Intervention de Patrick Mignola

Réunion du mardi 11 janvier 2022 à 21h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mignola, rapporteur :

Je remercie l'ensemble des intervenants, souvent corédacteurs, comme M. Anthony Cellier, qui a largement contribué au texte, ou Mme Marie‑Noëlle Battistel, présente dès l'origine dans les discussions sur la prolongation de la concession.

Mme la présidente Panot a évoqué l'abrogation par les préfets des dispositifs d'énergie réservée. Pour des raisons de cohérence, puisque onze départements sont concernés, il a été décidé que les préfets attribuaient l'énergie réservée, au lieu des conseils départementaux, comme le voudrait le code de l'énergie. Il a fallu donc écrire dans la loi que les préfets pouvaient également abroger les décisions d'attribution d'énergie réservée accordées antérieurement par l'État.

Vous demandez si cela serait de nature à réduire le montant des énergies réservées. Les dispositions du cahier des charges montrent que tel n'est pas le cas. Certes, le document peut être modifié, mais il sera désormais inscrit dans la loi : toute modification conduirait à une consultation très large, à la fois de l'État et des comités de suivi. Il y a donc peu de risque que ces conditions soient réunies.

J'ai néanmoins posé la question en votre nom à la présidente du directoire et au président du conseil de surveillance de CNR : jusqu'en 2041, les plans pluriannuels quinquennaux correspondants maintiendront un niveau d'énergie réservée à hauteur de 10 %. La question est fondamentale car elle concerne environ 300 bénéficiaires, en particulier dans le monde agricole.

De la même façon, il n'y a pas de risque que la part de la redevance de l'État, de 24 %, baisse, dans la mesure où les investissements – trois tranches d'environ 160 millions d'euros, soit 500 millions jusqu'en 2041 – conduiront à une production supplémentaire d'électricité, par l'optimisation des installations existantes ou par la création d'ouvrages nouveaux.

En théorie, il existe un risque que la redevance, qui est proportionnelle, diminue, du fait du risque de réduction du débit d'étiage du Rhône de 10 % à 40 %, compte tenu du réchauffement climatique. Une première étude, menée par l'agence de l'eau, est en cours d'actualisation. Avec nos ressources, notamment l'eau stockée par l'irrigation agricole, ainsi que la capacité à activer le pompage et le stockage, la production d'électricité hydroélectrique devrait se maintenir au niveau actuel.

Le dernier élément qui nous préserve d'une baisse de la redevance à l'État est le droit européen auquel nous devons nous conformer : dans le cadre de la prolongation de la concession, CNR ne peut profiter d'un avantage indu. Toute production additionnelle entraînant un chiffre d'affaires et une valeur ajoutée supplémentaires a donc vocation à être redistribuée.

S'agissant de la navigation, un domaine où le cahier des charges est très précis, des investissements sont bien prévus au sein de l'enveloppe de 500 millions d'euros pour améliorer la navigabilité du fleuve – M. Anthony Cellier y a fait référence. Ils devraient permettre une augmentation de la navigation de 20 % à 60 %, en particulier pour le transport de marchandises.

Je remercie le président Chassaigne d'avoir souligné que l'ensemble des organisations syndicales soutiennent le texte : elles ont en effet été parties prenantes de son élaboration ainsi que de celle des plans quinquennaux à venir. Il a aussi évoqué les trois missions de CNR, qu'il est hors de question de démanteler. C'est en effet l'intuition qui fut celle de nos prédécesseurs de réunir ces trois missions, ce qui préserve aujourd'hui notre capacité hydroélectrique, fournie à hauteur d'un quart par la CNR – les autres modes de production hydroélectrique n'offrant pas les mêmes missions d'intérêt général ni la préservation, hormis par le bras de fer que nous assumons depuis douze ans avec l'Union européenne, de l'intégralité de la souveraineté nationale.

Mme Olga Givernet n'a pas eu le temps d'évoquer les ouvrages à contreforts du Rhône, qu'il faut renaturer, mais j'ai posé la question en son nom : la présidente de CNR m'a bien confirmé que les nouvelles politiques de biodiversité figurant dans le schéma directeur prévoient de tels investissements.

Monsieur Orphelin, je suis en désaccord avec ce qui a été dit à propos de la concertation. Conduite sur une durée de neuf ans, celle-ci a permis de consulter les personnes publiques concernées, l'ensemble des collectivités, les salariés, les acteurs économiques et non économiques, les associations. On a fait appel à la CNDP : le garant désigné par celle-ci a émis des observations, auxquelles l'État a réagi, puis a été saisi une deuxième fois. Si toutes les concessions et tous les projets faisaient l'objet d'une telle concertation, notre pays serait exemplaire !

Certains acteurs – vous-même peut-être – auraient sans doute souhaité que cette concertation conduise à annuler ou à modifier substantiellement le projet de barrage à Saint‑Romain-de-Jalionas. Or il n'y a pas à choisir entre l'optimisation des installations existantes et la création d'ouvrages nouveaux. CNR optimise depuis longtemps ses équipements et a l'intention de continuer à le faire : d'après ses plans quinquennaux à venir, elle contribuera à hauteur de 20 % à la réalisation des objectifs en question de la PPE. Les travaux envisagés sur le site de Montélimar doivent déboucher sur une augmentation de 7 % de l'énergie produite.

La décision de réaliser ou non un nouveau barrage à Saint-Romain-de-Jalionas n'est pas prise. Le projet fait l'objet d'une concertation aussi large que possible, qui n'en est qu'à ses débuts. Notre collègue Cendra Motin a d'ailleurs demandé que les principes de cette concertation soient définis plus précisément dans la loi. La CNDP sera saisie et désignera un garant. Je souligne néanmoins que, si le projet n'est pas réalisé, CNR ne pourra pas atteindre les objectifs que l'État et la Représentation nationale lui ont fixés dans la PPE, nonobstant tous les efforts qu'elle pourra déployer en matière d'optimisation des équipements existants.

Monsieur Potier, il existe un certain nombre d'outils de partage de la valeur au profit des salariés de CNR, notamment des dispositifs de rémunération variable, mais je n'en connais pas le détail. J'interrogerai CNR et transmettrai la réponse au président de la commission. S'agissant de la valeur ajoutée dégagée après rémunération des salariés, elle a été répartie, sur les neuf dernières années, de la manière suivante : 76 % sont revenus à l'État au titre d'impositions, de dépenses prévues par le schéma directeur et de dividendes ; 10 % ont été réinvestis dans les actifs de CNR ; 14 % ont été versés sous forme de dividendes aux autres actionnaires de CNR, dont 5,5 % à la CDC. Ainsi, 81 % de la valeur ajoutée après rémunération des salariés a été distribuée.

Il s'agit donc d'un système exemplaire, qui à ma connaissance n'a pas été repris pour d'autres ouvrages mais dont nous pourrions nous inspirer, et pas seulement pour les fleuves. Je le dis car Mme la secrétaire d'État ne pourra peut-être pas le formuler de manière aussi explicite : s'il fallait protéger les barrages, nous pourrions mettre en avant certaines missions d'intérêt général – cela rejoint d'ailleurs les propos de la présidente Panot et de plusieurs d'entre vous. En effet, grâce à la valeur ajoutée dégagée par les barrages, CNR fait beaucoup, en amont et en aval de ceux-ci, pour conforter l'agriculture, les espaces naturels et la biodiversité. Elle intervient directement pour soutenir des projets des collectivités locales, notamment de renaturation. Elle participe ainsi directement à la transition énergétique et indirectement à la transition écologique.

Nous pourrions définir des missions d'intérêt général pour les autres barrages, si ce n'est les inscrire dans les statuts d'EDF. CNR nous montre une voie qui nous permettrait de sortir du bras de fer et de trouver une solution plus durable au regard des règles du droit européen de la concurrence.

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