Monsieur Michels, je rappelle que le montant de 500 milliards d'euros d'investissements dans le nucléaire résulte d'une évaluation « de bas en haut » ; c'est celui que nous estimons nécessaire pour faire face aux besoins énergétiques de l'ensemble de l'Union européenne.
Il faudra investir 50 milliards d'euros d'ici à 2030 pour maintenir les 103 centrales nucléaires existantes en fonctionnement, jusqu'à 2040 au plus tard. En parallèle, il faudra financer le déploiement de réacteurs de troisième génération, à savoir des EPR – il en existe déjà – ou des SMR – technologie en cours de développement, qui intéresse de nombreux États membres, notamment la France, la Belgique et les Pays-Bas. Des consortiums de recherche pourront être constitués pour accélérer le déploiement des SMR.
La quatrième génération sera celle des réacteurs à émission faible ou réduite de déchets. Les réacteurs à fusion verront peut-être le jour après 2050. Il y a eu des avancées significatives en la matière, notamment la semaine dernière : une équipe de chercheurs du Massachussets Institute of Technology (MIT) est parvenue à obtenir de l'énergie positive par fusion. En tout cas, il faut poursuivre ces efforts de recherche, et donner envie aux jeunes scientifiques européens de s'y investir.
Je me suis beaucoup battu pour redonner une vision pragmatique, non idéologique, sur le nucléaire. Nous offrons ainsi de la profondeur et de la visibilité à l'ensemble de la filière.
L'exportation des vaccins doit être accélérée, de façon coordonnée, grâce au mécanisme Covax. Nous incitons en outre les États membres à intervenir par des actions bilatérales. Il faut écouter les besoins exprimés et se mettre en mesure, à l'échelle mondiale, d'y répondre. Je me suis ainsi entretenu à plusieurs reprises avec Macky Sall, président du Sénégal, qui exercera la présidence de l'Union africaine à partir de février prochain.
Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que l'Europe n'a pas porté d'innovations majeures à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci.
L'entreprise ASML par exemple, deuxième capitalisation boursière européenne, dont la valeur dépasse celle d'Intel, est le leader mondial dans son domaine. Elle fabrique des robots extraordinairement performants qui réalisent des gravures de deux nanomètres – c'est la taille d'une molécule d'octane, un cent-millième du diamètre d'un cheveu. C'est la seule entreprise au monde capable de le faire, et elle est européenne. Sans ces robots, aucune usine de semi‑conducteurs sur la planète ne pourrait fonctionner.
L'Europe est également très performante dans le domaine du quantique. La Commission finance de nombreuses activités dans ce domaine, à travers l'initiative qui a suivi le Quantum Manifesto. Elle l'est aussi en matière médicale. Rappelons que la majorité des vaccins utilisés en ce moment dans le monde ont été développés par des chercheurs européens grâce à des financements européens : celui de Janssen aux Pays-Bas ; celui de BioNTech en Allemagne ; le vaccin d'Oxford, devenu celui d'AstraZeneca.
L'Europe doit continuer à identifier, promouvoir et financer les innovations de rupture. Nous disposons désormais d'une cartographie claire et d'un observatoire des technologies critiques.
Madame Do, je me suis battu pour fixer le seuil minimum de 20 % d'investissements dans le numérique dans le cadre du plan de relance européen. Je me réjouis de voir que les États membres ont finalement investi près de 30 % dans ce domaine.
Les objectifs en la matière figurent dans le document « Décennie numérique de l'Europe ». Ils portent notamment sur la formation – il faut développer de très nombreuses compétences –, sur la numérisation des administrations et sur les infrastructures – en particulier pour la 5G et la 6G. Après un démarrage tardif, nous sommes bien partis pour les atteindre.
Madame Le Peih, nous travaillons avec l'ensemble de l'industrie aéronautique sur l'avion zéro émission. Il est encore trop tôt pour définir la technologie, hydrogène ou électricité, que cet avion utilisera, mais des financements sont prévus et nous évaluerons la nécessité de lancer un PIIEC.
En ce qui concerne les biocarburants, la directive sur les énergies renouvelables et d'autres textes relatifs à l'aviation ou au transport maritime prévoient des incitations. Ces mesures sont détaillées dans le paquet Fit for 55. Je reviendrai vers vous sur la certification des biocarburants, car je ne suis pas en mesure de vous répondre séance tenante.
Monsieur Cellier, mon travail en tant que commissaire européen est encadré par les traités, qui sont clairs : le mix énergétique est la prérogative des seuls États membres. Je ne vois pas comment nous pourrions les modifier.
La santé relevait elle aussi de la compétence exclusive des États, mais la pandémie les a conduits à confier à la Commission la tâche de mutualiser les achats, de gérer les chaînes d'approvisionnement et la fabrication. J'ai créé ex nihilo une équipe affectée à ces questions au sein de la Commission.
Par la force des choses, nous irons peut-être progressivement, à moyen ou long terme, vers une plus grande harmonisation des politiques énergétiques, dans le respect des traités et de la volonté des États. En effet, les objectifs communs en la matière sont clairs : atteindre le zéro carbone ; assurer la disponibilité de l'énergie électrique et la prévisibilité de ses prix ; réduire notre dépendance vis-à-vis d'acteurs géopolitiques qui n'appliquent pas que des critères commerciaux – je pense à la Russie, qui fournit 30 % à 35 % du gaz utilisé en Europe.
Monsieur Adam, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est un sujet très sensible. Il fait partie des dossiers que la présidence française de l'Union européenne souhaite traiter dans les six mois qui viennent. Nous préparons un texte visant à éviter les effets de bord que vous avez évoqués ; nous les avons bien identifiés. Nous comptons agir de façon proportionnée. Les quotas gratuits seront supprimés de façon progressive afin de lisser les effets de bord dans le temps.
Je rappelle que l'objectif est d'améliorer la performance environnementale partout en Europe, tout en créant des conditions équitables : les entreprises qui exportent leurs produits vers l'Europe – acier, ciment ou autre – ne doivent pas bénéficier d'un avantage compétitif par rapport aux producteurs européens. Un des moyens d'y parvenir est de soutenir l'innovation en Europe. Nous le faisons notamment grâce à un fonds de 50 milliards d'euros qui vise à accélérer le passage à une industrie propre, par exemple à l'acier propre.
Monsieur Villani, la question des brevets sur les logiciels est très compliquée. Je la connais bien et j'y travaillerai en 2022. Vous avez décrit très justement le racket que subissent certaines entreprises. Des débats ont eu lieu, notamment au Parlement européen en 2015. La brevetabilité des logiciels n'est pas acceptée par l'Office européen des brevets en tant que telle. Elle ne l'est pas non plus aux États-Unis ni au Japon.