Intervention de Richard Ramos

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ramos, rapporteur :

Je suis fier de défendre la proposition de loi relative à l'interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, aboutissement d'un long travail que nous avons mené avec mes collègues Barbara Bessot Ballot et Michèle Crouzet, que je remercie chaleureusement pour leur soutien sans faille à cette cause si juste. Je remercie également l'ensemble des députés de tous bords politiques qui nous ont soutenu dans cette démarche.

Cette proposition de loi est le fruit de rencontres et de riches débats, ainsi que d'une profonde réflexion sur la dangerosité des additifs nitrés lorsqu'ils sont associés à des produits de charcuterie. Elle vise à élaborer un calendrier de sortie des additifs nitrés dans la charcuterie, ces poisons que certains industriels continuent d'incorporer dans leurs produits. Soyons toujours au combat, ne lâchons jamais et défendons toujours les Françaises et les Français, principalement les plus pauvres, contre le fléau de la malbouffe !

En 2020, dans le cadre de la mission d'information sur les nitrites dans l'industrie agroalimentaire, nous avons procédé à pas moins de trente-huit auditions de spécialistes du sujet – experts scientifiques, distributeurs, petits et des gros industriels, charcutiers – ce qui représente des centaines d'heures d'écoute. Du regretté Axel Kahn, ancien président de la Ligue contre le cancer – dont je salue la mémoire en tant que grand défenseur de cette cause –, à Guillaume Coudray, grand spécialiste international du sujet, en passant par Emmanuel Commault, président-directeur général de la Cooperl, Arnaud de Belloy, président-directeur général d'Herta, Benoit Martin, co-fondateur de Yuka, Roger Genet, directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), Bernard Vallat, président de la Fédération française des industriels charcutiers (FICT), Karine Jacquemart et Camille Dorioz, de Foodwatch, nous les avons tous écoutés et interrogés.

À l'issue de ces auditions et de la rédaction de notre rapport, nous avons acquis la conviction que les additifs nitrés associés à la charcuterie tuent. Nous ne sommes pas les seuls à l'affirmer. Lors de son audition à l'Assemblée nationale, le 3 mars 2020, Bernard Vallat, président de la FICT, a avoué que les nitrites dans la charcuterie étaient responsables d'au moins 1 200 décès en France ! Il a avoué devant la Représentation nationale que les produits nitrés, qu'il défend, donnent la mort… Nous en étions sidérés !

Mes chers collègues, posons-nous cette simple question : devons-nous continuer à autoriser l'ajout des additifs E249, E250, E251 et E252 dans les charcuteries françaises alors qu'en 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) – voulu par le général de Gaulle –, a pu s'appuyer sur des preuves scientifiques suffisantes pour classer la charcuterie comme cancérigène avéré dans le cancer colorectal ? Pourquoi, alors que les scientifiques attribuent ce caractère cancérigène aux nitrites et nitrates ajoutés, les industriels les utilisent-ils ? Parce qu'ils conservent mieux les produits, accélèrent le processus de maturation et donnent cette fameuse couleur rose au jambon – couleur non naturelle, d'ailleurs, puisqu'on parle de « jambon blanc ».

L'éminent professeur Denis Corpet, fondateur, en 1993, de l'équipe « Alimentation et cancers » à l'école vétérinaire de Toulouse, puis chef d'équipe au sein du laboratoire Toxalim de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe), aujourd'hui dirigée par l'excellent Fabrice Pierre, ont indiqué dans leurs réponses écrites à notre mission d'information : « J'ai l'intime conviction que le nitroso‑hème et les composés n-nitrosés sont les principaux acteurs de la cancérogénicité des charcuteries […] Si on supprime les nitrites d'un jambon expérimental, on réduit très fortement la formation de nitroso-hème dans l'intestin, et aussi l'effet pro-cancer de ce jambon chez le rat ».

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a d'ailleurs ajouté, dans son évaluation de juin 2017 sur les niveaux de sécurité des nitrites et nitrates ajoutés aux aliments, le risque suivant : « Le nitrite dans les aliments, et le nitrate converti en nitrite dans le corps humain peut aussi contribuer à la formation d'un groupe de composés connus sous le nom de nitrosamines, dont certains sont cancérigènes ».

Face à ces certitudes scientifiques, certains industriels et leurs lobbyistes agitent encore des peurs. Consommer de la charcuterie sans additifs nitrés serait, selon eux, prendre le risque d'être infecté par le botulisme, la salmonellose ou la listeria. Seulement voilà, les ventes de charcuterie sans nitrite augmentent d'année en année : elles pèsent désormais 6,8 % des volumes de jambon cuit en supermarchés et en charcuterie. Des millions de tranches de jambon, de saucisses knacks, de saucissons, de pâtés fabriqués sans nitrite ni nitrate sont vendus sans qu'un seul mort du botulisme, de la salmonelle ou de la listeria ait été déploré. Où sont les chiffres ? Cette expérience grandeur nature vaut bien toutes les expériences avec des rats de laboratoire. Où sont les preuves ? Il n'y en a pas ! Aucun industriel fabriquant des charcuteries sans nitrite, aucun distributeur, aucun charcutier ne prendrait le risque de vendre ces produits s'ils n'étaient pas certains de leur fiabilité sanitaire. C'est du bon sens !

À de multiples reprises, nous avons posé la question aux industriels, petits et grands. Tous nous ont répondu la même chose : sur toutes leurs nouvelles gammes sans nitrite, il n'y a pas eu une seule alerte de risque sanitaire. Ils l'ont affirmé d'une voix unanime : le sans nitrate ni nitrite, les industriels, tout comme les petits charcutiers, savent faire !

Dans ce combat, la Représentation nationale aurait beaucoup apprécié d'avoir l'avis de l'ANSES, qui avait été saisie le 29 juin 2020 par trois ministères. Malheureusement, nous ne l'avons pas eu : alors qu'on l'attendait pour juillet 2021, sa remise a été repoussée à septembre puis à juin 2022, soit deux ans après la saisine. Un expert a démissionné. L'ANSES n'a pas facilité le travail des ministres et des députés. Lors des auditions, j'avais déploré qu'un député n'ait pas confiance en cette agence. Mais les faits sont là, j'avais malheureusement raison.

Les consommateurs n'ont-ils pas le droit de connaître la dangerosité des additifs nitrés dans la charcuterie au travers du travail d'une agence payée avec de l'argent public ? Je demande à Roger Genet, directeur général, en qui j'ai toute confiance, de renouer un lien de confiance entre l'Assemblée nationale et son institution.

La défense d'une alimentation plus saine, plus sûre, accessible aux plus pauvres est le combat sans couleur politique, ni calcul électoral que je mène depuis de nombreuses années : il est celui d'élus comme vous tous qui pensent que leur fonction est de protéger la population française et notamment les plus humbles. Nous ne pouvons nous résoudre à voir des millions de produits de charcuterie « piquousés » d'additifs nitrés empoisonner les Français sans rien faire. Nous ne pouvons nous résoudre à avoir en France deux alimentations : l'une pour les riches, qui auraient les moyens d'acheter plus cher du jambon non nitrité, et une pour les pauvres, qui auraient le droit de prendre le risque de crever.

Sur ce sujet, la France doit montrer la voie à l'Europe, tout comme elle l'a fait en interdisant le dioxyde de titane, le E171. Faisons de même avec ces dangereux additifs que sont les nitrites et nitrates : soyons collectivement courageux et interdisons-les dans la charcuterie ! Accompagnons les producteurs dans l'évolution de leurs pratiques ; ne craignons pas de transformer notre exceptionnelle filière charcutière. Les consommateurs demandent une alimentation saine et une gastronomie fiable.

Nous ne présenterions pas cette proposition de loi si nous n'étions pas convaincus qu'une charcuterie sans nitrite est possible, car nos cochons élevés en France sont d'une exceptionnelle qualité. Pour le constater, il suffit de descendre au supermarché ou chez son charcutier. Je vous demande aujourd'hui de faire le bon choix. À l'heure où les questions de santé publique sont au cœur de nos débats, continuons à manger de la bonne cochonnaille et supprimons progressivement la cochonnerie !

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