Depuis trente ans, je mène un combat politique pour une sortie effective des pesticides. Je l'ai commencée comme militant associatif et paysan, et je l'ai poursuivi comme élu local, en tant que président de communauté de communes puis de pays, et, finalement, à l'Assemblée nationale. Cela pourra paraître paradoxal mais ma position et celle du groupe socialiste sera – du moins au stade de la Commission – de s'abstenir. Je veux expliquer ici que l'on peut être engagé dans le combat contre les pesticides sans nécessairement emprunter la voie que propose M. Loïc Prud'homme.
D'abord, il nous faut un horizon. Cet horizon, c'est d'abord celui de l'étude Agrimonde-Terra, menée par une vingtaine d'organisations à l'échelle mondiale, qui conclut que l'agroécologie est la solution pour nourrir le monde. C'est aussi celui fixé par l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), qui montre que l'Europe peut sortir des pesticides en trente ans et se nourrir avec des modes de consommation adaptés, tout en continuant à avoir des échanges équilibrés avec la Méditerranée, et notamment avec le Maghreb. C'est enfin l'engagement de l'INRAE vers l'objectif zéro pesticide. Ce programme de recherche, ouvert il y a maintenant deux ans, mené par un institut scientifique majeur et fierté de la France, montre que cet objectif est crédible et accessible.
À la suite de ma nomination par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault comme parlementaire en mission, j'ai émis des recommandations pour le plan Écophyto II. La critique principale que j'adresse au gouvernement actuel, c'est que ce plan n'a pas été mis en œuvre. Il a été planté, en le maintenant au stade léthargique pendant cinq ans. L'exemple le plus patent est celui des néonicotinoïdes. J'ai demandé au ministre de l'agriculture les procès-verbaux des réunions organisées dans le cadre du plan Écophyto, qui montrent qu'il existe des moyens pour sortir des néonicotinoïdes. On n'a pas travaillé sur ce sujet, ni sur celui de l'agroécologie, ce qui a conduit il y a quelques mois au rétablissement en séance publique, de façon honteuse, de l'autorisation de pesticides néonicotinoïdes. Autre exemple, celui du renforcement des certificats d'économie de produits phytosanitaires. Dans le cadre de la loi EGALIM, le Gouvernement est revenu sur les sanctions attachées à ces certificats, de façon insidieuse et avec un manque de respect total pour le Parlement, alors que tous les instituts de recherche et toutes les filières professionnelles admettent qu'il s'agit d'une des modalités les plus efficaces de sortie des pesticides.
En matière de sortie des pesticides, cette législature n'a été qu'une législature de la parole ! Je le regrette profondément. Les voies que nous devons suivre sont celles qui associent le privé et le public, la recherche et l'action, le monde professionnel, la démocratie et la science. Ainsi, l'amendement que nous avions présenté il y a quatre ans, prévoyant des moyens pour la phytopharmacovigilance, a permis d'organiser la sortie du métam-sodium et de trente autres produits.
Nous nous abstiendrons aujourd'hui sur cette proposition de loi parce que je pense profondément que ce n'est pas au Parlement de statuer sur les questions de molécules et de produits. Le faire serait une profonde régression démocratique. Je refuse la dictature du marché tout autant que je refuse celle de l'opinion. Le Parlement doit fixer aux institutions qu'il a créées pour cela – je pense à l'ANSES ou à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) – des objectifs clairs en matière de santé publique et leur garantir les moyens de leur indépendance totale par rapport à tout lobbying, tout en s'assurant de leur capacité à accompagner publiquement la mise en œuvre des alternatives sur le terrain. C'est cela la voient démocratique que nous devons suivre ! J'en veux pour preuve la question des néonicotinoïdes. Suivre la voie démagogique d'une interdiction brutale du glyphosate aboutirait à le remplacer par trois molécules plus cancérigènes. Nous nous abstiendrons donc au nom de la santé publique, de l'agroécologie et de notre vision d'une alimentation saine pour tous et de la santé des sols et des hommes.