Intervention de Bérangère Abba

Réunion du mardi 11 janvier 2022 à 21h00
Commission des affaires économiques

Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité :

Le texte que nous examinons ce soir ne se résume pas à une simple prolongation d'une concession d'aménagement et d'exploitation, puisqu'il s'agit d'abord d'un des plus beaux cours d'eau de notre pays, le fleuve roi pour certains, un cours d'eau puissant qui, de la Suisse à la Méditerranée, a su évoluer avec nous.

Son exploitation témoigne d'une accélération de la transition écologique, en partenariat avec les collectivités locales, avec des projets d'aménagement durable et de développement ambitieux sur le volet des énergies renouvelables (ENR). Il s'agit de politiques à la fois environnementales, énergétiques et de mobilité très liées à la gestion de l'eau, et donc à la biodiversité. Ces équilibres, qui sont la clé de la transition que nous cherchons à construire, se retrouvent dans cette proposition de loi qui a effectivement trouvé des cosignataires sur tous les bancs : il s'agit donc d'un projet unique.

La mission centenaire de la Compagnie nationale du Rhône est d'aménager et d'exploiter ce fleuve selon un modèle absolument unique en France, et visionnaire – depuis 1933 –, qui associe production d'énergie, navigation fluviale et irrigation agricole et a permis de s'adapter au contexte ainsi qu'à des enjeux environnementaux toujours plus présents.

Ainsi, 19 centrales hydroélectriques et 19 barrages, 14 écluses, 330 kilomètres de voies navigables ouvertes de Lyon à la Méditerranée et de nombreux sites industriels et portuaires ont vu le jour, la plus grande attention étant portée à leur impact. Les entreprises ont su, comme CNR, chercher le chemin du progrès et de la transition énergétique en se lançant dans différentes ENR tout en protégeant les écosystèmes.

CNR est le premier producteur en France d'énergie exclusivement renouvelable : la puissance installée s'élève à 3 gigawatts. L'eau, le vent et le soleil offrent un mix énergétique entièrement renouvelable.

Le concessionnaire du Rhône est également un maillon décisif du territoire rhodanien, c'est-à-dire un partenaire et un acteur auprès des collectivités.

Ses projets, au fil des décennies, ont un point commun : les missions d'intérêt général menées au bénéfice des territoires, qu'il s'agisse de valoriser à des fins économiques ou environnementales les 27 000 hectares de domaine concédé le long du Rhône ou encore de financer des projets territoriaux en matière d'énergies renouvelables, de biodiversité, de tourisme ou d'agriculture durables.

Cet ancrage local de l'identité de la concession se retrouve pleinement au sein même de la gouvernance de la Compagnie et de son capital, dont 183 collectivités sont actionnaires.

Le Gouvernement soutient cette proposition de loi qui intervient à un moment décisif, le terme de la concession devant intervenir le 31 décembre 2023. Dès 2014, l'État avait engagé des démarches de concertation pour organiser « l'après » avec les différentes parties prenantes.

Il est apparu assez rapidement que la prolongation par voie législative était la solution la plus robuste et sans doute la plus étayée juridiquement. Le Gouvernement partage la conviction que le texte est tout à fait satisfaisant du point de vue juridique. Les questions de droit européen de la concurrence ont fait l'objet d'échanges nourris avec la Commission européenne, aboutissant à ce projet de prolongation. Cette dernière a indiqué au Gouvernement qu'elle n'identifiait pas à ce stade d'éléments constitutifs d'une aide d'État dans le projet.

La proposition de loi inscrit au plus haut de notre hiérarchie des normes, dans une disposition législative ad hoc, cette concession particulière et prend en compte sa spécificité. De manière démocratique et participative, les termes soumis aux procédures de concertation et de consultation du public qui se sont tenues entre 2019 et 2021 assurent la transparence des dispositions contenues dans la proposition de loi.

Le texte permet en outre de renforcer les exigences et les ambitions du cahier des charges de la concession, avec par exemple l'insertion de dispositions permettant aux députés et aux sénateurs dont les circonscriptions se trouvent dans son périmètre de participer au comité de suivi. C'était indispensable afin que le cahier des charges et que les missions d'intérêt général au bénéfice des territoires fassent l'objet d'un schéma directeur et de programmes quinquennaux tout à fait partagés avec la Représentation nationale, aussi bien pour participer à ses réflexions que pour faire circuler l'information.

La prolongation de la concession jusqu'en 2041 a pour vertu essentielle de redonner de la visibilité aux collectivités actionnaires, aux entreprises concessionnaires et à leurs 1 400 salariés, ainsi qu'à notre trajectoire de décarbonation, puisqu'une part importante du déploiement des ENR repose sur cette concession du Rhône. Sa production représente en effet aujourd'hui près du quart de la production française d'hydroélectricité. En outre, la concession permet de développer le photovoltaïque et l'éolien sur tout le territoire rhodanien.

Vous connaissez les objectifs de cette trajectoire, notamment la réduction de 55 % de nos émissions d'ici 2030 et l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050. Pour les atteindre, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit que nous passions à 40 % d'électricité produite à partir d'ENR en 2030, contre 25 % aujourd'hui.

Dans cette perspective, un pilotage de long terme de la concession du Rhône était d'autant plus nécessaire. Sa prolongation nous offre par ailleurs la possibilité de renforcer et de consolider les actions sur les autres champs de la concession, la navigation et l'agriculture.

Nous veillerons tout particulièrement à ce que la CNR mène à bien et renforce, avec le soutien de l'agence de l'eau, son programme d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes, au travers d'obligations de travaux imposées au concessionnaire ou de missions d'intérêt général. Si le fleuve est largement aménagé, beaucoup peut être fait dans ce domaine : je pense à l'amélioration de la circulation des poissons migrateurs, au transit sédimentaire, à la restauration des lônes, ces anciens bras du Rhône court-circuités par le chenal navigable, à la gestion des zones humides connexes au fleuve ou encore à la restauration des berges.

Nous renforçons donc le volet eau et préservation des milieux aquatiques et humides, notamment au travers du plan Rhône-Saône 2021-2027, doté de 125 millions d'euros sur six ans, dont 56 millions pour CNR et 53 millions pour l'agence de l'eau, qui s'inscrit dans l'enveloppe de 160 millions sur cinq ans consacrée au schéma directeur ainsi qu'aux premiers programmes quinquennaux.

À l'international, CNR anime l'initiative pour l'avenir des grands fleuves parrainée par M. Erik Orsenna : elle organise ainsi des rencontres et des échanges multiples sur le contexte environnemental et social de ces éléments structurants de nos territoires. Elle accompagne financièrement diverses actions de connaissance, comme la récente campagne Tara Océan sur les rejets microplastiques, et se trouve également très impliquée dans l'organisation d'événements internationaux majeurs pour la connaissance et la préservation de l'environnement. Elle a d'ailleurs été à nos côtés pour organiser le congrès mondial pour la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) au mois de septembre à Marseille.

En conclusion, le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi qui fixe un horizon et une trajectoire permettant à chacun d'anticiper ces transformations nécessaires, ce qui est le propre d'une politique responsable. Elle agit avec et non pas contre les territoires. Partant de l'existant, elle transforme les contraintes en autant d'occasions. C'est un texte fédérateur et nécessaire.

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