Commission des affaires économiques

Réunion du jeudi 6 janvier 2022 à 9h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a examiné le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture (n° 4758) (M. Frédéric Descrozaille, rapporteur).

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Mes chers collègues, notre commission a désigné comme rapporteur du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture M. Frédéric Descrozaille, auteur d'un rapport remis au Gouvernement sur la gestion des risques agricoles, qu'il nous avait d'ailleurs présenté le 16 juin 2021. Je salue la présence du ministre Julien Denormandie, que nous auditionnerons aussi mardi 18 janvier, à l'issue des questions au Gouvernement, sur le bilan de son action ministérielle en matière agricole.

Avant d'ouvrir la discussion générale, dans le cadre de laquelle les orateurs des groupes disposeront chacun d'un temps de parole de quatre minutes, j'indique que sur les 235 amendements déposés, il nous en reste 118 à examiner, les autres ayant été, pour la plupart, jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

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Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je vous présente un texte essentiel qui refond le système de couverture des risques climatiques en agriculture. Le changement climatique est une réalité dont les agriculteurs sont les premiers à subir les conséquences – le terrible épisode de gel du printemps dernier a constitué la plus grande catastrophe agronomique de ce début de siècle. Il constitue un frein majeur à l'installation des jeunes agriculteurs, qui doivent s'endetter massivement sans savoir s'ils pourront tirer des revenus de leur exploitation, en raison des crises à répétition. Pour les agriculteurs déjà installés, il représente également une contrainte très forte.

Le régime actuel d'indemnisation des pertes de récolte ne fonctionne pas, car il n'est pas assez accessible et pas assez avantageux pour les agriculteurs. Il est, de surcroît incroyablement complexe du fait de la coexistence de deux systèmes. D'un côté, le système d'assurance récolte est géré par les assureurs privés, de l'autre, le régime d'indemnisation des calamités agricoles, est mis en œuvre parfois au bout de douze, quinze ou seize mois – vous avez tous eu l'occasion de vous étonner auprès du Gouvernement qu'un an ou deux après un épisode de sécheresse, les agriculteurs n'aient toujours pas été indemnisés.

Le statu quo n'est pas possible, il nous faut absolument refonder le système. Voilà des années qu'on en parle, sans jamais trouver la solution. Longtemps, on a pensé qu'il fallait rendre l'assurance récolte obligatoire, mais les nombreux travaux menés en ce sens ont montré que ce n'est pas la voie à suivre : la mutualisation des risques n'est pas l'alpha et l'oméga et ne renforce pas l'accessibilité du système. Pour trouver la solution, il fallait démontrer que le monde agricole n'a pas la capacité de faire face seul aux aléas climatiques et que la solidarité nationale doit venir plus encore à son aide. Le Président de la République l'a annoncé devant les Jeunes agriculteurs, le 10 septembre dernier, nous allons refonder le système et y apporter de la solidarité nationale. L'engagement a été pris de porter le dispositif de financement à 600 millions d'euros par an dès le projet de loi de finances (PLF) pour 2023.

Le principe de la solidarité nationale, essentiel, s'applique à tous les secteurs d'activité. Dans le domaine du logement, par exemple, on paie sur l'assurance habitation une surprime qui couvre les risques de dégradation en cas d'inondation, même si, comme moi, on habite au cinquième étage. Cette solidarité nationale n'existe pas dans le monde agricole et nous allons l'y introduire.

La refonte consiste à créer un régime universel accessible à tout agriculteur, quand le système actuel laisse sans réponse des pans entiers de l'agriculture française. Elle vise également à rendre plus accessible l'assurance multirisque climatique, qui ne couvre en moyenne que 18 % de la surface agricole utile, en raison des conditions d'assurance proposées, qui doivent être plus justes. Finalement, il s'agit de proposer aux agriculteurs une sorte de ceinture de sécurité face aux accidents climatiques.

Cette réforme, que le Président de la République et le Gouvernement ont pris l'engagement très fort de mener à bien, opère un vrai changement de paradigme avec l'introduction de la solidarité nationale. Le dispositif est le fruit de nombreuses concertations. Je remercie chaleureusement M. Frédéric Descrozaille pour ses travaux substantiels et le rapport qu'il m'a remis l'année dernière. C'est ensemble que nous avons réfléchi à la refonte du système.

Le nouveau mécanisme repose sur une structure à trois étages. Au premier étage, les pertes d'exploitation seront assumées par l'agriculteur jusqu'à la franchise, comme dans tout système assurantiel. Au deuxième étage, entre le montant de la franchise et un seuil dit « exceptionnel », les pertes seront de la responsabilité de l'assureur, si tant est que l'agriculteur ait choisi de contribuer à une assurance. Au-dessus de ce seuil, au troisième étage, il en ira de la responsabilité de l'État.

Cette architecture a plusieurs conséquences essentielles. En premier lieu, le système est universel. Pour chaque culture, un seuil sera défini, ce qui signifie que chacune d'elles sera éligible au troisième étage, c'est-à-dire à la solidarité nationale. À l'heure actuelle, des pans entiers de l'agriculture ne peuvent pas prétendre à l'indemnisation des calamités agricoles. En deuxième lieu, la prise en charge par l'État a pour effet de borner le deuxième étage, qui relève des assureurs, et donc de déterminer précisément le risque pris par ceux-ci. Le risque étant borné et la prime étant fonction du risque, le coût de l'assurance pour les agriculteurs s'en trouvera réduit et donc plus accessible qu'il ne l'est aujourd'hui. En troisième lieu, ce système permettra une régulation actuarielle. On évitera ainsi que certains assureurs couvrent uniquement les bons risques, laissant aux autres la prise en charge des activités plus risquées, avec les divergences entre compagnies d'assurances et les surcoûts que cela implique pour les agriculteurs.

Le projet de loi comporte seulement douze articles. Les six premiers fondent l'architecture à trois étages. Le septième vous propose de légiférer par ordonnances pour permettre l'élaboration de la régulation actuarielle, qui présente un haut niveau de technicité.

Le projet de loi pose les fondations de la nouvelle maison de la couverture des risques : le système à trois étages, la régulation actuarielle, les responsabilités de chacun. Il définit également l'institution de seuils, constitutifs du dispositif, mais n'en fixe pas le niveau, qui relève plutôt de la décoration intérieure de la maison ou de la taille des pièces. Une fois la loi votée, une large concertation devra être conduite avec les professionnels pour déterminer à la fois le niveau des seuils pour chaque culture et l'intervention de l'État dans le subventionnement des primes. Je suis très favorable à ce qu'on utilise, au maximum des possibilités offertes, la réglementation européenne dite « omnibus ». Je souhaite que les seuils soient les plus attractifs possible pour nos différentes cultures. Il me paraît essentiel que tout cela soit fixé au niveau réglementaire, car ces éléments évolueront, notamment en fonction des événements que l'on constatera année après année. L'intervention du législateur figerait les choses et nous priverait d'outils de pilotage dynamiques de cette politique.

Pour élaborer ce système, nous nous sommes beaucoup inspirés, avec M. Frédéric Descrozaille, de ce qui existe en Espagne. Un des seuls éléments de politique publique dont dispose mon homologue espagnol est le système assurantiel créé il y a vingt-cinq ans – la politique agricole de l'Espagne repose dessus. Nous nous sommes efforcés d'en reprendre tous les éléments positifs, en améliorant certains aspects.

La réforme dont nous allons discuter sera sans doute la plus structurelle pour le monde agricole depuis la politique agricole commune (PAC). Elle a vocation à devenir un élément de la politique d'accompagnement de nos agriculteurs, la loi posant le cadre et le règlement fixant les seuils de façon à forger un véritable outil de politique publique, en concertation avec les professionnels.

Je remercie M. Frédéric Descrozaille, les groupes d'experts qui se sont réunis pendant plus de dix-huit mois ainsi que mes prédécesseurs, notamment M. Didier Guillaume, qui s'est beaucoup impliqué sur ce sujet, et M. Stéphane Travert.

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Ce projet de loi s'inscrit dans la longue histoire de la gestion des aléas dans l'agriculture. L'un des objectifs de la politique publique menée est de développer un rapport au risque qui ne correspond pas, historiquement, à la culture du monde agricole.

La loi du 4 juillet 1900 a rendu possible la création de caisses d'assurances mutuelles, qui sont aujourd'hui proposées par Groupama. À cette époque, les agriculteurs ont commencé par assurer leurs bêtes, leurs salariés et leur capital avant de s'assurer eux-mêmes. Pendant très longtemps, l'assurance n'a pas porté sur l'aléa inhérent au métier de l'agriculteur. Dans la culture agricole, on considère les aléas, notamment climatiques, comme des risques professionnels que l'exploitant assume par l'exercice même de son métier.

Les lois d'orientation agricole de 1960 et 1962 ont posé les trois piliers de l'agriculture – modèle de l'exploitation familiale, structuration des marchés et pouvoir économique des producteurs, et aide à la cessation d'activité –, mais c'est la loi du 10 juillet 1964 qui a institué le régime de garantie contre les calamités agricoles qui reconnaît l'existence de risques non professionnels comme relevant de la solidarité nationale. Le texte indiquait, car telle était déjà la volonté du législateur, que le fonds national de garantie des calamités agricoles – à l'époque le FNGCA, devenu FNGRA (Fonds national de gestion des risques en agriculture) – devait, au travers de l'une de ses sections, développer le recours à l'assurance. Le législateur voulait déjà établir une forme de complémentarité entre l'État et l'assurance privée. Mais cela n'a pas marché. Le monde agricole a continué dans la même logique : assumer l'aléa inhérent au métier et faire appel à la solidarité nationale lorsque survient une catastrophe.

Sous l'influence de l'approche américaine du soutien à l'agriculture, La loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole et la loi n° 2010-87 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche ont favorisé le développement de l'assurance par le biais de l'argent de la PAC, avec la création de l'assurance multirisque climatique subventionnée. Celle-ci s'est effectivement déployée, ce qui explique que les pouvoirs publics aient écarté des pans entiers de l'application du régime de garantie contre les calamités. De cette logique d'exclusion vient que des filières ont été réputées assurables ou non assurables, l'idée étant d'avoir un transfert.

Aujourd'hui, nous pensons les choses autrement, en nous appuyant sur deux principes fondamentaux. Premièrement, on ne prétend plus savoir exactement où passe la frontière entre ce qui est assurable et ce qui ne l'est pas. Les choses évoluent trop vite. Il faut un dispositif qui permette de suivre le déplacement de la frontière et rende possible l'adaptation au réchauffement climatique et à l'aggravation de l'adversité. Deuxièmement, il s'agit d'organiser la complémentarité entre la part de l'assureur et celle de l'État sur la base d'un recours universel. Il faut arrêter de penser que c'est l'un ou l'autre.

Le ministre l'a dit, le texte repose sur les principes de solidarité nationale et d'universalité, mais aussi d'adaptation. Le comité d'orientation et de développement de l'assurance récolte (CODAR) est créé pour faire fonctionner un mécanisme d'ajustement du pas de temps agricole, qui est long, et mener l'adaptation au changement climatique. De fait, le projet de loi s'inscrit dans le cadre du lancement du Varenne agricole de l'eau et du changement climatique. À cet égard, je salue l'action du ministre, qui a donné à cet énorme chantier de l'eau une dimension interministérielle. Nos travaux correspondent à la première séquence du Varenne, mais les phases suivantes, consacrées à l'adaptation des filières et à l'accès aux ressources en eau, seront centrales pour les vingt ans qui viennent. Le CODAR permettra d'ajuster, d'une part, le pas de temps agricole, les stratégies des filières, qui s'inscrivent sur la longue durée, et, d'autre part, la réactivité commerciale des assureurs, qui est beaucoup plus courte puisqu'ils renouvellent, résilient ou modifient les contrats à un rythme annuel.

Le projet de loi repose enfin sur le principe fondamental de la liberté. D'un côté, les exploitants ont le choix de s'assurer ou de ne pas s'assurer. S'ils le font, ils peuvent choisir de transférer le risque à l'exploitation ou à la culture. De l'autre côté, chacun des assureurs peut développer sa politique commerciale, son modèle d'assurance paramétrique indemnitaire et d'innovation. Cette liberté, qui doit permettre l'adaptation des acteurs et assurer le développement de celle-ci par l'esprit d'entreprise, l'innovation et la créativité, est limitée par la seule contrainte de la solidarité : entre les assureurs au sein du groupement, des assureurs vis-à-vis du monde agricole, et la solidarité de la Nation à travers le budget voté chaque année par le législateur.

Les dispositions du texte, peu nombreuses, modifient les articles du code rural et de la pêche maritime créés à partir de 1964 et modifiés, notamment en 2006 et en 2010, qui ont institué le régime de garantie contre les calamités et permis le développement des produits d'assurance subventionnés dans le cadre de la PAC. Le projet de loi affirme le principe de la solidarité nationale, fixe les conditions d'indemnisation par l'État et intègre les dispositions du règlement omnibus. Le texte se concentre sur l'agriculture hexagonale, mais plusieurs articles concernent les territoires ultramarins. Le dernier article prévoit l'entrée en vigueur du dispositif le 1er janvier 2023. Tout cela se fait tambour battant, et je remercie tous les acteurs, qui ne comptent pas leurs efforts depuis que le ministre a pris le chantier à bras-le-corps.

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La réforme du système assurantiel en agriculture est un sujet complexe mais capital lorsqu'on voit à quel point nos agriculteurs ont souffert des effets du changement climatique en 2021. Elle était attendue depuis longtemps par le monde agricole. Comme l'a rappelé notre rapporteur, dont je salue le rapport remis au Gouvernement et l'implication dans le Varenne de l'eau, le système assurantiel est à bout de souffle : peu d'agriculteurs sont assurés, le mécanisme est trop complexe et peu lisible, et laisse les agriculteurs non assurés sans solution s'ils ne sont pas éligibles au régime des calamités – c'est le cas dans la viticulture. En cas d'aléa, l'agriculteur disposant d'une assurance multirisque recevra une subvention de l'État, à laquelle s'ajoute l'indemnisation de l'assureur. S'il n'est pas assuré mais éligible au régime des calamités agricoles, il devra attendre la décision du comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), un processus long qui ne garantit pas une indemnisation individualisée. Quant à l'agriculteur non assuré qui n'est pas non plus éligible au régime de garantie contre les calamités, il ne percevra rien.

Le projet de loi crée un régime universel et remédie à toutes les situations sans solution acceptable : chaque agriculteur, qu'il soit assuré ou non, sera éligible à une indemnisation et aucun ne sera oublié en cas de survenance d'un aléa exceptionnel. Ces événements sont de plus en plus fréquents. L'année 2021 a été catastrophique sur le plan climatique : en mars, une vague de chaleur exceptionnelle a provoqué le développement des bourgeons, qui ont ensuite été soumis à rude épreuve par une vague de froid, en avril, certaines récoltes ayant été détruites par le gel. Pour le seul mois d'avril, les pertes pour la viticulture et l'arboriculture ont été estimées à plus de 4 milliards d'euros. Ce n'est acceptable ni pour nos agriculteurs, ni pour notre agriculture et, par extension, pour notre souveraineté alimentaire.

Les effets du changement climatique sont connus depuis bien longtemps par les agriculteurs, qui en sont les premières victimes. Les aléas climatiques frappent toutes les filières et entraînent des conséquences spécifiques pour chacune d'elles. La réforme a pour objet d'instituer un mécanisme plus simple et plus lisible pour toutes les parties prenantes : les risques de faible intensité seront supportés par l'agriculteur ; ceux de moyenne intensité seront pris en charge par l'assurance multirisque subventionnée par l'État ; les risques catastrophiques seront assumés par la solidarité nationale.

Pour répondre aux spécificités de chaque filière et donner voix à l'intelligence collective, le projet de loi prévoit que les seuils de déclenchement propres à chaque filière seront définis par décret. C'est un choix de bon sens puisque ce qui a été voté par le législateur ne peut être modifié que par lui. Il importe d'éviter trop de complications.

Depuis le début de la législature, le Président de la République et cette majorité ont toujours répondu présent lorsqu'il s'est agi de venir en aide aux agriculteurs. En septembre dernier, le Président a annoncé le doublement de l'enveloppe consacrée à l'accompagnement des aléas climatiques, qui passera, en moyenne, de 300 à 600 millions d'euros par an. Ces crédits seront soumis à l'approbation du Parlement, chaque année, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

On entend dire ici et là que cette réforme serait injuste, que certaines filières seraient exclues. C'est faux : chacun pourra y avoir accès ; toutes les filières seront incluses dans le dispositif et pourront bénéficier du soutien public. On entend aussi qu'il s'agirait d'un projet de loi de compensation pour éviter de s'attaquer au vrai sujet, qui est le changement climatique. Là encore, c'est inexact. Depuis le début du quinquennat, notre majorité est engagée pour lutter contre le changement climatique et ses effets, au travers d'une série de mesures : le Varenne de l'eau, l'augmentation et la prorogation du crédit d'impôt pour l'agriculture biologique, l'affectation de 1,2 milliard d'euros par le plan de relance à la transition agricole, l'augmentation de l'enveloppe de la prime à la conversion des agroéquipements, ainsi que le plan France 2030. Ajoutons à cela la place que tient la France au sein des discussions, menées dans le cadre de la PAC, concernant la mise en place des éco-régimes.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera en faveur de ce projet de loi, qui propose une réelle évolution dans la prise en charge du changement climatique et dans l'accompagnement de nos agriculteurs.

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Le système actuel de couverture des risques climatiques a atteint ses limites. Il ne prend pas en charge un nombre suffisant d'agriculteurs. Le taux de couverture multirisque climatique est inférieur à 18 %, en moyenne, chez les agriculteurs ; il est en dessous de 1 % pour l'assurance prairie, aux alentours de 3 % pour les arboriculteurs et inférieur à 33 % dans la viticulture et les grandes cultures. Il manque de clarté et de cohérence. Deux systèmes cohabitent, qui n'incluent pas l'ensemble des cultures et qui appliquent des modalités de calcul et des calendriers différents. Il en découle des situations inéquitables entre les assurés et les non-assurés, mais aussi entre les cultures : pour certaines d'entre elles, même les non-assurés ne sont pas éligibles au régime des calamités agricoles.

Le projet de loi est censé répondre à ces difficultés en fixant les fondations et les grandes lignes d'un nouveau système. Il intervient après le gel tardif du printemps, qui a ravagé vergers et vignes, et mis en lumière la vulnérabilité des agriculteurs face aux aléas, dont l'aggravation et la fréquence sont liées au dérèglement climatique. Il en va de même en outre-mer où, comme à La Réunion, les épisodes de forte pluie succèdent aux périodes de sécheresse.

Se fondant sur des travaux du rapporteur et du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, le système proposé est caractérisé par une architecture à trois étages. Au premier étage, les agriculteurs assumeront les pertes les plus modestes, consécutives aux aléas courants, allant jusqu'à 20 % de la moyenne de leur production annuelle. Au-delà, les pertes liées à des aléas significatifs – entre 20 % et 50 %, selon certaines sources – seront prises en charge par les assurances privées subventionnées. Enfin, les fonds publics prendraient le relais pour indemniser les aléas dits exceptionnels, comme le gel et les inondations. Les seuils précis seront déterminés par décret. Le Gouvernement annonce le doublement des subsides des pouvoirs publics – État et Union européenne –, qui passeront de 300 à 600 millions d'euros par an.

Le caractère universel du nouveau système de couverture concernera donc uniquement les aléas climatiques exceptionnels, qui seront couverts par le FNGRA. Si le régime des calamités agricoles est étendu, le montant de l'indemnisation sera modulé en fonction de plusieurs critères, qui seront précisés par voie réglementaire.

Pour encourager les agriculteurs à s'assurer, il est prévu que les non-assurés ne percevront pas l'intégralité des fonds publics alloués aux sinistrés en cas d'aléas exceptionnels ; ils ne toucheront, au mieux, que la moitié des indemnisations accordées aux assurés. L'État augmentera également les subventions qu'il octroie sur les primes d'assurance. Or, pour certaines activités agricoles, il n'existe pas d'offre assurantielle. Par ailleurs, malgré la hausse annoncée des subventions publiques, de nombreux agriculteurs continueront à refuser les contrats d'assurance en raison du montant des primes.

Si cette réforme va dans le bon sens, elle ne permettra pas d'atteindre l'objectif annoncé d'une couverture universelle. Elle ne fait pas non plus l'unanimité parmi les syndicats agricoles. Face au contexte climatique, nous devons d'ores et déjà engager une extension de la solidarité nationale. Au-delà des seuls risques dits exceptionnels, tous les agriculteurs doivent pouvoir bénéficier d'une indemnisation suffisamment large face aux aléas climatiques. Notre groupe a fait des propositions en ce sens, en faveur des betteraviers, lors des débats sur la réautorisation des néonicotinoïdes. Nous avons suggéré de mettre à contribution les acteurs de l'aval.

Enfin, nous regrettons que le texte soit présenté en fin de législature, avec un calendrier d'application s'étalant jusqu'en 2023. La mise en œuvre de la réforme dépendra en grande partie du contenu des textes réglementaires d'application et donc, in fine, de la volonté politique de la future majorité. Ainsi, pour l'outre-mer, le Gouvernement devra prendre une ordonnance dans un délai de deux ans, alors que la réforme y est au moins aussi urgente que dans l'Hexagone. Ce calendrier est très décevant.

Je salue néanmoins la différenciation dont feront l'objet les agriculteurs réunionnais et, plus largement, ultramarins, qui ne seront pas concernés par la plupart de ces mesures, à l'exception de l'article 10, relatif aux risques tempête et incendie. Je salue également l'abrogation de bon sens du fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d'outre-mer, qui est totalement inopérant. Je serai particulièrement vigilant tout au long du processus d'élaboration des ordonnances.

À ce stade de la discussion, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra.

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Ce texte est une étape importante pour la sécurisation des exploitations agricoles face au risque climatique. Le rapport, excellent, retrace l'historique de cette question et rappelle le rôle de la loi d'orientation agricole de 2006, dont je fus le rapporteur, qui a mis en place les premiers contrats multirisque climatique. J'ai observé au fil du temps les différentes modifications apportées à ce dispositif et je rejoins les propos du ministre : il est temps de le refonder car il a atteint ses limites. De son côté, la réglementation européenne a évolué favorablement et nous disposons désormais de tous les éléments pour construire un système robuste et durable.

Il me semble toutefois nécessaire d'éclaircir plusieurs points. L'universalité, une des notions fondatrices de ce projet de loi, ne se rapporte évidemment pas à la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais consiste à permettre à tous d'accéder à la couverture des risques. Je me réjouis d'ailleurs qu'un volet concerne spécifiquement les outre-mer.

La généralisation sera l'occasion de poser la question de l'obligation d'assurance, notamment face aux risques incendie et tempête. Rendre l'assurance obligatoire, même si cela peut être compliqué, clarifierait peut-être les choses.

S'agissant de la solidarité, l'évolution du régime des calamités agricoles, qui pouvait apparaître comme favorable aux zones d'élevages – très actives aujourd'hui sur le plan médiatique – fera débat. Il faut rassurer et donner les éléments de compréhension afin que tout le monde puisse s'approprier le nouveau dispositif.

S'agissant des assureurs, pourriez-vous, Monsieur le rapporteur, commenter le tableau qui figure à la page 10 de votre rapport ? J'ai bien entendu le ministre expliquer que le risque sera borné pour les assureurs, mais cela n'apparaît pas de façon suffisamment claire. On impose aux assureurs un système hybride, puisqu'ils devront être à la fois des acteurs du marché de l'assurance, donc en concurrence, et faire partie d'un pool où ils se partageront l'information. Par ailleurs, comment les agriculteurs choisiront-ils leur assurance et dans quelles conditions pourront-ils en changer ? C'est une question qu'il serait intéressant d'examiner, en regard de la proposition de loi de Mme Patricia Lemoine, pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur, que nous avons adoptée en première lecture.

L'interlocuteur unique est une innovation qui me paraît intéressante, mais je souhaiterais qu'on en apprécie le rôle et la place.

Je laisse à mes collègues du MoDem le soin de débattre du calcul des taux et de la fixation des seuils.

Enfin, nous pourrions évoquer le financement du nouveau système : en 2020, l'État a déboursé plus de 300 millions d'euros pour la solidarité nationale, soit la moitié des 600 millions prévus pour la contribution. D'où viendront les 300 millions restants ? Le non‑remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pourrait-il être une piste et faire l'objet d'arbitrages budgétaires ?

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Au printemps, un épisode de gel tardif a ravagé les vergers, les vignes et bien d'autres cultures. Ce drame a mis en lumière la vulnérabilité des agriculteurs face à des aléas climatiques croissants liés, notamment, au réchauffement climatique. Il a également levé le voile sur un système assurantiel à bout de souffle : le nombre d'agriculteurs ayant souscrit une assurance plafonne, près de 70 % des surfaces ne sont pas assurées. Cela est d'autant plus problématique que l'exclusion de certaines cultures, telles la viticulture et les grandes cultures, du régime des calamités agricoles laisse sans réponse des pans entiers de l'agriculture française en cas d'événements climatiques majeurs. On peut ajouter que l'exclusion des agriculteurs assurés du bénéfice du FNGRA est contraire à tout principe de responsabilité.

Les compagnies d'assurances, pour leur part, redoutent que la plus grande fréquence des épisodes climatiques extrêmes remette en cause la viabilité économique du secteur, et à juste titre : elles ont dépensé ces cinq dernières années bien plus qu'elles n'ont collecté.

Il fallait donc une réforme ; celle que vous proposez tombe à point nommé. Bien sûr, nous ne sommes pas dupes du calendrier choisi, quelques mois avant la présidentielle, mais nous reconnaissons l'urgence de la situation et la nécessité de légiférer. Notre groupe est globalement favorable aux cadres mis en place, sous certaines réserves.

Le nouveau système a vocation à encourager l'agriculteur à s'assurer, en augmentant les subventions étatiques aux primes d'assurance. Étant moi-même convaincu de la nécessité de généraliser le recours aux assurances, j'y suis favorable. L'article 2 gagnerait toutefois en efficacité s'il permettait à l'ensemble des productions et des types de contrats de bénéficier des dispositions plus favorables prévues dans le règlement européen de 2017. C'est pourquoi nous défendions dans nos amendements déclarés irrecevables – pour un motif très contestable à mes yeux – la pleine application du règlement omnibus : la prise en charge à 70 %, et non dans la limite de 70 %, de la cotisation d'assurance ; une franchise de 10 % ou de 20 %, et non de 25 %, pour les cultures les plus à risque. En outre, l'article 2 devrait s'appliquer aussi bien aux contrats à la culture qu'aux contrats à l'exploitation, afin que ceux qui font le choix de diversifier leur production ne soient pas pénalisés.

Nous sommes aussi favorables au principe d'une indemnisation fondée sur la solidarité nationale. Il faudra veiller toutefois à ce que son articulation avec le régime des calamités agricoles ne soit pas source de complexité. Des inquiétudes subsistent également quant à la prise en compte de la moyenne olympique comme base de calcul pour l'indemnisation des pertes de récolte : ce référentiel historique est tiré vers le bas par une succession de mauvaises récoltes et ne suffit plus pour garantir une juste couverture des coûts assumés par les agriculteurs.

Enfin, nous regrettons que la réforme comporte encore un grand nombre d'inconnues. Nous comprenons qu'une certaine flexibilité soit nécessaire mais des points fondamentaux sont renvoyés à des ordonnances ou à des décrets : ainsi, la création d'un pool d'assureurs, permettant de garantir la mutualisation des données et des risques fait l'objet d'une habilitation à légiférer par ordonnances. Dans l'hypothèse où ce pool ne verrait pas le jour, quelle organisation faudrait-il mettre en œuvre ? Nous espérons que l'examen en commission sera l'occasion d'apporter des éclaircissements sur un texte attendu de longue date par le monde agricole.

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Je me réjouis qu'un représentant de la plèbe s'exprime après un député hobereau… (Rires). Je n'adopterai pas le même registre que celui choisi par le député creusois Jean-Baptiste Moreau – sonnez hautbois, résonnez musettes ! –, car s'il est bien que la gestion des risques en agriculture soit à l'ordre du jour, je suis plutôt dubitatif sur l'orientation générale qui nous est proposée.

Je considère en effet que l'ampleur des contraintes et des menaces climatiques, sanitaires, environnementales qui pèseront sur notre agriculture dans les décennies à venir nous impose de construire un véritable régime public d'assurance et de gestion des risques : un système où chaque agriculteur, quelle que soit sa production, est couvert ; un système où les agriculteurs et les décideurs publics déterminent les objectifs et les moyens du régime, notamment les ressources et les recettes pérennes affectées chaque année pour répondre aux besoins identifiés. J'estime que le texte tourne le dos à cette vision. Quelques interrogations permettront peut-être de mettre une sourdine aux trompettes de la renommée…

Vous affirmez garantir une protection universelle : de quelle universalité s'agit-il quand le dispositif d'assurance n'est pas obligatoire et qu'il vient affaiblir le seul dispositif général existant, le régime des calamités agricoles ?

Vous affirmez garantir une couverture adaptée des risques : de quel niveau sera-t-elle, alors que les critères seront laissés à l'appréciation du pouvoir réglementaire ou à la technique de comités ? Comment le législateur peut-il se prononcer sur un système dont on renforce l'instabilité budgétaire avec des soutiens publics qui seront arbitrés à chaque projet de loi de finances ?

Vous affirmez garantir une assurance plus juste : n'est-ce pas occulter la question des inégalités de revenu des exploitations, un verrou dans la mesure où la progressivité du soutien à l'assurance récolte est fonction des structures des exploitations et de leurs revenus ? Le fiasco des contrats d'assurance récolte montre que c'est là le fond du problème ! Nous voilà bien éloignés d'un système de protection efficace contre les aléas et les risques auxquels seront confrontés les agriculteurs et les grands systèmes de production dans les décennies qui viennent.

Je poursuis ma partition : posez-vous le cadre d'outils publics qui incluraient, outre les aléas climatiques, l'ensemble des risques sanitaires et environnementaux liés au changement climatique ? Posez-vous le cadre d'un système qui prévoirait de soutenir la prévention par le transfert des connaissances issues de la recherche agronomique dans les exploitations ? Posez-vous le cadre d'un régime dont les modalités d'indemnisation des pertes seraient collectivement décidées par les premiers concernés, les exploitants agricoles, en lien avec les pouvoirs publics ? N'est-ce pas tout le contraire qui se profile, avec des structures guidées par les acteurs assurantiels privés, au sein d'un futur comité de développement de l'assurance récolte qui ferait lui-même partie du CNGRA ?

Convenez-vous que ce texte affaiblit en réalité le seul régime public d'assurance existant, le régime des calamités agricoles, appuyé sur le FNGRA, pour assurer, à grand renfort d'aides publiques, le développement de l'assurance privée ? Cette politique n'est-elle pas davantage destinée à assurer, à rassurer et à réassurer les assureurs, plutôt qu'à sécuriser les producteurs ? J'ai le sentiment que ce texte est une usine à gaz, avec des dispositions techniques et des seuils d'intervention systématiquement renvoyés au pouvoir réglementaire.

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Je veux souligner la volonté du ministre de se confronter à l'enjeu que constitue l'assurance agricole. Alors que les agriculteurs ne pourront plus assurer des risques qui les dépassent, l'investissement massif de l'État dans ce dispositif, bien au-delà de ce qui se faisait jusqu'à maintenant, est un signal très important.

Il est très cohérent de fusionner les dispositifs existants : le régime des calamités agricoles, basé sur des financements publics mais complexe et long à mettre en œuvre ; les assurances privées, de recours plus simple mais plus coûteuses et auxquelles peu d'agriculteurs souscrivent.

Le dispositif proposé s'appuie, de façon fort pertinente, sur trois niveaux. Le premier, c'est le risque assumé par l'agriculteur. Les organisations professionnelles, les syndicats nous ont beaucoup sollicités sur ce point. J'estime qu'il est important que ce risque existe et qu'il soit significatif, car certaines cultures, que le contexte agroclimatique ne rendra plus possibles, doivent en relever. Le deuxième niveau correspond aux assurances privées, pour ceux qui le souhaitent. Le troisième niveau, qui concerne les catastrophes, sera largement financé par l'État et peut-être par des fonds européens. Je trouve cette architecture particulièrement cohérente et pertinente.

La définition des seuils par décret garantit, à mes yeux, la pérennité du système, puisque cela permettra de définir des objectifs pour les filières, d'en amener certaines vers l'assurance et de donner aux gouvernements successifs la liberté de définir leurs propres priorités en matière d'assurance récolte.

Quelques enjeux doivent être soulignés. D'abord, la loi devra être mise en application rapidement, en cette année électorale qui est aussi celle de la nouvelle PAC. Je souhaiterais connaître le calendrier du ministère. Ensuite, il faudra que les pouvoirs publics et les organisations professionnelles communiquent et instillent la culture du risque : certains agriculteurs, je le sais, recherchent un retour sur investissement ; or une assurance n'est pas un placement. S'agissant du potentiel de rendement, les moyennes triennale et olympique sont discutables, car les rendements sont soumis désormais à une grande variabilité. Enfin, je souhaiterais obtenir des explications sur le pool d'assurance et les modalités de son organisation, en conformité avec le droit de la concurrence.

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La réforme était effectivement très attendue et j'apprécie que vous la qualifiiez, Monsieur le ministre, de « politique d'accompagnement des agriculteurs ». Elle suscite sur le terrain beaucoup d'espoirs mais aussi des inquiétudes – on sait ce qu'on perd, pas toujours ce qu'on gagne.

Les craintes concernent d'abord la régulation des tarifs et la capacité à faire la transparence sur la manière dont seront calculés les tarifs d'assurance, et les outils dont disposeront l'État et le comité pour le faire. Elles portent aussi sur la capacité des agriculteurs à prendre en charge les montants assurantiels : si certains agriculteurs considèrent leur assurance comme un retour sur investissement, c'est avant tout parce que le poids du contrat dans les charges d'exploitation est élevé.

Deux questions m'ont été posées : est-ce qu'une distinction sera faite, au niveau des tarifs, entre ceux qui auront mis en place des mesures physiques de protection, tels des filets antigrêle, des systèmes d'irrigation ou des outils de lutte contre le gel, et ceux qui n'auront pas protégé leurs cultures ? L'article 4 limite le champ d'application du régime des calamités agricoles aux pertes non assurables de l'exploitation : comment les agriculteurs seront-ils indemnisés des pertes de fonds en cas d'aléa exceptionnel ?

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Pour avoir connu une dizaine de calamités entre 2003 et 2019 dans un département d'élevage, je sais que cette réforme est attendue par tous les agriculteurs, y compris les éleveurs. Les filières herbivores présentent un profil particulier, dans la mesure où l'indemnité ne vient pas compenser une perte, mais une charge à venir : elle sert à acheter du fourrage pour assurer la continuité de la production animale. Le règlement omnibus permet un taux d'indemnisation relativement élevé, notamment sur les zones à contraintes naturelles. Serait-il possible, Monsieur le ministre, d'afficher clairement dans la loi le niveau maximum d'indemnisation – 80 % ou 90 % pour ceux qui sont assurés ? Nous avons besoin de rassurer les filières herbivores.

Le premier niveau du risque, à hauteur de 20 %, sera assumé par l'agriculteur. On attend beaucoup des axes 2 et 3 du Varenne agricole de l'eau, mais on sait qu'une grande partie des solutions réside dans l'accès à l'eau. Or il existe, sur le plan réglementaire, des injonctions paradoxales, avec, notamment l'obligation de créer des retenues d'eau. Un droit opposable d'accès à l'eau pourrait-il être envisagé dans un prochain texte ?

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Je salue le travail qui permet d'aboutir à ce projet de loi très attendu. Il est plus facile de faire face aux aléas quand on est installé depuis longtemps et que l'exploitation est stabilisée. Ce dispositif pourrait-il agir comme un levier facilitant l'installation des jeunes agriculteurs ? Comment l'intégrer dans leur projet d'installation ?

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Julien Denormandie, ministre

Certains d'entre vous ont demandé pourquoi les non-assurés seraient in fine moins indemnisés que les assurés. Au-delà du fait qu'il est, somme toute, assez logique que les premiers reçoivent moins que les seconds, le projet de loi ne fait que reprendre les 50 % imposés par le droit européen, par ailleurs respectés par le CNGRA aujourd'hui.

L'absence d'offre assurantielle a également été soulevée. Je renvoie au dispositif, dont le troisième étage prévoit qu'au-delà d'un seuil défini en fonction des cultures, la solidarité nationale interviendra. Aujourd'hui, la part de la surface agricole utile assurée est de 18 %, mais cette proportion cache des réalités très différentes : elle atteint 30 % dans la viticulture et dans les grandes cultures mais tombe à 6 % dans l'arboriculture et jusqu'à 1 % dans la prairie. Le taux de non-assurance n'est pas le fait de l'irresponsabilité des agriculteurs, il démontre simplement que le système fonctionne mal.

Celui-ci, qui repose à la fois sur l'assurance récolte privée et le régime de calamité agricole, est fondé sur un principe incroyable puisqu'il a été décrété que ceux qui étaient considérés comme assurables ne pouvaient pas bénéficier du FNGRA. Établir une différence entre les cultures était une approche dénuée de sens, qui a fait que le dispositif ne pouvait fonctionner dans la durée. Le nouveau système est basé sur l'universalité, il est ouvert à tous : au-delà d'un seuil défini pour chaque culture, la solidarité nationale fonctionnera. C'est une avancée fondamentale.

Que faire si, au deuxième étage, les assureurs proposent des contrats au coût exorbitant ? L'article 7 prévoit la mise en place d'un pool, avec des règles actuarielles qui permettent de définir le niveau des primes d'assurance. C'est une forme de régulation, toutefois limitée par le principe constitutionnel de libre contractualisation : cela reste un contrat, proposé par un assureur à un agriculteur. Si l'on s'aperçoit que les prix sont exorbitants sur un territoire donné ou que les assureurs ne sont pas suffisamment nombreux, l'article 3 entre en jeu.

Cet article est celui qui fonde le seuil de mobilisation du troisième étage, selon la nature des productions et le type de contrats d'assurance souscrits. En revanche, l'alinéa 6 de l'article 3 renvoie à un décret le soin de fixer le niveau d'indemnisation. C'est d'ailleurs ainsi que fonctionne aujourd'hui le CGNRA, qui recouvre au-delà d'un seuil de pertes 30 %. Cette approche, qui perdurera, tient compte de la réalité du contexte assurantiel. Cela mériterait, je pense, d'être précisé dans la discussion lors de l'examen en séance publique.

Je réfute les critiques du président Chassaigne sur l'aspect électoraliste du projet de loi, mais j'assume le renvoi à un décret. Fixer les seuils par culture ne relève pas de la loi, ce serait folie que de le prévoir. J'ai un immense respect pour le travail parlementaire, mais imaginez-vous décider ici du seuil pour le lavandin, puis pour le houblon, et ainsi de suite ? La loi comprendrait un nombre insensé d'articles… et malgré tout le plaisir que j'ai à vous rencontrer, il faudrait que je revienne devant vous à chaque fois que nous nous serions trompés ! Alors, si la voie réglementaire suppose que la prochaine législature ait la même envie, la même détermination et la même vision, le moyen le moyen le plus simple est de ne pas changer de majorité .

(Rires)

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Julien Denormandie, ministre

Je suis opposé à l'idée de rendre l'assurance obligatoire. Pendant des années, on s'est dit qu'on allait faire baisser les prix en convainquant de plus en plus d'agriculteurs de souscrire une assurance récolte, ce qui permettrait de mutualiser les risques, et donc de diminuer les primes. L'idée était qu'il faudrait avoir un jour le courage de rendre l'assurance obligatoire. Mais, ayant eu l'occasion de travailler quelque temps dans le secteur, j'ai regardé de près la question, en apparence légitime, et je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'une fausse bonne solution.

En effet, si le système actuel ne fonctionne pas, c'est que les assurances privées couvrent, de manière schématique, les « bons risques » – les risques moindres – dans les territoires les plus sujets à risques. Si les assurances devenaient obligatoires, la moyenne des risques serait couverte sur la moyenne des territoires. Or il s'avère que cette couverture équivaudrait peu ou prou à celle existante, produite par un système totalement déséquilibré. Il fallait le démontrer, cela nous a pris du temps mais je peux désormais l'affirmer : la solution ne peut en aucun cas être l'assurance obligatoire. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas inciter les agriculteurs à souscrire une assurance multirisque climatique, tout en conservant la solidarité nationale. Car c'est bien elle qui rend le système solide, pérenne et accessible pour les agriculteurs.

Sur la question de la concurrence entre les assurances, soulevée par MM. André Chassaigne et Charles de Courson, l'article 7 prévoit une habilitation à légiférer par ordonnances. Je connais l'appétence assez faible du Parlement pour ces dernières. La grande difficulté, comme vous l'avez dit tous deux, c'est qu'il s'agit d'une question d'une technicité incroyable. Les discussions avec l'Autorité de la concurrence se poursuivent.

L'article 7, dans ses grandes lignes, vise à établir la nécessité d'une régulation actuarielle, d'une mutualisation des données et des risques entre les assureurs et d'une lutte contre l'aversion au risque. Techniquement, il faut notamment préciser de quelles données il s'agit, pour quel partage et quelle utilisation, et de quelles règles actuarielles, avec quel rapport sinistre sur prime (S/P). Objectivement, ces questions, qui se posent quand on entre dans le vif du sujet, sont incroyablement complexes. C'est pourquoi je sollicite votre bienveillance sur cette habilitation à légiférer par ordonnances.

L'interlocuteur unique est en réalité un interlocuteur agréé par l'État, qui peut être un assureur, un service de la direction départementale des territoires (DDT) ou un autre partenaire agricole. Il sera à même de faire fonctionner le mécanisme à trois étages sur le territoire concerné. Chaque agriculteur aura le choix de son interlocuteur agréé. Ce que je veux absolument faire, c'est mettre un terme au système actuel, qui est délirant : il faut parfois, côté assurance publique, un an et demi, voire deux ans, pour couvrir un risque sécheresse après que celle-ci a eu lieu.

M. Charles de Courson a soulevé l'importante question de savoir si l'indemnisation est à la culture ou à l'exploitation. L'article de loi reprend strictement l'écriture du règlement omnibus, qui emploie le mot « exploitant », ce qui permet de faire, comme nous le faisons d'ores et déjà dans le cadre du CNGRA, un mix des deux, consistant à indemniser à la culture après application d'un seuil d'exploitation. Je le dis haut et fort, l'approche à la culture est importante à mes yeux. Au demeurant, les mesures que nous avons prises à la suite de l'épisode de gel n'auraient pas pu l'être sans adopter cette approche. Le projet de loi permet une approche à la culture ou à l'exploitation, et surtout pas uniquement à l'exploitation, comme certains le déduisent de l'emploi du mot « exploitant ».

La question de la moyenne olympique, abordée par plusieurs orateurs, est incroyablement complexe. Pour l'établir, il faut se fonder sur des bases. Elle présente des limites, tout en étant nécessaire. En tout état de cause, elle ne dépend nullement du niveau législatif. Il s'agit de dispositions liées à la fameuse boîte verte de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), reprises dans les règlements européens sur les aides d'État. Faut-il l'étendre ? Faut-il revoir son cadre d'application ? Ces questions doivent être posées.

Il s'agit d'un véritable chantier, qu'il faudra mener cette année, mais qui ne relève pas du présent projet de loi. Il existe d'autres aides, notamment les aides à l'hectare, que les règles européennes et celles de l'OMC interdisent de subventionner. Ce débat doit être ouvert dès cette année. Je m'engage, si je suis toujours en poste, à l'ouvrir pour déterminer un point d'atterrissage, en sachant que tout dispositif assurantiel suppose un référentiel, donc une moyenne. En l'espèce, il s'agit de déterminer si la durée de cinq ans et la méthodologie de calcul sont satisfaisantes ou non. Par ailleurs, de nombreuses cultures assurables ne sont pas concernées, leurs éventuelles pertes n'étant pas couvertes par la solidarité nationale.

Le pool d'assureurs, je l'ai dit, fait la régulation actuarielle. Je ne peux le décrire plus précisément. Il doit faire l'objet de toute l'attention que M. Charles de Courson appelle de ses vœux.

S'agissant des seuils de 20 % et de 70 %, ils sont fixés par le règlement omnibus, dont je souhaite la mise en œuvre la plus complète. Monsieur de Courson, je me permettrai de corriger vos propos : le projet de loi ne précise aucun seuil de franchise à 25 %. À l'heure actuelle, la franchise est de 30 % pour les contrats socles et de 25 % pour les contrats complémentaires. Le projet de loi se contente de fixer les bornes de 70 % et de 20 %.

Certains se demandent s'il faut figer ces seuils. Il me semble que cela relève du pouvoir réglementaire. Plus la franchise est basse, plus le coût de l'assurance est élevé, et plus la subvention à la prime d'assurance est forte, ce qui explique que les amendements allant en ce sens ont été déclarés irrecevables. Il faut donc trouver un équilibre, probablement culture par culture, en conservant à l'esprit l'objectif très clair qui consiste à appliquer le règlement omnibus le plus complètement possible. Le projet de loi se contente de fixer trois seuils : 20 %, 30 % et 70 %. Il incombe au politique de prendre ses responsabilités dans son application.

En tout état de cause, ce débat aura lieu avant l'examen du prochain projet de loi de finances, car la demande de financement sera fonction des seuils qui seront fixés. La loi doit fixer le cadre ; le politique que je suis annonce clairement l'objectif d'appliquer omnibus le plus complètement possible et de définir des seuils profitables aux agriculteurs, ce qui est l'objet de cette réforme à laquelle nous avons tant travaillé, par le biais du pouvoir réglementaire. Demain, le politique prendra ses responsabilités, sous votre contrôle, Mesdames et Messieurs les députés, dès lors que sa flexibilité d'action dépend des crédits que vous voterez en loi de finances.

M. Chassaigne a une approche distincte de la nôtre. Il considère qu'il faut faire du tout public, donc supprimer le deuxième étage de la réforme. Moi, je pense que nous sommes parvenus au bon équilibre. Voyez donc le verre à moitié plein, Monsieur Chassaigne : jusqu'à présent, plusieurs cultures ne bénéficiaient d'aucun dispositif public. Le troisième étage, que vous voulez conserver seul en abaissant les seuils autant que possible, est dorénavant destiné à toutes les cultures.

Le régime des calamités agricoles ne s'en trouve en aucun cas fragilisé. Si l'on met de côté les événements exceptionnels tels que l'épisode de gel que nous avons vécu l'an dernier, ce régime repose sur un investissement de 300 millions d'euros par an, que nous faisons passer à 600 millions. Ainsi, nous le renforçons.

Vous vous demandez si ses règles de fonctionnement seront maintenues dans le nouveau régime. Je comprends tout à fait que des craintes s'expriment. J'y réponds clairement, en disant qu'il s'agit d'appliquer au maximum le règlement omnibus, et que je n'ai jamais pensé que l'on peut réussir la réforme de l'assurance multirisque climatique (AMC) en défavorisant le régime des calamités agricoles et en conservant telle quelle l'assurance. Je crois en une réforme qui consolide feu le régime des calamités agricoles tout en rendant bien plus accessible l'assurance privée, selon une approche incitative. Il incombera au Gouvernement de la mettre en œuvre, en fixant les seuils par décret, sous le contrôle du Parlement qui octroiera un budget.

Peut-on qualifier le projet de loi d'usine à gaz ? Il est court et explicite. Certes, il sera mis en œuvre par décret, mais nous avons essayé, avec M. Frédéric Descrozaille, de faire quelque chose de simple. D'ailleurs, le Conseil de l'agriculture française (CAF) a approuvé à l'unanimité, ce qui est assez historique, le sens de cette réforme.

M. Turquois a rappelé la nécessité de sa mise en œuvre rapide. Nous allons nous mettre en ordre de marche pour relever le défi.

Madame de Lavergne, nous continuerons à subventionner la prime d'assurance récolte, dans le cadre du règlement omnibus. Nous ferons la distinction, plutôt deux fois qu'une, entre les agriculteurs qui consentent des investissements et les autres. Ce sujet sera abordé dans le cadre du CODAR ou du pool de fixation des règles actuarielles. Par ailleurs, il est normal que l'article 4 laisse de côté les pertes de fonds en cas de calamité agricole, car nous traitons des pertes d'exploitation.

Monsieur Venteau, nous avons inscrit la question que vous soulevez dans le programme de travail du Varenne de l'eau. Nous disposons des résultats du premier groupe thématique et nous avons présenté ceux du deuxième, consacré notamment à l'adaptation des filières. Ceux du troisième groupe, consacré à la ressource en eau elle-même, seront publiés prochainement.

Monsieur Daniel, cette réforme a été annoncée par le Président de la République devant les Jeunes agriculteurs, ce qui en démontre le sens.

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Le premier groupe thématique du Varenne de l'eau a travaillé sur plusieurs hypothèses. Si la réforme ne fait pas l'unanimité parmi les organisations syndicales, c'est en raison du choix politique prévalant jusqu'à présent de faire intervenir l'État en premier. Le raisonnement de nombreux agriculteurs est le suivant : je suis agriculteur, je fais mon métier et j'assume un risque longtemps considéré comme professionnel, ce qui est quand même inouï si l'on songe qu'il s'agit du soleil, de la pluie et des aléas climatiques. À titre personnel, j'estime que cette culture d'entreprise est admirable. Quoi qu'il en soit, en cas de pépin, l'État intervient d'abord, le recours à un assureur privé s'inscrivant dans une logique de confort, dès lors que l'État me garantit une indemnisation si je perds une part significative de ma récolte.

Nous avons choisi de faire intervenir l'État en dernier : je fais l'effort d'adopter une stratégie, je m'auto-assure, je calcule les risques et j'en transfère certains, dans le cadre de ma stratégie d'entreprise, à un assureur dont le métier est le conseil. L'État intervient en dernier, en cas de risque exceptionnel dont la couverture coûterait trop cher à l'assureur, dans une logique de réassurance.

Ce choix politique peut être discuté, dans un débat qui s'annonce passionnant. Il a été fait pour deux raisons. Tout d'abord, faire intervenir l'État en premier, en garantissant une sorte de matelas, est bien plus coûteux pour son budget, comme le montrent les modélisations. Ensuite et surtout, cela donne l'illusion que la réforme vise à maintenir l'agriculture telle quelle, alors qu'elle vise au contraire à accompagner une adaptation, une mutation.

Comme l'a rappelé M. Nicolas Turquois, certaines cultures ne seront plus possibles, voire ne le sont déjà plus, compte tenu de l'évolution du contexte agroclimatique. Voilà ce qu'il s'agit d'affronter. Cela sera douloureux et compliqué. Il y aura des délocalisations de bassins de production, des cessations d'activité par endroits, mais aussi des innovations, l'introduction de variétés nouvelles, notamment tropicales, et l'apparition de nouvelles cultures. Tel est le changement qu'il s'agit d'accompagner.

Dans ce contexte, chaque agriculteur et chaque filière doivent avoir une stratégie d'adaptation. Quant aux compagnies d'assurances, elles doivent accompagner les transformations, les prises de risques, l'émergence de nouveaux marchés et même des lignes expérimentales grâce au réassureur public qu'est la caisse centrale de réassurance (CCR). L'État, lui, est là pour couvrir ce qui est exceptionnel et ne permet pas au marché de l'assurance de se développer.

S'agissant du financement de la politique agricole commune, je considère qu'il ne doit pas reposer sur les acteurs de l'aval des filières agroalimentaires. Les interprofessions sont là pour ça. Moins l'État s'en mêle, mieux c'est. Parvenir à l'équilibre interprofessionnel n'est pas simple. L'initiative est de droit privé. Il faut laisser les interprofessions s'entendre et signer des accords.

Le secteur de l'agroalimentaire tire vers le bas les marges des salaires et les prix de tous les acteurs, même les gros. Ceux-ci exercent peut-être une certaine fascination, et il est vrai que certaines familles de la grande distribution sont très riches. Toutefois, pour avoir passé trois ans à recruter des commerciaux dans ce secteur, je puis dire qu'ils sont payés moitié moins que les chargés de relation clientèle du secteur du numérique, dont les responsabilités sont comparables.

Depuis plusieurs années, ces filières sont victimes d'une déflation, dont nous, consommateurs, sommes les premiers à profiter. Cher collègue Herth, je ne sais pas comment se passera le débat que nous aurons lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, mais je ne souhaite pas que l'argent destiné à accompagner l'agriculture soit prélevé sur l'économie du secteur agroalimentaire. Il s'agirait d'un transfert de valeur. Or, je considère que cette filière détruit trop de valeur au profit des consommateurs, lesquels ont trop pris l'habitude de manger plus sûr et plus qualitatif, et d'exprimer des exigences certes légitimes mais de plus en plus coûteuses, pour que tout cela continue à être de moins en moins cher. Cela n'est pas possible.

Je suis favorable à la solidarité prévue par la réforme. Nous débattrons de ses moyens lors de l'examen du prochain projet de loi de finances. Il n'en est pas moins nécessaire de consacrer de l'argent à la reconstitution de la valeur sur toute la chaîne de valeur du secteur agroalimentaire.

Sur l'habilitation à légiférer par ordonnances et le droit de la concurrence, qui donneront lieu à un débat passionnant, je rappelle que l'article 42 du traité de Rome établit que les objectifs de la PAC prévalent sur l'application du droit de la concurrence au secteur agricole. L'application de ce principe de droit est complexe. Il ne s'agit pas d'un enjeu de délimitation du droit communautaire et du droit national. La querelle oppose, au sein de la Commission européenne elle-même, la direction générale de la concurrence (DGCOMP) et la direction générale de l'agriculture (DG Agri).

La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) nous a largement éclairés en statuant sur l'affaire du « cartel des endives », ainsi nommée même si les endiviers ne sont pas, à ma connaissance, des gens planqués dans des paradis fiscaux. La CJUE a éclairé le législateur sur les notions d'effet utile et de proportionnalité. Nous devons démontrer que les mesures que nous prévoyons d'appliquer aux assureurs sont proportionnelles, qu'elles constituent le strict minimum et respectent la liberté d'entreprendre. Leur regroupement, cher collègue de Courson, est un pool de co-réassurance, qui mutualise non les risques, mais la réassurance.

Prenons l'exemple de la culture des poires, pratiquée en Picardie et en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). La filière peut passer commande au groupement d'assureurs en vue de couvrir le risque de gel, dont la fréquence et l'intensité ne sont pas les mêmes en Picardie, dans la Drôme et dans les Bouches-du-Rhône. Les assureurs mutualiseront les données de sinistralité et la base technique de la prime d'assurance, qui est le coût de la réassurance de la couverture du risque de gel.

Sur cette base, certains assureurs feront preuve d'inventivité et proposeront une police d'assurance paramétrique. Tant mieux s'ils parviennent à convaincre leurs clients, dont les frais d'expertise seront réduits par rapport à ceux des agriculteurs ayant conservé une logique indemnitaire incluant des déplacements d'experts sur le terrain. Chaque assureur aura sa politique client. Par ailleurs, les frais de gestion ne seront pas mis en commun. La mutualisation du modèle actuariel permettra de chiffrer ce que coûte la réassurance. Le groupement d'assureurs offrira une co-réassurance, épaulé par la CCR pour couvrir les démarches expérimentales.

S'agissant de l'élevage, le présent projet de loi fait le maximum, cher collègue Venteau. Nous ne pouvons pas faire plus pour lisser l'évolution de la situation des éleveurs. J'évoquerai un point technique, dont je sais que vous le maîtrisez parfaitement. Le régime des calamités agricoles couvre les pertes au premier pourcentage. Je suis éleveur, j'ai 35 % de pertes fourragères, je suis indemnisé à hauteur de 28 % en moyenne. Demain, j'ai 35 % de pertes, l'État n'en couvre que 5 %, mais la loi permet qu'il les couvre en totalité, ce qui est pratiquement équivalent à 28 % de 35 %. C'est dire si nous allons loin.

L'entrée en vigueur de la loi est prévue dès 2023. Si les assureurs ne sont pas assez rapides, convaincants et attractifs pour proposer des polices d'assurance couvrant les 10 % de pertes au-delà de 20 %, il sera quand même possible, pour le Gouvernement, de fixer par voie réglementaire un taux d'indemnisation des pertes couvertes par l'État lissant la situation entre l'actuel régime des calamités agricoles et le nouveau dispositif. Cela laissera le temps d'élaborer des plans d'adaptation de la filière élevage et de développer le marché de l'assurance de façon attractive, en parvenant à la définition d'un équilibre technique pour les assureurs et d'un intérêt stratégique pour les agriculteurs, en attendant la mise en œuvre de la réforme.

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Julien Denormandie, ministre

Le projet de loi va même un cran plus loin : il prévoit la possibilité d'une indemnisation sous le seuil, conservant la philosophie du CNGRA, dès lors que le système assurantiel n'existe pas sur le terrain. Ce point est parfaitement sécurisé, grâce à l'alinéa 6 de l'article 3, sur lequel j'éclairerai la Représentation nationale dans le cadre du débat en hémicycle.

Chapitre Ier – Dispositions modifiant le code rural et de la pêche maritime

Article 1er (article L. 361-1 A [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Création d'un nouveau régime d'indemnisation assis sur la solidarité nationale

Amendement CE212 de M. Frédéric Descrozaille.

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Le texte initial utilise le mot « agriculteurs », ce qui n'est pas très bon. Toutefois, son remplacement par « exploitants agricoles » n'est guère meilleur. Il faut utiliser l'expression « exploitations agricoles », s'agissant d'entités économiques qui peuvent être individuelles ou collectives.

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Je comprends le sens de cette observation, mais il s'agit de technique juridique. L'amendement est un copier-coller du droit communautaire, qui vise à permettre à chaque État membre, dans le cadre de son Plan stratégique national de la Politique agricole commune (PSN-PAC), de faire ce qu'il veut. Qui peut le plus peut le moins. Cette rédaction autorise tout.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CE145 de M. André Chassaigne.

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En dépit des éclaircissements qui précèdent, je ne suis pas favorable à la modification de l'indemnisation des calamités agricoles. Il s'agit, nous dit-on, de nous mettre en accord avec la réglementation européenne en matière de droit de la concurrence. Cet argument, souvent utilisé, me laisse dubitatif. Je vérifierai ce qu'il en est auprès de l'Autorité de la concurrence d'ici à l'examen du texte en séance publique.

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Je vous assure que nous sommes vraiment en phase sur ce sujet.

Grâce à M. Stéphane Travert, que je salue, j'ai enfoncé le clou lors de l'examen de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), qu'il a défendue en tant que ministre. Au banc, il a pris l'engagement d'introduire dans le texte les dispositions du règlement 101, et je m'en étais assuré auprès de la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Tel qu'il est rédigé, votre amendement esquinte le dispositif. Avis défavorable.

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Julien Denormandie, ministre

Avis défavorable également. Les dispositions du texte relatives au droit de la concurrence sont certes un copier-coller du droit communautaire, mais elles sont déjà appliquées. Ainsi, la minoration de 50 % de la prime d'assurance est déjà appliquée par le CNGRA.

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Je confirme que M. Frédéric Descrozaille a lutté contre l'Autorité de la concurrence et la DGCOMP. M. Stéphane Travert et moi-même avons ferraillé avec cette dernière lors de l'élaboration de la loi EGALIM. Ce n'est pas simple, mais il faut aller au maximum.

C'est le système en vigueur qui est une usine à gaz. Souvent, les éleveurs sont indemnisés dix-huit mois après le sinistre. Ils sont donc obligés de financer l'achat de fourrage pour l'hiver qui suit. Je peux en donner un exemple concret. Lors d'un épisode de sécheresse, la solidarité nationale a été déclenchée, mais mon assurance récolte, financée pour moitié par l'État, ne l'a pas été. L'assurance récolte est totalement inadaptée à la situation actuelle.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article 1er modifié.

Article 2 (article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime) : Modification des règles de prise en charge publique des contrats d'assurance privés

La commission adopte l'amendement rédactionnel CE213 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendement CE187 de M. Charles de Courson.

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Sans être en désaccord sur le fond, j'estime que l'amendement n'est pas nécessaire. L'article 2 prévoit les modalités de subvention publique de l'offre assurantielle, qui par définition ne bénéficiera qu'aux personnes assurées. Demande de retrait ou avis défavorable.

L'amendement est retiré.

Amendement CE151 de M. André Chassaigne.

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Cet amendement, l'un des rares ayant échappé à la débâcle de l'article 40, vise à préciser que l'avis des cinq organisations syndicales d'exploitants agricoles est recueilli.

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Je suis d'accord avec vous sur le fond et suggère le retrait de l'amendement. Il va de soi que nous demanderons l'avis des cinq organisations syndicales d'exploitants agricoles. Elles sont consultées sur les conditions de détermination des critères retenus pour l'attribution des subventions prévues à l'article 2. Par ailleurs, nous examinerons ultérieurement un intéressant amendement de M. de Courson relatif à l'appellation du CODAR.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article 2 modifié.

Article 3 (article L. 361-4-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Intervention du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pour les risques climatiques entraînant des pertes supérieures à 30 % de la production annuelle

Amendements identiques CE133 de Mme Séverine Gipson et CE173 de M. Antoine Herth.

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Je m'interroge sur l'articulation du FNGRA et du nouveau dispositif.

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Ces amendements, auquel je suis défavorable, réintroduisent dans le projet de loi une distinction entre ce qui est assurable et ce qui ne l'est pas. Il est avéré que l'un des facteurs de l'insatisfaction suscitée par le système actuel est la tentative de faire cette distinction à l'échelon national.

Le CODAR bénéficiera d'un double apport. Le premier proviendra des filières agricoles, qui passeront des commandes aux assureurs par son truchement pour la prise en charge de tel investissement, telle adaptation ou tel chantier. Pour reprendre l'exemple des poires, rien n'empêche l'Association nationale pommes-poires (ANPP) de demander au CODAR une police d'assurance contre le risque de gel, comportant deux primes distinctes selon que l'exploitant a réalisé un investissement dans un dispositif antigel ou non. Des stratégies d'adaptation des demandes seront transmises aux assureurs.

Par ailleurs, les assureurs indiqueront au CODAR les risques qui deviennent non assurables, en raison d'une dégradation de l'équilibre technique et du taux S/P. Ce choix est très important : il s'agit d'identifier les risques qu'il n'est plus possible de prendre, afin de ne pas laisser cette décision à chaque assureur, et de battre en brèche la sélection des risques qui amène parfois les assureurs à laisser leurs clients sur le carreau en leur disant qu'un aléa n'en est plus un, qu'ils ne peuvent plus prendre tel risque et qu'ils sont sortis du périmètre de son métier.

Compte tenu des délais, de la réactivité et surtout du jeu de la concurrence inhérents au secteur de l'assurance, le CODAR amortit la sélection des risques. Les assureurs devront mettre en garde les filières contre les risques qu'ils ne peuvent plus assurer en raison d'une dégradation de l'équilibre technique, ce qui permettra au CODAR d'enrichir sa stratégie d'adaptation de filière. Les parlementaires, quant à eux, auront la responsabilité de doter le FNGRA, piloté comptablement et financièrement par la CCR, des fonds nécessaires pour couvrir les risques devenus non assurables, le temps que la filière s'adapte et que l'agriculture évolue.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CE214 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendements CE188 et CE189 de M. Charles de Courson.

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Ce sont des amendements visant à préciser que les indemnisations prévues aux alinéas 3 et 4 sont versées par l'État.

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Ces amendements posent un problème de cohérence avec l'alinéa 5 : « L'indemnisation peut être versée par un réseau d'interlocuteurs agréés agissant pour le compte de l'État ». Je comprends ce qui les motive, mais j'en demande le retrait et émets, à défaut, un avis défavorable.

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Julien Denormandie, ministre

À l'évidence, le troisième niveau du dispositif, qui intègre le FNGRA, est financé par l'argent public. Les amendements sont satisfaits.

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Il est prévu à l'alinéa 5 que l'indemnisation peut être versée par un réseau d'interlocuteurs agréés agissant pour le compte de l'État. C'est une délégation : l'argent provient des caisses de l'État, qui peut en déléguer le versement. Je crains, en l'absence de précision, que l'indemnisation visée à l'alinéa 4 comprenne l'indemnisation versée par les assurances.

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Nous sommes d'accord sur le fond. Ce serait trahir l'esprit de la loi et l'intention du législateur que d'interpréter ainsi l'alinéa. Par souci de cohésion, je vous invite cependant à retirer les amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendement CE150 de M. André Chassaigne.

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Il s'agit d'un amendement d'appel car je n'ai pas compris ce que vous entendiez par « réseau d'interlocuteurs agréés ». Quel sera leur rôle ? Le ministre nous a expliqué qu'il pourrait tout aussi bien s'agir d'un fonctionnaire de l'État que d'un assureur. Ce n'est pas ce qui découle de la lecture de l'alinéa 5.

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Cet interlocuteur sera un professionnel – un assureur, dans l'idéal – chargé, pour le compte de l'État, d'évaluer et d'indemniser la perte. Il sera choisi sur appel d'offres. Les dossiers des assurés seront traités très rapidement. Ce sera plus compliqué pour les dossiers des non-assurés et il est fort probable que les DDT s'en chargeront dans un premier temps.

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Julien Denormandie, ministre

Nous voulons simplement accélérer le traitement des dossiers, qui aboutit parfois à ce que l'État mette dix-huit mois à verser une indemnisation calamité agricole. Très souvent, l'exploitant agricole rencontre son propre assureur pour la partie assurantielle douze à seize mois avant que l'État n'intervienne. L'interlocuteur agréé pourrait être le propre assureur des exploitants, ce qui permettrait d'accélérer la procédure. Si l'exploitant n'est pas assuré, cet interlocuteur agréé pourrait être, là encore, un assureur mais qui ne se déplacerait, cette fois, que pour le compte de l'État, un agent des services de la DDT, un conseiller financier ou une personne qui aurait répondu au cahier des charges très strict de l'appel d'offres.

Aujourd'hui, les dossiers de demande d'indemnisation sont déposés auprès des DDT. Demain, elles pourront poursuivre ce travail mais d'autres interlocuteurs pourront intervenir plus rapidement.

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Je ne suis pas convaincu. C'est comme si on vidait la sécurité sociale au profit du privé. J'accepte cependant de retirer l'amendement pour y travailler d'ici à l'examen en séance publique.

L'amendement est retiré.

Amendements identiques CE74 de M. Pierre Venteau et CE182 de M. Antoine Herth.

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Il s'agit d'ouvrir aux exploitants agricoles, les mieux placés pour juger des pertes réelles subies dans leur exploitation, la possibilité de contester une évaluation et de recourir à une enquête de terrain.

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La loi doit prévoir des voies de recours en cas de désaccord entre le bénéficiaire de l'assurance et celui qui la verse.

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Je suis d'accord avec vous mais ce sujet ne relève pas de la loi. Les conditions d'évaluation des pertes et les possibilités de contestation par les exploitants agricoles pourront être déterminées par voie réglementaire. Ces décisions peuvent, en tout état de cause, faire l'objet d'un recours devant le juge, dans le cadre de l'article L. 361-6 du code rural et de la pêche maritime ainsi que du droit commun des contrats.

Les amendements sont retirés.

Amendement CE152 de M. André Chassaigne.

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Je n'aime pas acheter un âne dans un sac ! Vous m'assurez que les organisations syndicales seront consultées mais j'aurais préféré que ce soit inscrit dans la loi.

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La loi ne supprime pas le comité national de gestion des risques en agriculture (CGNRA) dont sont membres les représentants de ces organisations syndicales. Le CODAR en est une émanation. Je vous invite à retirer votre amendement, qui est satisfait, sinon j'y serai défavorable.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'article 3 modifié.

Article 4 (articles L. 361-5 à L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime) : Modification du champ d'application du régime des calamités agricoles

Les amendements de suppression CE134 de Mme Séverine Gipson et CE174 de M. Antoine Herth sont retirés.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CE215 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendements identiques CE160 de Mme Sylvia Pinel et CE175 de M. Antoine Herth.

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Il s'agit de clarifier le champ des risques non assurables.

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Sans supprimer le fonds des calamités agricoles, l'amendement, travaillé avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) tend à clarifier le champ des risques non assurables ou pour lesquels il n'existe pas de référentiel suffisant pour que les assureurs jouent leur rôle d'interlocuteur unique.

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Je ne répéterai pas ce que j'ai dit. Même si la liste des risques non assurables ne figure pas dans la loi, nous prendrons toutes les dispositions nécessaires pour que, progressivement, le régime assurantiel accompagne la mutation de l'agriculture. Je vous invite à retirer l'amendement sinon avis défavorable.

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Julien Denormandie, ministre

Même avis.

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Il a été dit que des filières peuvent solliciter le CODAR pour que leurs cultures soient prises en considération. Je retire cet amendement qui n'avait d'autre objet que d'appeler votre attention sur ce sujet.

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Julien Denormandie, ministre

Le rapporteur ou le Gouvernement déposera un amendement en séance publique pour préciser l'alinéa 6 de l'article 3, qui tend à fixer les règles d'indemnisation. Celles-ci doivent dépendre du contexte assurantiel.

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Ne nous faisons pas d'illusions. Il restera toujours des productions agricoles très aléatoires que personne ne voudra assurer. Dès lors se posera un vrai problème et il ne serait pas choquant que ceux qui ne peuvent pas être assurés puissent être indemnisés.

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Julien Denormandie, ministre

Je suis d'accord avec vous.

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Soyons clairs : il s'agit d'exploitants non assurés de fait et non pas non assurables.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l'article 4 modifié.

Article 5 (article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime) : Création du comité chargé de l'orientation et du développement de l'assurance récolte (CODAR)

Amendement de suppression CE154 de M. André Chassaigne.

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Vous jetez la gestion des risques climatiques agricoles dans les eaux glacées du profit et vous ouvrez les bras aux assureurs privés. Vous avez les bras plus écartés que le Christ sur la croix pour accueillir les assurances privées et le public en pâtira.

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Si ce que vous dites était vrai, les assureurs seraient fous de joie. Or la majorité d'entre eux freine des quatre fers. S'il y a des acteurs dont nous tordons le bras dans le dos, ce sont bien les assureurs.

Tant mieux si des profits sont réalisés ! L'assurance récolte ne pourra pas se développer sans équilibre technique qui permette aux assureurs de faire leur métier. Ce n'est pas mal de gagner de l'argent, pourvu que les agriculteurs y trouvent leur compte.

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Julien Denormandie, ministre

Cette réforme est faite pour les agriculteurs. Ils ont besoin d'un dispositif accessible mais aussi d'assureurs. Or, pour que l'activité professionnelle de ces derniers soit viable, le ratio entre les sinistres et les primes doit rester équilibré. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, ce qui a conduit à une envolée du montant des primes. L'article 7 revêt une importance particulière dans ce contexte. Surtout, les nombreuses mises en garde que j'ai reçues des assureurs contre certaines dispositions de ce texte n'ont fait que renforcer ma conviction.

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Finalement, vous me demandez un acte de foi.

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Vous ne m'avez pas convaincu, d'autant plus que vous semblez négliger le bénéfice indirect des assureurs, qui profiteront de se rendre dans les exploitations agricoles en tant qu'interlocuteurs agréés pour faire signer d'autres contrats d'assurance aux exploitants. C'est bien naturel, dans le cadre d'une économie libérale.

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Les agriculteurs sont déjà assurés contre de nombreux aléas, heureusement ! Il s'agit à présent pour l'État de soutenir les agriculteurs en instaurant un dispositif unique partenarial et universel, car les risques climatiques sont beaucoup plus importants qu'il y a quelques années.

Les agriculteurs doivent s'assurer ! Mon père, en quarante-cinq ans de carrière, n'a connu que deux épisodes de sécheresse. En quinze ans, j'en ai déjà connu cinq !

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Julien Denormandie, ministre

Nous prévoyons le principe d'une indemnisation fondée sur la solidarité nationale, complétée par une indemnisation perçue au titre d'un contrat d'assurance multirisque portant sur les mêmes pertes. Il ne s'agit donc pas de favoriser le secteur privé.

Par ailleurs, grâce à ce troisième étage et au principe d'universalité, l'État pourra intervenir quelles que soient les cultures sinistrées. Surtout, il pourra indemniser, même si le seuil de pertes n'est pas atteint, lorsque les contrats d'assurance souscrits ne permettent pas d'indemniser.

Enfin, une subvention, issue de la PAC, est accordée aux agriculteurs pour souscrire une assurance multirisque climatique.

Dans ce contexte, les dispositions prévues à l'article 7 sont essentielles. Ce texte est destiné à faciliter l'accès à une couverture des exploitants agricoles, ce qui suppose d'assurer la viabilité des assureurs. Si l'article 7 n'est pas adopté et que nous ne pouvons pas réguler le volet actuariel, certains nous demanderont de profiter encore davantage des possibilités offertes par le règlement omnibus. Mais si nous augmentons l'aide accordée aux agriculteurs qui souscrivent une assurance, les compagnies ne manqueront pas de relever, en retour, leurs primes.

C'est pourquoi nous aurons besoin de réguler, car ces mesures doivent d'abord profiter aux agriculteurs, même si nous devons également assurer la survie du système assurantiel.

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Je ne doute pas que l'agriculteur soit au cœur de votre projet mais il ne faudrait pas privatiser les gains pour socialiser les pertes.

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Julien Denormandie, ministre

L'article 7 nous permettra précisément de ne pas en arriver là.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE204 de M. Charles de Courson.

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Le CNGRA est compétent en matière de gestion des aléas climatiques mais également pour les risques sanitaires, phytosanitaires et environnementaux. Ses missions excèdent donc les questions liées au développement de l'assurance récolte. Cet amendement tend, par conséquent, à ce qu'un sous-comité chargé de l'orientation et du développement des assurances récolte soit institué au sein du comité pour traiter spécifiquement de ces questions.

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Votre remarque est fondée, mais le terme de sous-comité ne me paraît pas très heureux – celui de commission serait plus adapté. Je vous invite à retirer votre amendement pour que nous y travaillions ensemble d'ici à l'examen en séance.

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En général, on parle de comité et de sous-comité issu de ce comité. Il n'y a rien de dégradant à être membre d'un sous-comité. M. le rapporteur a des susceptibilités de jeune fille.

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Vous disant cela, je pensais au Conseil national de l'évaluation des normes, qui était à l'origine une commission du Comité des finances publiques avant qu'une loi ne coupe le cordon ombilical. De même, une loi pourrait très bien, en 2026, rompre le lien entre le CODAR et le CNGRA.

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Pourquoi pas sous-comité et comité spécial ?

L'amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE216 et CE217 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendements CE206 et CE208 de M. Charles de Courson, amendements identiques CE75 de M. Pierre Venteau et CE183 de M. Antoine Herth (discussion commune).

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Il convient de fixer dans la loi les principes de la composition du comité. Ses membres pourraient être des représentants des assureurs, de l'agriculture et de l'État à raison d'un tiers par catégorie.

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Les représentants de la profession agricole, pour chaque secteur de production, doivent être associés à la gouvernance du comité.

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L'organisation de « l'arbre à palabres » est un sujet important pour les représentants de la profession. Il semble que les Arvernes ne fassent pas totalement confiance aux Carnutes et autres tribus du nord de la Gaule pour défendre leurs intérêts. Chacun veut donc un représentant dans ce comité.

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Vous avez raison mais je vous invite à retirer ces amendements pour que nous y travaillions d'ici à la séance. Toutes les filières agricoles ne pourront pas être représentées au sein du CODAR. En revanche, ce comité pourrait disposer d'antennes dans les régions. Les filières seraient représentées dans leur bassin et les informations nécessaires seraient transmises au CODAR.

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Julien Denormandie, ministre

Même avis.

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La loi ne doit fixer que les principes. La rédaction de mon amendement me semblait suffisamment large pour laisser une marge de manœuvre aux textes d'application. Je veux bien le retirer.

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Les seuils pourraient-ils varier selon les territoires ?

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Certains territoires sont beaucoup plus exposés que d'autres. Laissons les filières formuler leurs propres demandes et les assureurs adapter leurs produits. En tout cas, cette précision ne relève pas de la loi.

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Julien Denormandie, ministre

Je suis opposé à l'existence de seuils territoriaux. Ce ne serait plus gérable. Il faut des seuils par culture, au niveau national, à charge pour le CODAR de prendre en considération les spécificités.

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L'interlocuteur unique, qui pourrait être la DDT, pourrait peut-être assurer cette liaison.

Les amendements sont retirés.

L'amendement CE155 de M. André Chassaigne est retiré.

La commission adopte l'article 5 modifié.

Article 6 (article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime) : Coordination juridique

La commission adopte l'article 6 non modifié.

Article 7 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour compléter la réforme de l'assurance récolte en fixant de nouvelles obligations aux entreprises d'assurance

La commission rejette l'amendement de suppression CE156 de M. André Chassaigne.

Amendement CE190 de M. Charles de Courson.

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Il s'agit de rappeler que l'ensemble de ces dispositions doit respecter les règles de concurrence, de la liberté du commerce et de l'industrie.

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Je ne souhaite pas que l'on insiste, dans la loi, sur le respect du droit de la concurrence. L'enjeu est d'appliquer l'article 42 du traité de Rome qui n'est pas toujours bien compris en France. Il m'est arrivé de rencontrer des juristes de l'Autorité de la concurrence ou de la DGCCRF qui ne savaient pas appliquer ce principe. Il est bien évident que nous ferons tout pour respecter la liberté d'entreprendre mais nous instaurerons un principe de proportionnalité pour l'encadrer et, ainsi, atteindre notre objectif d'universalité.

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Julien Denormandie, ministre

Même avis.

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Le risque de ce texte est de donner naissance à un oligopole à trois, ce qui entraînera une augmentation des primes.

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Ce sera un pool de co-réassurances. Chaque assureur conservera sa liberté contractuelle, celle de mener la politique qu'il souhaite envers les clients, sa marque. Le modèle espagnol est beaucoup plus intégré. Les vingt et un adhérents d'Agroseguro sont des officines de commercialisation de la marque Agroseguro. Ce n'est pas notre projet.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CE232 et CE218 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendement CE191 de M. Charles de Courson.

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Le partage entre assureurs des données personnelles relatives aux exploitants pose un problème sérieux, comme l'a relevé l'Autorité de la concurrence dans son avis : le dispositif doit non seulement respecter le règlement général sur la protection des données (RGPD), mais aussi éviter la création d'un oligopole. Comment maintenir une concurrence véritable dès lors que les assureurs peuvent s'échanger les données personnelles de leurs assurés ? Pour pallier ce problème, l'amendement vise à préciser que le mécanisme opère « dans le double respect du droit de la concurrence et du droit au respect des données personnelles ».

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J'aurais été d'accord avec ce que vous proposez si vous y aviez ajouté une référence à l'article 42 du traité de Rome. Il est vrai que le groupement d'assureurs ressemblera à une entente. Toutefois, en tant que législateur, nous pouvons prendre la responsabilité d'interpréter le traité de Rome et de déclarer que le groupement en question apparaît proportionné à l'objectif recherché, à savoir garantir l'universalité du régime. Nous voulons, en effet, conjurer la sélection des risques et donc des clients par les assureurs. L'exercice est compliqué ; il reviendra aux ordonnances de le mener à bien, dans le respect des données personnelles, comme vous l'indiquez, mais aussi du traité de Rome – référence qui fait défaut dans l'amendement, auquel je suis donc défavorable.

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Puisque vous êtes d'accord avec le reste de l'amendement, vous auriez pu le sous-amender.

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À ce stade, j'y suis défavorable, mais nous aurons de nouveau le débat en séance.

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Je retire l'amendement, mais le déposerai de nouveau en séance, en ajoutant une référence à l'article 42 du traité de Rome.

L'amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE219, CE220 et CE221 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendement CE192 de M. Charles de Courson.

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Il s'agit de supprimer l'alinéa 3, qui autorise la création du groupement. On peut s'interroger sur la compatibilité de la disposition avec le droit européen, en matière non seulement de concurrence mais aussi de libre-échange. Rien n'interdit à un agriculteur de s'assurer auprès d'une compagnie étrangère. Que se passera-t-il dans ce cas ?

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Vous avez bien conscience du fait que la suppression de l'alinéa 3 mettrait à mal le principe même de l'article 7. Vous évoquez la liberté d'entreprendre, mais il est question ici d'acteurs susceptibles de prospérer grâce à la commercialisation de l'assurance multirisque climatique, subventionnée à 70 % par de l'argent public. En tant que législateur, nous sommes en droit de poser certaines exigences à leur endroit. Il n'est donc pas raisonnable de supprimer l'alinéa 3.

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Julien Denormandie, ministre

Je partage l'avis du rapporteur. Si l'article 7 doit évidemment respecter les règles en matière de concurrence et de données personnelles, il faut aussi qu'il soit très ambitieux, d'abord parce que beaucoup d'argent public sera mobilisé, ensuite parce que la réforme a pour but de permettre à tous les exploitants, où qu'ils soient, d'être assurés. Le dispositif doit bénéficier à l'assuré et non aux assureurs. À cette fin, l'article 7 vise à réguler le secteur de manière actuarielle. Si nous allons au bout de ce que permet le règlement omnibus, ce n'est pas pour que, en parallèle, les assureurs augmentent leurs primes. Si nous posons des seuils pour limiter les fonds propres que les assureurs doivent mobiliser, ce n'est pas pour leur permettre de réaliser un profit additionnel : il s'agit de faire en sorte que le système soit à l'équilibre.

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En réalité, à travers cet amendement, je pose la question de la nature juridique du groupement et celle du respect de la libre circulation des services – car un agriculteur peut être assuré au Royaume-Uni, en Belgique ou en Allemagne.

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Julien Denormandie, ministre

La libre circulation des services ne sera en aucun cas remise en cause, mais tout assureur commercialisant une assurance multirisque climatique, quelle que soit sa nationalité, devra être membre du groupement.

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Certes, mais quelle sera sa nature juridique ?

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Ce n'est pas pour rien que le projet de loi prévoit des ordonnances. Lors du travail préparatoire, nous avons longuement discuté de la possibilité d'inscrire « en dur » dans l'article 7 la création de ce groupement et ses modalités. Ce n'est pas possible à ce stade, ne serait-ce que parce que les assureurs opposent une certaine résistance. Il faut notamment clarifier ce que l'on entend par « mutualiser les risques ».

Il s'agira en fait d'un groupement de co-réassurance, avec une mutualisation de la partie technique, c'est-à-dire concernant la fréquence et l'intensité des risques, lesquelles permettent de chiffrer la couverture. À cela s'ajoutent les frais d'expertise et de gestion. Tout cela doit faire l'objet d'un travail avec les intéressés. J'aurais préféré que nous inscrivions ces dispositions en dur dans la loi, mais il faut du temps pour en préciser le contenu. Il reviendra aux ordonnances de clarifier les choses, y compris en ce qui concerne la nature juridique du groupement.

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Julien Denormandie, ministre

Le principe du groupement est défini par la loi ; il reviendra à l'ordonnance de décliner les modalités. Sur le plan juridique, il pourrait s'agir d'un groupement d'intérêt économique (GIE).

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Vous avouerez qu'il est étrange de créer une entité dont on ne connaît pas les caractéristiques. S'agira-t-il d'un GIE ou encore d'une société anonyme ?

Je retire mon amendement mais le déposerai de nouveau en séance, ce qui vous donnera une deuxième chance de me répondre.

L'amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE222, CE223, CE224 et CE225 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendement CE193 de M. Charles de Courson.

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Selon l'alinéa 7, les ordonnances pourront préciser, « s'il y a lieu, les conditions dans lesquelles les dispositions de la présente loi ainsi que celles issues des ordonnances […] sont rendues applicables aux contrats en cours ». Cela contreviendrait au principe de non-rétroactivité des dispositions législatives s'agissant des contrats en cours. Ces derniers sont un sous-élément du droit de propriété, lequel est garanti constitutionnellement. À travers mon amendement, qui vise à supprimer l'alinéa, je souhaite vous interroger sur cette mesure.

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Le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur la possibilité d'appliquer une nouvelle loi aux contrats en cours s'il justifie d'un motif d'intérêt général.

Par ailleurs, il s'agit de faire en sorte que le nouveau régime s'applique dès le 1er janvier 2023, comme le prévoit l'article 12. Les assureurs sont inquiets. Il est vrai que les délais sont contraints, mais il n'y a pas de quoi s'affoler. La date du 1er janvier 2023 sera maintenue. Pour les contrats portant sur les semis de 2022, les assureurs pourront permettre à leurs clients, dès le 1er janvier 2023, de bénéficier du nouveau régime, à travers des avenants ou par reconduction du contrat, sans attendre l'expiration du délai de tacite reconduction. En tout état de cause, le nouveau dispositif s'appliquera à toutes les mises en culture de 2023.

Il faut aller vite, compte tenu de la situation que nous avons connue en 2021 : il est hors de question de dire aux agriculteurs que le régime actuel perdurera jusqu'en 2023 inclus, ce qui pourrait avoir pour conséquence qu'il s'appliquerait encore à certaines récoltes de 2024.

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Julien Denormandie, ministre

La loi ne s'appliquera pas de manière rétroactive aux contrats en cours. Si le texte n'est pas assez clair sur ce point, nous y retravaillerons d'ici à la séance, et le Gouvernement déposera des amendements en ce sens si le rapporteur ou d'autres parlementaires ne le font pas.

L'article 12 précise que la réforme entre en vigueur le 1er janvier 2023. Les contrats passés en 2022 pour des récoltes effectuées en 2023 ne seront pas remis en cause. Toutefois, si un agriculteur demande à son assureur de bénéficier du nouveau dispositif, l'assureur devra lui faire une proposition sous forme d'avenant. Des contrats établis en vertu de l'ancien dispositif pourront donc coexister pendant un an, en 2023, avec des contrats tenant compte du nouveau régime.

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L'agriculteur pourra soit demander un nouveau contrat, ce qui est extrêmement lourd, soit conserver le même, amendé de manière à tenir compte des nouvelles dispositions législatives, ce qui ne me choque pas du tout. L'assureur aura tout intérêt à opter pour la seconde solution : généralement, les agriculteurs gardent le même numéro de contrat, celui-ci étant reconduit d'année en année.

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Ce que vous avez dit, Monsieur le ministre, n'est pas ce qui est écrit dans l'alinéa 7. Il convient donc de le modifier.

Certes, le Conseil constitutionnel accepte les modifications rétroactives des contrats pour des motifs d'intérêt général, mais vous aurez du mal à le convaincre qu'un motif de cette nature est en jeu lorsqu'il s'agit de modifier un accord conclu entre un exploitant agricole et son assureur. Il faut donc retravailler cet alinéa pour le rendre conforme à la Constitution.

Je retire mon amendement, mais le déposerai de nouveau en séance, en attendant que le texte soit modifié.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CE226 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendement CE194 de M. Charles de Courson.

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À travers cet amendement, je propose une solution au problème soulevé précédemment : il s'agit de préciser que la disposition respecte à la fois le droit de propriété et l'intangibilité des contrats. Je le retire et le déposerai de nouveau, dans l'attente d'un amendement du Gouvernement ou du rapporteur.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CE231 de M. Frédéric Descrozaille.

Amendements identiques CE44 de M. Dominique Potier, CE135 de Mme Séverine Gipson, CE161 de Mme Sylvia Pinel et CE176 de M. Antoine Herth, et sous-amendements CE234 et CE235 de M. Frédéric Descrozaille.

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Le texte vise à nous adapter aux enjeux du changement climatique et à répondre à une forte attente des agriculteurs. S'il est nécessaire d'aller vite, cela suppose d'accomplir un travail d'application technique de très grande ampleur dans le courant de l'année 2022. Pour cela, il est proposé qu'à l'instar du comité chargé de l'orientation et du développement des assurances récoltes, le pool réunissant les entreprises d'assurance souhaitant commercialiser les produits d'assurance contre le risque climatique puisse se constituer avant l'entrée en vigueur de l'ensemble du mécanisme, prévue le 1er janvier 2023.

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J'approuve ces amendements, sous réserve de l'adoption de mes deux sous-amendements. Le premier est de coordination, car les alinéas 1 à 3 feront l'objet d'une même ordonnance : il convient donc de prévoir le même délai d'habilitation. Le second prévoit un délai de six mois, contre trois mois dans les amendements.

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Julien Denormandie, ministre

Je suis favorable à ces amendements, à condition que les sous-amendements du rapporteur soient adoptés.

La commission adopte successivement les sous-amendements et les amendements ainsi sous-amendés.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CE227 de M. Frédéric Descrozaille.

La commission adopte l'article 7 modifié.

Article 8 (articles L. 371-13, L. 372-3, L. 372-5, L. 373-3 et L. 374-3 du code rural et de la pêche maritime) : Coordinations juridiques apportées au code rural et de la pêche maritime pour les territoires ultramarins

La commission adopte l'article 8 non modifié.

Article 9 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM)

La commission adopte l'amendement rédactionnel CE228 de M. Frédéric Descrozaille.

Elle adopte l'article 9 modifié.

Chapitre II – Dispositions modifiant le code des assurances et dispositions finales

Article 10 (article L. 122-7 du code des assurances) : Modification du régime de la garantie contre les effets du vent

Amendement de suppression CE195 de M. Charles de Courson.

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Quel est le lien entre cet article et l'objet du projet de loi ? Si l'on peut me l'expliquer, je suis prêt à retirer mon amendement.

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La disposition est d'ordre technique. Cet article est nécessaire, car l'harmonisation des risques incendie et tempête a conduit à des situations insatisfaisantes pour les assurés, d'une part, qui voient leur franchise augmenter, et pour les assureurs, d'autre part, qui ne peuvent pas différencier les conditions d'indemnisation et adapter leurs contrats aux besoins des professionnels. Il s'agit donc d'adapter les contrats à la réalité de l'exposition aux risques tempête et incendie et de permettre d'éviter les ajustements tarifaires à la hausse.

La direction générale du Trésor estime à 14 millions d'euros la charge de sinistres inutilement couverte à cause de l'alignement.

Pour ces raisons, l'article 10 doit demeurer dans le projet de loi. Avis défavorable.

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Julien Denormandie, ministre

Là où vous avez raison, Monsieur de Courson, c'est que l'article 10 ne s'intègre pas à l'architecture du reste du projet de loi. En revanche, il aborde, lui aussi, une question d'ordre assurantiel. Les précisions qu'il apporte doivent être inscrites dans la loi le plus rapidement possible en raison des incompréhensions et des interprétations divergentes que l'on constate, alors même que l'enjeu est important, y compris pour les agriculteurs.

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Je retire l'amendement mais le déposerai de nouveau en séance.

L'amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE229 et CE230 de M. Frédéric Descrozaille.

Elle adopte l'article 10 modifié.

Article 11 (articles L. 431-12 [abrogé], L. 442-1 et L. 441-2 du code des assurances) : Coordinations juridiques faites dans le code des assurances

La commission adopte l'article 11 non modifié.

Article 12 : Dispositions fixant la date d'entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2023

Amendements identiques CE45 de M. Dominique Potier, CE136 de Mme Séverine Gipson, CE162 de Mme Sylvia Pinel et CE177 de M. Antoine Herth.

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Il s'agit d'accélérer la mise en œuvre de l'article 5 pour que le système monte en charge plus rapidement.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Amendement CE196 de M. Charles de Courson.

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Il s'agit de prévoir un peu plus de temps pour la mise en œuvre de la réforme, compte tenu de la complexité des problèmes à résoudre. J'ai quelques doutes quant à la possibilité d'une entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Qui plus est, le 1er janvier n'est pas forcément une bonne date du point de vue des cycles agricoles. Si nous accordions six mois de plus, cela nous amènerait en juillet.

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Comme le disait M. le ministre, des amendements viseront à clarifier en séance la jonction entre 2022 et 2023.

Une entrée en vigueur au mois d'août ne serait pas beaucoup plus pertinente, car certains contrats sont renouvelés au printemps. Par ailleurs, aucune date ne convient pour l'ensemble des campagnes de production. À cet égard, il est plus cohérent de retenir le début de l'année civile. Du reste, si nous fixions l'entrée en vigueur au mois d'août 2023, de nombreux agriculteurs nous reprocheraient de n'être couverts par le nouveau dispositif que pour les récoltes 2024. Avis défavorable.

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Julien Denormandie, ministre

Je vous propose que nous retravaillions à l'article 12 d'ici à la séance, étant entendu qu'il faut absolument que la réforme entre en vigueur le 1er janvier 2023. Cela dit, il nous reste plusieurs aspects à finaliser.

Premièrement, les calamités agricoles qui se produiraient en 2022, c'est-à-dire avant que le nouveau système n'existe, devront faire l'objet d'une indemnisation en 2023. Nous préparons un amendement dans ce sens.

Deuxièmement, la loi ne sera pas rétroactive. Le dispositif devra donc permettre la coexistence, en 2023, de contrats signés en 2022 et de contrats signés en 2023, correspondant au nouveau régime. La mise en œuvre de ce mécanisme suppose un énorme travail de l'exécutif. Le fait que vous ayez limité à six mois le délai dont le Gouvernement disposera pour rédiger l'ordonnance montre que vous partagez notre volonté d'aller très vite. Peut-être faut-il tout de même prévoir un filet de sécurité pour pallier certains décalages, par exemple lorsque l'avis de telle ou telle autorité indépendante est requis. Ce ne serait qu'un filet de sécurité car, je le répète, la réforme doit entrer en vigueur le 1er janvier 2023. Quel que soit le prochain gouvernement, la finalisation de ce mécanisme devra être sa priorité et celle de sa majorité.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement.

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L'objectif de mon amendement est atteint, puisque vous reconnaissez qu'il faut réécrire l'article 12. Je le retire donc, quitte à en déposer un autre, car les modalités d'application de cette réforme sont extrêmement complexes.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'article 12 modifié.

Après l'article 12

Amendements identiques CE163 de Mme Sylvia Pinel et CE178 de M. Antoine Herth.

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Il s'agit d'amendements d'appel, qui demandent la remise d'un rapport par le Parlement, ce qui n'a d'intérêt que dans l'hypothèse où nous ne ferions pas le nécessaire pour étudier chaque année le niveau des crédits mobilisés par l'État pour équilibrer le dispositif. Nous devrions préciser, dans l'hémicycle, de quelle manière nous entendons organiser nos travaux de manière à être chaque année au rendez-vous, ce qui suppose d'étudier aussi bien les résultats de l'année écoulée que les projections pour l'année à venir, et de déterminer les crédits en conséquence.

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La façon dont ces amendements sont rédigés est un peu curieuse : ils demandent la remise d'un rapport par le Parlement au Gouvernement. Je demande donc leur retrait. Toutefois, je suis favorable à ce que l'on prévoie, après l'article 12, une revue à mi-parcours. Il s'agirait plutôt d'un rapport du Gouvernement au Parlement, faisant la synthèse de ce qui a été voté dans les PLF successifs et surtout se fondant sur l'analyse du CODAR concernant la réussite de la réforme.

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Quoi qu'il arrive, un rapport d'évaluation de la loi sera rendu au bout de trois ans. Peut-être le rapporteur sera-t-il le même, d'ailleurs, s'il est encore parmi nous ?

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Julien Denormandie, ministre

Pour cet amendement, je m'en remets à la sagesse de la commission.

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Le contrôle de l'application de la loi fait partie intégrante de la fonction de député. Il est incroyable qu'on en vienne à présenter des amendements pour demander que nous exercions notre mission.

Lors de mon premier mandat, entre 2002 et 2007, j'étais corapporteur pour le suivi d'une loi sur l'eau. Nous remettions régulièrement des rapports permettant de contrôler l'application du texte, les décrets et de mesurer les premiers résultats. Le contrôle, c'est un peu comme l'Arlésienne : on en parle, mais on ne la voit pas beaucoup.

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Je ne suis pas d'accord : nous sommes justement en train de préparer un rapport sur la loi EGALIM.

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Exactement. La commission des affaires économiques fait son travail. Nous menons également en ce moment une évaluation de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN).

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Nous avons innové, durant cette législature, en créant une mission d'information de la conférence des présidents sur la concrétisation des lois, qui participe de la fonction de contrôle de l'action du Gouvernement par les députés. Les membres de cette mission d'information, tous groupes confondus, ont souhaité que ses travaux constituent un legs pour la législature suivante et que celle-ci en reprenne le principe. À titre personnel, j'ai regretté que cette mission d'information n'ait pas eu le temps de travailler plus étroitement avec chacune des commissions permanentes pour renforcer encore ce contrôle.

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Notre commission a évalué plusieurs lois votées au cours des législatures précédentes, notamment la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

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Je retire mon amendement. Toutefois, il me paraît important d'assurer le suivi du dispositif. S'il doit constituer, comme vous le souhaitez, Monsieur le ministre, un vrai pilier de la politique agricole française, à côté notamment de la PAC, il faut une mobilisation du Parlement pour que le mécanisme fonctionne, car, derrière, il y a le vote du budget. Je ne voudrais pas qu'il en soit question seulement dans une page du rapport de la commission des finances à laquelle on ne consacrerait que cinq minutes par an. S'il en est ainsi, la commission des affaires économiques n'étudiera plus jamais la question. Je souhaiterais que, chaque année, un groupe de travail regroupant des parlementaires issus de toutes les formations politiques se penche sur le dispositif pour voir comment il faut l'ajuster, ou encore quelles nouvelles incitations il faudrait créer. Cela permettrait de se rendre compte de l'efficacité concrète du système dans les corps de ferme, au lieu de se limiter à sa dimension budgétaire.

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Inspirez-vous des grands auteurs : la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), excellemment rapportée par votre serviteur, avait prévu un comité de suivi et d'évaluation de la loi, suivant l'exemple de la loi Macron puis de la loi ELAN.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.

Informations relatives à la commission

En application de l'article 13 de la Constitution, la commission des affaires économiques sera amenée à donner son avis sur la nomination, envisagée par le Président de la République, de M. Benoît Coeuré aux fonctions de président de l'Autorité de la concurrence.

La commission a nommé Mme Virginie Duby‑Muller (groupe Les Républicains) comme rapporteure sur cette proposition de nomination.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du jeudi 6 janvier 2022 à 9 h 40

Présents. – M. Grégory Besson-Moreau, Mme Pascale Boyer, M. André Chassaigne, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Frédéric Descrozaille, Mme Christelle Dubos, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Philippe Naillet, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Huguette Tiegna, M. Stéphane Travert, M. Nicolas Turquois, M. Pierre Venteau

Excusés. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Hemedinger, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Jacqueline Maquet, M. Robert Therry

Assistaient également à la réunion. – M. Charles de Courson, Mme Séverine Gipson