Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du mardi 8 février 2022 à 17h40
Commission des affaires économiques

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État :

Mme Laurence Gayte m'a interrogé sur les mesures qu'il conviendrait de prendre en matière de tourisme et de rayonnement de la France. Je pense qu'il faut surtout veiller à ne pas perdre ce que nous avons réussi à rebâtir pierre par pierre au cours des deux dernières années : l'idée selon laquelle le tourisme mérite une politique publique d'État, qui se conjugue harmonieusement avec celle des collectivités locales – car il s'agit d'une compétence partagée, qui s'exerce à tous les échelons, communes, intercommunalités, départements et régions.

À cet égard, je me félicite que les collectivités locales se soient fédérées au sein d'ADN Tourisme. Lors de l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, devenu la loi NOTRe, chaque échelon était au contraire en compétition avec les autres pour obtenir le rôle de chef de file. La clause générale de compétence a été maintenue en matière de tourisme, ce qui permet à l'État d'intervenir. Il faut garder à l'esprit la nécessité de structurer une action publique. Il ne s'agit pas, pour l'État, d'être interventionniste, mais de donner un cadre et d'accompagner les initiatives des acteurs privés comme des autres acteurs publics.

Cette observation est valable pour le commerce, dont on ne peut pas dire qu'il fasse l'objet depuis plusieurs décennies d'une politique spécifiquement pensée pour ce secteur. L'un des acquis des Assises du commerce est d'avoir réuni, peut-être pour la première fois, tous les acteurs du commerce – ceux du commerce physique, petits, moyens et gros, et ceux du commerce en ligne. Ils ont dressé des constats communs et même formulé des propositions.

La notion d'État stratège est un peu une tarte à la crème mais, en l'espèce, l'État est parvenu à faire en sorte que tous les acteurs d'une filière se parlent, et débouchent sur des mesures acceptables. L'idée est de faire en sorte, comme l'industrie l'a très bien fait dans le cadre du Conseil national de l'industrie, qu'une logique de filière irrigue des secteurs économiques caractérisés par l'éclatement des acteurs, tels que le tourisme et le commerce.

M. Éric Pauget appelait de ses vœux un plan Marshall en matière de promotion. Cette ambition est partagée. Je me réjouis que le Premier ministre, M. Jean Castex, ait donné une suite favorable à nos demandes d'abondements en la matière. Pour vous donner un ordre d'idées, nous allons doubler les crédits d'Atout France consacrés à la promotion du tourisme pour les trois prochaines années, soit 20 millions additionnels au total pour les années 2022, 2023 et 2024, ce qui permettra d'augmenter les crédits ordinaires de 8 millions dès 2022. Notre force de frappe sera donc augmentée.

Nous nous inscrivons dans la logique vertueuse amorcée par M. Christian Mantei lorsqu'il était directeur général d'Atout France, dont il préside à présent le conseil d'administration, reposant sur un partenariat selon lequel, si Atout France met 1 euro, les collectivités locales mettent 1 euro et un partenaire privé également, ce qui fait un facteur 3. Il faut agir en groupe. Au demeurant, la campagne « Cet été je visite la France » des deux dernières années a montré que le travail avec les régions se réalise dans de bonnes conditions.

S'agissant des PGE, M. Bruno Le Maire et moi-même avons mené un travail très minutieux et très ardu pour obtenir un accord de place avec la Fédération bancaire française et la Banque de France. Il prévoit une procédure simplifiée pour les entreprises qui connaîtraient des difficultés de remboursement pour un PGE dont l'encours est inférieur à 50 000 euros, dans le cadre de la médiation du crédit. La plupart des PGE ayant été souscrits par des TPE et des PME, ce plafond en couvre beaucoup.

Les autres font l'objet d'un travail mené par les conseillers à la sortie de crise, sous l'égide de M. Gérard Pfauwadel, abordant l'ensemble de la problématique que peut rencontrer une entreprise. Des outils existent, qui sont trop méconnus : je rappelle que l'État a à sa main des prêts à taux bonifiés et des avances remboursables, qui peuvent offrir un ballon d'oxygène et permettre de rembourser son PGE de façon normale.

De même, dans le secteur du tourisme, nous avons créé un prêt Tourisme pouvant aller jusqu'à un différé d'amortissement du capital de deux ans et une maturité de dix ans. Ces outils peuvent apporter des solutions à certains problèmes immédiats. M. Bruno Le Maire et moi-même ferons très régulièrement le point sur le fonctionnement de ces dispositifs, ainsi que sur les PGE dont le remboursement doit être étalé ou dont le premier décaissement doit être reporté.

Mme Marguerite Deprez-Audebert m'a interrogé sur l'impact du passe sanitaire sur le tourisme et sur son interopérabilité au sein de l'Union européenne. À ma connaissance, aucune autre région du monde n'a adopté un système si facile d'utilisation, avec un QR code valable partout au sein de l'espace européen. Il s'agit d'un motif de fierté. Cela nous a permis de préserver notre base domestique élargie, française et européenne de proximité.

S'agissant de son impact sur le tourisme, j'étais sur le pont pour les deux phases de déploiement des 21 juillet et 9 août derniers. Passée l'appréhension initiale des restaurateurs, qui se demandaient comment leur clientèle allait le vivre, il est rapidement entré dans les mœurs. Les quelques clients qui râlaient étaient très minoritaires, l'immense majorité se réjouissant de disposer de cette assurance.

S'agissant des recettes du tourisme, la France a grappillé une place l'an dernier. En matière de fréquentation touristique, nous étions premiers avant la crise et nous le sommes restés, en dépit d'une chute de 50 %. Mais en matière de recettes, nous sommes passés de la troisième à la deuxième place, au détriment de l'Espagne, dont le modèle repose davantage sur des voyages en groupe, arrivant par avion.

Le tourisme durable constitue le fil rouge, ou plutôt vert, du plan Destination France, dont toutes les actions s'inscrivent dans une logique de transition environnementale. Nous avons abondé de 70 millions d'euros le fonds Tourisme durable, qui est considérablement renforcé. Il y a quelques jours, Mme Barbara Pompili et moi avons dévoilé la liste des lauréats des appels à projets consacrés, dans ce cadre, au « slow tourisme » – il faut travailler à une appellation en français ! Par ailleurs, le plan Avenir montagnes, qui promeut un tourisme quatre saisons, comporte également une dimension environnementale.

À ce propos, je remercie les élus de la montagne mais aussi des zones comme le littoral, tel M. Olivier Falorni, et me félicite du travail que nous avons mené ensemble. Souvent, nous avons dû inventer des solutions. Je les remercie des retours d'expérience qu'ils nous ont transmis, dont nous avions besoin pour nous adapter.

Le sujet des classes de découverte me tient à cœur. Nous avons tenu la semaine dernière, à la demande de plusieurs d'entre vous, une réunion avec les acteurs concernés. Le sort des acteurs associatifs était un motif d'inquiétude ; un décret est en cours d'élaboration pour que les associations bénéficient des mêmes aides que les acteurs privés à but lucratif.

Par ailleurs, j'ai sensibilisé à nouveau, tel Sisyphe poussant son rocher, M. Jean-Michel Blanquer sur la nécessité que les rectorats émettent des messages un peu plus unifiés et un peu moins anxiogènes. Pour l'instant, le compte n'y est pas, il faut le dire. Nous travaillons avec l'Agence nationale pour les chèques vacances en vue de faciliter les départs pour les familles qui en ont le plus besoin. Nous devrions aboutir sous peu à un dispositif. Dans la période que nous connaissons, la parole publique, en matière de tourisme, a un impact. J'espère que M. Jean-Michel Blanquer aura prochainement l'occasion de répéter avec force combien il importe de maintenir les classes de découverte et les classes de neige, et de lever les préventions apparues au cours des dernières années.

S'agissant de la mise en œuvre du plan Avenir montagnes, c'est vrai, les massifs sont tous différents et pas une vallée ne ressemble à une autre. Il faut agir de façon très détaillée et sur mesure.

M. Philippe Huppé m'a interrogé sur le tourisme post-covid. Il restera des traces de ce que nous avons vécu, en particulier dans la redécouverte de nos terroirs et de nos territoires. La notion de « voyage revanche », traduite de l'anglais, dénote une envie de partir dès que possible, dont attestent les bons chiffres de fréquentation de la montagne cet hiver. Dans certains massifs, notamment dans les Pyrénées, la fréquentation est même supérieure à celle de 2019. Tout cela est de bon augure.

Mais il est clair que le tourisme devra devenir plus vert, et plus authentique. Peut-être partira-t-on moins loin, ou loin moins souvent. Assurément, des évolutions sociologiques sont à l'œuvre. J'ai souvent porté la casquette du tourisme bleu blanc rouge, mais je ne veux pas que l'on oublie les agences de voyages, qui font en sorte que nos compatriotes puissent voyager dans les meilleures conditions possible hors de nos frontières nationales. L'excellence française est là aussi incarnée par plusieurs grands groupes, avec lesquels nous continuerons de travailler.

C'est un tourisme où l'on prendra plus le temps – d'autant que les temps de la vie évoluent. L'irruption du télétravail offre à certains territoires l'opportunité de se positionner dans l'accueil des personnes qui souhaitent, pendant une semaine ou dix jours, maintenir le lien avec le travail tout en changeant de cadre. Il est difficile de tenir des propos définitifs sur cette évolution que nous sommes en train de vivre, mais assurément, le tourisme sera différent.

M. ; Olivier Falorni a évoqué le besoin de nouvelles mesures d'aide. Dès le début du mois de janvier, M. Bruno Le Maire et moi-même avons pris des mesures additionnelles pour faire face à la vague omicron. Nous avons notamment réactivé les exonérations de cotisations sociales ainsi que les aides au paiement pour les entreprises des désormais fameux secteurs S1 et S1 bis, soit le secteur du tourisme au sens large, qui ont perdu plus de 65 % de leur chiffre d'affaires.

Pour certaines, les pertes ont été moindres que lors des précédentes vagues. En effet, en dépit du variant omicron, si contagieux soit-il, l'économie, globalement, ne s'est pas arrêtée. Or, pour des entreprises ayant perdu entre 30 et 50 % de leur chiffre d'affaires, il n'existait pas de dispositif ad hoc. Nous avons donc travaillé avec les acteurs pour aboutir à une aide au paiement des cotisations sociales, pour les mois de décembre et de janvier, à hauteur de 20 % de la masse salariale. D'après nos simulations, cela équivaut au dispositif « coûts fixes », la rapidité des versements en plus.

Nous avons également apporté une réponse ad hoc aux discothèques et au monde de la nuit. J'ai une pensée pour eux, qui ont encore été entravés dans leur activité. Leur réouverture le 16 février prochain, en même temps que les autres, est un beau signal.

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