Au regard de l'objectif de santé publique, il serait disproportionné d'instaurer une régulation au nom du principe de précaution, sans attendre les conclusions de l'ANSES sur les effets néfastes potentiels des nitrites, attendues pour la fin du premier semestre. Il est urgent d'attendre : ne légiférons pas à la hâte, au détriment de la filière porcine !
J'entends parler de « malbouffe »… J'avoue être surpris car la production agricole française se démarque de ses voisins par sa qualité et des prix de vente aux consommateurs raisonnables. Ce système économique n'est pas sans revers, particulièrement pour les producteurs. Ceux-ci font face à une nouvelle crise dont je rappelle les facteurs : avec l'augmentation du prix du carburant et de l'alimentation, les coûts de production ont explosé ; les coopératives et la grande distribution ne cessent de tirer les prix vers le bas ; les exportations sont à l'arrêt mais l'Europe continue de surproduire ; les éleveurs français vendent à perte et beaucoup font face à des niveaux d'endettement rarement atteints. Rappelons-nous l'engagement que nous avons pris envers l'agroalimentaire lors de l'adoption de la loi EGALIM 2 : tout faire pour que ceux qui nous nourrissent parviennent à vivre de leur travail.
Interdire les nitrites entraînerait une hausse des coûts de transformation, qui serait répercutée sur le prix d'achat aux éleveurs. Cette mesure priverait les éleveurs de leurs moyens de subsistance et empêcherait les foyers à faibles revenus de consommer de la viande. Au rapporteur, qui se demande si nous sommes prêts à voir coexister une alimentation pour les riches, composée de jambon sans nitrite, et une alimentation pour les pauvres, avec du jambon moins cher à produire, je répondrai, en toute amitié : sommes-nous prêts à nous passer des éleveurs porcins ?
Avant l'interdiction, il est préférable de viser la transition. Il est pour l'heure impossible de produire de la charcuterie sans nitrite à bas coût. Il ne peut y avoir de montée en gamme sans augmentation des prix. Le jambon pas cher est un mythe !
En outre, cette proposition de loi prématurée ne s'inscrit pas dans une dynamique européenne : le jambon aux nitrites restera présent dans nos assiettes, et ce sont les producteurs étrangers qui en tireront les bénéfices. Et comme chacun y va de sa formule, je conclurai ainsi : pas de cochon breton, pas de salaison !