Je suis opposé à l'idée de rendre l'assurance obligatoire. Pendant des années, on s'est dit qu'on allait faire baisser les prix en convainquant de plus en plus d'agriculteurs de souscrire une assurance récolte, ce qui permettrait de mutualiser les risques, et donc de diminuer les primes. L'idée était qu'il faudrait avoir un jour le courage de rendre l'assurance obligatoire. Mais, ayant eu l'occasion de travailler quelque temps dans le secteur, j'ai regardé de près la question, en apparence légitime, et je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'une fausse bonne solution.
En effet, si le système actuel ne fonctionne pas, c'est que les assurances privées couvrent, de manière schématique, les « bons risques » – les risques moindres – dans les territoires les plus sujets à risques. Si les assurances devenaient obligatoires, la moyenne des risques serait couverte sur la moyenne des territoires. Or il s'avère que cette couverture équivaudrait peu ou prou à celle existante, produite par un système totalement déséquilibré. Il fallait le démontrer, cela nous a pris du temps mais je peux désormais l'affirmer : la solution ne peut en aucun cas être l'assurance obligatoire. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas inciter les agriculteurs à souscrire une assurance multirisque climatique, tout en conservant la solidarité nationale. Car c'est bien elle qui rend le système solide, pérenne et accessible pour les agriculteurs.
Sur la question de la concurrence entre les assurances, soulevée par MM. André Chassaigne et Charles de Courson, l'article 7 prévoit une habilitation à légiférer par ordonnances. Je connais l'appétence assez faible du Parlement pour ces dernières. La grande difficulté, comme vous l'avez dit tous deux, c'est qu'il s'agit d'une question d'une technicité incroyable. Les discussions avec l'Autorité de la concurrence se poursuivent.
L'article 7, dans ses grandes lignes, vise à établir la nécessité d'une régulation actuarielle, d'une mutualisation des données et des risques entre les assureurs et d'une lutte contre l'aversion au risque. Techniquement, il faut notamment préciser de quelles données il s'agit, pour quel partage et quelle utilisation, et de quelles règles actuarielles, avec quel rapport sinistre sur prime (S/P). Objectivement, ces questions, qui se posent quand on entre dans le vif du sujet, sont incroyablement complexes. C'est pourquoi je sollicite votre bienveillance sur cette habilitation à légiférer par ordonnances.
L'interlocuteur unique est en réalité un interlocuteur agréé par l'État, qui peut être un assureur, un service de la direction départementale des territoires (DDT) ou un autre partenaire agricole. Il sera à même de faire fonctionner le mécanisme à trois étages sur le territoire concerné. Chaque agriculteur aura le choix de son interlocuteur agréé. Ce que je veux absolument faire, c'est mettre un terme au système actuel, qui est délirant : il faut parfois, côté assurance publique, un an et demi, voire deux ans, pour couvrir un risque sécheresse après que celle-ci a eu lieu.
M. Charles de Courson a soulevé l'importante question de savoir si l'indemnisation est à la culture ou à l'exploitation. L'article de loi reprend strictement l'écriture du règlement omnibus, qui emploie le mot « exploitant », ce qui permet de faire, comme nous le faisons d'ores et déjà dans le cadre du CNGRA, un mix des deux, consistant à indemniser à la culture après application d'un seuil d'exploitation. Je le dis haut et fort, l'approche à la culture est importante à mes yeux. Au demeurant, les mesures que nous avons prises à la suite de l'épisode de gel n'auraient pas pu l'être sans adopter cette approche. Le projet de loi permet une approche à la culture ou à l'exploitation, et surtout pas uniquement à l'exploitation, comme certains le déduisent de l'emploi du mot « exploitant ».
La question de la moyenne olympique, abordée par plusieurs orateurs, est incroyablement complexe. Pour l'établir, il faut se fonder sur des bases. Elle présente des limites, tout en étant nécessaire. En tout état de cause, elle ne dépend nullement du niveau législatif. Il s'agit de dispositions liées à la fameuse boîte verte de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), reprises dans les règlements européens sur les aides d'État. Faut-il l'étendre ? Faut-il revoir son cadre d'application ? Ces questions doivent être posées.
Il s'agit d'un véritable chantier, qu'il faudra mener cette année, mais qui ne relève pas du présent projet de loi. Il existe d'autres aides, notamment les aides à l'hectare, que les règles européennes et celles de l'OMC interdisent de subventionner. Ce débat doit être ouvert dès cette année. Je m'engage, si je suis toujours en poste, à l'ouvrir pour déterminer un point d'atterrissage, en sachant que tout dispositif assurantiel suppose un référentiel, donc une moyenne. En l'espèce, il s'agit de déterminer si la durée de cinq ans et la méthodologie de calcul sont satisfaisantes ou non. Par ailleurs, de nombreuses cultures assurables ne sont pas concernées, leurs éventuelles pertes n'étant pas couvertes par la solidarité nationale.
Le pool d'assureurs, je l'ai dit, fait la régulation actuarielle. Je ne peux le décrire plus précisément. Il doit faire l'objet de toute l'attention que M. Charles de Courson appelle de ses vœux.
S'agissant des seuils de 20 % et de 70 %, ils sont fixés par le règlement omnibus, dont je souhaite la mise en œuvre la plus complète. Monsieur de Courson, je me permettrai de corriger vos propos : le projet de loi ne précise aucun seuil de franchise à 25 %. À l'heure actuelle, la franchise est de 30 % pour les contrats socles et de 25 % pour les contrats complémentaires. Le projet de loi se contente de fixer les bornes de 70 % et de 20 %.
Certains se demandent s'il faut figer ces seuils. Il me semble que cela relève du pouvoir réglementaire. Plus la franchise est basse, plus le coût de l'assurance est élevé, et plus la subvention à la prime d'assurance est forte, ce qui explique que les amendements allant en ce sens ont été déclarés irrecevables. Il faut donc trouver un équilibre, probablement culture par culture, en conservant à l'esprit l'objectif très clair qui consiste à appliquer le règlement omnibus le plus complètement possible. Le projet de loi se contente de fixer trois seuils : 20 %, 30 % et 70 %. Il incombe au politique de prendre ses responsabilités dans son application.
En tout état de cause, ce débat aura lieu avant l'examen du prochain projet de loi de finances, car la demande de financement sera fonction des seuils qui seront fixés. La loi doit fixer le cadre ; le politique que je suis annonce clairement l'objectif d'appliquer omnibus le plus complètement possible et de définir des seuils profitables aux agriculteurs, ce qui est l'objet de cette réforme à laquelle nous avons tant travaillé, par le biais du pouvoir réglementaire. Demain, le politique prendra ses responsabilités, sous votre contrôle, Mesdames et Messieurs les députés, dès lors que sa flexibilité d'action dépend des crédits que vous voterez en loi de finances.
M. Chassaigne a une approche distincte de la nôtre. Il considère qu'il faut faire du tout public, donc supprimer le deuxième étage de la réforme. Moi, je pense que nous sommes parvenus au bon équilibre. Voyez donc le verre à moitié plein, Monsieur Chassaigne : jusqu'à présent, plusieurs cultures ne bénéficiaient d'aucun dispositif public. Le troisième étage, que vous voulez conserver seul en abaissant les seuils autant que possible, est dorénavant destiné à toutes les cultures.
Le régime des calamités agricoles ne s'en trouve en aucun cas fragilisé. Si l'on met de côté les événements exceptionnels tels que l'épisode de gel que nous avons vécu l'an dernier, ce régime repose sur un investissement de 300 millions d'euros par an, que nous faisons passer à 600 millions. Ainsi, nous le renforçons.
Vous vous demandez si ses règles de fonctionnement seront maintenues dans le nouveau régime. Je comprends tout à fait que des craintes s'expriment. J'y réponds clairement, en disant qu'il s'agit d'appliquer au maximum le règlement omnibus, et que je n'ai jamais pensé que l'on peut réussir la réforme de l'assurance multirisque climatique (AMC) en défavorisant le régime des calamités agricoles et en conservant telle quelle l'assurance. Je crois en une réforme qui consolide feu le régime des calamités agricoles tout en rendant bien plus accessible l'assurance privée, selon une approche incitative. Il incombera au Gouvernement de la mettre en œuvre, en fixant les seuils par décret, sous le contrôle du Parlement qui octroiera un budget.
Peut-on qualifier le projet de loi d'usine à gaz ? Il est court et explicite. Certes, il sera mis en œuvre par décret, mais nous avons essayé, avec M. Frédéric Descrozaille, de faire quelque chose de simple. D'ailleurs, le Conseil de l'agriculture française (CAF) a approuvé à l'unanimité, ce qui est assez historique, le sens de cette réforme.
M. Turquois a rappelé la nécessité de sa mise en œuvre rapide. Nous allons nous mettre en ordre de marche pour relever le défi.
Madame de Lavergne, nous continuerons à subventionner la prime d'assurance récolte, dans le cadre du règlement omnibus. Nous ferons la distinction, plutôt deux fois qu'une, entre les agriculteurs qui consentent des investissements et les autres. Ce sujet sera abordé dans le cadre du CODAR ou du pool de fixation des règles actuarielles. Par ailleurs, il est normal que l'article 4 laisse de côté les pertes de fonds en cas de calamité agricole, car nous traitons des pertes d'exploitation.
Monsieur Venteau, nous avons inscrit la question que vous soulevez dans le programme de travail du Varenne de l'eau. Nous disposons des résultats du premier groupe thématique et nous avons présenté ceux du deuxième, consacré notamment à l'adaptation des filières. Ceux du troisième groupe, consacré à la ressource en eau elle-même, seront publiés prochainement.
Monsieur Daniel, cette réforme a été annoncée par le Président de la République devant les Jeunes agriculteurs, ce qui en démontre le sens.