Je me réjouis qu'un représentant de la plèbe s'exprime après un député hobereau… (Rires). Je n'adopterai pas le même registre que celui choisi par le député creusois Jean-Baptiste Moreau – sonnez hautbois, résonnez musettes ! –, car s'il est bien que la gestion des risques en agriculture soit à l'ordre du jour, je suis plutôt dubitatif sur l'orientation générale qui nous est proposée.
Je considère en effet que l'ampleur des contraintes et des menaces climatiques, sanitaires, environnementales qui pèseront sur notre agriculture dans les décennies à venir nous impose de construire un véritable régime public d'assurance et de gestion des risques : un système où chaque agriculteur, quelle que soit sa production, est couvert ; un système où les agriculteurs et les décideurs publics déterminent les objectifs et les moyens du régime, notamment les ressources et les recettes pérennes affectées chaque année pour répondre aux besoins identifiés. J'estime que le texte tourne le dos à cette vision. Quelques interrogations permettront peut-être de mettre une sourdine aux trompettes de la renommée…
Vous affirmez garantir une protection universelle : de quelle universalité s'agit-il quand le dispositif d'assurance n'est pas obligatoire et qu'il vient affaiblir le seul dispositif général existant, le régime des calamités agricoles ?
Vous affirmez garantir une couverture adaptée des risques : de quel niveau sera-t-elle, alors que les critères seront laissés à l'appréciation du pouvoir réglementaire ou à la technique de comités ? Comment le législateur peut-il se prononcer sur un système dont on renforce l'instabilité budgétaire avec des soutiens publics qui seront arbitrés à chaque projet de loi de finances ?
Vous affirmez garantir une assurance plus juste : n'est-ce pas occulter la question des inégalités de revenu des exploitations, un verrou dans la mesure où la progressivité du soutien à l'assurance récolte est fonction des structures des exploitations et de leurs revenus ? Le fiasco des contrats d'assurance récolte montre que c'est là le fond du problème ! Nous voilà bien éloignés d'un système de protection efficace contre les aléas et les risques auxquels seront confrontés les agriculteurs et les grands systèmes de production dans les décennies qui viennent.
Je poursuis ma partition : posez-vous le cadre d'outils publics qui incluraient, outre les aléas climatiques, l'ensemble des risques sanitaires et environnementaux liés au changement climatique ? Posez-vous le cadre d'un système qui prévoirait de soutenir la prévention par le transfert des connaissances issues de la recherche agronomique dans les exploitations ? Posez-vous le cadre d'un régime dont les modalités d'indemnisation des pertes seraient collectivement décidées par les premiers concernés, les exploitants agricoles, en lien avec les pouvoirs publics ? N'est-ce pas tout le contraire qui se profile, avec des structures guidées par les acteurs assurantiels privés, au sein d'un futur comité de développement de l'assurance récolte qui ferait lui-même partie du CNGRA ?
Convenez-vous que ce texte affaiblit en réalité le seul régime public d'assurance existant, le régime des calamités agricoles, appuyé sur le FNGRA, pour assurer, à grand renfort d'aides publiques, le développement de l'assurance privée ? Cette politique n'est-elle pas davantage destinée à assurer, à rassurer et à réassurer les assureurs, plutôt qu'à sécuriser les producteurs ? J'ai le sentiment que ce texte est une usine à gaz, avec des dispositions techniques et des seuils d'intervention systématiquement renvoyés au pouvoir réglementaire.