Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9h35
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée :

Il est vrai, Monsieur Kasbarian, que la baisse des impôts de production n'a été ni facile ni consensuelle. Je me réjouis qu'aujourd'hui beaucoup rejoignent cette proposition que nous avons défendue contre la plupart des associations d'élus de territoire.

S'agissant de la sécurité des approvisionnements en matières premières critiques, l'étude demandée à Philippe Varin visait à faire le tour des industriels concernés, à évaluer la situation au regard de leur approvisionnement et à produire des recommandations susceptibles d'être intégrées au volet de « France 2030 » dédié à la sécurisation des approvisionnements en matières premières, notamment pour les filières environnementales. Sont concernés le nickel, le lithium et le cobalt indispensables à la production de batteries électriques, mais aussi les éléments nécessaires aux aimants permanents des éoliennes et aux alliages dans l'industrie aéronautique.

L'action se déroule à deux niveaux. Le lancement, en France, d'appels à projets pour sécuriser les filières d'approvisionnement et de recyclage. Le plan « France Relance » a ainsi permis de monter des projets intéressants, notamment celui de Carester dans le recyclage des aimants permanents. Au niveau européen, j'ai consacré une séance du Conseil compétitivité spécifiquement à l'approvisionnement en matières critiques, à Lens, la semaine dernière. J'en espère des propositions conclusives pour que le Conseil européen puisse mettre au point un plan d'action couvrant trois sujets : la sécurisation des approvisionnements hors d'Europe, avec la définition des conditions et modalités de financement ; le passage de toute matière première entrant sur le territoire européen par une filière de recyclage, qu'elle soit importée ou sourcée en Europe, et sa valorisation dans un cycle continu de recyclage – beaucoup plus facile à dire qu'à faire sachant que les matières premières dans les batteries électriques ne sont encore recyclées qu'à 10 % ; une réflexion sur l'existence de matières premières, accessibles dans les conditions de responsabilité que l'Europe souhaitera se donner en matière environnementale et sociale, qui puissent participer de la sécurisation de notre souveraineté.

Monsieur Pauget, je distinguerai deux aspects de l'industrie du futur. L'un concerne les solutions qui permettent d'automatiser les chaînes de production, qui sont déterminantes pour notre capacité à réindustrialiser le pays et à regagner de la compétitivité. Cela suppose de maîtriser aussi la partie « machines-outils ». L'autre a trait à la constitution de pôles de compétitivité dans des secteurs industriels en grande transformation, tels la santé ou l'exploitation des fonds marins. Dans le cadre de « France 2030 », nous avons lancé des appels à projets sectoriels. Celui qui a été lancé en janvier dans le domaine de la santé porte sur les biomédicaments et la bioproduction, au regard tant du process que des modalités de prise en charge thérapeutique. Pour ce qui est des start-ups industrielles, il faut répondre à celles qui sont en train d'émerger, mais qui sont confrontées à des difficultés de financement lorsqu'elles doivent passer à la fabrication. À ce moment-là, en général, le risque existe qu'elles se fassent racheter par un grand groupe – les Français n'ayant pas cette culture, il sera plutôt étranger –, ou par des fonds d'investissement qui vont plutôt se positionner sur leur marché domestique, comme la Chine ou les États-Unis.

Les start-ups sont plutôt bien accompagnées pour leurs premières levées de fonds. C'est ainsi qu'on a vu la French Tech émerger, avec une accélération du nombre d'entreprises intégrant le vivier des start-ups industrielles – elles sont aujourd'hui près 500 qui déploient des innovations de rupture. Notre objectif est qu'elles passent en phase de production de prototypes pour ensuite produire de manière industrielle. C'est pourquoi, avec Cédric O, nous avons lancé en janvier, toujours dans le cadre de « France 2030 », la stratégie « Start-up industrielles » pour accompagner spécifiquement le passage à l'industrialisation. Il s'agit de réduire leur risque dans la mise en œuvre des projets et ainsi de faciliter les levées de fonds puisque, l'exposition au risque des investisseurs s'en trouvant également réduite, ceux-ci continuent de les accompagner. En parallèle, nous mobilisons l'épargne privée des Français au travers des « fonds Tibi », par exemple, pour faire en sorte que l'utilisation de l'épargne dans ce type d'investissements atteigne la même maturité que dans d'autres pays qui ont une petite vingtaine d'années d'avance sur la France.

S'agissant de Ferropem, je suis régulièrement en contact avec votre collègue Rolland. Nous accompagnons le groupe Ferroglobe, qui est en grande difficulté, depuis maintenant deux ans. Nous sommes parvenus à sécuriser cinq sites sur six. Le site des Clavaux a été sauvé par la signature, en novembre 2021, d'un nouveau contrat de trois ans avec le groupe Wacker. Pour le sixième site, celui de Château-Feuillet, nous recherchons des repreneurs avec Business France. Nous avons capté trois marques d'intérêt, deux portant sur des créations d'usine en lien avec le projet d'hydrogène bas-carbone et une autre dédiée au recyclage de produits chimiques. Ces dossiers s'inscrivent dans un calendrier à moyen terme qui ne sera pas en adéquation avec l'échéance du plan de sauvegarde de l'emploi. C'est pourquoi, en parallèle, nous accompagnons les salariés sur le territoire, à la recherche de propositions pouvant leur être faites. Je tiens à remercier tous les parlementaires, Marie-Noëlle Battistel et Anthony Cellier notamment, qui se sont mobilisés sur ce dossier dans l'objectif commun de sauver ces différents sites avec une vision industrielle.

Le rapport de Jean-Luc Lagleize et Sylvia Pinel sur l'avenir du secteur aéronautique a nourri la réflexion, et je les en remercie. Comme je l'ai dit, nous avons une stratégie spécifique aux start-ups industrielles ; elle s'adresse à toutes les start-ups du territoire et non aux seules structures franciliennes, que leur proximité avec la capitale favoriserait. C'est bien la mission qui a été confiée à Bruno Bonnell que de faciliter l'accès aux différents dispositifs « France 2030 » pour les « émergents », ces structures qui ne sont pas naturellement dans le radar et qui n'ont pas l'habitude de contacter les pouvoirs publics, les cabinets ou les parlementaires. Notre objectif, c'est que le maximum d'entreprises répondent aux différents appels à projet, notamment celui sur les start-ups industrielles, de manière à sélectionner les meilleurs dossiers. Il s'agit d'enclencher un cercle vertueux de créations, en France, d'entreprises et d'usines en volume suffisant pour les investisseurs privés et qui seraient des objets d'investissement intéressants pour l'épargne des Français.

Pour les start-ups industrielles spécifiquement, nous avons également mis en place, avec Cédric O, un accompagnement sur le modèle de la French Tech. Il porte non seulement sur la façon de lever des fonds, de monter un projet et de trouver des partenaires, mais également sur toute la phase d'ingénierie et de conception industrielle, durant laquelle le partage des bonnes pratiques et un accès direct au bon partenaire peut faire gagner du temps à ces start-ups.

Trois ombres au tableau, vous avez raison, Monsieur Potier. Il n'y a pas de quoi pavoiser avec une industrie ne représentant que 11 % du PIB. Simplement, nous relevons qu'en trois ou quatre ans nous avons été capables d'arrêter la saignée industrielle. Il convient maintenant de construire le rebond. Le retard dans la recherche publique, c'est précisément tout l'enjeu de la loi de programmation sur la recherche publique que de le combler. L'enjeu est le même pour la recherche privée, avec l'idée de faciliter la circulation entre les deux. Beaucoup des start-ups industrielles émanent de la recherche publique, en particulier du Commissariat à l'énergie atomique. Nous voulons faciliter le parcours qui mène de la recherche fondamentale à la recherche appliquée jusqu'à l'objet industriel et à l'usine industrielle.

En matière d'automatisation, la France est effectivement en retard. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le guichet « Industrie du futur » a extraordinairement bien fonctionné – plus de 800 millions d'euros ont permis d'accompagner près de huit mille entreprises. Un audit a montré que 80 % des solutions relevaient du rattrapage de l'usine dite « 3.0 » et que 20 % sont allés à des projets « 4.0 ». Un énorme travail reste donc à faire en matière d'automatisation et de numérisation des chaînes de production. Les salariés s'inquiètent d'être remplacés par des robots ; pourtant, les études académiques le montrent, en réalité la robotisation est une façon de conforter l'emploi dans des pays où les gens sont bien formés et où le coût du travail est relativement plus élevé que dans les pays low cost. Elle permet aussi d'améliorer énormément les conditions de travail – l'un des meilleurs ambassadeurs de cet aspect est Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine.

Nous continuons donc l'effort avec « France 2030 », sachant que la construction des filières des offreurs de solutions constitue un défi particulier à relever. La machine-outil a fait la force de l'industrie allemande ; nous devons doter la France de la machine-outil du futur industriel. Or, bien que parfois très pertinents et très pointus, nos acteurs sont encore de taille modeste et pas toujours connus des Français. Il y a un important travail de structuration à mener, que nous avons engagé il y a quatre ans en lançant une filière « Industrie du futur » inspirée par Bruno Bonnell.

S'agissant du coût de la main d'œuvre, tout dépend de qui l'on parle. En moyenne, la France est effectivement légèrement plus compétitive que l'Allemagne. Mais compte tenu de la structure des coûts dans les usines, où les ouvriers qualifiés sont recrutés à 1 600 ou 1 700 euros, voire à plus de trois mille euros pour certains soudeurs, le coût de ce travail reste supérieur en France. Ces chiffres ne correspondent pas nécessairement à ce qui va dans la poche du salarié. L'écart entre les deux, c'est le prélèvement fiscalo-social, qui est important en France et qui résulte de notre modèle social. Le modèle social allemand n'est pas non plus indécent, mais la compétitivité du coût du travail sur des fonctions que l'on retrouve dans les usines des deux pays – ouvrier qualifié, technicien ou ingénieur –, est en défaveur de la France. En revanche, dans les services et pour les salaires proches du SMIC, il est fondé de dire que, grâce aux mesures qui ont été prises, la comparaison est favorable à la France. Tout dépend donc des situations. Le crédit d'impôt recherche ne fait que ramener le coût de l'ingénieur à peu près au niveau, voire légèrement au-dessus, de ceux des ingénieurs de nos voisins. Il faut aussi savoir nous comparer à l'Espagne, au Portugal et à l'Italie : en termes de coût du travail, l'écart est nettement supérieur.

Pour ce qui est de conditionner les aides aux grands groupes affichant des résultats très importants, déjà, l'optimisation fiscale est interdite. La lutte contre celle-ci est d'autant plus facile à mener qu'elle rapporte de l'argent à l'État. Les moyens qui y sont consacrés sont tout aussi importants que les résultats obtenus au cours des dernières années, notamment par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt. Quant aux résultats de ces entreprises du CAC 40, il ne faut pas perdre de vue qu'à l'exception d'Orange dont l'essentiel du chiffre d'affaires est produit en France, celles-ci y réalisent en moyenne entre 10 % et 15 % du leur. L'économie française et celle du CAC 40 ne se recouvrent que pour la partie du chiffre d'affaires réalisée en France, et en termes de production et de salariés. En général, il y a plus de production et de salariés que de chiffre d'affaires réalisé en France, c'est pourquoi ces entreprises contribuent positivement aux exportations. C'est donc au tissu de TPE, de PME et d'ETI que nous nous sommes intéressés, et le plan de relance a profité à plus de 90 % à ces structures, pas aux grands groupes.

Je ne peux pas laisser passer l'idée que l'aide ne serait pas conditionnelle : le financement de projets de modernisation d'équipements est accordé sur facture et non sur de simples promesses. Je pense être l'une des rares ministres à avoir infligé des sanctions administratives financières pour non-réalisation d'un projet financé dans le cadre d'« Industrie du futur ». Bien évidemment, les conditions ne sont pas posées sur des obligations de résultat, car il y a toujours un risque qu'une activité économique ne rencontre pas ses clients. En revanche, il est possible d'exiger que tout soit mis en œuvre pour que le projet réussisse. Et nous vérifions que les factures correspondent à un achat réel et à une installation dans une usine.

Pour conditionner la fiscalité à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), il faudrait que celles-ci maîtrisent parfaitement les indicateurs. Les grands groupes disposent d'équipes capables de les produire alors que les ETI ou les PME, tel M. Jourdain, pratiquent très bien la RSE sans savoir en rendre compte. Toute la question est de trouver un point d'équilibre s'agissant de cette intention, que je partage. Il est vrai qu'on a davantage envie d'aider les entreprises dont les pratiques sociales et environnementales d'avant-garde – puisqu'elles vont au-delà des obligations légales – sont susceptibles de tirer l'ensemble de l'économie.

S'agissant de Pont-à-Mousson, nous attendons le résultat de l'enquête de la commission sur le marché du tuyau en fonte. En parallèle, nous défendons depuis cinq ans l'adoption d'un instrument de réciprocité dans les marchés publics, et nous avons bon espoir d'aboutir dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Nous disposerions ainsi d'un levier sur des pays tiers qui ferment leur marché alors même que nous leur ouvrons le nôtre, et même de la possibilité d'exclure des entreprises d'une procédure de marché public. Cela me paraît un principe de bonne hygiène et de bon sens. Sous ma casquette de présidente du Conseil « Compétitivité » de l'Union européenne, je soutiens également l'introduction de clauses environnementales dans les marchés publics. Il s'agit d'élever au niveau européen ce vous avez déjà fait dans le cadre de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », et que j'ai rendu obligatoire dans le cahier des clauses administratives générales depuis le 1er octobre 2021, dans l'idée de faciliter l'accès aux marchés publics des entreprises revendiquant une bonne empreinte environnementale.

Entre la filialisation et les services, la frontière est effectivement en pointillé. Le ministère de l'industrie pourrait aussi bien être celui des services industriels, tant les modèles industriels deviennent « serviciels » et tant celui de services comme la distribution d'eau ou la gestion des déchets les range dans les filières industrielles. Au ministère de l'économie, nous avons une approche large et considérons que relèvent de l'industrie toutes les dépenses d'investissement (CAPEX) qui participent de la compétitivité d'un pays et de sa capacité à répondre aux besoins basiques et essentiels de sa population. Cela inclut le service industriel ainsi que les enjeux de logistique, une filière très créatrice d'emplois et en voie de forte professionnalisation et de forte croissance.

Nous travaillons, pour le moment, sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour la métallurgie, le ciment et les phytosanitaires, parce que ce sont des filières électro-intensives et soumises à forte concurrence avec des produits importés dont l'empreinte carbone est très importante. Il s'agit de rétablir une concurrence loyale en faisant payer à ces produits le coût de la tonne de carbone au moment de l'entrée sur le marché européen. Toutefois, la chose est plus facile à dire qu'à faire, ne serait-ce que parce qu'il faut faire attention aux conséquences du mécanisme sur nos filières d'exportation.

Comment améliorer la résilience ? En améliorant à la fois notre niveau de compétence collectif, nos capacités de production pour répondre à nos besoins primaires en cas de crise, et notre maîtrise de technologies incontournables. Dans le numérique, notamment, la question de la souveraineté s'articule souvent avec celle de la résilience : que se passe-t-il, par exemple, en cas de cyberattaques répétées sur des éléments indispensables au fonctionnement de notre système d'approvisionnement en énergie ou en eau, ou de nos communications ? Probablement nous faudrait-il créer une culture de plans de contingence.

Monsieur Benoit, notre balance commerciale est déficitaire depuis 2000, à peu près au moment où nous avons décroché en matière industrielle – la concomitance est indéniable. La dégradation récente s'explique pour partie par l'augmentation du prix des matières premières, particulièrement des énergies fossiles. De ce point de vue, nous sommes en train de construire la meilleure réponse possible, en renforçant notre autonomie et en électrifiant notre consommation. Avec la voiture électrique, on n'a plus besoin d'essence ; l'électrification des processus industriels répond à la même logique. Pour l'autre partie, la dégradation est une question de volumes : celui des importations a suivi le redémarrage de l'économie française, plus fort que dans d'autres pays. Les importations et les exportations n'évoluent pas de façon synchrone. Ainsi, 700 projets de réindustrialisation sont autant de projets d'acquisition de matériels et de machines : sur 100 euros d'achats de produits manufacturés, 35 viennent de France et 65 de l'étranger. L'effet sur les importations est immédiat, alors que la production en usine n'a pas encore démarré.

Je laisse à Franck Riester le soin de commenter les bonnes nouvelles sur la balance des services et celle des paiements.

L'agroalimentaire est pour moi un point de vigilance totale. D'abord, parce que les montants en jeu sont énormes ; ensuite, parce que le taux d'exportation de ce secteur étant relativement faible, c'est là que nous avons le plus à gagner. Le besoin de structuration de la filière est important ; le tissu industriel est fait de PME, d'entreprises de taille plus petite que dans d'autres secteurs. Nous avons augmenté le nombre d'entreprises exportatrices ces deux dernières années ; c'est une bonne chose, mais le compte n'y est pas tout à fait et ce doit être une de nos priorités.

Les questions de Mme Pinel sur l'aéronautique sont nombreuses. S'agissant des biocarburants, nous avons lancé un appel à projets pour accompagner l'offre, qui doit être compétitive. Pour l'heure, nous n'avons pas de mécanisme incitatif, mais cela pourrait passer par des normes. En matière de renouvellement des flottes, nous avons beaucoup accompagné les entreprises et les compagnies aériennes avec lesquelles nous entretenons une forme de proximité actionnariale. Néanmoins s'impose à nous la mise en balance entre l'achat immédiat d'un avion encore fortement carboné et l'investissement d'argent public pour accélérer la production d'un avion moins carboné – ce qui nous paraît être de meilleure stratégie, sachant que beaucoup d'améliorations technologiques sont attendues dans les années qui viennent, avec l'avion à hydrogène, l'amélioration de l'efficacité des moteurs ou l'allégement des matériaux. En matière de R&D, le CORAC sera bien reconduit dans « France 2030 ». C'est un dispositif efficace, qui porte des projets de qualité.

J'en viens au dossier EDF. L'État détient 84 % du capital de l'entreprise. Quand l'État régulateur prend une décision de service public, l'État actionnaire ne perd pas de vue sa responsabilité. Il a été présent à plusieurs moments clés, et encore il y a deux ans, quand il a fallu émettre des obligations pour conforter le capital et la structure financière d'EDF. Nous prendrons nos responsabilités d'État actionnaire. Dans le cadre de l'ARENH, en décidant de rendre 20 terawattheures disponibles pour les entreprises et les particuliers, nous avons évité une explosion du prix de l'électricité qui aurait placé 150 entreprises à l'arrêt et 45 000 emplois en risque. Lorsque Aluminium Dunkerque s'arrête, c'est toute la filière aval qui est en danger ; l'usine Wheels de Châteauroux ne peut plus produire de jantes en aluminium et on peut toujours chercher un repreneur, c'est terminé. C'est cette diffusion des difficultés qui était en jeu. Les approvisionnements en matières premières sont complexes, et si les électro-intensifs, qui en sont souvent de grands utilisateurs, s'arrêtent, ce sont évidemment les PME et les ETI qui paieront. Les grands groupes, eux, savent trouver d'autres fournisseurs. Nous prendrons donc nos responsabilités face à EDF.

S'agissant des discussions en cours avec la Commission européenne, le projet Hercule a été suspendu. En revanche, Bruno Lemaire, dont EDF relève à travers l'Agence des participations de l'État, et Barbara Pompili ont engagé des discussions sur la régulation du marché de l'électricité en arguant qu'une économie qui a fait le choix d'avoir une électricité bas-carbone compétitive doit voir ses efforts se répercuter sur ses prix et ne doit surtout pas payer un prix du carbone élevé alors qu'elle a déjà fait le travail pour décarboner son électricité.

Le règlement européen sur les batteries électriques relève de la filière pilotée par Barbara Pompili au niveau du Conseil européen. Nous avons bon espoir d'y faire aboutir un texte comportant des obligations de recyclage et de contenu carbone minimal pour les batteries électriques importées. Ainsi réintroduirons-nous une concurrence loyale entre les batteries électriques importées à fort contenu carbone et les batteries électriques produites en Europe à faible teneur en carbone. Précision intéressante : depuis que nous avons lancé l'« Airbus de la batterie électrique » au niveau européen, nous sommes devenus le premier continent en termes d'investissements dans la batterie électrique. Cela prouve bien que nous sommes capables de faire basculer les choses.

Monsieur Ruffin, vous avez cité les chiffres des pertes d'emplois pendant la période de crise, de fin 2019 à fin 2020, et qui ne sont pas propres à l'industrie. Les chiffres de l'emploi industriel ont précisément réaugmenté en 2021, et le solde est légèrement positif comparé au deuxième semestre de 2016. Ce sont les chiffres de l'INSEE.

Une grande partie des masques qui ont été donnés au personnel de l'éducation nationale ces dernières semaines sont bien français, issus de commandes françaises – je m'en suis assurée. Ceux dont vous parlez ont été pris sur le stock immédiatement disponible de Santé publique France (SPF). Ils ont été achetés il y a plus d'un an. Je rappelle qu'il y a dix-huit mois, il n'y avait pas de masques français. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que des stocks constitués en avril ou mai 2020 aient été achetés en Chine. Par la suite, un milliard de masques ont été achetés en France pour reconstituer le stock. Une circulaire signée par Olivier Véran et moi-même a été diffusée, recommandant aux collectivités locales les critères, notamment environnementaux, à prendre en compte, précisément pour faciliter l'achat français et européen sans risquer de rupture de stock. Les collectivités locales et les établissements publics commandent aussi beaucoup, et je relève avec surprise que le président de l'Association des maires de France (AMF) a commandé des masques en Chine pas plus tard qu'au mois d'avril ou de mai dernier... Olivier Véran a également signé une instruction de la même teneur à l'adresse des établissements publics de santé.

Aujourd'hui, nous disposons d'une capacité de production, pas forcément française, de 100 millions de masques par semaine que nous n'avions pas il y a deux ans. Nous pouvons de la sorte monter en capacité de production en cas de difficultés. Vous ne l'avez pas mentionné, mais beaucoup d'entreprises ont sauvé leur chiffre d'affaires pendant la crise en adaptant leurs machines à la production de masques. Elles sont nombreuses à nous en remercier.

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