La commission a examiné la proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône (n° 4832) (M. Patrick Mignola, rapporteur).
L'examen de la proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône se distingue par plusieurs singularités. Tout d'abord, elle est cosignée par pas moins de cinq présidents de groupe, l'un d'entre eux, Patrick Mignola, en ayant été désigné rapporteur par notre commission.
Ensuite, le président Mignola a demandé à ce que cette proposition de loi, inscrite à l'ordre du jour des séances publiques du mercredi 19 et du vendredi 21 janvier, soit examinée selon la procédure de législation en commission : ce sera une grande première dans notre commission. En termes de procédure, on ne voit en réalité la différence qu'en séance publique, puisqu'aucun amendement ne pourra y être déposé sauf pour assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination ou corriger une erreur matérielle. Tout se joue donc en commission. La présence du Gouvernement y est de droit : je salue donc la présence de Mme Bérangère Abba.
Autre singularité de ce texte, qui n'en est pas avare : il modifie une loi qui date du 27 mai 1921, il y a plus de cent ans !
Plus de cent ans donc après cette « loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d'aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes », promue par des élus rhodaniens, nous examinons un nouveau texte relatif à l'aménagement de ce fleuve.
Le Rhône a fait l'objet d'une concession octroyée par l'État à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) en 1933, fondée sur un modèle unique car la mission confiée au concessionnaire est triple : elle porte non seulement sur l'utilisation de la puissance hydraulique – la Compagnie produit 24 % de l'hydroélectricité française – mais aussi sur la navigation sur le fleuve et sur les usages agricoles du Rhône, parmi lesquels l'irrigation et l'assainissement, missions d'intérêt général.
La concession arrive à échéance le 31 décembre 2023 : la proposition de loi propose de la prolonger jusqu'au 31 décembre 2041, permettant tout à la fois de préserver ce modèle concessif unique et de maintenir la CNR dans ses fonctions, car elle a su faire preuve de toutes les qualités nécessaires pour assurer la bonne gestion du fleuve jusqu'à présent.
Le renouvellement aurait pu être choisi plutôt que la prolongation, mais une telle procédure conduirait à des délais beaucoup plus longs pour entrer en vigueur, de l'ordre de dix à douze ans, sans parler des fragilités que l'application du droit européen de la concurrence pourrait induire. Or 500 millions d'euros d'investissements sont prêts à être réalisés au travers des trois plans pluriannuels quinquennaux prévus à ce stade. Nous faisons en outre face à l'urgence de la transition énergétique. Enfin, les 1 500 emplois de la Compagnie, dont 1 300 sont industriels, représentent un patrimoine immatériel qu'il convient évidemment de préserver.
C'est faire un geste politique important que de considérer que l'énergie n'est pas un bien comme les autres, dont on pourrait ouvrir la gestion à la concurrence et à des investisseurs étrangers qui n'auraient pas la même conception de l'intérêt général : elle fait partie de la souveraineté nationale.
La proposition de loi modernise certains aspects du régime juridique encadrant la concession et propose d'annexer le cahier des charges général et le schéma directeur à la loi, témoignant de leur dimension d'intérêt général et les sécurisant juridiquement. Fait assez rare pour être souligné, elle a été cosignée par de nombreux députés issus des rangs de tous les groupes politiques.
L'objectif est, depuis 2013, après une longue concertation impliquant l'ensemble des personnes publiques devant être associées, notamment les 183 collectivités territoriales qui font partie de CNR ainsi que l'ensemble des acteurs économiques et non-économiques de terrain, de parvenir à un texte équilibré et largement concerté nous permettant de nous projeter jusqu'en 2041.
Le dispositif a en effet fait l'objet d'un important processus de concertation. Après les échanges entre l'État et le concessionnaire, l'ensemble des parties prenantes ont été consultées à partir de 2019. Une première concertation avec garant a été organisée, donnant lieu à un rapport puis à une réponse de l'État comportant un certain nombre d'engagements faisant écho aux recommandations du garant. L'Autorité environnementale s'est prononcée sur le sujet. Le dossier de concertation a ensuite été soumis à la participation du public. Enfin, une consultation administrative a été menée par le préfet du Rhône auprès de 236 parties prenantes. La Commission européenne a également été consultée afin de s'assurer de la solidité juridique du projet, qu'elle a confirmée par une lettre de confort.
Cela signifie que le cahier des charges et le schéma directeur qui en résultent et qui sont annexés à la proposition de loi ont été mûrement négociés, qu'ils prennent en compte les différentes opinions exprimées et qu'ils permettent d'atteindre un équilibre entre les différentes missions fixées au concessionnaire.
Nous devons être habités par un esprit d'humilité – puisque, du haut de cette proposition de loi, un siècle nous contemple – et aussi de responsabilité, puisque le travail a été mené non seulement par les parlementaires mais par tous les acteurs de terrain, pour parvenir à cette proposition de loi extrêmement aboutie.
J'en viens aux raisons qui fondent la prolongation de la concession du Rhône à la CNR pour dix-huit années supplémentaires. Elle avait été initialement octroyée pour soixante‑quinze ans, comme cela est prévu s'agissant des concessions hydrauliques. Cette durée a commencé à courir à compter de 1948, date de la mise en œuvre du premier ouvrage.
Depuis les années 2010, les dispositions issues du droit européen applicables en matière de commande publique imposent normalement la remise en concurrence de la concession à l'échéance de ces soixante-quinze années.
Cependant, la concession du Rhône a connu une histoire singulière : à l'issue de la seconde guerre mondiale, les besoins croissants en électricité et l'incapacité du secteur privé à y faire face ont conduit à l'adoption de la loi du 8 janvier 1946, qui a nationalisé la production d'électricité et confié celle-ci à EDF. Ainsi, entre 1948 et 2006, ce n'est pas CNR mais bien EDF qui a exploité les ouvrages hydroélectriques sur le Rhône. Cette situation ne pouvait bien évidemment pas être anticipée lors de la conclusion de la convention de concession, en 1933.
Cela signifie que sur les soixante-quinze ans de la concession, CNR n'a pas pu exercer pleinement ses missions de producteur d'hydroélectricité durant plus de cinquante ans. Ces circonstances imprévisibles justifient la prolongation de la concession.
La Commission européenne a confirmé que le projet était conforme au droit européen par l'envoi de la lettre de confort du 20 octobre 2020. Outre la validité du fondement juridique de la prolongation de la concession, c'est aussi la neutralité financière du projet qui permet d'assurer sa conformité au droit de l'Union européenne, en particulier au regard des dispositions applicables en matière d'aides d'État. CNR ne doit en effet pas bénéficier d'avantages indus liés à la prolongation. En plus de la réalisation d'un programme de travaux supplémentaires sur le Rhône, la création d'une redevance proportionnelle et progressive en fonction des prix de l'électricité, versée par CNR à l'État, garantira une telle neutralité.
Deux éléments fondent donc la solidité juridique de ce texte : les circonstances imprévisibles liées à la seconde guerre mondiale et la neutralité financière.
La nouvelle date d'échéance de la concession, le 31 décembre 2041, a été choisie de manière à ce que la durée moyenne d'exploitation de chacun des dix-neuf ouvrages hydroélectriques sur le Rhône soit de soixante-quinze ans. Cela permet d'aboutir à une situation plus équitable pour le concessionnaire actuel, considérant la réalité des conditions d'exploitation durant la période de nationalisation de la production d'électricité.
Le passage par la loi permet par ailleurs de sécuriser juridiquement la prolongation. Sinon, en cas d'annulation contentieuse, la concession serait prolongée sous le régime dit des délais glissants. Il avait été envisagé dans un premier temps d'effectuer cette prolongation par décret, mais cette solution aurait été source de contentieux et n'aurait permis de maintenir la concession qu' a minima, aux conditions antérieures et donc sans possibilité de nouveaux investissements.
Au-delà de sa faisabilité juridique, la prolongation de la concession correspond à une évidence de fait, compte tenu de l'expérience et du savoir-faire acquis par la CNR s'agissant de l'aménagement du Rhône : un tel constat a d'ailleurs été largement partagé dans les échanges intervenus au cours de la concertation sur le projet de prolongation. CNR gère aujourd'hui 19 ouvrages hydroélectriques, 14 écluses à grand gabarit et 22 sites industriels et portuaires.
L'autorité concédante et le concessionnaire ont su faire évoluer la concession. En particulier, la prise en compte de l'environnement figure en bonne place dans le cahier des charges et le schéma directeur ainsi que dans la stratégie d'entreprise bâtie par CNR pour 2030. Elle s'est aussi dotée d'une raison d'être.
L'organisation de CNR permet de s'assurer du bon fonctionnement de la concession et de l'association de l'ensemble des acteurs concernés. Elle dispose d'un actionnariat majoritairement public, dont 17 % environ sont détenus par 183 collectivités territoriales. La dimension industrielle du groupe est également un déterminant fondamental de la réussite de l'entreprise.
Enfin, CNR est une société dotée d'un directoire ; la commission des affaires économiques a d'ailleurs eu à se prononcer sur la nomination de sa présidente en novembre dernier. Elle dispose également d'un conseil de surveillance où siègent notamment quatre représentants des collectivités territoriales et deux représentants de l'État. La préservation des intérêts du fleuve au travers d'une forte présence des acteurs de l'intérêt général est donc parfaitement assurée par sa gouvernance.
La proposition de loi comprend en annexe le cahier des charges général de la concession et le schéma directeur, ces deux documents ayant vocation à préciser et à encadrer les missions du concessionnaire.
Le nouveau cahier des charges proposé comprend plusieurs évolutions par rapport à la version en vigueur, qui date de 2003. Outre la modification de la date d'échéance de la concession et du calcul de la redevance et l'inclusion du schéma directeur, il y a deux évolutions principales.
Premièrement, le périmètre de la concession est étendu à des portions du Rhône actuellement gérées par Voies navigables de France (VNF) et par la direction départementale des territoires de la Savoie. VNF, dont le siège est à Béthune, continuera à gérer avec la métropole de Lyon la partie du fleuve interne à celle-ci, puisque la particularité de la gestion fluviale intra-urbaine, notamment du Rhône et de la Saône, a conduit à ne pas intégrer cette partie à la concession prolongée. Le barrage de Cusset demeure également exclu du périmètre de la concession puisqu'il est géré par EDF.
Deuxièmement, un programme de travaux supplémentaires d'un montant de 500 millions d'euros va être réalisé : il prévoit notamment la réalisation de six petites centrales hydroélectriques, ainsi que des études de faisabilité concernant la construction d'un nouvel ouvrage hydroélectrique dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas. La réalisation de cet ouvrage a fait l'objet de nombreux débats durant la concertation et l'État a pris l'engagement d'associer pleinement les parties prenantes au projet. La Commission nationale du débat public (CNDP) sera d'ailleurs saisie. Certains de nos collègues, dont Mme Cendra Motin, ont fait évoluer des éléments du texte relatifs à l'organisation de la concertation, notamment concernant ce dernier ouvrage, afin que l'exemplarité de la concertation entourant les projets conduits par la CNR soit encore renforcée.
La proposition de loi renforce également le rôle du schéma directeur de la concession et les consultations dont il fait l'objet. Décliné sous forme d'objectifs, il est le support de programmes pluriannuels quinquennaux qui permettent à CNR d'investir, après concertation avec les élus locaux, dans des projets liés à l'aménagement du Rhône. Le premier programme quinquennal a été fixé à 165 millions d'euros.
Le schéma directeur sera inclus dans le cahier des charges, ce qui permet tout à la fois d'encadrer et de compléter la triple mission du concessionnaire. Il comprend un axe consacré à l'environnement et à la biodiversité et un axe portant sur les actions complémentaires en lien avec les territoires, ce qui a conduit l'ensemble des collectivités parties prenantes, qu'elles soient actionnaires ou non, à soutenir la proposition de loi.
Le comité de suivi de l'exécution de la concession sera consulté sur ces programmes pluriannuels quinquennaux. De plus, et c'est un point majeur, les députés et les sénateurs concernés pourront en faire partie, ce qui permettra d'associer les parlementaires au suivi du bon déroulement de la concession.
L'article 5 de la proposition de loi a trait aux énergies réservées. Dans le cadre d'une concession hydraulique, le concessionnaire peut réserver une partie de l'énergie produite au profit des acteurs locaux. Concrètement, ces réserves en énergie prennent la forme d'une compensation financière versée par le concessionnaire au département. Les dispositions générales qui s'appliquent prévoient que ce sont les conseils départementaux qui rétrocèdent ensuite l'énergie réservée aux ayants droit concernés.
L'article 5 maintient, pour la concession du Rhône, la compétence du préfet s'agissant de l'attribution des énergies réservées : le périmètre de cette concession s'étend sur onze départements, ce qui nécessite une certaine coordination et justifie le maintien de la compétence des services de l'État. C'est d'ailleurs l'avis des conseils départementaux concernés.
Enfin, l'article 6 modernise les dispositions relatives au régime comptable de CNR et la possibilité dont elle bénéficie de délivrer des titres d'occupation du domaine public. Ces dispositions sont en réalité déjà appliquées par le concessionnaire car elles figurent dans le huitième avenant à la convention de concession de 2003. Si la proposition de loi est adoptée, elles auront désormais leur place dans la loi, ce qui se justifie par leur importance.
J'espère vous avoir convaincus que ce texte est particulièrement consensuel et abouti. C'est un honneur que de pouvoir défendre devant vous cette belle réussite qu'est la concession du Rhône. Je souhaite qu'elle puisse se poursuivre pour dix-huit années supplémentaires, tant il est vrai que CNR est un acteur qui donne unanimement satisfaction aux acteurs locaux. Au-delà de tous les éléments à prendre en compte, hydroélectriques, agricoles, d'intérêt général et tenant aux relations avec les collectivités locales, nous sommes nombreux à être attachés au Rhône, de façon personnelle, familiale et historique, car il participe de l'identité de tous ceux qui habitent dans ses alentours.
Le texte que nous examinons ce soir ne se résume pas à une simple prolongation d'une concession d'aménagement et d'exploitation, puisqu'il s'agit d'abord d'un des plus beaux cours d'eau de notre pays, le fleuve roi pour certains, un cours d'eau puissant qui, de la Suisse à la Méditerranée, a su évoluer avec nous.
Son exploitation témoigne d'une accélération de la transition écologique, en partenariat avec les collectivités locales, avec des projets d'aménagement durable et de développement ambitieux sur le volet des énergies renouvelables (ENR). Il s'agit de politiques à la fois environnementales, énergétiques et de mobilité très liées à la gestion de l'eau, et donc à la biodiversité. Ces équilibres, qui sont la clé de la transition que nous cherchons à construire, se retrouvent dans cette proposition de loi qui a effectivement trouvé des cosignataires sur tous les bancs : il s'agit donc d'un projet unique.
La mission centenaire de la Compagnie nationale du Rhône est d'aménager et d'exploiter ce fleuve selon un modèle absolument unique en France, et visionnaire – depuis 1933 –, qui associe production d'énergie, navigation fluviale et irrigation agricole et a permis de s'adapter au contexte ainsi qu'à des enjeux environnementaux toujours plus présents.
Ainsi, 19 centrales hydroélectriques et 19 barrages, 14 écluses, 330 kilomètres de voies navigables ouvertes de Lyon à la Méditerranée et de nombreux sites industriels et portuaires ont vu le jour, la plus grande attention étant portée à leur impact. Les entreprises ont su, comme CNR, chercher le chemin du progrès et de la transition énergétique en se lançant dans différentes ENR tout en protégeant les écosystèmes.
CNR est le premier producteur en France d'énergie exclusivement renouvelable : la puissance installée s'élève à 3 gigawatts. L'eau, le vent et le soleil offrent un mix énergétique entièrement renouvelable.
Le concessionnaire du Rhône est également un maillon décisif du territoire rhodanien, c'est-à-dire un partenaire et un acteur auprès des collectivités.
Ses projets, au fil des décennies, ont un point commun : les missions d'intérêt général menées au bénéfice des territoires, qu'il s'agisse de valoriser à des fins économiques ou environnementales les 27 000 hectares de domaine concédé le long du Rhône ou encore de financer des projets territoriaux en matière d'énergies renouvelables, de biodiversité, de tourisme ou d'agriculture durables.
Cet ancrage local de l'identité de la concession se retrouve pleinement au sein même de la gouvernance de la Compagnie et de son capital, dont 183 collectivités sont actionnaires.
Le Gouvernement soutient cette proposition de loi qui intervient à un moment décisif, le terme de la concession devant intervenir le 31 décembre 2023. Dès 2014, l'État avait engagé des démarches de concertation pour organiser « l'après » avec les différentes parties prenantes.
Il est apparu assez rapidement que la prolongation par voie législative était la solution la plus robuste et sans doute la plus étayée juridiquement. Le Gouvernement partage la conviction que le texte est tout à fait satisfaisant du point de vue juridique. Les questions de droit européen de la concurrence ont fait l'objet d'échanges nourris avec la Commission européenne, aboutissant à ce projet de prolongation. Cette dernière a indiqué au Gouvernement qu'elle n'identifiait pas à ce stade d'éléments constitutifs d'une aide d'État dans le projet.
La proposition de loi inscrit au plus haut de notre hiérarchie des normes, dans une disposition législative ad hoc, cette concession particulière et prend en compte sa spécificité. De manière démocratique et participative, les termes soumis aux procédures de concertation et de consultation du public qui se sont tenues entre 2019 et 2021 assurent la transparence des dispositions contenues dans la proposition de loi.
Le texte permet en outre de renforcer les exigences et les ambitions du cahier des charges de la concession, avec par exemple l'insertion de dispositions permettant aux députés et aux sénateurs dont les circonscriptions se trouvent dans son périmètre de participer au comité de suivi. C'était indispensable afin que le cahier des charges et que les missions d'intérêt général au bénéfice des territoires fassent l'objet d'un schéma directeur et de programmes quinquennaux tout à fait partagés avec la Représentation nationale, aussi bien pour participer à ses réflexions que pour faire circuler l'information.
La prolongation de la concession jusqu'en 2041 a pour vertu essentielle de redonner de la visibilité aux collectivités actionnaires, aux entreprises concessionnaires et à leurs 1 400 salariés, ainsi qu'à notre trajectoire de décarbonation, puisqu'une part importante du déploiement des ENR repose sur cette concession du Rhône. Sa production représente en effet aujourd'hui près du quart de la production française d'hydroélectricité. En outre, la concession permet de développer le photovoltaïque et l'éolien sur tout le territoire rhodanien.
Vous connaissez les objectifs de cette trajectoire, notamment la réduction de 55 % de nos émissions d'ici 2030 et l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050. Pour les atteindre, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit que nous passions à 40 % d'électricité produite à partir d'ENR en 2030, contre 25 % aujourd'hui.
Dans cette perspective, un pilotage de long terme de la concession du Rhône était d'autant plus nécessaire. Sa prolongation nous offre par ailleurs la possibilité de renforcer et de consolider les actions sur les autres champs de la concession, la navigation et l'agriculture.
Nous veillerons tout particulièrement à ce que la CNR mène à bien et renforce, avec le soutien de l'agence de l'eau, son programme d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes, au travers d'obligations de travaux imposées au concessionnaire ou de missions d'intérêt général. Si le fleuve est largement aménagé, beaucoup peut être fait dans ce domaine : je pense à l'amélioration de la circulation des poissons migrateurs, au transit sédimentaire, à la restauration des lônes, ces anciens bras du Rhône court-circuités par le chenal navigable, à la gestion des zones humides connexes au fleuve ou encore à la restauration des berges.
Nous renforçons donc le volet eau et préservation des milieux aquatiques et humides, notamment au travers du plan Rhône-Saône 2021-2027, doté de 125 millions d'euros sur six ans, dont 56 millions pour CNR et 53 millions pour l'agence de l'eau, qui s'inscrit dans l'enveloppe de 160 millions sur cinq ans consacrée au schéma directeur ainsi qu'aux premiers programmes quinquennaux.
À l'international, CNR anime l'initiative pour l'avenir des grands fleuves parrainée par M. Erik Orsenna : elle organise ainsi des rencontres et des échanges multiples sur le contexte environnemental et social de ces éléments structurants de nos territoires. Elle accompagne financièrement diverses actions de connaissance, comme la récente campagne Tara Océan sur les rejets microplastiques, et se trouve également très impliquée dans l'organisation d'événements internationaux majeurs pour la connaissance et la préservation de l'environnement. Elle a d'ailleurs été à nos côtés pour organiser le congrès mondial pour la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) au mois de septembre à Marseille.
En conclusion, le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi qui fixe un horizon et une trajectoire permettant à chacun d'anticiper ces transformations nécessaires, ce qui est le propre d'une politique responsable. Elle agit avec et non pas contre les territoires. Partant de l'existant, elle transforme les contraintes en autant d'occasions. C'est un texte fédérateur et nécessaire.
Notre commission examine ce soir un texte attendu, que ce soit pour l'aménagement du Rhône, pour les collectivités territoriales qui le longent ou les citoyens qui vivent dans les environs, pour les 14 000 salariés qui travaillent de manière directe ou indirecte autour, pour notre politique énergétique ou enfin pour les enjeux climatiques qui s'y rattachent.
La Compagnie nationale du Rhône est un aménageur de territoires. C'est sa mission première, au travers de trois compétences indissociables et solidaires : le développement de la navigation fluviale et l'irrigation des terres agricoles, financés par la vente de l'électricité produite grâce à son réseau de barrages hydroélectriques.
Cette mission, inscrite dans l'ADN de CNR, a contribué à façonner notre territoire.
Dans ma circonscription, le fleuve Rhône est un marqueur de l'identité locale et les infrastructures qui le parcourent sont autant de références pour nos concitoyens : les barrages de Caderousse, de Villeneuve-lès-Avignon, de Sauveterre et de Vallabrègues, le port de L'Ardoise, ou les appontements de Saint-Étienne-des-Sorts et de Roquemaure.
La concession d'aménagement du Rhône devait prendre fin en 2023. Je me réjouis que nous débattions de sa prolongation jusqu'en 2041 et puissions ainsi valider le programme d'investissement qui s'y rattache : 500 millions d'euros consacrés à de nouveaux ouvrages hydrauliques et de navigation, ainsi qu'à des travaux environnementaux.
Une telle enveloppe permettra d'accroître la production électrique du Rhône jusqu'à 600 gigawatts par an. Une nouvelle redevance variable en fonction des prix de l'électricité répond à la recherche d'un équilibre économique permettant de s'assurer qu'une exploitation jusqu'en 2041 est financièrement neutre.
Une hausse des investissements au titre du schéma directeur de la concession, puisqu'ils passent à 160 millions d'euros par période de cinq ans, permettra d'investir dans la production d'énergie hydraulique, le transport fluvial ou la protection de la biodiversité.
Le fleuve Rhône est un bien commun, tant pour ses citoyens que pour la flore et la faune : anguilles, aloses et lamproies pourront enfin remonter le Rhône pour se reproduire ; cistudes, castors, loutres pourront eux reprendre possession des lônes.
La concession du Rhône gérée par CNR se distingue enfin par son modèle industriel unique qui entend placer la valorisation des territoires au centre de sa stratégie, ce dont témoignent son actionnariat, composé de 183 collectivités territoriales, et sa volonté de rechercher l'équilibre entre rentabilité économique et intérêt collectif, aménagement des territoires traversés et production d'électricité.
L'ensemble des groupes politiques accueillent favorablement la proposition de loi, qui permettra de mettre fin à une situation de blocage qui dure depuis longtemps, de relancer les investissements et de clarifier le statut de la concession.
Au regard des enjeux climatiques, et à l'heure où nous souhaitons renforcer notre indépendance énergétique et accélérer le déploiement des énergies renouvelables, il faut s'assurer que CNR, premier producteur français d'électricité 100 % renouvelable, qui produit 25 % de l'énergie hydraulique française, puisse continuer de contribuer à notre politique énergétique.
Monsieur le rapporteur, vous pouvez donc compter sur le soutien plein et entier du groupe majoritaire.
Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission, en tant qu'élue de ce beau territoire qu'est le département du Rhône, profondément marqué par le fleuve, ses rivages et ses paysages.
Mon groupe se réjouit de l'examen de cette proposition de loi, fruit de plusieurs années de concertation. Elle concrétise la volonté, partagée par une très large majorité d'élus locaux et de parlementaires, de prolonger la concession du Rhône, de la moderniser et de l'adapter aux nouveaux enjeux, pour préserver un modèle unique en France. La Compagnie nationale du Rhône s'est en effet vu confier la concession unique du Rhône en 1934, avec trois missions indissociables : la production d'électricité, le développement du transport fluvial et l'irrigation des terres agricoles. La mise en service du barrage de Génissiat, en 1948, a marqué le point de départ d'une concession de soixante-quinze ans, jusqu'en 2023, que la proposition de loi vise à prolonger de dix-huit ans, jusqu'en 2041.
Les raisons de cette prolongation sont nombreuses. Tout d'abord, CNR n'a pas pu profiter du statut de producteur d'énergie de 1948 à 2006, en raison de la nationalisation du marché de l'électricité. En outre, la réalisation impérative de certains travaux de sécurité et de développement des voies navigables n'est pas compatible avec le renouvellement du contrat de concession avec un autre acteur, procédure qui durerait douze ans, dans le meilleur des cas. Enfin, les acteurs et élus locaux ont à cœur de prolonger la concession, car la triple vocation de ce modèle unique en France a largement fait ses preuves pour l'aménagement du Rhône et au service de l'intérêt général.
Ce modèle est donc unique. Pour ce qui concerne sa gouvernance, d'abord, CNR est la seule société anonyme d'intérêt général en France, qui réalise un équilibre entre rentabilité économique et intérêt collectif, entre capitaux privés et capitaux publics. Sa structure garantit un actionnariat public majoritaire ainsi que la pleine implication des territoires. Les revenus tirés de l'exploitation sont ensuite répartis entre les différentes parties prenantes.
Son modèle économique solidaire est lui aussi unique. Son triptyque productif permet une gestion holistique du fleuve, les revenus issus de la production d'électricité finançant les autres activités – à ces trois missions s'ajoute celle de la préservation du fleuve et de sa biodiversité. CNR emploie près de 1 500 personnes et crée environ 15 000 emplois indirects, dans un large éventail de compétences. La prolongation de la concession constitue donc également un enjeu pour préserver les emplois et le savoir-faire français.
Enfin, le modèle est unique par sa contribution environnementale. Les objectifs climatiques que nous nous sommes fixés – porter à 40 % la part d'énergies renouvelables dans notre production électrique d'ici à 2030 – sont ambitieux. En tant que producteur d'une énergie 100 % renouvelable qui représente près de 25 % de notre production hydroélectrique, la CNR représente un atout indispensable dans notre combat contre le réchauffement climatique.
Mon groupe soutient donc ce texte avec conviction. À l'heure où l'énergie est au cœur des grands enjeux internationaux et diplomatiques, il est fier du modèle de la Compagnie nationale du Rhône, plus que jamais au service de notre souveraineté énergétique et qui est un outil de notre indépendance industrielle qu'il faut préserver.
Cette proposition de loi a une importance toute particulière. Elle vise à adapter la concession du fleuve accordée à la Compagnie nationale du Rhône et à la prolonger jusqu'au 31 décembre 2041, à un moment où les enjeux concernant la ressource en eau comme le développement des énergies renouvelables et la fourniture d'électricité sont plus que jamais prégnants.
Depuis sa création, CNR est chargée d'aménager le Rhône selon un modèle unique, basé sur les trois missions solidaires et complémentaires de gestion globale du fleuve que l'État lui a historiquement confiées : la production d'électricité, le développement de la navigation fluviale et l'irrigation, sans compter la mission de préservation de la biodiversité du fleuve. Ce modèle original fait toute la force de CNR, dont le capital est détenu pour moitié par les collectivités territoriales et par la Caisse des dépôts et consignations. Sa relation aux territoires en fait une entreprise unique.
Depuis que l'État lui a confié la première concession unique du Rhône, CNR n'a cessé de se développer : elle a construit sites industriels et portuaires, ports de plaisance, haltes nautiques et bases de loisirs. Elle exploite aujourd'hui 19 centrales hydroélectriques sur le fleuve, 14 centrales photovoltaïques et 33 parcs éoliens, pour une production de 14 milliards de kilowattheures par an. La pertinence de ce modèle et le savoir-faire acquis depuis des décennies font de CNR le deuxième producteur d'électricité et le premier producteur d'énergie exclusivement renouvelable en France.
Vous connaissez mon attachement à l'énergie hydroélectrique, propre, pilotable et peu chère, et mon combat pour que l'exploitation puisse être conservée par nos opérateurs historiques – CNR, EDF ou la Société hydroélectrique du Midi (SHEM). C'est aujourd'hui une première marche qui est franchie.
CNR produit plus d'un quart de l'hydroélectricité française, ce qui est décisif à l'heure de la lutte contre le dérèglement climatique. Nous devons donc préserver ce modèle atypique, qui est une réussite, et permettre son développement.
Les discussions sur l'avenir de la concession ont débuté en 2013. Grâce à la mobilisation des salariés, de la direction et des élus, nous touchons au but. Il y a urgence, car la concession en cours arrive à échéance en 2023 – demain ! La prolongation de la concession jusqu'au 31 décembre 2041, qui permettra à CNR de relever de nombreux défis, est particulièrement attendue.
La proposition de loi arrive donc à pic alors que CNR, sous l'impulsion de Mme Élisabeth Ayrault, a adopté une nouvelle stratégie, « CNR 2030 », pleine d'ambition pour l'avenir de l'entreprise et que Mme Laurence Borie-Bancel saura mener à bien, j'en suis persuadée. La prolongation est d'autant plus indispensable qu'elle permettra à CNR de poursuivre la réalisation des missions d'intérêt général qui participent au développement de la vallée du Rhône. Le maintien des emplois en dépend également, comme la possibilité de nombreux recrutements – près de 50 emplois directs et 5 000 emplois indirects. Je salue d'ailleurs l'engagement des salariés, qui n'ont pas ménagé leurs efforts dans la période compliquée que nous connaissons, notamment en intervenant dans la région de Montélimar pour assurer la sécurité des ouvrages après un séisme.
CNR devra affronter d'importants défis, comme la baisse prévue de 10 % à 40 % du débit du Rhône à l'horizon 2050. La variabilité du fleuve est déjà constatée dans la vallée du Rhône, avec des crues et des périodes d'étiage qui varient de manière importante.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable de prolonger la concession du Rhône que l'État a accordée à CNR, et cela le plus rapidement possible afin de donner à l'entreprise de la visibilité et les moyens de relever les défis majeurs auxquels elle est confrontée.
La proposition de loi donne également valeur législative au cahier des charges de la concession et aux missions d'intérêt général financées par l'entreprise. Enfin, elle étend le périmètre concédé. Le groupe Socialistes et apparentés, qui a pris toute sa part depuis 2013 dans le bon aboutissement de ce dossier, notamment par le biais de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la votera.
Élu d'une circonscription éloignée du Rhône, j'ai découvert avec la proposition de loi ce modèle d'organisation à la fois ancestral et innovant, qui a su s'adapter. Le rapporteur et la secrétaire d'État m'ont convaincu du travail important de concertation réalisé avec l'ensemble des collectivités et de la nécessité de prolonger la concession pour dix-huit années supplémentaires. Afin de poursuivre des travaux de grande qualité sur la navigation, l'irrigation ou la production d'électricité, le groupe Agir ensemble soutiendra la présente proposition de loi.
Mon attachement va plutôt à la Loire, dernier fleuve sauvage d'Europe, mais je remercie le rapporteur pour sa proposition de loi. Comme il l'a souligné, l'énergie n'est pas un bien comme les autres : elle est notre bien commun, et il est bon de le réaffirmer fortement dans la période que nous vivons.
Ce texte nous permet de réaffirmer notre opposition au projet Hercule, pour l'instant heureusement enterré, qui vise à démanteler EDF, comme notre opposition à l'injonction de la Commission européenne, que le Gouvernement semble également pour l'instant abandonner, d'ouvrir à la concurrence les barrages de notre pays – nous parlions de « privatisation », ce qui faisait parfois hurler les ministres.
Nous sommes opposés à cette ouverture à la concurrence des barrages car l'énergie est un bien commun, un de ceux qui sont indispensables à notre vie et que nous devons retirer des griffes du marché, parce que celui-ci ne fait pas des choix allant dans le sens de l'intérêt général.
Les barrages posent aussi des problèmes de sécurité. Sachant que 25 % d'entre eux ont plus de 70 ans, l'ouverture à la concurrence, qui entraîne un certain dumping social, pourrait créer des problèmes de sécurité dans notre pays.
Troisièmement, mettre la main sur les barrages serait une opération extrêmement rentable pour les entreprises privées, alors que leur coût est aujourd'hui amorti. Or c'est un investissement qui a été payé par les Français.
Les barrages, première source d'énergie renouvelable, jouent un rôle très important de régulateur du système électrique puisqu'ils permettent une régulation rapide de la quantité d'électricité produite et injectée dans les réseaux. Or le Rhône, fleuve le plus nucléarisé de France, va connaître une baisse de débit de 10 % à 40 %, selon les scientifiques : les conflits d'usage de l'eau se multiplieront donc dans les années à venir. Il serait néfaste que les arbitrages se fassent non grâce à la décision commune, par le biais des collectivités ou de l'État, mais selon des objectifs de rentabilité.
Voilà pourquoi nous sommes opposés à l'ouverture à la concurrence et considérons que la proposition de loi va dans le bon sens, puisqu'elle permet à un opérateur historique de garder la main sur l'hydroélectricité.
Certaines dispositions du texte nous inquiètent pourtant. L'article 5, qui dispose que « À compter du 1er janvier 2023, le préfet peut abroger les décisions d'attribution d'énergie réservée accordées par l'État antérieurement à cette date » fait craindre une moindre attribution d'énergie réservée, notamment aux services publics locaux. De même, le fait que la redevance liée aux ventes de l'électricité pour l'État devienne proportionnelle au lieu de fixe fait craindre, si le prix de l'énergie baisse, que la redevance due à l'État diminue également.
Un petit regret, aussi : la proposition de loi n'évoque pas assez les missions de transport et d'irrigation qui échoieront à CNR, alors qu'elles participent de manière forte à la bifurcation écologique, notamment avec la nécessité du report modal et du développement du transport fluvial.
La proposition de loi pourrait aller beaucoup plus loin et créer un pôle public de l'énergie. Je suis du moins satisfaite d'avoir entendu la secrétaire d'État dire qu'elle était pour une planification : je l'invite à mettre ses actes en accord avec ses paroles !
Sans nous arc-bouter sur l'affichage politique d'un pôle public unifié de l'énergie – nous portons depuis des années cet objectif politique essentiel –nous nous sommes livrés à une analyse matérialiste pour comprendre les nécessités objectives des dispositions de la proposition de loi.
D'abord, la nécessité de protéger d'une privatisation. C'est le premier objectif, qui explique pourquoi le texte est aussi consensuel. Il a d'ailleurs été accueilli favorablement par les organisations syndicales, en particulier la CGT-Énergie ou les représentants CGT de la Compagnie nationale du Rhône. Le texte répond à la nécessité, à l'urgence de protéger de la privatisation car l'ouverture à la concurrence du secteur hydroélectrique aurait des effets désastreux.
Deuxième point : la proposition de loi évite une fragmentation, un éclatement entre les trois objets d'une gestion aujourd'hui unifiée – les ouvrages hydroélectriques, les infrastructures de transport fluvial et les installations portuaires, et les 27 000 hectares du domaine public qui permettent une valorisation économique favorable à l'agriculture et à l'accompagnement des projets de territoire, entre autres. Il s'agit de maintenir unifiée cette triple gestion d'éléments complémentaires et d'éviter ce qui se produirait si l'on décidait de rentabiliser un morceau au détriment des autres.
Troisième point : les actionnaires de la Compagnie nationale du Rhône restent majoritairement publics. Les collectivités y représentent 16,8 %, la Caisse des dépôts et consignations, 33,2 % ; l'autre moitié est détenue par Engie, qui compte toujours, même si cela doit diminuer en application de la loi du 22 mai 2019 dite « PACTE », plus de 20 % de capital public. On maintient donc la maîtrise publique et les opérateurs historiques. Cela est très important eu égard au risque de privatisation de la compagnie.
Quatrième point : la proposition de loi conforte le mix énergétique. On dit souvent qu'il n'est pas possible de faire plus d'hydroélectricité. Or les projets inclus dans le texte, ne serait-ce que la construction de petites centrales hydroélectriques – pour 1,6 % de production en plus – ou l'augmentation des capacités de production de l'aménagement hydroélectrique de Montélimar, montrent qu'il y a bien des marges d'évolution dans notre pays.
Cette analyse matérialiste faite pour comprendre les nécessités objectives nous amène à voter la proposition de loi. Sans certains aléas de calendrier, nous aurions d'ailleurs pu la cosigner.
Ce texte fait consensus, non seulement parmi les députés de la vallée du Rhône, mais parmi l'ensemble des parties prenantes – élus locaux, direction, personnel de CNR. Il est très attendu, depuis des années : nous commencions d'ailleurs à désespérer. Mais, grâce à nous, il est bien à l'ordre du jour de l'Assemblée. Que le Gouvernement lève le gage, par un amendement à l'article 7, est une bonne surprise : enfin, la date de fin de concession est fixée au 31 décembre 2041 !
CNR est un actif essentiel de notre patrimoine industriel, producteur d'une énergie 100 % renouvelable. Son modèle économique s'appuie sur trois piliers : une légitimité d'acteur innovant et performant de l'énergie ; une proximité étroite avec les territoires ; et une capacité à redistribuer la valeur créée. À l'heure où notre pays doit relever les défis climatiques et énergétiques, il est impératif de capitaliser sur ce modèle de la concession de service public, qui n'a pas pris une ride.
Chacun des onze départements, de l'Ain aux Bouches-du-Rhône, porte fièrement certains de ses joyaux d'infrastructure, tels que, dans ma circonscription, le barrage de Génissiat, premier qu'elle ait construit, en 1948, et prodige technologique – le barrage le plus grand et le plus moderne d'Europe.
Par ce texte, nous souhaitons nous inscrire dans cet héritage d'innovation et de modernisation des territoires. CNR a vocation à jouer un rôle de premier plan, avec notre filière nucléaire, pour appliquer le grand programme de rénovation énergétique que le Président de la République a présenté dans le cadre du plan France 2030 et pour atteindre l'objectif européen de zéro émission carbone en 2050.
Plus que jamais, dès le lancement de chaque opération d'aménagement du Rhône, il faut prendre en compte l'impératif de protection de l'environnement et des biodiversités terrestre et aquatique. CNR est très engagée à ce sujet. C'est un défi, alors que le réchauffement climatique risque d'amener une baisse de débit du fleuve, et que d'autres acteurs de l'énergie, notamment la centrale du Bugey, ont besoin du Rhône.
Pour un élu de l'Ouest, plus habitué à la Loire, fleuve sauvage, il est intéressant d'étudier le Rhône, ce fleuve roi. À écouter le rapporteur et la secrétaire d'État, on pourrait penser que la concertation a été menée de façon si formidable qu'on pourrait voter le texte les yeux fermés. Or, en page 10 de son rapport, publié en février 2021, le garant de la Commission nationale du débat public souligne le « manque de communication » en amont du débat public ; en page 13, la faible implication du ministère de l'écologie dans cette concertation ; et, page 14, le fait qu'aucun dialogue ni coconstruction n'aient été réalisés à partir des propositions des parties prenantes.
La proposition de loi va bien sûr dans le bon sens, mais beaucoup reste à dire. L'agence de l'eau indiquait que de nouveaux barrages déclasseraient le Rhône dans la seule partie où le fleuve et l'eau sont encore en bon état. Les associations locales ont fait part de leurs inquiétudes. Je m'interroge donc sur cette vision sinon fantasmée, du moins exagérément positive de la concertation.
Deuxième question : la secrétaire d'État sait que l'article 4 pose problème, notamment le projet de nouveau barrage dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas. En 2021, on ne peut plus considérer un projet sans étudier les solutions de remplacement. Quelle est la position du Gouvernement sur les alternatives possibles au nouveau barrage ? Comment peut-on, pour un montant d'investissement bien plus limité, optimiser les dix-neuf barrages existants, et gagner peut-être davantage d'énergie qu'avec une nouvelle construction ?
C'est avec émotion que je m'exprime ce soir comme mon grand-père, initiateur de la loi « Rhône », a pu le faire en ces mêmes lieux, il y a un siècle.
Tous les riverains, Lyonnais ou Rhodaniens, sont attachés à ce fleuve et à son aménageur, CNR. En le canalisant, au moyen d'écluses, de barrages, de canaux de dérivation, elle a dompté ce fleuve fougueux et, dès 1921, a permis de relever de nombreux défis, sur un modèle très original et novateur. CNR permet de répondre à des enjeux économiques tels que le développement du transport fluvial – 6 % du trafic total entre Lyon et Marseille – ou de l'irrigation agricole ; à des enjeux climatiques, avec le développement et la régulation de l'énergie décarbonée et durable, la réduction du trafic routier ou la gestion de la ressource en eau, dans un contexte de baisse prévisible du débit du Rhône – car le Rhône a un capital précieux, les glaciers des Alpes ; et à des enjeux environnementaux, tels la réduction des inondations ainsi que le suivi de la qualité de l'air de la vallée et des eaux du fleuve.
La CNR est un outil exemplaire, qui permet de gérer l'ensemble de ces enjeux et d'entretenir tous ces ouvrages au sein d'un même organisme. C'est pourquoi le renouvellement de la concession est primordial.
Enfin, CNR joue un rôle de facilitateur pour les activités touristiques, nouvelles, comme la ViaRhôna, ou traditionnelles – celles qui, comme l'écrit Bernard Clavel, relient affectivement le fleuve et ses habitants, qu'il s'agisse des activités de loisir, promenades dominicales, parties de pêche, plaisance ou joutes, ou de la richesse du patrimoine, avec, dans ma circonscription, les communes de La Mulatière, Pierre-Bénite, Irigny ou Vernaison.
La soirée est belle, l'énergie du rapporteur et l'enthousiasme de la secrétaire d'État communicatifs. J'attends toutefois les réponses aux quelques ombres que M. Matthieu Orphelin a apportées à ce tableau presque idyllique de la gestion du Rhône. Je suis cependant plutôt convaincu et ne poserai de questions que par curiosité. Très impliqué dans les débats de la loi PACTE, j'ai l'habitude de dire aux entrepreneurs et syndicalistes locaux que, plus que la « raison d'être », c'est la façon de faire qui compte, et comment on l'évalue.
Je souhaite donc vous interroger sur les modalités de partage des bénéfices réalisés. Quelles sont l'échelle des salaires, la part octroyée au capital et au travail ? C'est à ces éléments triviaux qu'on mesure le vrai du faux, la part du roman et de la réalité.
Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, Madame la secrétaire d'État, on pourrait s'étonner du désordre qui règne dans le pays : il y a des conflits partout, sur les éoliennes, sur le photovoltaïque, sur la biomasse ; partout, on se déchire ; des profits éhontés sont faits, des paysages, dévastés, des modèles agricoles, déformés. La planification, la concertation, la capacité d'une gestion holistique des ENR dans les écosystèmes économiques et écologiques de l'agriculture, des sols, des paysages, voilà un bon projet pour le prochain quinquennat.
Êtes-vous convaincue qu'une gestion intégrée, économique et écologique, peut produire de tels résultats ? C'est bien la concertation, l'organisation, la puissance publique, et non le marché, qui peuvent réguler cela.
Enfin, peut-on tirer des leçons de la CNR pour d'autres fleuves ? Pour la Moselle, nous pourrions, comme pour le Rhône, penser à une gestion unifiée, combinant énergie et transports. Existe-t-il des exemples d'adaptation de ce qui a été inventé pour le Rhône il y a un siècle ?
Je remercie l'ensemble des intervenants, souvent corédacteurs, comme M. Anthony Cellier, qui a largement contribué au texte, ou Mme Marie‑Noëlle Battistel, présente dès l'origine dans les discussions sur la prolongation de la concession.
Mme la présidente Panot a évoqué l'abrogation par les préfets des dispositifs d'énergie réservée. Pour des raisons de cohérence, puisque onze départements sont concernés, il a été décidé que les préfets attribuaient l'énergie réservée, au lieu des conseils départementaux, comme le voudrait le code de l'énergie. Il a fallu donc écrire dans la loi que les préfets pouvaient également abroger les décisions d'attribution d'énergie réservée accordées antérieurement par l'État.
Vous demandez si cela serait de nature à réduire le montant des énergies réservées. Les dispositions du cahier des charges montrent que tel n'est pas le cas. Certes, le document peut être modifié, mais il sera désormais inscrit dans la loi : toute modification conduirait à une consultation très large, à la fois de l'État et des comités de suivi. Il y a donc peu de risque que ces conditions soient réunies.
J'ai néanmoins posé la question en votre nom à la présidente du directoire et au président du conseil de surveillance de CNR : jusqu'en 2041, les plans pluriannuels quinquennaux correspondants maintiendront un niveau d'énergie réservée à hauteur de 10 %. La question est fondamentale car elle concerne environ 300 bénéficiaires, en particulier dans le monde agricole.
De la même façon, il n'y a pas de risque que la part de la redevance de l'État, de 24 %, baisse, dans la mesure où les investissements – trois tranches d'environ 160 millions d'euros, soit 500 millions jusqu'en 2041 – conduiront à une production supplémentaire d'électricité, par l'optimisation des installations existantes ou par la création d'ouvrages nouveaux.
En théorie, il existe un risque que la redevance, qui est proportionnelle, diminue, du fait du risque de réduction du débit d'étiage du Rhône de 10 % à 40 %, compte tenu du réchauffement climatique. Une première étude, menée par l'agence de l'eau, est en cours d'actualisation. Avec nos ressources, notamment l'eau stockée par l'irrigation agricole, ainsi que la capacité à activer le pompage et le stockage, la production d'électricité hydroélectrique devrait se maintenir au niveau actuel.
Le dernier élément qui nous préserve d'une baisse de la redevance à l'État est le droit européen auquel nous devons nous conformer : dans le cadre de la prolongation de la concession, CNR ne peut profiter d'un avantage indu. Toute production additionnelle entraînant un chiffre d'affaires et une valeur ajoutée supplémentaires a donc vocation à être redistribuée.
S'agissant de la navigation, un domaine où le cahier des charges est très précis, des investissements sont bien prévus au sein de l'enveloppe de 500 millions d'euros pour améliorer la navigabilité du fleuve – M. Anthony Cellier y a fait référence. Ils devraient permettre une augmentation de la navigation de 20 % à 60 %, en particulier pour le transport de marchandises.
Je remercie le président Chassaigne d'avoir souligné que l'ensemble des organisations syndicales soutiennent le texte : elles ont en effet été parties prenantes de son élaboration ainsi que de celle des plans quinquennaux à venir. Il a aussi évoqué les trois missions de CNR, qu'il est hors de question de démanteler. C'est en effet l'intuition qui fut celle de nos prédécesseurs de réunir ces trois missions, ce qui préserve aujourd'hui notre capacité hydroélectrique, fournie à hauteur d'un quart par la CNR – les autres modes de production hydroélectrique n'offrant pas les mêmes missions d'intérêt général ni la préservation, hormis par le bras de fer que nous assumons depuis douze ans avec l'Union européenne, de l'intégralité de la souveraineté nationale.
Mme Olga Givernet n'a pas eu le temps d'évoquer les ouvrages à contreforts du Rhône, qu'il faut renaturer, mais j'ai posé la question en son nom : la présidente de CNR m'a bien confirmé que les nouvelles politiques de biodiversité figurant dans le schéma directeur prévoient de tels investissements.
Monsieur Orphelin, je suis en désaccord avec ce qui a été dit à propos de la concertation. Conduite sur une durée de neuf ans, celle-ci a permis de consulter les personnes publiques concernées, l'ensemble des collectivités, les salariés, les acteurs économiques et non économiques, les associations. On a fait appel à la CNDP : le garant désigné par celle-ci a émis des observations, auxquelles l'État a réagi, puis a été saisi une deuxième fois. Si toutes les concessions et tous les projets faisaient l'objet d'une telle concertation, notre pays serait exemplaire !
Certains acteurs – vous-même peut-être – auraient sans doute souhaité que cette concertation conduise à annuler ou à modifier substantiellement le projet de barrage à Saint‑Romain-de-Jalionas. Or il n'y a pas à choisir entre l'optimisation des installations existantes et la création d'ouvrages nouveaux. CNR optimise depuis longtemps ses équipements et a l'intention de continuer à le faire : d'après ses plans quinquennaux à venir, elle contribuera à hauteur de 20 % à la réalisation des objectifs en question de la PPE. Les travaux envisagés sur le site de Montélimar doivent déboucher sur une augmentation de 7 % de l'énergie produite.
La décision de réaliser ou non un nouveau barrage à Saint-Romain-de-Jalionas n'est pas prise. Le projet fait l'objet d'une concertation aussi large que possible, qui n'en est qu'à ses débuts. Notre collègue Cendra Motin a d'ailleurs demandé que les principes de cette concertation soient définis plus précisément dans la loi. La CNDP sera saisie et désignera un garant. Je souligne néanmoins que, si le projet n'est pas réalisé, CNR ne pourra pas atteindre les objectifs que l'État et la Représentation nationale lui ont fixés dans la PPE, nonobstant tous les efforts qu'elle pourra déployer en matière d'optimisation des équipements existants.
Monsieur Potier, il existe un certain nombre d'outils de partage de la valeur au profit des salariés de CNR, notamment des dispositifs de rémunération variable, mais je n'en connais pas le détail. J'interrogerai CNR et transmettrai la réponse au président de la commission. S'agissant de la valeur ajoutée dégagée après rémunération des salariés, elle a été répartie, sur les neuf dernières années, de la manière suivante : 76 % sont revenus à l'État au titre d'impositions, de dépenses prévues par le schéma directeur et de dividendes ; 10 % ont été réinvestis dans les actifs de CNR ; 14 % ont été versés sous forme de dividendes aux autres actionnaires de CNR, dont 5,5 % à la CDC. Ainsi, 81 % de la valeur ajoutée après rémunération des salariés a été distribuée.
Il s'agit donc d'un système exemplaire, qui à ma connaissance n'a pas été repris pour d'autres ouvrages mais dont nous pourrions nous inspirer, et pas seulement pour les fleuves. Je le dis car Mme la secrétaire d'État ne pourra peut-être pas le formuler de manière aussi explicite : s'il fallait protéger les barrages, nous pourrions mettre en avant certaines missions d'intérêt général – cela rejoint d'ailleurs les propos de la présidente Panot et de plusieurs d'entre vous. En effet, grâce à la valeur ajoutée dégagée par les barrages, CNR fait beaucoup, en amont et en aval de ceux-ci, pour conforter l'agriculture, les espaces naturels et la biodiversité. Elle intervient directement pour soutenir des projets des collectivités locales, notamment de renaturation. Elle participe ainsi directement à la transition énergétique et indirectement à la transition écologique.
Nous pourrions définir des missions d'intérêt général pour les autres barrages, si ce n'est les inscrire dans les statuts d'EDF. CNR nous montre une voie qui nous permettrait de sortir du bras de fer et de trouver une solution plus durable au regard des règles du droit européen de la concurrence.
Je confirme, Madame Panot, que le volume global des énergies réservées sera maintenu. Les énergies non utilisées ont vocation à être redistribuées.
Il ne me semble pas nécessaire de rouvrir ce soir le débat sur le projet Hercule, mais je tiens à signaler que, dans ses échanges avec la Commission européenne, le Gouvernement exerce sa vigilance quant à une éventuelle mise en concurrence. Nous nous rejoignons sur ce point.
Monsieur Orphelin, vous dénoncez une faible implication du ministère de la transition écologique dans le débat, alors qu'il en a été à l'origine et y a largement participé. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) compétente a été présente à toutes les réunions, et la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) à un grand nombre d'entre elles, à Vienne comme à Lyon. Le débat, très riche, s'est étalé sur plusieurs années. Nous avons répondu aux interpellations formulées, la CNDP étant dans son rôle lorsqu'elle nous a alertés sur le déroulement du débat public.
Le projet de barrage à Saint-Romain-de-Jalionas fera l'objet d'un examen attentif. Bien évidemment, il ne sera réalisé que si les études de faisabilité sont conclusives, et seulement dans un second temps, des investissements lourds devant d'abord être réalisés dans les infrastructures existantes afin d'augmenter les puissances installées.
Conformément à une disposition introduite, à juste titre, dans la proposition de loi, lesdites études de faisabilité et un état annuel de l'avancement du projet seront présentés au comité de suivi de l'exécution de la concession. Toutes les parties intéressées pourront ainsi prendre part à la réflexion. C'est également le cas de la Représentation nationale, puisque des députés et des sénateurs seront invités à rejoindre le comité de suivi. Nous disposerons ainsi du cadre nécessaire pour envisager la réalisation éventuelle – j'insiste sur ce dernier mot – de cette infrastructure nouvelle.
Monsieur Potier, la question du partage de la valeur entre capital et salariés n'est l'objet ni de la proposition de loi, ni de la concession. En cas de prix élevé, l'État capte les surbénéfices, ce qui est conforme à l'intérêt général. Nous sommes vigilants sur ce point.
Nous avons un défi passionnant à relever : construire un équilibre entre les différentes énergies – notamment les éoliennes, le photovoltaïque au sol, les nouveaux équipements de biométhane – compte tenu de leur impact environnemental. Nous connaissons désormais l'importance de la biodiversité dans la réflexion climatique et, à l'inverse, le poids du dérèglement climatique dans l'érosion de la biodiversité. Bien évidemment, il faut également tenir compte des impacts sociaux : on ne saurait imaginer une transition qui ne soit pas juste ; loin de la subir, nos concitoyens doivent tous pouvoir s'engager dans cette transition. À cet égard, je crois profondément aux projets d'énergie citoyenne, qui permettent une telle implication et auxquelles tous les acteurs peuvent trouver un intérêt, notamment les agriculteurs, qui perçoivent de nouveaux revenus liés à la production d'énergie.
Pour fixer les enjeux et déterminer les équilibres, un débat doit avoir lieu, notamment sur la part du nucléaire dans notre mix énergétique au regard de l'urgence climatique.
La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Avant l'article 1er
Amendement CE9 de M. Matthieu Orphelin.
Dans la loi de 1921, trois objectifs avaient été fixés pour l'aménagement du Rhône : l'utilisation de la puissance hydraulique, la navigation, l'irrigation, l'assainissement et les autres emplois agricoles. Par cet amendement, nous proposons d'en ajouter un quatrième : la préservation de la biodiversité et la prise en compte des effets du changement climatique – plusieurs d'entre nous ont notamment évoqué la variation du débit du fleuve. Mme la secrétaire d'État vient de rappeler nos grands objectifs en matière de climat et de biodiversité.
L'intention est évidemment louable. Toutefois, la présente proposition de loi vise non pas à renouveler la concession, mais à la prolonger. Or, si nous ajoutons un quatrième objectif, l'opération s'apparentera à un renouvellement, ce qui fragilisera le texte. Cela ouvrira la voie à des contentieux, immédiats ou ultérieurs, et relancera le débat sur l'ouverture à la concurrence. Il ne faut en aucune manière laisser penser qu'il s'agit d'un renouvellement. Avis défavorable.
Je suis bien évidemment très attachée à la préservation des écosystèmes, laquelle figure en bonne place non seulement dans les objectifs généraux de notre politique environnementale, mais aussi dans les textes et dans l'encadrement des projets. En l'espèce, cet objectif est induit, et il ne nous semble pas nécessaire de l'ajouter explicitement, car cela introduirait effectivement une fragilité juridique. Une telle modification substantielle du cadre de la concession n'est pas du tout souhaitable : elle nous exposerait à un risque de contentieux non négligeable et nous fragiliserait vis-à-vis de la Commission européenne dans la négociation sur la prolongation de la concession. Je vous invite à retirer l'amendement.
Je félicite le Gouvernement d'avoir choisi de prolonger la concession, de ne pas ouvrir les barrages à la concurrence, et d'avoir trouvé sur ce point un terrain d'entente avec l'Europe. Je ne voudrais pas remettre en cause, par un modeste amendement parlementaire, un équilibre qui nous préserve des contentieux.
L'amendement est retiré.
TITRE IER DATE D'ÉCHÉANCE de LA CONCESSION généralE DU RHÔNE À la compagnie nationale du rhÔne
Article 1er (procédure de législation en commission) (article 2 de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d'aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes) : Prolongation de la concession du Rhône jusqu'au 31 décembre 2041
La commission adopte l'article 1er non modifié.
TITRE II Cahier des charges général de la compagnie nationale du rhÔne
Article 2 (procédure de législation en commission) (article 2 de la loi du 27 mai 1921) : Annexion du cahier des charges à la loi de 1921
La commission adopte l'article 2 non modifié.
Article 3, (procédure de législation en commission) (article 2 de la loi du 27 mai 1921) : Ajout du schéma directeur au cahier des charges général, rôle et composition du comité de suivi de l'exécution de la concession et possibilité de modifier le CCG par voie réglementaire
Amendement CE8 de M. Matthieu Orphelin.
Il vise à fixer dans la loi la composition du comité de suivi de l'exécution de la concession. Il s'agit d'associer l'ensemble des parties prenantes, notamment les élus, de sorte que ce soit un véritable comité de suivi, non une simple chambre d'enregistrement, comme certains l'ont déploré dans le passé.
Le comité de suivi est constitué de trois commissions, compétentes chacune pour un sous-territoire : Haut-Rhône, Rhône moyen, Rhône aval. Il faut laisser aux préfets la possibilité de modifier périodiquement leur composition, en fonction des enjeux et des acteurs, plutôt que la fixer dans la loi, au demeurant centenaire. De même, il faut faire confiance au terrain en ce qui concerne la fréquence des réunions, point qui ne relève probablement pas de la loi.
Surtout, imposer un avis conforme du comité de suivi nous exposerait là encore à un risque de contentieux. Les commissions ayant vocation à être aussi représentatives que possible, le refus de délibérer de l'un des acteurs, pour une raison ou une autre, pourrait ralentir, voire empêcher la réalisation des investissements. Or, après neuf ans de discussions consacrées à la prolongation de la concession, les projets sont prêts. Compte tenu de l'urgence de la transition énergétique, nous ne pouvons pas nous permettre un ralentissement supplémentaire.
Je vous invite à retirer l'amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
En précisant dans la loi la composition du comité de suivi, nous le rigidifierions. Il faut conserver de la souplesse. Les différentes parties prenantes sont déjà en mesure d'exprimer leur position. Les organisations syndicales et les riverains, en particulier, sont représentés dans le comité de suivi.
Il revient à l'autorité concédante d'approuver les plans pluriannuels quinquennaux et de s'assurer du respect de l'ensemble des prescriptions du cahier des charges. Si l'on exige un avis conforme du comité de suivi sur ces plans, on risque de brouiller les responsabilités et de créer des situations de blocage, ce qui n'est évidemment pas souhaitable.
J'émets donc un avis défavorable.
Je maintiens l'amendement. Il faut que vous entendiez ce qu'en pensent les acteurs locaux, par exemple l'association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes : « derrière de belles phrases creuses, ce comité est confiné dans son rôle actuel de chambre d'enregistrement, sans autre pouvoir que celui d'être le spectateur impuissant convié, lors d'une grande messe annuelle, à prendre acte des décisions prises ailleurs ». Il ne suffit pas de mettre tous les acteurs autour de la table une fois par an !
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CE10 du rapporteur.
Elle adopte l'article 3 modifié.
Article 4 (procédure de législation en commission) : Adoption du CCG et du schéma directeur
Amendement CE6 de M. Matthieu Orphelin.
Le projet de barrage à Saint-Romain-de-Jalionas suscite plusieurs interrogations. Je n'ai rien contre les grands projets, mais je souhaite alerter le Parlement et le Gouvernement à ce sujet.
Ce nouveau barrage coûterait environ 200 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Je relève à cet égard que le texte n'est pas accompagné d'une étude d'impact, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi – petite astuce bien utile. À quelques kilomètres du site envisagé, on trouve trois zones classées Natura 2000, la centrale nucléaire du Bugey et, en aval, le confluent de l'Ain. L'agence de l'eau a signalé les problèmes que posera nécessairement un barrage à cet endroit : en amont, les confluences, les affluents et les zones Natura 2000 seront ennoyés, ce qui non seulement modifiera le contact entre les espèces et le Rhône, mais aura aussi des effets sur l'agriculture ; en aval, il y aura également un impact, puisque le barrage retiendra les sédiments tout en réduisant le débit, alors que l'Ain charrie une grande quantité de matériaux.
J'ai bien compris que des études seront lancées prochainement et que, de votre point de vue, la réalisation de nouveaux projets et la modernisation des ouvrages existants, loin de s'opposer, doivent être menées à bien en même temps. Néanmoins, je préférerais que l'on prévoie, dans le cahier des charges, des alternatives à ce projet.
La rédaction du cahier des charges est très prudente à propos du projet de barrage à Saint-Romain-de-Jalionas. À ce stade, le projet n'est pas engagé. Il devra faire l'objet d'une concertation, qui définira les conditions de son éventuelle réalisation, dans le respect de l'ensemble des contraintes que vous avez évoquées. Selon moi, le législateur n'a pas à préjuger de l'issue de cette concertation.
Nous ne disposons pas d'une étude d'impact, mais je rappelle les chiffres que j'ai donnés : CNR doit contribuer à hauteur de 20 % à la réalisation des objectifs de la PPE, dont 12 % grâce à l'optimisation de ses installations ; les travaux sur le site de Montélimar doivent permettre une augmentation de 7 % de l'énergie produite. J'ajoute que les six petites centrales hydroélectriques en projet visent à augmenter de 1,6 % la production hydroélectrique sur le Rhône.
Si l'on touchait au cahier des charges, ne serait-ce qu'à une virgule, il faudrait – et c'est normal – reprendre tout le cycle de concertation dont il a fait l'objet. Or il a duré neuf ans. Je suis donc obligé d'émettre un avis défavorable sur l'amendement, si vous ne le retirez pas.
Je le répète, la décision de réaliser ou non cet ouvrage n'est pas prise à ce stade. Le cahier des charges prévoit la réalisation des études, la concertation avec le public, ainsi que la réallocation des investissements dans le cas où il ne serait pas construit. Supprimer sa mention du cahier des charges reviendrait à empêcher sa réalisation. Nous disposons du cadre nécessaire au déroulement de la réflexion. Il ne faut pas retarder la prolongation de la concession, qui repose sur un équilibre économique déterminé. Une modification aussi substantielle du cahier des charges introduirait une fragilité évidente. Mon avis est défavorable.
Vous êtes comme moi convaincu, Monsieur Orphelin, que la transition énergétique est un impératif. En la matière, notre pays est à la veille d'un rendez‑vous historique : il s'agit d'engager, pour les trente ou quarante années à venir, le développement de nouvelles énergies compatibles avec les enjeux climatiques. Or, pour répondre aux attentes, d'après les scénarios de RTE (Réseau de transport d'électricité), nous aurons besoin du nucléaire, de l'éolien, du photovoltaïque et de l'hydroélectrique. Il va donc falloir à un moment donné que chacun clarifie ses positions et prenne ses responsabilités, y compris sur ce projet de barrage à Saint-Romain-de-Jalionas – une hypothèse de travail qui n'en est, à ce stade, qu'à la phase des études.
C'est une petite provocation, Monsieur Cellier, mais je ne vous en tiens pas rigueur. Outre les enjeux climatiques et énergétiques, il y a la préservation de la biodiversité. Or le barrage serait construit sur une des parties non domestiquées du Rhône – il en reste 20 %. Que cela vous plaise ou non, il faut tenir compte de tous les impacts.
Quant aux objectifs de la PPE, ils ne justifient pas que l'on fasse tout et n'importe quoi ! Rappelons d'ailleurs que la puissance installée des dix-neuf barrages hydroélectriques sur le Rhône s'élève à 3 000 mégawatts. Celle du barrage de Saint-Romain-de-Jalionas serait de 40 mégawatts, soit 1,3 % de l'ensemble : que l'on ne nous fasse pas croire que l'atteinte des objectifs de la PPE dépend de ce projet !
Je ne suis pas opposé à ce projet, qui mérite d'être étudié. Mais s'il s'agit de le réaliser sans prendre en considération tous les impacts, comme semble l'envisager M. Cellier, je ne suis pas d'accord.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 4 et les documents annexés non modifiés.
TITRE III ÉNERGIES RÉSERVÉES
Article 5 (procédure de législation en commission) (articles 2-1 [nouveau] et 3 de la loi du 27 mai 1921) : Compétence du représentant de l'État dans le département pour la rétrocession des réserves en énergie aux bénéficiaires
La commission adopte l'amendement rédactionnel CE11 du rapporteur.
Elle adopte l'article 5 modifié.
TITRE IV ComptabilitÉ et titres d'occupation du domaine public
Article 6 (procédure de législation en commission) (articles 1er et 4 bis [nouveau] de la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône) : Règles comptables et délivrance de titres d'occupation du domaine public par la CNR
La commission adopte l'article 6 non modifié.
Article 7 (procédure de législation en commission) : Gage financier
Amendement de suppression CE1 du Gouvernement.
Il tend à supprimer le gage. Le Gouvernement manifeste ainsi son total soutien tant à la prolongation de la concession qu'à la présente proposition de loi.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Titre
Amendement CE7 de M. Matthieu Orphelin.
C'est un amendement feel-good ! Il vise à modifier le titre pour y faire apparaître des mots qui nous sont chers à toutes et tous : « adaptation au changement climatique » et « préservation de la biodiversité ». Son adoption montrerait que nous avons amélioré le texte en commission, sachant que celui-ci nous sera soumis dans l'hémicycle selon la procédure de législation en commission.
J'aurais vraiment aimé vous être agréable, Monsieur Orphelin, d'autant que vous vous êtes donné du mal en déposant quatre amendements, mais je suis contraint de donner là encore un avis défavorable. Vous proposez de remplacer « aménagement du Rhône », qui est un titre générique, par « maintien des usages du Rhône ». Or il faudrait plutôt parler de « développement des usages ».
J'y ai pensé, mais vous souhaitez en outre mentionner la préservation de la biodiversité sans rappeler les trois missions principales qui légitiment la prolongation de la concession. Du reste, si l'on rappelait ces trois missions en y ajoutant la préservation de la biodiversité, on retomberait sur la difficulté que nous avons évoquée à l'article 1er : ce serait une modification substantielle de l'objet même de la concession, qu'il ne s'agirait plus de prolonger mais de renouveler.
Nous ne saurions en effet être exhaustifs dans le titre, car cela nous exposerait à une fragilité juridique. J'émets moi aussi un avis défavorable, mais vous connaissez notre attachement aux notions d'adaptation au changement climatique et de préservation de la biodiversité.
On nous oppose toujours l'un de ces trois arguments : « cela coûte trop cher », « ce n'est pas tenable juridiquement » ou « ce n'est pas compatible avec le droit européen ». Néanmoins, nos débats de ce soir, notamment sur le nouveau projet de barrage, auront été utiles pour les prochains mois et les prochaines années.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Information relative à la commission
La commission des affaires économiques examinera le mercredi 26 janvier prochain la proposition de loi relative à l'interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie (n° 4830). La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure de législation en commission.
Ce texte étant inscrit par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés à l'ordre du jour des séances qui lui sont réservées le jeudi 3 février, M. Richard Ramos est nommé rapporteur de cette proposition de loi.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 11 janvier 2022 à 21 heures
Présents. – M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, Mme Pascale Boyer, M. Anthony Cellier, Mme Michèle Crouzet, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Stéphanie Do, Mme Laurence Gayte, M. Jean-Luc Lagleize, M. Luc Lamirault, Mme Célia de Lavergne, M. Roland Lescure, Mme Graziella Melchior, M. Patrick Mignola, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, Mme Corinne Vignon
Excusés. – Mme Anne-France Brunet, M. Denis Sommer
Assistaient également à la réunion. – M. Éric Bothorel, Mme Blandine Brocard, M. André Chassaigne, Mme Olga Givernet, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Matthieu Orphelin, Mme Mathilde Panot