Intervention de Dominique Potier

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Je salue la combativité de notre collègue et ami Richard Ramos. Soit dit en passant, Monsieur le ministre, vous n'avez pas le monopole de la troisième voie : c'est celle dans laquelle le groupe Socialistes et apparentés s'est engagé spontanément et sans que nous nous soyons concertés.

Je voudrais, pour commencer, réaffirmer trois convictions profondes.

D'abord, le pouvoir d'alerte des citoyens – et a fortiori celui des députés – est important, notamment dans le domaine sanitaire ; il doit être indéfectiblement protégé.

Nous nous retrouvons également autour des enjeux concernant la santé et l'alimentation. À cet égard, l'approche « Une seule santé » est l'un des horizons politiques et scientifiques de sortie de la crise pandémique les plus heureux. Il s'agira, dans le monde d'après, de travailler en faveur d'une santé globale : santé des sols, des hommes et des animaux.

Enfin, nous sommes d'accord avec vous pour insister sur la dimension sociale de la question : si l'on fait preuve de lâcheté, les personnes les plus défavorisées culturellement, économiquement et socialement risquent de se retrouver à la merci du marché, en l'occurrence d'une offre dégradant leur santé.

En revanche, pour notre part, nous sommes partisans d'une démocratie éclairée et nous affirmons, une fois encore, le double refus d'une dictature du marché – celle des puissances de l'argent et de tous les lobbyings que celui-ci est susceptible de créer – et d'une dictature de l'opinion. L'une comme l'autre seraient une régression de la démocratie dans ses fondements les plus précieux. Ce sont la science, la raison et la démocratie qui permettent de progresser. Il existe des institutions permettant de réconcilier science et démocratie, notamment l'ANSES. Peu importe qui les a créées car sur ce point il y a un continuum entre la gauche et la droite. Sous la précédente législature, nous avons renforcé les pouvoirs de l'ANSES en déplafonnant ses ressources et ses moyens. En effet, du fait du dogme libéral consistant à circonscrire les ressources des agences, l'ANSES n'était pas en mesure de répondre à la demande d'expertise française à l'international. Nous avons également inventé des processus tels que la surveillance, après l'autorisation de mise sur le marché (AMM), des produits phytopharmaceutiques. Cela permet, après la délivrance de l'AMM, d'observer ce qui se passe dans la vraie vie – c'est exactement ce que l'on est en train de faire avec le présent texte. Nous avons aussi donné les moyens à l'ANSES de se renforcer sur le plan éthique et déontologique, pour éviter les conflits d'intérêts.

C'est précisément parce que nous sommes profondément attachés aux institutions permettant de réconcilier science et démocratie que nous considérons que l'EFSA pose problème : l'organisme manque de moyens pour développer une expertise propre et est dépendant des lobbies. J'invite M. le ministre à poser à tout le moins, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, la question d'une réforme structurelle de cette agence.

L'ANSES a pour mission d'étudier l'ensemble des risques toxicologiques que présente la charcuterie, au-delà de ceux qui ont été évoqués. Elle aborde également la question de l'exposome. Ce concept assez récent, élaboré par Christopher Wild, qui a été intégré notamment par le CIRC, consiste à mesurer l'ensemble des expositions à des facteurs de risque, du début à la fin de la vie. En l'occurrence, la charcuterie représenterait une part minime de l'exposition aux nitrites. Enfin, l'ANSES établit le lien entre la prévalence des cancers et l'exposition aux nitrites, conformément à la démarche scientifique.

Nous nous apprêtions à refuser de participer au vote sur ce texte – comme nous l'avions fait sur la proposition de loi visant à interdire le glyphosate –, car nous considérions qu'il n'appartenait pas l'Assemblée nationale de trancher cette question. Toutefois, les amendements proposés permettent de sortir du débat par le haut, en instaurant une transition – attendue – destinée à réconcilier économie et santé. Nous nous y rallierons donc.

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