

Enfin, face à la concurrence internationale, quelles pistes pourraient être exploitées dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne pour que les atouts économiques de nos partenaires ne se retournent pas contre nous ?

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Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note des félicitations que vous avez adressées à la majorité. Les députés de l'opposition que nous sommes ont toujours eu du respect pour vous, et nous sommes certains que c'est réciproque.

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Bruno le Maire, ministre

J'ai également salué les députés de l'opposition !

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Notre groupe a été de ceux qui, bien qu'appartenant à l'opposition, ont tenté, à vos côtés et parfois contre vous, d'apporter leur pierre à l'édifice en aidant notre pays à traverser les épreuves récentes. Nous l'avons fait, pour notre part, dans le respect de nos valeurs sociales-démocrates.

Nous avons notamment travaillé à un projet pour l'entreprise et obtenu quelques avancées dans le cadre de la loi PACTE (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises). Toutefois, les crises actuelles, liées à la mondialisation et aux mutations de la société, auraient justifié que nous allions plus loin en matière de codétermination, de responsabilité sociale de l'entreprise et, sinon de redistribution de l'échelle des salaires, du moins de transparence dans le partage de la valeur au sein de l'entreprise. Vous pouvez néanmoins peser de tout votre poids, au sein du Gouvernement et à l'échelon européen, pour favoriser l'adoption d'une directive sur le devoir de vigilance des multinationales, que le Président de la République a annoncée dans son discours sur les priorités de la présidence française. En tant que ministre de l'économie, vous êtes en effet à même de faire avancer, aux côtés de M. Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, cette vision éthique de la mondialisation qui fera la fierté de nos multinationales. Nous comptons sur vous !

J'ai été sensible à votre brillant plaidoyer en faveur de la souveraineté. Mais celui-ci est cruel pour le Lorrain que je suis, attaché à l'entreprise Saint-Gobain PAM, qui se sent, à juste raison, menacée par le dumping pratiqué par Electrosteel, dont vous avez encouragé l'installation dans le sud de la France dans le cadre du plan de relance. Défendre notre souveraineté dans la technologie de l'eau potable ne relève pas du nationalisme économique : c'est être soucieux que l'Europe conserve une maîtrise politique, technologique et économique dans un domaine aussi important que celui de la défense de l'alimentarité et de la lutte contre le changement climatique.

Je conclurai par deux remarques. La première, à laquelle le président de notre commission sera très sensible, m'a été soufflée par notre collègue David Habib : elle a trait à l'injustice fiscale dont sont victimes les milliers de ressortissants français dits « Américains accidentels ». Vous êtes-vous saisi de cette question ? La seconde, que je n'aurai pas le temps de développer, concernait le juste partage de la dette.

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Ce quinquennat a été, osons le mot, rock'n'roll ! Or, pour bien danser le rock, il faut être doué à la fois de flexibilité et d'un grand sens de la stabilité, deux qualités que vous avez démontrées dans l'exercice de vos fonctions. Je tiens ainsi à saluer vos récentes annonces concernant les industriels dont les approvisionnements sont soumis à de très fortes tensions : ces mesures permettent d'envisager la réindustrialisation de notre pays, malgré la période difficile que nous traversons.

À de jeunes cadres de la CDU, l'Union démocrate-chrétienne d'Allemagne, qui me demandaient récemment comment la France parvient à avoir un taux de croissance dépassant les 6 %, j'ai répondu que nous avions bien géré la crise : le filet de sécurité économique qui a été déployé a permis d'éviter un chômage massif et des faillites en série, le plan de relance cible les grandes priorités et, surtout, les réformes structurelles qui ont été entreprises, notamment dans les domaines de l'emploi et de la formation professionnelle, nous permettent de retrouver un niveau d'emploi qui n'avait plus été atteint depuis de nombreuses années.

Si le groupe Agir ensemble est favorable à la poursuite de ces réformes structurelles, il appelle néanmoins votre attention sur la nécessité de renforcer trois piliers régaliens : ceux de la justice, de la santé et de l'éducation.

Notre groupe est également attaché à la question européenne. Vous avez rencontré à plusieurs reprises M. Christian Lindner, nouveau ministre des finances allemand. J'observe qu'au sein du nouveau gouvernement allemand, Mme Steffi Lemke, ministre de l'écologie, a également hérité de l'économie. Pouvez-vous nous dire dans quelle direction va souffler le vent venant de Berlin ?

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Alors que nous espérions un retour à la normale et que les perspectives de croissance étaient au rendez-vous, la cinquième vague et l'apparition du variant omicron nous placent de nouveau face à de grandes incertitudes. La question est de savoir si, au-delà de ces difficultés conjoncturelles, les décisions que vous avez prises au cours du quinquennat ont permis les transformations structurelles nécessaires à notre économie.

Concernant l'industrie, la mesure phare du quinquennat est la baisse des impôts de production. Pouvez-vous en dresser un premier bilan ? Quelles entreprises ont pu en bénéficier et quel a été son impact sur leur compétitivité ?

En avril 2017, M. Emmanuel Macron avait promis un « plan Marshall de la réindustrialisation de nos territoires économiquement perdus », promesse traduite dans la stratégie Territoires d'industrie. L'implantation d'industries dans les 148 territoires concernés a-t-elle eu l'effet domino escompté ? Combien d'emplois ont-ils pu être créés ?

Par ailleurs, comment expliquer qu'en dépit des mesures prises ces dernières années pour rétablir la compétitivité de notre pays, la balance commerciale se soit autant dégradée ?

Enfin, les entreprises comme les particuliers sont confrontés à une flambée des prix de l'énergie. Un quart de siècle après sa libéralisation, le marché européen de l'électricité obéit à des règles que vous avez qualifiées d'obsolètes. Quelles solutions défendez-vous sur la scène européenne pour remédier à ce problème ?

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Vous avez raison, Monsieur le ministre, on ne peut pas vous accuser d'avoir trahi les promesses faites par M. Emmanuel Macron en 2017. En effet, il s'était engagé à être en quelque sorte le contraire d'un Robin des bois ; or, cinq ans de redistribution plus tard, selon l'Institut des politiques publiques, les personnes du premier décile, c'est-à-dire les plus pauvres, y ont perdu alors que les plus riches y ont très largement gagné. On n'est pas déçu ! Vous l'avez dit vous-même, Les Républicains en avaient rêvé, vous l'avez fait : la suppression de l'ISF, la diminution de l'impôt sur les sociétés, la baisse des allocations chômage ou la réforme du droit du travail… Moi en revanche, je n'en avais jamais rêvé !

Libération consacre sa une d'aujourd'hui à l'« ISF gate ». Le quotidien révèle que, pour échapper à l'impôt de solidarité sur la fortune, de grandes familles françaises – parmi lesquelles les fondateurs de Carrefour, le créateur de Nobilis, les propriétaires des pastilles Pulmoll ainsi que de grands noms de l'aristocratie – ont placé 4 milliards d'euros dans un trust nommé Blue Bridge et situé à Montréal, dans un pays cher au cœur du président de notre commission. Que va faire le ministère de l'économie ?

Cela nous rappelle le scandale OpenLux, sur lequel vous avait interrogé M. Sébastien Jumel : en effet, 15 000 de nos concitoyens parmi les plus fortunés ont placé l'équivalent de 4 % du PIB à Luxembourg. Vous aviez répondu à notre collègue que vous n'aviez pas de réponse précise dans l'immédiat, mais que vous alliez vérifier ces informations. Quelle réponse précise pouvez-vous donc nous apporter à présent ?

Enfin, un grand nombre de fonderies délocalisent. Or il s'agit de sous-traitants de grands groupes automobiles tels que Peugeot ou Renault, entreprises dont l'État est le principal actionnaire ou auxquelles il a prêté de l'argent. Que fait-il pour s'opposer à ces délocalisations ?

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Depuis mars 2020, la France est un modèle en matière de soutien aux entreprises. Nos politiques économiques ont ainsi été saluées par le comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de la covid-19. Nous avons évité le mur de défaillances tant redouté et lancé un plan de relance inédit pour que nos entreprises retrouvent le chemin de la croissance. Nous restons actifs aux côtés des entrepreneurs, et les voyants sont au vert.

La semaine dernière, notre collègue Marie Lebec a organisé une rencontre avec les dirigeants de grandes marques industrielles qui ont tous salué les mesures prises pour faire face à la crise et la stratégie économique de la France. Ils nous ont également interpellés sur un problème qui devient inquiétant : la perte de valeur liée au rapport de force commercial avec les distributeurs, 40 % des volumes étant sous promotion. Il reste du chemin à parcourir pour que la loi du plus fort ne règne plus dans les négociations commerciales. Les révélations sur les pratiques frauduleuses de centrales d'achat internationales confirment que la grande distribution ne joue pas toujours le jeu. Le secteur non alimentaire doit faire face à un transfert de marges important vers la grande distribution, qui répercute ainsi le paiement à leur juste valeur des produits alimentaires, sur lesquels nous avons agi. Cela est inacceptable.

C'est la marge des entreprises productives qui conditionne leurs investissements, notamment dans la recherche, et donc la croissance de demain. Aussi souhaiterais-je connaître votre position sur l'encadrement des promotions sur les produits non alimentaires ainsi que le bilan que vous dressez des mesures visant à renforcer les sanctions contre le secteur de la grande distribution lorsque des pratiques frauduleuses menaçantes ou dégradantes sont avérées.

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Le redressement français a commencé. Croissance, emploi, apprentissage, industrie, rémunération du travail : après plusieurs décennies de mauvaises décisions et d'inaction, notre pays va mieux, grâce à notre action, et les Français en bénéficient.

Le déficit du commerce extérieur, qui nous appauvrit un peu plus chaque année, est le grand déficit qu'il nous reste à combler. Comment percevez-vous cet enjeu, que vous évoquez du reste dans le livre que vous avez récemment consacré au bilan du quinquennat ?

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On mesure l'efficacité d'un gouvernement à la réalisation des engagements qu'il avait pris, mais aussi à son agilité face aux imprévus. Or, des imprévus, il y en a eu : crise sociale, crise sanitaire, crise économique et, dernièrement, crise des marchés de l'énergie ! Face à cette dernière crise, le Gouvernement a pris des mesures conjoncturelles unanimement saluées, qui témoignent de ce qu'il sait agir rapidement pour préserver les entreprises et nos concitoyens. Mais quelles mesures structurelles envisage-t-il pour ce marché ?

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Monsieur le ministre, merci pour votre action au cours des cinq dernières années. Nous avons encore besoin de vous !

Ma question a trait à une entreprise vendéenne sur la situation de laquelle je vous ai interpellé par courrier. Cette entreprise du secteur de l'éolien avait conclu des marchés très importants avec Alstom et General Electric. Hélas, malgré les tarifs d'électricité préférentiels qui leur avaient été consentis sous réserve qu'ils achètent français, ces deux groupes se sont détournés du marché français, et l'entreprise, à laquelle un plan de relance avait été concédé dans le cadre de Territoires d'industrie, se trouve fort dépourvue, avec deux ans de stocks inutilisés. Que comptez-vous faire face à des situations comme celle-ci ?

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Parmi les priorités de la présidence française de l'Union européenne figure le développement des projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC). Il est permis de déroger au droit européen de la concurrence afin de faciliter l'émergence des PIIEC. Comment comptez-vous les mettre en œuvre concrètement ? Ils doivent en effet s'inscrire dans un esprit de solidarité et de partage de la valeur, pour participer au développement économique de nos territoires. Font-ils l'objet d'une approche territorialisée, ciblant des régions, comme les Hauts-de-France, qui ont plus souffert de la désindustrialisation que les autres durant les dernières décennies ?

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Les artisans nous signalent que de nombreux salariés les quittent afind'opter pour le statut d'autoentrepreneur. Outre les difficultés que cela crée pour les entreprises artisanales, n'y a-t-il pas un risque pour les autoentrepreneurs eux-mêmes, qui y trouvent bien sûr un avantage immédiat mais pourraient percevoir ensuite une retraite plus faible, puisque les cotisations sociales sont différentes ? Les dispositifs en vigueur ne devraient-ils pas tenir compte de ces évolutions ?

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Bruno le Maire, ministre

Le pouvoir d'achat est la première préoccupation des Français, ce qui est d'autant plus légitime que l'inflation est de retour et qu'elle constituera le principal problème économique du début d'année 2022. Nous devons donc apporter des réponses concrètes à ces difficultés et à ces craintes.

La première réponse, je le répète, c'est la valorisation du travail. J'invite chaque Français à regarder ce que nous avons fait – prime d'activité, défiscalisation des heures supplémentaires, intéressement et participation – et aussi ce que nous proposons dans le cadre de la campagne électorale. Je rappelle que des réponses rapides et efficaces sont préférables à d'autres qui sont contraires au droit ou qui poseraient des problèmes en matière d'embauche, notamment dans l'industrie.

La deuxième réponse, c'est la baisse des impôts et des taxes : si nous voulons améliorer le pouvoir d'achat des Français, il faut éviter de leur reprendre d'une main ce qu'on leur a donné de l'autre.

La troisième réponse, enfin, c'est la protection contre les événements imprévus et les augmentations les plus fortes des dépenses – en particulier l'énergie. En Italie et en Espagne, le prix de l'électricité a augmenté de 50 % en 2021 : il a été stable dans notre pays, qui est celui d'Europe qui préserve le mieux les citoyens de la hausse des prix de l'énergie. Nous avons ainsi décidé de plafonner l'augmentation des prix de l'électricité à 4 %, alors qu'elle aurait dû être en janvier au minimum de 15 %, peut-être 20 %. Pour cela, nous avons diminué la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité, que nous sommes par ailleurs prêts à supprimer. Si cette mesure ne suffit pas, nous augmenterons le volume du fameux accès régulé à l'électricité nucléaire historique, dit ARENH. De 100 térawattheures aujourd'hui – environ un quart de la consommation française – il pourrait être porté en juillet à 150, qui seront donc fournis à un prix de 42 euros le mégawattheure contre 200 au prix du marché.

Les tarifs du gaz ont quant à eux été gelés, ce qui coûte plus de 1 milliard d'euros puisqu'il convient évidemment de compenser les coûts des entreprises distributrices.

Nous utilisons donc tous les moyens à notre disposition, nous anticipons, nous décidons et nous agissons. Nous ne laissons pas seuls les Français. Le résultat est que leur pouvoir d'achat a augmenté en moyenne de 8 % sur le quinquennat.

Monsieur Rolland, s'agissant des tests PCR, je transmettrai vos questions à M. Olivier Véran. Pour le reste, je salue votre implication sur le dossier sensible de Ferropem. Un certain nombre de résultats ont d'ores et déjà été obtenus mais Ferropem continue de subir les répercussions des difficultés financières du groupe Ferroglobe, dont six sites sont implantés dans notre pays. Nous en avons sécurisé cinq, dont ceux des Clavaux, de Montricher et d'Anglefort, notamment grâce au soutien financier de la puissance publique – je tiens à ce propos à saluer la mobilisation exemplaire des salariés mais aussi des élus locaux et nationaux. Reste donc le site de Château-Feuillet. L'objectif est en effet que Ferroglobe accepte de le céder à un repreneur afin de garantir une activité industrielle. Le site est de qualité et il n'y a aucune raison pour que cette cession n'ait pas lieu. Je suis ce dossier de très près et j'espère que nous réussirons.

Disons-le clairement, l'industrie automobile traverse de grandes difficultés, pour plusieurs raisons : une transition technologique très difficile à négocier entre le véhicule thermique et le véhicule électrique, la nécessité d'investissements considérables, à la fois dans ces nouvelles technologies et dans les bornes de recharge, et aussi le manque actuel de semi-conducteurs – certaines usines tournent ainsi à 40 % ou 50 % de leurs capacités. Ne le cachons pas : l'industrie automobile a besoin d'un soutien quotidien et massif. Nous suivons donc au jour le jour non seulement la situation des deux grands groupes français Stellantis et Renault mais aussi et surtout celle des sous-traitants.

À ce titre, nous avons déployé en juillet dernier un plan automobile de 15 milliards d'euros et j'ai annoncé hier le lancement de prêts industriels de BPIFrance, pour un montant total de 700 millions, réservés aux PME et dont la durée d'amortissement sera de dix ans au lieu des sept ans habituels, afin de redonner de l'air aux trésoreries des sous-traitants de ce secteur.

Je connais votre engagement, Monsieur Potier, à propos de la responsabilité sociale des entreprises, et je le partage. Je vous confirme que nous voulons voir aboutir la directive européenne sur le devoir de vigilance – je rappelle que vous êtes à l'origine de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. La traduction de cette excellente initiative dans les textes européens sera l'une des priorités de la présidente française de l'Union.

Vous le savez, je suis convaincu qu'il faut réduire les écarts salariaux et qu'une plus grande transparence est nécessaire. Si une entreprise peut verser des salaires élevés et d'autres qui le sont moins, la cohésion sociale et nationale implique néanmoins qu'il n'y ait aucun excès, dans un sens comme dans l'autre.

Un certain nombre de parlementaires ont appelé mon attention sur le problème de concurrence déloyale que pouvait créer l'installation en France du géant indien Electrosteel pour le site de Saint-Gobain PAM de Pont-à-Mousson. L'implantation d'Electrosteel à Arles, avec 190 emplois industriels à la clé, doit se poursuivre, mais sur une base équitable. Aucun euro d'aide publique ne sera donc versé si le bilan carbone des tuyaux de fonte fabriqués par Electrosteel à Arles n'est pas comparable à celui de Saint-Gobain et ne répond pas aux règles environnementales les plus strictes. Autrement dit, pas de dumping environnemental pour Electrosteel : la concurrence doit être loyale.

Après mon entretien d'hier avec le nouveau ministre allemand des finances, M. Christian Lindner, je considère que le vent qui souffle depuis Berlin est porteur. Nous partageons en effet la même ambition stratégique pour une Europe souveraine, et nous sommes d'accord sur la nécessité de trouver le bon équilibre entre le soutien à l'investissement et le désendettement des États membres de la zone euro. J'ai été très clair : nous voulons réduire fermement et progressivement le niveau de la dette publique française. Il n'est pas possible, quand la dette publique de l'Allemagne s'élève à 70 % du PIB, que celle de la France soit de 115 %. Une telle situation doit rester l'exception et non la règle, ce qui implique les réformes de structure que j'ai évoquées, la pluriannualité des dépenses et une croissance forte.

Le bilan que je tire de la baisse des impôts de production est, en l'état, expérimental. Nous recréons des emplois industriels et nous ouvrons de nouvelles usines. Je considère donc que nous devons continuer dans cette direction, tout en garantissant la compensation de cette baisse aux régions.

De 2010 à 2017, quatre-cents usines ont fermé dans notre pays ; depuis 2017, cent-vingt ont ouvert. Je rappelle également qu'en 2021, nous avons ouvert deux fois plus d'usines que nous n'en avons fermées, et que six-cent-cinquante projets de relocations industrielles sont en cours. Tous ceux qui prétendent que le déclin industriel de la France est inévitable et les délocalisations inéluctables mentent aux Français ou manquent de confiance dans la force des entrepreneurs, des ouvriers, des ingénieurs de notre pays. Je suis convaincu qu'en poursuivant dans la voie que nous avons engagée, avec l'amélioration de la compétitivité-prix de nos usines, celle de la qualité de nos produits et la baisse des impôts de production, nous pouvons gagner ce combat industriel.

La balance commerciale est le nouvel indicateur du redressement français que nous devons fixer. Trois facteurs expliquent sa dégradation.

Tout d'abord, la moitié du déficit commercial s'explique par l'envolée des prix de l'énergie : raison supplémentaire pour être davantage indépendants et, comme l'a dit le Président de la République, pour construire de nouvelles centrales nucléaires et investir plus massivement dans le domaine des énergies renouvelables, les deux étant complémentaires.

Ensuite, nous sommes confrontés à un problème de positionnement de gamme dans tous les secteurs industriels, y compris l'agroalimentaire, où les chiffres sont sans appel : d'un excédent de 9 milliards d'euros, nous sommes passés à un peu plus de 7 milliards. Face à ces problèmes de positionnement, de valorisation, de packaging, nous devons améliorer notre offre, monter en gamme, créer plus de valeur et valoriser davantage nos produits.

Enfin, les circuits d'exportations peuvent encore être facilités : nous pouvons faire mieux que ce qui a déjà été fait.

Je partage votre indignation, Monsieur Ruffin, à propos de l'ISF et du contentieux que nous avons avec les trusts canadiens. Depuis plusieurs années, nous avons lancé toutes les procédures nécessaires pour obtenir des informations de la part des autorités canadiennes. La question est de savoir si ces trusts sont révocables ou non. Le processus est en cours, et nous attendons les décisions des autorités canadiennes. Nous restons entièrement mobilisés et notre détermination pour lutter contre toute forme de fraude ou d'évasion fiscales, qui révoltent légitimement les Français, est intacte. Je rappelle qu'un article du projet de loi de finances pour 2022 vise à renverser la charge de la preuve sur le caractère irrévocable ou non du trust déterminant la fiscalité. Nous avons donc pris à bras-le-corps le problème de la révocabilité des trusts canadiens qui est au cœur de ce contentieux fiscal. Croyez-moi : nous ne laisserons pas tomber cette affaire.

Nous veillons bien entendu à la bonne application de la loi EGALIM s'agissant notamment de l'encadrement des promotions. Vous le savez, nous entrons dans la phase des négociations commerciales entre les distributeurs et les producteurs. En tant qu'ancien ministre de l'agriculture, je crois qu'il est possible que ces derniers soient bien rémunérés. Avec le ministre de l'agriculture, nous avons ainsi signé hier avec M. Hu Chunhua, vice-Premier ministre de la République populaire de Chine, un accord sur le zonage porcin que nous réclamions depuis trois ans. Les conséquences en sont majeures pour nos producteurs : en cas de peste porcine sur une partie de notre territoire, par exemple dans le Nord – il y en a eu en Belgique – des exportations vers la Chine seront toujours possibles depuis la Bretagne ou la Normandie, ce qui tirera les prix vers le haut. Faute d'un tel accord, un seul cas de peste porcine interdit toute exportation.

Je suis d'accord avec M. Adam à propos de la relance des exportations. Huit mille entreprises ont bénéficié de dispositifs de soutien mais, je le répète, nous pouvons et devrons faire mieux tant que notre balance commerciale extérieure ne se sera pas redressée.

La crise du marché de l'électricité sera au cœur de la présidence française de l'Union européenne. Il faut que nos partenaires européens se mettent à notre place : nous ne demandons pas une réforme du marché de gros, mais ils doivent reconnaître qu'un problème se pose sur le marché de détail. Une flambée des prix du gaz se répercute immédiatement sur le prix de l'énergie en France, alors que notre électricité est décarbonée, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables ! Nous ne pouvons pas payer deux fois, et pour le nucléaire – le « grand carénage », la fabrication de nouveaux réacteurs – et pour le coût marginal de l'ouverture des centrales au gaz à l'est de l'Europe. Nous demandons donc la déconnexion de l'augmentation des prix de l'électricité en fonction des prix marginaux du gaz, qui est injuste et, sur le plan environnemental, inefficace.

J'ai pris note des problèmes soulevés par Mme Leguille-Balloy et M. Daniel. Une réponse écrite et précise leur sera adressée dans les meilleurs délais.

Pour ce qui est des PIIEC, il s'agit d'un nom technique qui cache une révolution politique : l'autorisation donnée aux États d'apporter une aide financière publique, à hauteur de dizaines de milliards d'euros, pour développer certains secteurs industriels et créer de nouvelles chaînes de valeur, comme le font largement les Chinois et les Américains – je rappelle que SpaceX est d'abord le fruit de la NASA avant d'être celui d'Elon Musk.

Nous nous l'interdisions au nom du principe de libre concurrence. Résultat : nous sommes passés à côté de nombre de révolutions technologiques, faute d'un financement public adéquat pour amorcer la pompe. Avec les PIIEC, l'Europe entrera de plain-pied dans le XXIe siècle. Nous les utiliserons dans les domaines de l'hydrogène, de la santé, des biotechnologies, du cloud et des semi-conducteurs, et nous pourrons enfin faire jeu égal avec la Chine et les États-Unis. Mais une approche territorialisée s'impose, bien entendu, afin que les territoires qui, au départ, ont le moins de chances, puissent bénéficier des retombées de ces PIEEC.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous achevons cette législature comme nous l'avions commencée, avec une audition extrêmement riche, puisque nous avons couvert en moins d'une heure et demie de nombreuses questions qui ont presque toutes reçu des réponses. Merci, Monsieur le ministre, de votre disponibilité et de votre efficacité. Et, d'une manière un peu plus partisane, je vous félicite pour votre bilan !

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 14 décembre 2021 à 17 h 15

Présents. – M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Grégory Besson‑Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Pascale Boyer, M. Anthony Cellier, M. David Corceiro, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, Mme Typhanie Degois, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Stéphanie Do, Mme Christelle Dubos, M. Olivier Falorni, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Guillaume Kasbarian, M. Luc Lamirault, Mme Célia de Lavergne, M. Roland Lescure, Mme Graziella Melchior, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Robert Therry, M. Pierre Venteau, Mme Corinne Vignon

Excusés. – Mme Anne-France Brunet, M. Fabien Di Filippo

Assistaient également à la réunion. – Mme Marie Lebec, Mme Martine Leguille‑Balloy, M. François Ruffin