Intervention de Philippe Naillet

Réunion du jeudi 6 janvier 2022 à 9h40
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Naillet :

Le système actuel de couverture des risques climatiques a atteint ses limites. Il ne prend pas en charge un nombre suffisant d'agriculteurs. Le taux de couverture multirisque climatique est inférieur à 18 %, en moyenne, chez les agriculteurs ; il est en dessous de 1 % pour l'assurance prairie, aux alentours de 3 % pour les arboriculteurs et inférieur à 33 % dans la viticulture et les grandes cultures. Il manque de clarté et de cohérence. Deux systèmes cohabitent, qui n'incluent pas l'ensemble des cultures et qui appliquent des modalités de calcul et des calendriers différents. Il en découle des situations inéquitables entre les assurés et les non-assurés, mais aussi entre les cultures : pour certaines d'entre elles, même les non-assurés ne sont pas éligibles au régime des calamités agricoles.

Le projet de loi est censé répondre à ces difficultés en fixant les fondations et les grandes lignes d'un nouveau système. Il intervient après le gel tardif du printemps, qui a ravagé vergers et vignes, et mis en lumière la vulnérabilité des agriculteurs face aux aléas, dont l'aggravation et la fréquence sont liées au dérèglement climatique. Il en va de même en outre-mer où, comme à La Réunion, les épisodes de forte pluie succèdent aux périodes de sécheresse.

Se fondant sur des travaux du rapporteur et du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, le système proposé est caractérisé par une architecture à trois étages. Au premier étage, les agriculteurs assumeront les pertes les plus modestes, consécutives aux aléas courants, allant jusqu'à 20 % de la moyenne de leur production annuelle. Au-delà, les pertes liées à des aléas significatifs – entre 20 % et 50 %, selon certaines sources – seront prises en charge par les assurances privées subventionnées. Enfin, les fonds publics prendraient le relais pour indemniser les aléas dits exceptionnels, comme le gel et les inondations. Les seuils précis seront déterminés par décret. Le Gouvernement annonce le doublement des subsides des pouvoirs publics – État et Union européenne –, qui passeront de 300 à 600 millions d'euros par an.

Le caractère universel du nouveau système de couverture concernera donc uniquement les aléas climatiques exceptionnels, qui seront couverts par le FNGRA. Si le régime des calamités agricoles est étendu, le montant de l'indemnisation sera modulé en fonction de plusieurs critères, qui seront précisés par voie réglementaire.

Pour encourager les agriculteurs à s'assurer, il est prévu que les non-assurés ne percevront pas l'intégralité des fonds publics alloués aux sinistrés en cas d'aléas exceptionnels ; ils ne toucheront, au mieux, que la moitié des indemnisations accordées aux assurés. L'État augmentera également les subventions qu'il octroie sur les primes d'assurance. Or, pour certaines activités agricoles, il n'existe pas d'offre assurantielle. Par ailleurs, malgré la hausse annoncée des subventions publiques, de nombreux agriculteurs continueront à refuser les contrats d'assurance en raison du montant des primes.

Si cette réforme va dans le bon sens, elle ne permettra pas d'atteindre l'objectif annoncé d'une couverture universelle. Elle ne fait pas non plus l'unanimité parmi les syndicats agricoles. Face au contexte climatique, nous devons d'ores et déjà engager une extension de la solidarité nationale. Au-delà des seuls risques dits exceptionnels, tous les agriculteurs doivent pouvoir bénéficier d'une indemnisation suffisamment large face aux aléas climatiques. Notre groupe a fait des propositions en ce sens, en faveur des betteraviers, lors des débats sur la réautorisation des néonicotinoïdes. Nous avons suggéré de mettre à contribution les acteurs de l'aval.

Enfin, nous regrettons que le texte soit présenté en fin de législature, avec un calendrier d'application s'étalant jusqu'en 2023. La mise en œuvre de la réforme dépendra en grande partie du contenu des textes réglementaires d'application et donc, in fine, de la volonté politique de la future majorité. Ainsi, pour l'outre-mer, le Gouvernement devra prendre une ordonnance dans un délai de deux ans, alors que la réforme y est au moins aussi urgente que dans l'Hexagone. Ce calendrier est très décevant.

Je salue néanmoins la différenciation dont feront l'objet les agriculteurs réunionnais et, plus largement, ultramarins, qui ne seront pas concernés par la plupart de ces mesures, à l'exception de l'article 10, relatif aux risques tempête et incendie. Je salue également l'abrogation de bon sens du fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer, qui est totalement inopérant. Je serai particulièrement vigilant tout au long du processus d'élaboration des ordonnances.

À ce stade de la discussion, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra.

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