Les résultats du commerce extérieur en 2021 sont contrastés : si le solde des échanges de biens se dégrade – moins 84,7 milliards d'euros, soit 3,4 % du PIB –, la balance des services enregistre en revanche un excédent record de 36,2 milliards, tandis que la balance des revenus connaît une amélioration inédite, son excédent atteignant 10,9 milliards. Au total, la balance courante se rapproche de l'équilibre, à moins 0,9 % du PIB, en amélioration de 20 milliards d'euros par rapport à 2020.
La dégradation du solde des échanges de biens n'est pas une surprise. Les raisons en sont structurelles, en lien avec la désindustrialisation du pays depuis trente ans, mais aussi conjoncturelles. C'est le fait de l'augmentation de la facture énergétique, qui s'élève à 17,9 milliards d'euros et représente 90 % de la dégradation. Également, certains secteurs traditionnellement forts à l'export ont été particulièrement touchés par la crise sanitaire et n'ont pas encore retrouvé leur niveau d'avant la crise. Ainsi, l'aéronautique n'est encore qu'à 57 % de son niveau d'avant-crise, en dépit de carnets de commandes bien remplis, et l'automobile à 89 %.
Si l'on se réjouit de ce que la croissance s'établit à 7 % en 2021, cela a toutefois créé une dynamique d'importation de machines-outils, d'intrants, de matières premières ainsi que de biens de consommation – informatique, jouets, meubles, articles de sport. Il y a aussi l'effet prix : les exportations de biens et de services augmentent plus vite en volume que les importations, mais c'est l'inverse en valeur. Cela tient au renchérissement des matières premières, qui n'a pas encore été répercuté dans les prix de vente, notamment à l'exportation.
Le commerce de biens présente tout de même des points positifs. Le nombre d'exportateurs a atteint un record en 2021 : 136 000, contre 129 000 avant la crise et 123 000 en 2017. C'est le fruit de l'accompagnement par la Team France Export, mais aussi et surtout de la résilience des entreprises qui, malgré la crise, ont choisi l'export. Le rebond des exportations est très important – plus 17 % par rapport à 2020 – et nous avons quasiment retrouvé notre niveau d'avant-crise. Les résultats sont meilleurs dans certaines filières : plus 109 % dans la chimie, plus 108 % dans l'agroalimentaire, plus 105 % pour les produits de luxe, plus 109 % dans le textile. Concernant ce dernier secteur, alors que nous avions importé 6 milliards d'euros de masques en 2020, nous n'en avons plus importé que 900 millions d'euros en 2021, alors que les volumes consommés sont restés constants. Cela tient à la baisse des prix des masques à l'importation mais surtout à la relocalisation de la production en France. Ainsi, dans un grand nombre de secteurs, la dynamique est très bonne et en amélioration nette par rapport à 2019.
En 2021, pour la deuxième fois en dix ans, le commerce extérieur a contribué positivement à la croissance. L'excédent record de la balance des services, en amélioration de 20 milliards d'euros par rapport à 2020, est lié aux résultats des services de transport et au rebond du tourisme en fin d'année, même si ce dernier n'a retrouvé que 62 % de son niveau d'avant-crise. Quant à l'excédent de la balance des revenus, il est révélateur de la bonne santé de nos entreprises qui investissent à l'international, à travers leurs filiales.
Notre stratégie pour améliorer nos résultats en matière de commerce extérieur s'oriente selon cinq axes. Le premier est le renforcement de la compétitivité. Pour exporter davantage, nos entreprises doivent bénéficier d'un cadre plus favorable à leur développement. Depuis 2017, notre compétitivité coût s'est améliorée de plus 5,5 % grâce à diverses mesures : baisse des impôts de production et de l'impôt sur les sociétés ; réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ; réforme de la négociation dans les entreprises ; réforme des prud'hommes ; réforme de l'apprentissage – il n'y a jamais eu autant d'apprentis en France qu'en 2021, avec 718 000 contrats signés ; choc de simplification avec les lois PACTE, ESSOC et ASAP. En outre, le « quoi qu'il en coûte » et le plan de relance ont permis d'améliorer le sort des entreprises durant la crise.
Nous avons également engrangé des résultats importants en matière d'attractivité, avec un nombre record de projets d'investissements étrangers en France ces dernières années, ce qui place celle-ci au premier rang en Europe. C'est le fruit de la stratégie voulue par le Président avec Choose France, dont le but est de valoriser la destination France auprès des grands investisseurs étrangers.
La réindustrialisation est le deuxième axe. Elle vise à relocaliser, à repenser les chaînes de valeur et à aider les entreprises à investir dans les technologies d'avenir, au travers du plan de relance, de divers plans de soutien sectoriels ou encore du plan France 2030. Nous agissons également au niveau européen pour bâtir une politique industrielle forte dans des secteurs d'avenir comme l'hydrogène, les composants électroniques ou les batteries électriques. Nous avons renforcé le contrôle des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques afin de nous assurer qu'ils ne donnent pas lieu à des acquisitions prédatrices, avec l'entrée en vigueur, en octobre 2020, du règlement européen établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union.
Troisième axe, la stratégie de transition énergétique. Elle porte sur la sortie des hydrocarbures, le développement de la voiture électrique, l'investissement dans le nucléaire et l'investissement dans les énergies renouvelables.
Le quatrième axe concerne la politique commerciale. Nous voulons mieux protéger nos entreprises en rendant le commerce plus durable et plus responsable tout en continuant d'être ouvert. De ce point de vue, la mobilisation française est payante au niveau européen. Au printemps 2021, la Commission a révisé sa stratégie en la matière, en reprenant une grande partie de la contribution française. Des résultats concrets ont d'ores et déjà été obtenus avec la nomination d'un procureur commercial européen – poste occupé par un Français – pour veiller à l'application effective de nos accords commerciaux et au respect de leurs engagements par nos partenaires. De même, les instruments de défense commerciale ont été modernisés : outre le filtrage des investissements étrangers déjà évoqué, le règlement Enforcement a été adapté.
Nous avons inscrit dans notre agenda l'adoption de règles de réciprocité dans les marchés publics. Il est en effet incompréhensible que l'Europe ouvre ses marchés à tous les pays du monde alors qu'elle n'a accès qu'à 50 % des leurs, et même 30 % au Japon et aux États-Unis, et aucun en Chine, ou si peu. Nous voulons contraindre nos partenaires à la réciprocité, sous peine de se voir fermer l'accès à nos marchés publics. Un accord entre le Parlement, la Commission et les États membres devrait pouvoir être trouvé en mars ou, en tout cas durant la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE).
Nous souhaitons également adopter un instrument anti-coercition pour éviter que certains pays n'utilisent le commerce à des fins politiques – voyez ce que fait la Chine en Lituanie et en Australie – et pour nous mettre à l'abri de mesures extraterritoriales, pratiquées par les États-Unis. Nous devons affirmer notre souveraineté européenne. La Commission européenne a présenté un outil dans ce but, sur lequel nous sommes en train de travailler dans le cadre du Conseil et dont nous pouvons espérer l'adoption en 2022. Nous devons également nous armer contre les effets de distorsion provoqués par les subventions étrangères, afin d'assurer une concurrence loyale, que ce soit dans les marchés publics ou dans les fusions acquisitions.
Le commerce extérieur de l'Union européenne représente 38 millions d'emplois en Europe, dont 4 millions en France : les avantages des accords commerciaux sont donc très concrets. Ainsi, le très débattu ici même Accord économique et commercial global, dit CETA, signé avec le Canada enregistre déjà des résultats très positifs en matière d'exportations vers le Canada, sans impact négatif sur les filières agricoles sensibles.
Nous voulons une politique commerciale tout à la fois performante et responsable, qui défende nos intérêts et nos valeurs tout en imposant un devoir de vigilance aux entreprises – nous l'avons déjà voté en France, et l'initiative Reynders devrait permettre de l'adopter au niveau européen. Une telle politique, plus responsable, plus durable et plus ouverte est fondamentale pour l'avenir.
Nous travaillons à développer de nouveaux partenariats avec l'Afrique. J'ai beaucoup œuvré en ce sens lors de mes déplacements et j'ai organisé une conférence à Paris, le 10 janvier dernier, dans le cadre de la PFUE, sur les relations entre l'Union européenne et l'Afrique.
Nous cherchons également à obtenir un « level playing field » dans le cadre de l'OMC. J'ai accueilli très récemment sa directrice générale, Mme Ngozi Okonjo-Iweala, lors d'une conférence sur le commerce international durable ; elle sera à Marseille pour échanger avec les ministres du commerce de l'Union européenne. Nous la soutenons dans son action pour faire bouger les lignes et nous espérons obtenir prochainement des résultats dans les négociations en cours sur la pêche, sur la pollution plastique, sur les données électroniques ou encore sur le règlement des différends commerciaux – ce dernier étant bloqué du fait de la position américaine.
Nous avons œuvré à une amélioration du climat des affaires avec nos partenaires majeurs, à commencer par les Américains. Les différents contentieux qui ont affecté le commerce entre les États-Unis et l'Europe, et singulièrement la France – entre Boeing et Airbus, sur l'acier, sur les services numériques –, ont été réglés. De ce fait, nos échanges avec ce pays sont en nette hausse en 2021 et notre excédent a même augmenté. Nous allons poursuivre en ce sens, notamment dans le cadre du Conseil du commerce et des technologies, qui s'est tenu à Pittsburgh l'année dernière et que nous allons organiser, sous présidence française, dans les mois qui viennent.
La révision du plan d'action en 15 points, autrement dit des chapitres sur le développement durable dans les accords commerciaux, aura pour but de mieux prendre en compte les dimensions environnementales et sociales. En parallèle, dans l'hypothèse où la disposition législative qui sera proposée par M. Didier Reynders ne serait pas assez ambitieuse, nous souhaitons la création d'un instrument autonome permettant de bloquer les importations de produits issus du travail forcé. D'autres instruments prennent la forme de mesures miroirs, notamment en matière de lutte contre la déforestation importée. Nous mettons la pression sur la Commission pour qu'elle fasse entrer en application la mesure miroir interdisant l'importation de produits ayant reçu des antibiotiques comme facteurs de croissance. D'autres sont en discussion. Elles sont très importantes pour donner à nos producteurs agricoles, et aux autres plus tard, les moyens de lutter à armes égales avec leurs concurrents du monde entier.
Le cinquième axe concerne l'accompagnement des entreprises à l'international. Nous avons créé un guichet unique, la Team France Export (TFE), qui regroupe dans les territoires tous les acteurs publics et privés accompagnant par leur conseil, leur soutien ou leur financement nos exportateurs. On y trouve Business France, BPIFrance, les chambres de commerce et d'industrie, les régions, les conseillers du commerce extérieur de la France, les opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), les fédérations et syndicats professionnels. Cette équipe unique, mobilisée au service de nos compatriotes depuis quatre ans, obtient des résultats importants. Outre Team France Export, basée en France, les entreprises ont des interlocuteurs dans les ambassades et dans les équipes de Business France, BPIFrance et Proparco situées à l'international, sans oublier les relais que constituent les patrons de filiales françaises à l'international, les dirigeants français d'entreprises étrangères installées à l'étranger et les Français qui ont créé des sociétés de droit local à l'international. À l'automne, j'ai lancé le dispositif Équipe France Business afin d'inciter les entreprises à partager leurs connaissances des spécificités locales et à chasser davantage en meute : c'est en jouant plus collectif que l'on sera plus performant.
Dans le cadre du plan de relance Export, nous avons renforcé les dispositifs de soutien aux entreprises – Mes infos marchés, qui délivre des informations sectorielles ; le chèque relance export, afin de baisser le coût de prospection des entreprises en finançant la traduction des plaquettes commerciales et des sites internet ; le chèque VIE, pour accompagner les jeunes dans le programme Volontariat international en entreprise. Nous avons pris la décision de prolonger les chèques relance export et les chèques VIE jusqu'au 30 juin 2022. Nous avons également apporté un soutien financier avec le doublement de l'enveloppe affectée au fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP) et la création de l'assurance prospection accompagnement.
Je me suis rendu dans quarante-deux pays en un an et demi, accompagné chaque fois que je le pouvais par une délégation d'entreprises afin de mettre en avant leurs produits, leurs services et leurs compétences. J'ai ainsi pu constater qu'il y avait une envie de France à l'international, où nos savoir-faire sont reconnus. Il nous faut donc toujours plus insuffler à nos entreprises l'esprit de conquête. De même, nous devons faire en sorte que les entreprises qui exportent déjà, le fassent davantage, sur le modèle des entreprises italiennes ou allemandes, dont le pourcentage du chiffre d'affaires à l'export est plus important, à taille égale. L'international ne doit pas être considéré comme un plus : il doit être intégré dès l'origine dans la stratégie de l'entreprise. Tel est le message que nous souhaitons faire passer.
Je l'ai mentionné, nous avons décidé de nous focaliser sur l'Afrique en organisant un sommet consacré au financement des économies africaines, puis un forum d'affaires, Ambition Africa 2021, et un nouveau sommet Afrique-France, qui a mis à l'honneur la société civile et les entrepreneurs. L'Afrique est également au cœur des priorités de la PFUE. Je me suis rendu dans dix pays africains, parfois plusieurs fois, pour démontrer à nos entreprises qu'il y avait là un potentiel considérable. Il sera nécessaire pour cela de renouveler la relation avec ce continent, en bâtissant des partenariats gagnant-gagnant sur le temps long.