La commission a procédé à l'examen, selon la procédure de législation en commission, de la proposition de loi relative à l'interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie (n° 4830) (M. Richard Ramos, rapporteur).
Mes chers collègues, Mon cher Richard Ramos, il nous appartient d'examiner ce matin une proposition de loi qui a été longuement préparée. Si j'osais, je dirais qu'elle a pris le temps d'arriver à maturation, de s'affiner, un peu comme un bon jambon dans un séchoir (Sourires). Il s'agit bien évidemment de la proposition de loi relative à l'interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, déposée et rapportée par notre collègue Richard Ramos et portée par le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés (MODEM) – dont je salue le président qui prend goût aux réunions de la commission des affaires économiques, M. Mignola.
Il s'agit là d'un sujet dont notre collègue se préoccupe depuis longtemps, avec beaucoup de persévérance. Durant les débats en séance sur la proposition de loi relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires, je m'étais d'ailleurs personnellement engagé à lui confier une mission d'information sur les sels nitrités dans l'industrie agroalimentaire, dont il nous avait présenté les travaux, avec ses deux corapporteures – Mmes Barbara Bessot Ballot et Michèle Crouzet, qui sont présentes – il y a juste un an, le 13 janvier 2021. Quelques mois plus tard, ces travaux ont débouché sur une proposition de loi inscrite qui sera examinée au cours de la séance publique réservée à l'examen des textes présentés par le groupe MODEM, le jeudi 3 février.
Le président de ce groupe, M. Patrick Mignola, a demandé que cette proposition de loi soit examinée selon la procédure de législation en commission (PLEC). Cette procédure, introduite par la réforme du Règlement de 2019, trouve ainsi sa deuxième application devant notre commission, quelques jours après l'examen de la proposition de loi sur l'aménagement du Rhône. Elle a peu d'effets sur l'examen en commission, si ce n'est que la présence du Gouvernement est de droit : je salue donc la présence parmi nous de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Je rappelle qu'aucun amendement ne pourra être déposé en séance publique, sauf pour assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination ou corriger une erreur matérielle ou sauf si, à l'issue de l'examen de ce texte par notre commission, dans un délai de quarante-huit heures après la mise en ligne du texte adopté, le Gouvernement, un président de groupe ou moi-même demandais le retour à la procédure ordinaire. Je précise enfin qu'après une discussion générale sans doute un peu dense, nous aurons à examiner dix-neuf amendements.
Je suis fier de défendre la proposition de loi relative à l'interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, aboutissement d'un long travail que nous avons mené avec mes collègues Barbara Bessot Ballot et Michèle Crouzet, que je remercie chaleureusement pour leur soutien sans faille à cette cause si juste. Je remercie également l'ensemble des députés de tous bords politiques qui nous ont soutenu dans cette démarche.
Cette proposition de loi est le fruit de rencontres et de riches débats, ainsi que d'une profonde réflexion sur la dangerosité des additifs nitrés lorsqu'ils sont associés à des produits de charcuterie. Elle vise à élaborer un calendrier de sortie des additifs nitrés dans la charcuterie, ces poisons que certains industriels continuent d'incorporer dans leurs produits. Soyons toujours au combat, ne lâchons jamais et défendons toujours les Françaises et les Français, principalement les plus pauvres, contre le fléau de la malbouffe !
En 2020, dans le cadre de la mission d'information sur les nitrites dans l'industrie agroalimentaire, nous avons procédé à pas moins de trente-huit auditions de spécialistes du sujet – experts scientifiques, distributeurs, petits et des gros industriels, charcutiers – ce qui représente des centaines d'heures d'écoute. Du regretté Axel Kahn, ancien président de la Ligue contre le cancer – dont je salue la mémoire en tant que grand défenseur de cette cause –, à Guillaume Coudray, grand spécialiste international du sujet, en passant par Emmanuel Commault, président-directeur général de la Cooperl, Arnaud de Belloy, président-directeur général d'Herta, Benoit Martin, co-fondateur de Yuka, Roger Genet, directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), Bernard Vallat, président de la Fédération française des industriels charcutiers (FICT), Karine Jacquemart et Camille Dorioz, de Foodwatch, nous les avons tous écoutés et interrogés.
À l'issue de ces auditions et de la rédaction de notre rapport, nous avons acquis la conviction que les additifs nitrés associés à la charcuterie tuent. Nous ne sommes pas les seuls à l'affirmer. Lors de son audition à l'Assemblée nationale, le 3 mars 2020, Bernard Vallat, président de la FICT, a avoué que les nitrites dans la charcuterie étaient responsables d'au moins 1 200 décès en France ! Il a avoué devant la Représentation nationale que les produits nitrés, qu'il défend, donnent la mort… Nous en étions sidérés !
Mes chers collègues, posons-nous cette simple question : devons-nous continuer à autoriser l'ajout des additifs E249, E250, E251 et E252 dans les charcuteries françaises alors qu'en 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) – voulu par le général de Gaulle –, a pu s'appuyer sur des preuves scientifiques suffisantes pour classer la charcuterie comme cancérigène avéré dans le cancer colorectal ? Pourquoi, alors que les scientifiques attribuent ce caractère cancérigène aux nitrites et nitrates ajoutés, les industriels les utilisent-ils ? Parce qu'ils conservent mieux les produits, accélèrent le processus de maturation et donnent cette fameuse couleur rose au jambon – couleur non naturelle, d'ailleurs, puisqu'on parle de « jambon blanc ».
L'éminent professeur Denis Corpet, fondateur, en 1993, de l'équipe « Alimentation et cancers » à l'école vétérinaire de Toulouse, puis chef d'équipe au sein du laboratoire Toxalim de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe), aujourd'hui dirigée par l'excellent Fabrice Pierre, ont indiqué dans leurs réponses écrites à notre mission d'information : « J'ai l'intime conviction que le nitroso‑hème et les composés n-nitrosés sont les principaux acteurs de la cancérogénicité des charcuteries […] Si on supprime les nitrites d'un jambon expérimental, on réduit très fortement la formation de nitroso-hème dans l'intestin, et aussi l'effet pro-cancer de ce jambon chez le rat ».
L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a d'ailleurs ajouté, dans son évaluation de juin 2017 sur les niveaux de sécurité des nitrites et nitrates ajoutés aux aliments, le risque suivant : « Le nitrite dans les aliments, et le nitrate converti en nitrite dans le corps humain peut aussi contribuer à la formation d'un groupe de composés connus sous le nom de nitrosamines, dont certains sont cancérigènes ».
Face à ces certitudes scientifiques, certains industriels et leurs lobbyistes agitent encore des peurs. Consommer de la charcuterie sans additifs nitrés serait, selon eux, prendre le risque d'être infecté par le botulisme, la salmonellose ou la listeria. Seulement voilà, les ventes de charcuterie sans nitrite augmentent d'année en année : elles pèsent désormais 6,8 % des volumes de jambon cuit en supermarchés et en charcuterie. Des millions de tranches de jambon, de saucisses knacks, de saucissons, de pâtés fabriqués sans nitrite ni nitrate sont vendus sans qu'un seul mort du botulisme, de la salmonelle ou de la listeria ait été déploré. Où sont les chiffres ? Cette expérience grandeur nature vaut bien toutes les expériences avec des rats de laboratoire. Où sont les preuves ? Il n'y en a pas ! Aucun industriel fabriquant des charcuteries sans nitrite, aucun distributeur, aucun charcutier ne prendrait le risque de vendre ces produits s'ils n'étaient pas certains de leur fiabilité sanitaire. C'est du bon sens !
À de multiples reprises, nous avons posé la question aux industriels, petits et grands. Tous nous ont répondu la même chose : sur toutes leurs nouvelles gammes sans nitrite, il n'y a pas eu une seule alerte de risque sanitaire. Ils l'ont affirmé d'une voix unanime : le sans nitrate ni nitrite, les industriels, tout comme les petits charcutiers, savent faire !
Dans ce combat, la Représentation nationale aurait beaucoup apprécié d'avoir l'avis de l'ANSES, qui avait été saisie le 29 juin 2020 par trois ministères. Malheureusement, nous ne l'avons pas eu : alors qu'on l'attendait pour juillet 2021, sa remise a été repoussée à septembre puis à juin 2022, soit deux ans après la saisine. Un expert a démissionné. L'ANSES n'a pas facilité le travail des ministres et des députés. Lors des auditions, j'avais déploré qu'un député n'ait pas confiance en cette agence. Mais les faits sont là, j'avais malheureusement raison.
Les consommateurs n'ont-ils pas le droit de connaître la dangerosité des additifs nitrés dans la charcuterie au travers du travail d'une agence payée avec de l'argent public ? Je demande à Roger Genet, directeur général, en qui j'ai toute confiance, de renouer un lien de confiance entre l'Assemblée nationale et son institution.
La défense d'une alimentation plus saine, plus sûre, accessible aux plus pauvres est le combat sans couleur politique, ni calcul électoral que je mène depuis de nombreuses années : il est celui d'élus comme vous tous qui pensent que leur fonction est de protéger la population française et notamment les plus humbles. Nous ne pouvons nous résoudre à voir des millions de produits de charcuterie « piquousés » d'additifs nitrés empoisonner les Français sans rien faire. Nous ne pouvons nous résoudre à avoir en France deux alimentations : l'une pour les riches, qui auraient les moyens d'acheter plus cher du jambon non nitrité, et une pour les pauvres, qui auraient le droit de prendre le risque de crever.
Sur ce sujet, la France doit montrer la voie à l'Europe, tout comme elle l'a fait en interdisant le dioxyde de titane, le E171. Faisons de même avec ces dangereux additifs que sont les nitrites et nitrates : soyons collectivement courageux et interdisons-les dans la charcuterie ! Accompagnons les producteurs dans l'évolution de leurs pratiques ; ne craignons pas de transformer notre exceptionnelle filière charcutière. Les consommateurs demandent une alimentation saine et une gastronomie fiable.
Nous ne présenterions pas cette proposition de loi si nous n'étions pas convaincus qu'une charcuterie sans nitrite est possible, car nos cochons élevés en France sont d'une exceptionnelle qualité. Pour le constater, il suffit de descendre au supermarché ou chez son charcutier. Je vous demande aujourd'hui de faire le bon choix. À l'heure où les questions de santé publique sont au cœur de nos débats, continuons à manger de la bonne cochonnaille et supprimons progressivement la cochonnerie !
Je salue le travail de fond accompli au sein de la mission d'information par Barbara Bessot Ballot, Michèle Crouzet et Richard Ramos, dont l'engagement au service de l'alimentation des Français, de la lutte contre les inégalités nutritionnelles et de l'éducation à l'alimentation est sans faille. Je salue également la mémoire d'Axel Kahn, avec lequel j'ai eu la chance d'échanger à de nombreuses reprises, notamment au sujet de ces additifs nitrés.
Le sujet qui nous réunit est absolument majeur car il touche à l'alimentation de nos concitoyens, à la nutrition et plus largement à la demande sociétale d'une alimentation de qualité à laquelle le Gouvernement comme le Parlement doivent répondre. Il est aussi complexe, en témoignent les nombreux rapports et avis dont il a fait l'objet, dont certains ont été cités par le rapporteur. Il doit donc être appréhendé avec méthode.
Les quantités maximales d'additifs nitrés ont été encadrées au fil des années. Tout d'abord, par la Commission européenne, notamment sur la base des travaux scientifiques de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA,) qui a fixé des quantités de consommation s'agissant des produits de viande transformée traditionnels et non traditionnels. Son dernier avis de 2017 ne les remet d'ailleurs pas en cause.
Les connaissances scientifiques évoluent, et l'impact de ces additifs nitrés et les risques associés sont de plus en plus étudiés. Ainsi, une étude du CIRC émettait, en 2018, l'hypothèse de potentiels effets de ces composés nitrés utilisés dans les viandes sur la formation de cancers colorectaux, du fait d'interactions avec certains composants de l'intestin, suite à l'oxydation des nitrites. Parallèlement, les professionnels du secteur ont de plus en plus répondu à la demande des consommateurs – je tiens à le souligner – en développant des produits, notamment des jambons, sans ajout de nitrite. Une dynamique a été créée depuis lors qu'illustrent les chiffres de consommation rappelés par le rapporteur.
Tous ces éléments font la complexité du sujet, sur lequel trois positions peuvent être prises : la première voie est celle de l'interdiction, immédiate ou différée de quelques années, soutenue par ceux qui sont convaincus de la dangerosité des additifs nitrés, point de vue parfaitement légitime ; la deuxième voie possible est le statu quo, défendu par ceux qui pensent, avec ou sans support scientifique, qu'il n'existe aucun danger pour la santé humaine ou que l'interdiction des additifs nitrés ferait courir un plus grand risque sanitaire, y compris par rapport à d'autres impacts ou à d'autres pathologies ; la troisième voie – qui est la mienne et que je défends –, est l'attente humblement d'un avis scientifique indépendant pour éclairer les choix.
Il ne s'agit en aucun cas d'éluder le sujet – M. le rapporteur peut témoigner que nous avons eu de nombreux échanges pendant de longs mois. Ma méthode repose sur la science et la raison, et j'aborde tous les sujets avec beaucoup de pragmatisme, sans exception. Cette méthode, l'ANSES nous permet de l'appliquer, grâce à son statut d'autorité scientifique indépendante de très haut niveau et à son mode de fonctionnement solide. Je veux ici saluer son directeur.
Dès juin 2020, à la suite des nouvelles études menées par le CIRC, nous l'avons saisie, avec mes collègues de la santé et de l'économie, afin de statuer sur quatre questions :
– quels sont les moyens d'établir les situations dans lesquelles une diminution des taux de nitrite et de nitrate présents dans les denrées est susceptible d'accroître de manière significative les risques liés à la prolifération de bactéries pathogènes dans certains aliments ?
– quels leviers d'action permettant de diminuer l'exposition globale par ingestion des consommateurs aux nitrites et aux nitrates, quelle que soit leur origine, peut-on recenser ?
– de nouvelles connaissances scientifiques sont-elles susceptibles de lever les incertitudes sur les mécanismes de transformation des nitrates et des nitrites dans l'organisme et dans les denrées alimentaires ?
– les connaissances scientifiques sont-elles susceptibles de mieux caractériser le lien entre cancérogenèse chez les hommes et chez les femmes et apport de fer héminique associé aux nitrites au travers de la consommation de produits carnés ?
Ces questions sont très claires et de nature à éclairer la décision publique, qu'elle soit législative ou réglementaire.
Vous avez raison Monsieur le rapporteur : notre position aurait été beaucoup plus confortable ce matin si cet avis avait été rendu selon le calendrier fixé initialement. Force est de constater que cela n'a pas été possible. L'ANSES l'a annoncé pour la fin du premier semestre 2022. Je souhaite que cela aille le plus vite possible et que les délais soient respectés.
Notre responsabilité politique est de nous positionner avec l'éclairage des enseignements scientifiques. Il ne s'agit en aucun cas de se défausser : si l'avis de l'ANSES démontre qu'il faut revoir la consommation d'additifs nitrés dans la charcuterie, nous n'hésiterons pas. Nous mobiliserons tous les outils à notre disposition – sur le plan réglementaire, au niveau national comme européen – pour prendre les mesures qui s'imposent, comme nous avons su le faire sur l'additif E171, le diméthoate, utilisé, par exemple, pour traiter des cerises importées. Nous veillerons à accompagner la filière pour que nulle entreprise ne soit laissée au bord du chemin et pour que nos produits, qui font la fierté de nos terroirs, continuent de pouvoir se développer.
Il s'agit de ne rien exclure ni préempter, mais d'avancer avec détermination en suivant cette méthode de prendre des décisions fondées sur la science. J'ai donc l'honneur de présenter, au nom du Gouvernement, quatre amendements de fond.
Le premier est une mesure de transparence vis-à-vis du Parlement, avec la présentation des conclusions tirées du rapport attendu de l'ANSES, dès lors que celui-ci aura été rendu.
Le deuxième permettra de fixer un cadre très clair afin de pouvoir avancer rapidement une fois ce rapport rendu. Il prévoit des dispositions relatives à l'utilisation, à la consommation mais aussi à la commercialisation des produits contenant des additifs nitrés que le Gouvernement pourra mettre en œuvre dès lors qu'il disposera de l'avis de l'ANSES.
Le troisième amendement est une mesure d'engagement vis-à-vis du rapporteur sur la question de l'étiquetage.
Enfin, un dernier amendement portera sur le titre de la proposition de loi, en conformité avec la philosophie de ce que je viens de vous présenter.
Le rapporteur a déposé des sous-amendements à ces amendements du Gouvernement, auxquels je donnerai quasi systématiquement un avis favorable, en gage de la collaboration réalisée entre nous et d'une confiance partagée après de longs mois de travaux.
Je veux d'abord saluer la constance de l'engagement de notre collègue Richard Ramos en faveur d'une nourriture saine et durable. Il défend avec talent et conviction les valeurs de la gastronomie française.
Il s'agit d'un sujet important, que nous devons traiter avec une méthode qui permette de trouver un chemin en nous appuyant sur la science. En juin 2020, les ministres de la santé et de l'agriculture ont saisi l'ANSES – une agence de très haut niveau scientifique – afin d'obtenir une évaluation des effets des nitrites : son rapport n'est pas encore rendu. L'Agence a constitué un groupe d'experts qui a défini trois axes de travail : la maîtrise des risques microbiologiques dans les viandes transformées, les niveaux d'exposition aux nitrites des consommateurs et l'état de la connaissance sur la toxicité de ces composés et de leurs dérivés.
Depuis plusieurs années, les acteurs de la filière des produits charcutiers encouragent les entreprises à réduire l'usage des nitrites. Ainsi plusieurs marques commercialisent-elles aujourd'hui des gammes de produits zéro nitrite produites, à partir d'extraits de bouillon ou de végétaux.
Les députés du groupe La République en Marche sont, bien évidemment, complètement d'accord avec l'objectif de santé publique poursuivie par notre collègue. Ils considèrent cependant que mettre en œuvre les dispositions de la proposition de loi avant d'avoir reçu les conclusions de l'ANSES ne serait pas aujourd'hui satisfaisant.
Par ailleurs, une interdiction au 1er janvier 2023, sans coordination préalable avec la Commission européenne, pourrait aussi poser un problème de conformité avec le droit européen.
Nous soutiendrons les quelques modifications nécessaires pour pouvoir voter ce texte : l'entrée en vigueur des mesures après la remise du rapport de l'ANSES, sous réserve que ses conclusions établissent un risque avéré pour la santé de nos concitoyens.
L'utilisation de nitrites pour la fabrication de charcuterie et de salaisons est une pratique ancestrale, y compris dans le cadre de la production artisanale. Elle a pour fonction la conservation de la viande mais répond également à un enjeu sanitaire.
Les additifs nitrés dans des produits destinés à la consommation humaine sont aujourd'hui autorisés par l'Union européenne à titre de protection contre certaines toxicologies. Le règlement européen de 2021 va même plus loin puisqu'il confirme leur utilisation y compris dans les produits bios. Dans les discussions en cours au niveau européen, aucune interdiction générale n'est envisagée par la Commission européenne ou par les États membres. Certains comme l'Italie ou l'Allemagne les rendent même obligatoires dans le jambon cuit.
Indéniablement, les professionnels français font aujourd'hui des efforts : ils ont déjà réduit volontairement les seuils de nitrites de 40 % par rapport à la réglementation européenne. Ils font d'ailleurs figure d'exemple au niveau européen.
Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué vouloir mettre en œuvre votre proposition de loi dès la sortie du rapport de l'ANSES. Je m'étonne de la teneur et de la forme de vos propos introductifs, qui pourraient faire craindre à nos artisans charcutiers que le principe de précaution ne devienne un principe d'interdiction générale. L'ANSES ne s'est pas encore exprimée que vous voudriez interdire purement et simplement les nitrites et réduire les normes qui leur sont applicables, alors que la dangerosité de leur consommation est encore en discussion.
Pour répondre aux attentes des consommateurs, certaines grandes entreprises ont, au prix d'investissements importants, réussi à se passer des nitrites. Toutefois, une interdiction générale en mettrait indéniablement d'autres en difficulté, parmi lesquelles des entreprises artisanales qui conservent et mettent en œuvre plus de 450 recettes de notre patrimoine national. Ces recettes régionales pourraient ne plus être fabriquées si votre principe d'interdiction était adopté.
Qu'il y ait un risque d'intoxication alimentaire ou un risque lié à la consommation de sel, s'il est avéré pour le consommateur, l'ANSES ne manquera pas de le signaler. Les consommateurs sont en droit d'attendre la transparence sur les produits qu'ils sont amenés à consommer. Les problèmes que vous évoquez, certes d'actualité, méritent d'être abordés avec sagesse et prudence. Il convient donc d'attendre l'avis de l'ANSES sur cette importante question des additifs nitrés, de façon à avoir un débat serein, apaisé et non stigmatisant pour l'ensemble des parties prenantes.
Ce texte est le fruit d'un travail conduit pendant de longs mois avec l'ensemble des acteurs concernés. Il est né de la volonté partagée d'assurer l'accès à une meilleure alimentation, moins transformée, et de donner une meilleure information aux consommateurs. Les mesures que nous proposons visent à protéger les Français contre le risque de développer des cancers qui pourraient être liés à la consommation de viande rouge et de viande transformée à l'aide d'additifs nitrés. Ces conservateurs chimiques permettent d'accélérer et de simplifier la fabrication de la charcuterie, mais aussi d'en allonger la durée de conservation et d'en favoriser la commercialisation, notamment grâce à la couleur rose qu'ils donnent au jambon, par exemple.
Le débat sur les conséquences des additifs nitrés sur la santé humaine a émergé dans la société depuis de nombreuses années. En 2015, à la suite de multiples études, le Centre international de recherche sur le cancer a classé la consommation de viande transformée comme cancérogène pour l'homme et celle de viande rouge comme probablement cancérigène. Début 2020 a été constituée une mission d'information sur les sels nitrités dans l'industrie agroalimentaire, dont je fus membre aux côtés de Richard Ramos et de Barbara Bessot Ballot. Nous avons mené ensemble plus de quarante auditions.
Ces différentes études ont été accompagnées d'une réelle prise de conscience de la part des consommateurs, qui ont exprimé de nouvelles exigences, encore renforcées par l'apparition de nouvelles sources d'information et d'outils d'accompagnement de l'acte d'achat. De nombreux producteurs, industriels et artisans ont d'ores et déjà enclenché une transition, en faisant évoluer leurs modes de fabrication de manière à cesser de recourir aux additifs nitrés.
Soyons clairs : il s'agit non pas de suivre une dérive hygiéniste sécuritaire consistant à interdire l'ensemble des produits dangereux pour la santé, mais bien d'assurer à tous l'accès à une alimentation de qualité. Par cette proposition de loi, nous souhaitons apporter une réponse à la prise de conscience que j'évoquais, sans que cela se fasse au détriment des ménages les plus modestes, avec le développement d'une alimentation à deux vitesses.
Si l'adaptation des modes de production vers le sans nitrite est techniquement faisable, elle nécessite de lourds investissements, que nous ne minimisons pas. Cela ne doit pas mettre en péril la survie des petites structures.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que des interrogations scientifiques demeurent, la décision publique doit être aussi éclairée que possible. À ce titre, la publication du rapport de l'ANSES, tant attendu, d'ici à juin 2022, apportera des réponses claires – en tout cas, nous l'espérons. Au vu de ce rapport, une trajectoire de baisse de la dose maximale d'incorporation d'additifs nitrés sera fixée, et une liste de produits soumis à une interdiction stricte pourra être établie. Au-delà de la limitation ou de l'interdiction par la loi, l'intérêt de ce texte est d'apporter des outils supplémentaires aux consommateurs, avec la mise en œuvre d'un étiquetage scientifique et l'ajout de messages dans les publicités.
Pour terminer, je voudrais souligner et saluer la capacité d'écoute du Gouvernement et la qualité du dialogue que nous avons noué avec lui.
Vous l'aurez compris, le groupe MoDem s'engage fortement en faveur de ce texte et je le soutiendrai. Nous souhaitons également souligner la volonté et la pugnacité dont a fait preuve notre rapporteur.
Je salue la combativité de notre collègue et ami Richard Ramos. Soit dit en passant, Monsieur le ministre, vous n'avez pas le monopole de la troisième voie : c'est celle dans laquelle le groupe Socialistes et apparentés s'est engagé spontanément et sans que nous nous soyons concertés.
Je voudrais, pour commencer, réaffirmer trois convictions profondes.
D'abord, le pouvoir d'alerte des citoyens – et a fortiori celui des députés – est important, notamment dans le domaine sanitaire ; il doit être indéfectiblement protégé.
Nous nous retrouvons également autour des enjeux concernant la santé et l'alimentation. À cet égard, l'approche « Une seule santé » est l'un des horizons politiques et scientifiques de sortie de la crise pandémique les plus heureux. Il s'agira, dans le monde d'après, de travailler en faveur d'une santé globale : santé des sols, des hommes et des animaux.
Enfin, nous sommes d'accord avec vous pour insister sur la dimension sociale de la question : si l'on fait preuve de lâcheté, les personnes les plus défavorisées culturellement, économiquement et socialement risquent de se retrouver à la merci du marché, en l'occurrence d'une offre dégradant leur santé.
En revanche, pour notre part, nous sommes partisans d'une démocratie éclairée et nous affirmons, une fois encore, le double refus d'une dictature du marché – celle des puissances de l'argent et de tous les lobbyings que celui-ci est susceptible de créer – et d'une dictature de l'opinion. L'une comme l'autre seraient une régression de la démocratie dans ses fondements les plus précieux. Ce sont la science, la raison et la démocratie qui permettent de progresser. Il existe des institutions permettant de réconcilier science et démocratie, notamment l'ANSES. Peu importe qui les a créées car sur ce point il y a un continuum entre la gauche et la droite. Sous la précédente législature, nous avons renforcé les pouvoirs de l'ANSES en déplafonnant ses ressources et ses moyens. En effet, du fait du dogme libéral consistant à circonscrire les ressources des agences, l'ANSES n'était pas en mesure de répondre à la demande d'expertise française à l'international. Nous avons également inventé des processus tels que la surveillance, après l'autorisation de mise sur le marché (AMM), des produits phytopharmaceutiques. Cela permet, après la délivrance de l'AMM, d'observer ce qui se passe dans la vraie vie – c'est exactement ce que l'on est en train de faire avec le présent texte. Nous avons aussi donné les moyens à l'ANSES de se renforcer sur le plan éthique et déontologique, pour éviter les conflits d'intérêts.
C'est précisément parce que nous sommes profondément attachés aux institutions permettant de réconcilier science et démocratie que nous considérons que l'EFSA pose problème : l'organisme manque de moyens pour développer une expertise propre et est dépendant des lobbies. J'invite M. le ministre à poser à tout le moins, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, la question d'une réforme structurelle de cette agence.
L'ANSES a pour mission d'étudier l'ensemble des risques toxicologiques que présente la charcuterie, au-delà de ceux qui ont été évoqués. Elle aborde également la question de l'exposome. Ce concept assez récent, élaboré par Christopher Wild, qui a été intégré notamment par le CIRC, consiste à mesurer l'ensemble des expositions à des facteurs de risque, du début à la fin de la vie. En l'occurrence, la charcuterie représenterait une part minime de l'exposition aux nitrites. Enfin, l'ANSES établit le lien entre la prévalence des cancers et l'exposition aux nitrites, conformément à la démarche scientifique.
Nous nous apprêtions à refuser de participer au vote sur ce texte – comme nous l'avions fait sur la proposition de loi visant à interdire le glyphosate –, car nous considérions qu'il n'appartenait pas l'Assemblée nationale de trancher cette question. Toutefois, les amendements proposés permettent de sortir du débat par le haut, en instaurant une transition – attendue – destinée à réconcilier économie et santé. Nous nous y rallierons donc.
En m'inspirant de Jean Giraudoux, je pourrais dire : « La guerre du saucisson n'aura pas lieu ». Quoique… Cette proposition de loi visant à interdire les nitrites a tout de la bombe à la nitroglycérine. Je vois déjà de nombreux collègues se lever pour défendre les produits charcutiers traditionnels de leur département. Je pourrais le faire pour la charcuterie alsacienne. Cela n'enlève rien à la valeur votre engagement, Monsieur le rapporteur. Voilà longtemps que vous défendez cette position sur la question, et vous avez mené avec d'autres collègues des travaux sur l'impact des nitrites sur la santé.
Je vous rejoins quand vous dites que nos agriculteurs font des produits d'excellente qualité. Lorsqu'on parle de malbouffe, on oublie souvent que les produits agricoles sont transformés, et c'est précisément la question de la transformation qui est au cœur de nos discussions.
Le débat qui a fait suite à la mission d'information de notre commission a attiré mon attention sur la progression du sans nitrite. Lorsque je fais mes courses, je constate, dans les rayons, que certains produits présentent cette mention. Cela montre que nos travaux participent d'une forme de pédagogie vis-à-vis de l'opinion publique. Il est important d'en faire la publicité.
Toutefois, Monsieur Ramos, nous vous connaissons aussi pour avoir le verbe haut. J'ai entendu tout à l'heure prononcer le mot « poison ». Dosis sola facit venenum (seule la dose fait le poison), disait déjà Paracelse. C'est pour cette raison qu'il faut pousser plus loin les études scientifiques, et c'est tout l'intérêt du rapport que doit fournir l'ANSES. J'ai moi‑même écrit une note pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) relative aux enjeux sanitaires et environnementaux de la viande rouge. Je rappelle que le programme national nutrition santé fixe une consommation maximale de 150 grammes de charcuterie par semaine pour éviter les effets indésirables, notamment les cancers colorectaux.
Le texte pose aussi une question philosophique : à quel moment la loi doit-elle se substituer à la responsabilité individuelle ? Des efforts de pédagogie importants ont déjà été réalisés en direction du consommateur, en matière d'affichage et d'information. Faut-il aller plus loin et interdire certains produits ? Le groupe Agir ensemble, comme la plupart de ceux qui sont ici réunis – en premier le groupe MoDem –, considère que le point d'arrivée proposé par le Gouvernement à travers ses amendements est satisfaisant. Vous pourrez vous targuer, Monsieur Ramos, d'avoir fait bouger les lignes en mettant les pieds dans le plat !
(Sourires)
Nous reconnaissons la persévérance du rapporteur, son engagement passionné et sincère contre les nitrites et en faveur d'une alimentation plus saine – je salue également le rapport rédigé avec Michèle Crouzet et Barbara Bessot Ballot consacré à cette question.
Si les additifs nitrés sont dangereux pour la santé, ils doivent être supprimés ou remplacés par d'autres produits ou techniques. Le consensus scientifique sur la question est-il suffisamment large pour que nous puissions légiférer ? C'est un point central pour nous. Nous attendons toujours l'avis de l'ANSES. Ce retard est dommageable. Nous aimerions en connaître les raisons.
Ce sont souvent les personnes les moins favorisées qui consomment le plus les produits visés. Si la dangerosité de ces derniers était confirmée, ces consommateurs subiraient alors une double peine, et il conviendrait de les protéger.
La filière française du porc, particulièrement concentrée en Bretagne – mais elle est aussi présente dans l'Yonne –, connaît de graves difficultés, avec la chute des cours et la remontée en puissance des cheptels chinois. Ne risque-t-on pas de l'affaiblir plus encore en prononçant une interdiction trop rapide ? Comme pour les produits phytosanitaires, il serait inconcevable d'interdire l'utilisation de ces produits dans l'industrie agroalimentaire française tout en continuant à importer des aliments qui en contiennent – je pense aux lentilles du Canada.
Le texte fixe également des seuils, ce qui relève plutôt du niveau réglementaire. Ne vaudrait-il pas mieux laisser la possibilité au pouvoir exécutif d'adapter les dispositions, si nécessaire, sans qu'il faille repasser par la loi ?
Si nous partageons l'objectif consistant à promouvoir une alimentation plus saine, nous nous interrogeons sur la pertinence du dispositif proposé. Toutefois, nous attendons de voir quelle sera l'issue des débats car de nouvelles rédactions ont été annoncées.
Même si la proposition de loi prévoit des mesures transitoires et d'adaptation, il ne nous paraît pas pertinent de légiférer sans bénéficier de l'éclairage de l'ANSES. Comme, par ailleurs, le texte a peu de chances d'être examiné au Sénat avant la suspension des travaux parlementaires, nous le comprenons plutôt comme un appel à agir sur la question des nitrites, ainsi que des adjuvants de toute nature. L'utilisation du polyphosphate de sodium permet – autre exemple – de vendre l'eau au prix du cochon. C'est à un débat de santé publique que nous invite le rapporteur au sujet des nitrates et des nitrites.
Quels sont les effets cancérogènes d'une consommation excessive de produits de charcuterie ? L'Organisation mondiale de la santé classe les nitrites et les nitrates comme cancérogènes probables. Selon l'ANSES, la consommation de charcuterie reste supérieure à ce qu'elle préconise, de 25 grammes par jour. L'évaluation du rapport bénéfices-risques doit tenir compte de l'incertitude scientifique qui subsiste autour de la question. Ce n'est pas parce que l'on éprouve des difficultés à expliquer un problème que celui-ci n'existe pas. Mais le doute doit-il conduire à appliquer le principe de précaution ? Vous avez acquis la conviction qu'un danger existe, Monsieur le rapporteur, mais cela suffit-il ?
Mon groupe est partagé entre un a priori favorable au principe et à l'esprit du texte et une abstention positive. Comme vous, Monsieur le ministre, nous considérons qu'il faut avoir un avis scientifique. Quand celui-ci arrivera-t-il donc ? La pandémie nous a pourtant habitués à la célérité des avis de la communauté scientifique.
Je salue l'engagement et le travail remarquable de Richard Ramos, ainsi que le rapport rédigé avec Michèle Crouzet et Barbara Bessot Ballot.
La charcuterie est un grand classique de l'alimentation des Français – deux sur trois déclarent d'ailleurs qu'ils ne pourraient pas s'en passer. Mais cette appétence est loin d'être un blanc-seing : les consommateurs sont plus regardants sur ce qu'ils mangent, ils veulent désormais une charcuterie plus naturelle, sans additifs et avec une faible teneur en nitrites. Si vous me permettez la formule – qui semble parfaitement appropriée ce matin – il ne faut pas prendre les Français pour des jambons ! Leurs attentes sont fortes et légitimes, notamment en ce qui concerne les sels nitrités. Des études scientifiques menées en France et à l'étranger établissent une corrélation entre la consommation de charcuterie nitrée et le développement de cancers colorectaux. C'est pourquoi nous partageons votre volonté de limiter l'usage de ces produits dans la charcuterie.
Je reconnais les efforts faits par la profession pour limiter l'usage de ces additifs. À deux reprises, les charcutiers français ont décidé de réduire de 20 % la teneur maximale de nitrites dans les produits. Cet effort est tout à fait louable mais, au regard des enjeux sanitaires, je suis convaincu de la nécessité d'aller plus loin, d'autant que des solutions alternatives existent et que le développement d'une gamme de produits de charcuterie sans nitrite n'a entraîné aucun incident sanitaire depuis 2017.
Le Gouvernement propose de mettre en place une trajectoire de baisse de la dose maximale d'additifs nitrités, qui serait fixée par décret. Cela va dans le bon sens, même si force est de reconnaître que l'ambition est moindre par rapport au texte initial de la proposition de loi, et que la nature de cette trajectoire est encore trop floue. Nous espérons que celle-ci sera dictée par les recommandations des agences de santé. À ce titre, je regrette à mon tour vivement que nous ne disposions toujours pas des résultats de l'étude de l'ANSES, promis initialement pour avril 2021. Clairement, il n'est pas normal que la publication du rapport ait été repoussée à deux reprises et que nous devions de nouveau discuter du sujet sans disposer de ces éléments.
Un mot également concernant les mesures d'accompagnement de la filière dans ce qui constitue une mutation importante. Il est difficile de changer les pratiques, notamment lorsqu'elles sont ancrées depuis des années et que la transition vers un nouveau modèle de production représente un surcoût. C'est pourquoi je suis favorable à l'article 7, qui institue un fonds de transition permettant aux professionnels de financer la mise en œuvre de procédés de fabrication adéquats et l'adaptation de leurs outils de production. C'est une solution plus concrète et tangible qu'un hypothétique rapport sur les dispositifs d'accompagnement mis en place pour préserver l'activité économique et la compétitivité de la filière, tel que le propose le Gouvernement.
Il est nécessaire de garantir à nos concitoyens l'accès à une nourriture saine et de qualité. Ce combat passe par un contrôle plus étroit des aliments et des produits qui les composent. N'oublions pas pour autant le rôle de l'éducation nutritionnelle ! Limiter les effets de la charcuterie sur la santé suppose avant tout une consommation raisonnable. C'est pour cela qu'il est essentiel d'avoir été sensibilisé à ces questions.
Monsieur le rapporteur, nous soutiendrons votre texte parce que comme vous, nous voulons défendre la cochonnaille et combattre la cochonnerie.
J'aime bien Richard Ramos : c'est un député honnête, sincère, engagé et indépendant dans sa manière d'être. On ne peut pas non plus lui reprocher de ne pas être soucieux du commerce de proximité et de l'artisanat, qui ont été au cœur de son combat.
Ce qui lui est proposé, c'est de « mettre un frein à l'immobilisme », selon la fameuse formule de Raymond Barre, reprise par Coluche. On lui demande d'attendre alors qu'il s'agit d'un sujet de santé publique important. Pour moi, qui ne suis pas un libéral, la fonction de la loi est de protéger nos concitoyens, notamment les plus modestes, les plus faibles, les plus fragiles. Force est de constater que, pour ceux qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche, la question de la malbouffe ne se pose pas. Les autres, dont la consommation est guidée par le pouvoir d'achat, sont contraints de manger de la cochonnerie – pas par choix mais par nécessité et faute de solution alternative. C'est la raison pour laquelle ce texte, qui propose d'épargner à nos concitoyens les plus fragiles la consommation de produits nuisant à leur santé, me paraît être de bon sens. Du reste, les industriels eux-mêmes – qui se font du beurre sur le dos des agriculteurs qui font des produits de qualité – développent déjà des produits sans nitrite : c'est la démonstration que c'est possible, qu'il y a là un marché pour ceux qui en ont les moyens et prennent soin de leur santé.
Le risque sanitaire est de plus en plus démontré : les additifs nitrés sont des vecteurs de développement de cancers colorectaux. Il est vrai que l'on attend toujours l'avis de l'ANSES. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », écrivait Rabelais ; mais l'inverse est tout aussi vrai. En l'occurrence, il existe une conscience collective, et le Gouvernement doit exiger des agences sanitaires qu'elles remettent des rapports pour éclairer la Représentation nationale dans un délai compatible avec le bien-être de la population, ainsi qu'avec l'impérieuse nécessité de continuer à accompagner nos producteurs. Ces derniers font des produits de bonne qualité, mais qui sont dénaturés par les industriels, lesquels font des marges colossales sur le dos des producteurs et des consommateurs. Tel est, depuis le début, le combat de Richard Ramos au sein de cette commission : trouver le juste équilibre entre des prix rémunérateurs pour ceux qui nourrissent notre pays et des produits de qualité pour ceux qui font ce pays.
Nous souscrivons donc à l'esprit et à la lettre de cette proposition de loi. Nous examinerons avec attention et pragmatisme les amendements du Gouvernement, et soutiendrons les mesures qui font consensus et sont de nature à faire bouger les lignes. Sur le terrain, je suis aux côtés des producteurs laitiers du pays de Bray, face aux industriels – Danone, pour ne pas le citer –, et je vois à quel point il est compliqué pour ceux qui nourrissent le pays d'obtenir la juste rémunération de leur travail. Notre feuille de route, y compris en cette fin de législature, doit consister à adopter une loi qui rééquilibre les rapports de force entre les industriels et les producteurs, tout en prenant soin des consommateurs.
Lors de la présentation devant cette commission de l'excellent rapport de nos collègues Bessot Ballot, Crouzet et Ramos sur les sels nitrités dans l'industrie agroalimentaire, j'avais salué le volet technique de leur travail pour sa rigueur dans le maniement des probabilités et des risques, pour sa prise en compte de résultats récents dans le domaine de la recherche biomédicale, et pour la façon dont il interrogeait sans complaisance les pratiques économiques, et conciliait les préoccupations sanitaires, sociales, artisanales et gastronomiques.
En prévision de cette réunion, en accord avec le président Lescure, j'ai demandé au secrétariat scientifique de l'OPECST d'effectuer une recension critique des éléments techniques de ce dossier. Je tiens cette synthèse à votre disposition. Je me contenterai ici de rappeler quelques-uns de ses éléments majeurs.
Les sels nitrités sont utilisés dans plusieurs buts en charcuterie. Ils accélèrent la dessiccation, renforcent la conservation, neutralisent des toxines dangereuses comme la toxine botulique. Ils transforment aussi l'aspect de la viande dite rouge, colorant par exemple en rose le jambon, lequel est naturellement blanc. L'intérêt économique de tous ces effets n'est pas contesté. Il est également avéré que de nombreuses marques de charcuterie, comme Herta ou Fleury Michon et bien d'autres aujourd'hui, proposent des gammes dites sans nitrite, vocable qui regroupe toute une panoplie de recettes sans sels nitrités et visant plutôt une clientèle aisée.
Restent deux interrogations de nature scientifique. Premièrement, ces additifs ont-ils un effet cancérigène ? La question ici n'est pas l'effet cancérigène des sels nitrités purs, comme le nitrate de sodium, mais bien des composés qui en sont issus, à savoir les nitrosamines, obtenues soit par la transformation ou la préparation des aliments, soit au cours de la digestion, ou encore l'hème nitrosylé, obtenu à partir de l'hème de la viande, contenant du fer. L'effet cancérigène de la viande transformée – en particulier le cancer colorectal – est établi depuis 2015. Plus précisément, le Centre international de recherche sur le cancer a classé la viande transformée comme cancérigène à coup sûr et la viande rouge comme probablement cancérigène. Le CIRC écrit que la consommation de 50 grammes de viande transformée ou de 100 grammes de viande rouge augmente le risque relatif de cancer du côlon de 18 %. Bien sûr, c'est affaire de risque et de dose, comme le rappelait notre collègue Antoine Herth qui a travaillé sur la question dans le cadre d'une note de l'OPECST. L'incertitude demeurant sur la mesure du risque associé à la viande rouge en général ne change rien à l'impact avéré de la viande transformée, ce qui a mené des cancérologues respectés, entendus par la commission, à prendre résolument parti contre l'usage des sels nitrités.
La deuxième question est de savoir si l'on peut se passer des sels nitrités sans pour autant courir des risques sanitaires. Force est de reconnaître que la littérature scientifique est difficile à analyser, du fait de la difficulté intrinsèque d'analyse du sujet, mais aussi des conflits d'intérêts, du manque de transparence des recettes et de la diversité des produits. Si pour le jambon de Parme, par exemple, la recette est claire et bien établie, pour d'autres produits c'est plus controversé. Nous en sommes réduits à nous tourner vers les industriels eux-mêmes, qui garantissent la sûreté de leurs gammes dites sans nitrite. Une chose est sûre, et le rapport le disait clairement : les gammes sans nitrite n'ont pas causé d'intoxications notables. Aucun effet n'a été observé, par exemple, sur le botulisme.
Ces gammes représenteraient 3 % à 5 % du marché. C'est peu et beaucoup : peu en proportion, ce qui rend difficile d'apprécier une éventuelle variation des cas de cancer en rapport avec ce régime, mais beaucoup en nombre de produits vendus, qui se comptent en milliers de tonnes par an rien qu'en France, sans qu'on ait recensé de cas de toxine botulique liés à la consommation de ces produits. Pour rappel, la toxine botulique est aujourd'hui rarissime : on parle de dix à vingt intoxications par an en France, essentiellement liées à des préparations artisanales, et d'un décès tous les trois ans en moyenne.
Sur ces différents aspects, il n'y a rien à redire ni à ajouter au rapport de nos collègues. Pour affiner les connaissances sur ce sujet hautement technique et biaisé par de multiples conflits d'intérêts, l'étude promise par l'ANSES, tant attendue, sera attentivement scrutée. Les préconisations de l'OPECST relatives au renforcement de l'indépendance et des moyens des agences d'évaluation, formulées dans un rapport cosigné par notre collègue Philippe Bolo, s'appliquent pleinement ici.
Pour l'heure, les éléments déjà établis m'apparaissent suffisants pour que, en tant que simple député et non en tant que président de l'OPECST, je soutienne résolument la proposition de loi de Richard Ramos, tant pour son volet scientifique que pour son volet social.
Pas plus tard que jeudi dernier, je me suis rendue dans une entreprise de ma circonscription, à Alban, spécialisée dans la production de charcuterie du Tarn et de l'Aveyron – je n'oublie pas non plus, bien entendu, la charcuterie de Lacaune. L'est du Tarn, dans ses monts et vallées, est un territoire où le bien-vivre se conjugue avec le bien-manger.
À travers cette jolie balade tarnaise, Monsieur le rapporteur, je veux vous parler de traditions et de dynamique économique dans les territoires, sans ignorer, bien sûr, que le bien‑manger est une préoccupation pour nous tous. L'industrie agroalimentaire joue un rôle prépondérant dans le Tarn, et c'est la voix de ces petits acteurs économiques de terrain que je souhaite porter ici. Outre des échanges sur les difficultés rencontrées par le secteur, il a été question assez rapidement de votre proposition de loi.
Avant tout, je puis vous assurer de la volonté de ces entreprises d'offrir une haute qualité nutritionnelle à nos concitoyens. Nous partageons tous la volonté sur ces bancs d'améliorer sans cesse la qualité des produits consommés et de réduire leur impact potentiel sur la santé publique et l'environnement, et beaucoup a déjà été fait dans ce domaine au cours des cinq dernières années. Je me dois néanmoins de souligner quelques écueils de la proposition de loi.
Les nitrates sont déjà présents dans l'environnement, par exemple dans l'eau et les légumes. La littérature scientifique témoigne de la place de ces additifs dans la prévention des infections toxiques, comme la toxine botulique, les salmonelles et les listeria, sans pour autant nier que la réaction des nitrites avec les protéines de la viande est suspectée par l'OMS d'être cancérogène. Toutefois, l'heure est encore à la recherche. Les amendements du Gouvernement confortent notre volonté d'agir en responsabilité et dès lors que nous disposerons de données exhaustives.
La recherche doit également continuer de se pencher sur des solutions alternatives connues tout aussi efficaces – lesquelles, pour l'instant, n'existent pas, notamment pour la charcuterie sèche, énormément produite dans mon territoire. L'industrie, de son côté, est déjà à la tâche et mène une réflexion sur d'autres procédés permettant de garantir la sécurité alimentaire et la conservation. Notre rôle est d'accompagner ces changements de pratiques à court et moyen termes.
Je soutiendrai le texte dans la mesure où il sera équilibré par les amendements du Gouvernement, ce qui nous permettra, à terme, de prendre des décisions éclairées et non pas empressées.
Avec toute l'estime que nous avons pour vous, nous avons du mal à vous suivre, Monsieur le rapporteur, vous qui défendez les produits du terroir français comme le camembert authentique au lait cru ! Votre initiative pénalise les boucheries charcuteries artisanales et familiales de proximité face aux grands groupes industriels – ceux‑ci sont les seuls, au prix d'investissements très importants, à avoir pu élaborer des recettes sans nitrite. Alors que l'heure est au produire et consommer français, cette proposition de loi favorisera l'importation de charcuterie étrangère, notamment d'Allemagne et d'Italie. Nous plaidons pour un débat serein et non précipité : il nous faut pour cela attendre l'avis éminent de l'ANSES, comme le proposent Monsieur le ministre et plusieurs orateurs des groupes.
J'ai eu l'occasion de participer à plusieurs missions au cours de ce mandat mais celle que nous avons conduite avec Richard Ramos, parce qu'elle portait sur l'alimentation au quotidien, s'est révélée particulièrement riche et punchy. Grâce aux questions, toujours directes et sans concession, du rapporteur, nous avons appris beaucoup de chose. Nous avons ainsi appris que c'est la multiplication des abattoirs qui, en faisant passer le nombre de germes de 10 millions à 500 000, a mis un terme au botulisme : c'est alors que l'utilisation des sels nitrités aurait dû être remise en question. Par ailleurs, il s'est avéré que les sels nitrités sont principalement utilisés sur les viandes de mauvaise qualité et demeurent inutiles lorsque la viande est de bonne qualité. Or, depuis la loi EGALIM, l'alimentation saine et de qualité est plébiscitée.
Il est hors de question de mettre à mal la filière et de placer nos producteurs en situation de concurrence avec les industries étrangères. Soyons méthodiques et attendons l'avis du juge de paix : l'ANSES. N'oublions pas que l'alimentation étant notre première médecine, les industriels doivent se considérer comme des pharmaciens et veiller à la santé des consommateurs. Travaillons avec les filières, mettons-nous autour de la table, cela nous permettra de sortir renforcés !
L'adoption en l'état de cette proposition de loi serait un coup de massue pour toute la filière de la charcuterie. Je rappelle qu'elle a déjà réduit de 40 % les taux maximaux de nitrites autorisés par la réglementation européenne ! Surtout, il nous faut disposer – vous l'avez souligné, Monsieur le ministre – d'éléments factuels et scientifiques sûrs. Le rapport de l'ANSES, qui devrait être publié d'ici à quelques mois, doit servir de base de travail et être étudié très attentivement. Si des mesures devaient être prises, il faudrait accompagner, dans la durée, les professionnels du secteur afin qu'ils trouvent des solutions alternatives dans une perspective de sécurité sanitaire. Enfin, imposer une nouvelle contrainte franco-française pose problème lorsqu'on sait que l'utilisation de ces additifs est autorisée, voire obligatoire, chez nos voisins, comme l'Allemagne ou l'Italie. Ne brûlons pas les étapes et prenons les bonnes mesures nécessaires pour toute la filière sur la base de l'avis de l'ANSES !
Je veux saluer la constance de Richard Ramos dans ce combat qui nous est commun. La lutte contre la malbouffe est une question de santé publique, de justice sociale et un enjeu pour l'avenir du modèle agricole. Je soutiens pleinement ce texte dont j'ai été co-signataire dans une version antérieure.
Nous nous trouvons pris ici face à un mécanisme bien connu, cousu de fil blanc : alors qu'une majorité d'idées, au-delà des clivages politiques, se dégage à l'Assemblée nationale pour mener une lutte nécessaire, le Gouvernement temporise et saisit l'ANSES ; celle-ci met six mois pour réunir un groupe de travail ; au bout d'un an, celui-ci n'a toujours pas rendu son rapport, des experts ont démissionné et des questions déontologiques se posent. Cette situation, que nous avons déjà rencontrée dans d'autres dossiers, comme celui sur les pesticides, est parfaitement anormale – elle soulève des questions que nous ne traiterons pas ici.
Je remercie notre collègue Cédric Villani d'avoir rappelé que les données scientifiques existent, qu'il n'est pas nécessaire de reporter la décision et que l'interdiction de ces additifs ne mène pas à une impasse technique. Enfin, il est anormal que les produits sans additif soient plus chers que les produits avec additifs de la malbouffe !
Au regard de l'objectif de santé publique, il serait disproportionné d'instaurer une régulation au nom du principe de précaution, sans attendre les conclusions de l'ANSES sur les effets néfastes potentiels des nitrites, attendues pour la fin du premier semestre. Il est urgent d'attendre : ne légiférons pas à la hâte, au détriment de la filière porcine !
J'entends parler de « malbouffe »… J'avoue être surpris car la production agricole française se démarque de ses voisins par sa qualité et des prix de vente aux consommateurs raisonnables. Ce système économique n'est pas sans revers, particulièrement pour les producteurs. Ceux-ci font face à une nouvelle crise dont je rappelle les facteurs : avec l'augmentation du prix du carburant et de l'alimentation, les coûts de production ont explosé ; les coopératives et la grande distribution ne cessent de tirer les prix vers le bas ; les exportations sont à l'arrêt mais l'Europe continue de surproduire ; les éleveurs français vendent à perte et beaucoup font face à des niveaux d'endettement rarement atteints. Rappelons-nous l'engagement que nous avons pris envers l'agroalimentaire lors de l'adoption de la loi EGALIM 2 : tout faire pour que ceux qui nous nourrissent parviennent à vivre de leur travail.
Interdire les nitrites entraînerait une hausse des coûts de transformation, qui serait répercutée sur le prix d'achat aux éleveurs. Cette mesure priverait les éleveurs de leurs moyens de subsistance et empêcherait les foyers à faibles revenus de consommer de la viande. Au rapporteur, qui se demande si nous sommes prêts à voir coexister une alimentation pour les riches, composée de jambon sans nitrite, et une alimentation pour les pauvres, avec du jambon moins cher à produire, je répondrai, en toute amitié : sommes-nous prêts à nous passer des éleveurs porcins ?
Avant l'interdiction, il est préférable de viser la transition. Il est pour l'heure impossible de produire de la charcuterie sans nitrite à bas coût. Il ne peut y avoir de montée en gamme sans augmentation des prix. Le jambon pas cher est un mythe !
En outre, cette proposition de loi prématurée ne s'inscrit pas dans une dynamique européenne : le jambon aux nitrites restera présent dans nos assiettes, et ce sont les producteurs étrangers qui en tireront les bénéfices. Et comme chacun y va de sa formule, je conclurai ainsi : pas de cochon breton, pas de salaison !
Monsieur le ministre, nous sommes d'accord sur un point : pas d'interdiction sans solution. Il est crucial de se poser la question des solutions alternatives – c'est un sujet crucial ! Mais dire qu'un jambon sans nitrite est un jambon sans additif est faux. Si nous faisons le choix de nous affranchir des sels nitrités, il nous faudra nous interroger sur les effets sanitaires des autres additifs et sur la nocivité éventuelle des solutions employées par les industriels français et étrangers. Monsieur le ministre, avez-vous des éléments à nous soumettre qui pourraient faire avancer le débat sur ce point ?
Lorsqu'on défend une cause depuis longtemps, on est passionné et impatient. Merci d'avoir replacé ce texte dans le juste cours des choses !
Mme Blin, vos interrogations sont légitimes. Monsieur Vigier, je connais bien le Loiret et la gastronomie de votre terroir. Je me réjouis que les charcutiers de Langeac et de Chanteuges aient cessé d'importer le porc polonais et travaillent désormais le porc français, sans nitrite. De telles initiatives émergent, partout en France.
Autrefois, les riches mangeaient de la viande, les pauvres, des légumes ; aujourd'hui, c'est l'inverse et les études montrent que ce sont les gens les plus humbles qui se situent au‑dessus des seuils de consommation recommandée. Attention donc aux moyennes qui ne rendent pas compte de la réalité.
Dominique Potier nous a rappelé le lien entre science et démocratie. Notre chance a été de pouvoir veiller à cet équilibre avec Julien Denormandie. Je suis parmi ceux, et Sébastien Jumel l'a rappelé, qui pensent que la loi doit protéger. Si des associations, comme la Ligue contre le cancer, des ONG ou des applications, comme Yuka, s'avèrent plus efficaces et rapides que les représentants de la Nation dans cette mission de protection, alors la démocratie se trouvera en danger, les gens n'iront plus aux urnes. Nous devons anticiper la demande démocratique, en lien avec tous les acteurs (industriels, ONG, etc.).
Nous avons eu conscience, en travaillant sur ce texte, que nous touchions à un pan du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO, le « repas gastronomique des Français ». Il ne s'agit pas de grands chefs, mais du quotidien de nos concitoyens. La question n'est pas de savoir si on peut manger du caviar quand on n'en a pas les moyens, mais si les représentants de la Nation protègent leurs concitoyens lorsque ces derniers, sans trop y réfléchir, achètent un produit au supermarché.
Julien Dive a soulevé une question très intéressante, que le rapport a cherché à traiter : les solutions alternatives pourraient-elles être plus dangereuses ? Nous avons regardé les autorisations européennes de mise sur le marché, nous avons vu que des coquins qui avaient tenté de substituer des bouillons, interdits par la législation ont été rattrapés par la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Les produits de substitution mis sur le marché ont été agréés, au niveau national et européen.
Tant qu'on ne sait pas, on ne voit pas : ce fut le cas de nos grands-parents, qui vivaient dans des maisons amiantées. C'est pareil pour l'alimentation. Grâce à la science, nous trouverons des solutions, mais c'est en se préoccupant des plus faibles, aux pouvoirs d'achat les moins élevés, que nous faisons en sorte que toute la société soit gagnante.
Le débat suscite beaucoup d'interrogations, toutes aussi légitimes les unes que les autres. À ceux qui pensent que nous venons d'enclencher une dynamique contre la charcuterie, je répondrai qu'on aurait tort de reprocher au rapporteur de ne pas soutenir les produits des terroirs et de manquer d'amour pour l'alimentation qu'il a chevillé au corps depuis de très nombreuses années… Je dois ici saluer le travail des artisans, des charcutiers transformateurs, chacun des acteurs de cette filière, un fleuron français qui fait partie de notre identité.
Vous êtes plusieurs à avoir rappelé, comme M. Bothorel, les difficultés auxquelles doit faire face la production française. La meilleure façon de soutenir les éleveurs est de faire le choix du bleu, blanc, rouge et de la fabrication sur notre territoire. En aucun cas ce texte n'a pour objet de stigmatiser cette filière ; il vise, au contraire, à saluer le travail des charcutiers, producteurs et transformateurs et à les accompagner dans cette transition.
Nous devons avoir pour la France une ambition « nutritionnelle ». J'emploie à dessein ce terme – dont je regrette qu'il ne figure pas dans l'intitulé du ministère que j'ai l'honneur de diriger. Si nous voulons conduire des politiques publiques qui touchent nos citoyens, nous devons faire en sorte que la nutrition soit de très grande qualité, permise par une alimentation de très grande qualité, elle-même rendue possible par une agriculture de très grande qualité. L'un des drames de notre société, d'ailleurs, c'est que la valeur nutritionnelle, auprès de nos concitoyens, s'effrite progressivement.
Ce sujet ne doit pas être abordé uniquement sous l'angle de la production : il doit être traité aussi au niveau de la commercialisation. Sans cela, les importations viendront se substituer aux charcuteries françaises avec nitrites et une alimentation à deux vitesses s'instaurera. C'est le sens de certains amendements présentés par le Gouvernement.
Un large consensus semble se dégager sur la méthode que nous proposons. Je ne prétends pas, Monsieur Potier, avoir le monopole de la troisième voie mais vous me connaissez, je fonctionne ainsi depuis ma prise de fonctions. C'est un drame du débat public de ne pas prendre des décisions fondées sur la science et de ne pas lui accorder suffisamment la place qu'elle mérite. J'assume parfaitement de suivre une méthode qui ne préempte rien et permet d'avancer résolument sans éluder les enjeux. Nous avons la chance de disposer d'une institution, l'ANSES, créée en 2010. Utilisons-la !
Madame la ministre Batho, j'ai été profondément choqué par vos propos. Vous ne pouvez pas accuser le Gouvernement d'empêcher ceux qui le veulent d'avancer et de renvoyer à chaque fois vers l'ANSES. Vous ne pouvez pas davantage insinuer qu'il existerait des problèmes de déontologie au sein de l'ANSES.
… et avez fondé pendant plusieurs années vos décisions sur l'ANSES. Il est grave de nourir la suspicion sur une autorité indépendante, définie comme telle par la loi ! Dans ce cas, usez de votre pouvoir parlementaire pour aller enquêter !
Vous ne pouvez pas balayer d'un revers de la main l'évaluation par l'ANSES en expliquant qu'il s'agit là d'une stratégie du Gouvernement pour éluder la question. Bien au contraire, nous avons choisi ce chemin scientifique, que beaucoup d'entre vous ont appelé de leurs vœux, sans préempter ni en rabattre sur nos ambitions.
L'ANSES n'est pas une autorité indépendante mais un établissement public, dont la tutelle relève, en effet notamment, du ministère de l'écologie. Ce n'est pas la première fois que je tiens de tels propos. Par ailleurs, j'ai usé de mes prérogatives parlementaires pour poser la question du respect par l'ANSES de ses propres règles de déontologie, notamment dans un dossier que vous connaissez bien qui s'appelle le glyphosate.
Article 1er (Art. L. 1322-15 [nouveau] du code de la santé publique) : Interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie
Amendement CE25 du Gouvernement et sous-amendement CE35 de M. Richard Ramos.
Cette nouvelle rédaction de l'article décrit la feuille de route du Gouvernement, dès lors qu'il disposera de l'avis de l'ANSES.
Nous proposons de substituer au mot « nitrités » les mots « nitrés dans la charcuterie », pour rester dans le cadre de ce texte.
Rappelons que nous devons à l'ANSES l'interdiction du bisphénol A, en 2010, ainsi que du dioxyde de titane – que la France était d'ailleurs l'un des premiers pays au monde à bannir. Cela me donne toute confiance en cette agence et nous devons avancer dans cette voie.
La commission adopte le sous-amendement CE35.
Elle adopte l'amendement CE25 sous-amendé avec l'avis favorable du rapporteur et l'article 1er est ainsi rédigé.
Article 2 : Réduction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie durant la période de transition précédant leur interdiction
Amendement CE26 du Gouvernement et sous-amendements CE36 et CE37 de M. Richard Ramos.
Cette nouvelle rédaction prévoit qu'un décret fixe une trajectoire de baisse de la dose maximale d'additifs nitrités et peut prévoir des exceptions à ces doses maximales. Après avis de l'ANSES, il peut aussi fixer une liste de produits soumis à une interdiction de commercialisation.
Le sous-amendement CE36 vise à préciser la rédaction de l'article, en ajoutant notamment après le mot « additifs » les termes « nitrés au regard des risques avérés pour la santé humaine ». En outre, il supprime la référence aux exceptions aux doses maximales, la prise de décision en fonction des conclusions du rapport de l'ANSES sécurisant d'ores et déjà le dispositif.
Je propose, avec le sous-amendement CE37, de remplacer les mots « peut aussi fixer » par les mots « fixe aussi ». Cela obligera le Gouvernement à débattre à nouveau de cette question avec les parlementaires. Il s'agit d'une proposition de loi et il est bon que le Parlement obtienne des assurances.
Avis favorable sur le sous-amendement CE36 ; avis défavorable sur le CE37. D'un point de vue légistique, la rédaction prévoyant que « le décret peut aussi fixer » des interdictions est préférable à celle prévoyant que « le décret fixe » des interdictions éventuelles, car cette dernière obligerait, dans tous les cas, à prendre un décret.
La commission adopte le sous-amendement CE36 et rejette le sous-amendement CE37.
Elle adopte l'amendement sous-amendé avec l'avis favorable du rapporteur et l'article 2 est ainsi rédigé.
Article 3 : Suspension de la fourniture de produits de charcuterie contenant des additifs nitrés dans la restauration collective scolaires, hospitalière, pénitentiaire et du secteur médico-social
Amendement CE27 du Gouvernement et sous-amendement CE34 de M. Richard Ramos.
Cette nouvelle rédaction prévoit les dispositions relatives à l'étiquetage des produits contenant des additifs nitrés. Avis favorable sur le sous‑amendement.
La commission adopte le sous-amendement CE34.
Elle adopte l'amendement CE27 sous-amendé avec l'avis favorable du rapporteur et l'article 3 est ainsi rédigé.
Article 4 (article L. 511-13 du code de la consommation) : Pouvoir des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en cas de non-respect de l'interdiction créée par l'article 1er
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement de suppression CE28 du Gouvernement.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
Article 5 : Obligations d'étiquetage dans la période transitoire avant interdiction
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement de suppression CE29 du Gouvernement.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Article 6 : Information sanitaire dans les supports publicitaires ou de promotion en faveur des produits de charcuterie contenant des additifs nitrés
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement de suppression CE30 du Gouvernement.
En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Article 7 : Création d'un fonds de transition
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement de suppression CE31 du Gouvernement.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Après l'article 7
À la demande du rapporteur, l'amendement CE22 de M. Philippe Huppé est retiré.
Article 8 : Gage
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement CE32 du Gouvernement.
Titre
Amendement CE24 du Gouvernement et sous-amendement CE38 de M. Richard Ramos.
Je propose, comme le suggère le rapporteur dans son sous-amendement, d'intituler comme suit le texte : « proposition de loi relative à la consommation de produits concernant des additifs nitrés. » Il convient en effet de parler, plutôt que d'utilisation, de consommation. Il s'agit d'une mention très importante pour lutter contre les inégalités alimentaires.
C'est bien à partir du consommateur – du consomm'acteur – qu'on doit déterminer ce qui doit être produit. Ce que je défends depuis vingt ans, c'est que le mouvement doit se faire depuis la fourchette, jusqu'à la fourche.
La commission adopte le sous-amendement CE38.
Elle adopte l'amendement CE24 sous-amendé.
La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9 h 30
Présents. – Mme Edith Audibert, Mme Delphine Batho, M. Thierry Benoit, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Pascale Boyer, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Dino Cinieri, M. David Corceiro, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Frédéric Descrozaille, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, Mme Christelle Dubos, M. Olivier Falorni, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, M. Luc Lamirault, Mme Célia de Lavergne, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, Mme Jacqueline Maquet, Mme Graziella Melchior, M. Jérôme Nury, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Robert Therry, Mme Huguette Tiegna, M. Stéphane Travert, M. Jean-Pierre Vigier, Mme Corinne Vignon, M. Cédric Villani, M. André Villiers
Excusés. – M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Grégory Besson‑Moreau, Mme Anne-France Brunet, M. Anthony Cellier, M. Yves Hemedinger, M. Christian Jacob, M. Mounir Mahjoubi, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Fabien Roussel, M. Denis Sommer, Mme Bénédicte Taurine
Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Patrick Mignola