Intervention de Franck Riester

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 15h05
Commission des affaires économiques

Franck Riester, ministre délégué :

Tout d'abord, je tiens à vous remercier, les uns et les autres, pour votre travail en faveur de l'attractivité de notre pays et du développement de son commerce extérieur : Mme Deprez-Audebert, dans le cadre de la préparation de son rapport ; le président Lescure, comme rapporteur général de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, la loi PACTE ; M. Antoine Herth, avec son avis budgétaire sur le commerce extérieur ; M. Guillaume Kasbarian et Mme Marie Lebec avec leur rapport sur la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) ; M. Éric Bothorel, avec son rapport intitulé « Pour une politique publique de la donnée » ; et tous ceux qui ont fait évoluer la loi et contribué au débat.

Nous disposons déjà de certains outils de défense. J'ai évoqué le procureur commercial et la révision des dispositifs Enforcement européens. D'autres sont en cours d'élaboration, comme l'instrument de réciprocité relatif aux marchés publics internationaux, l'IPI, qui concerne à la fois les marchés nationaux et locaux. Différents seuils ont été fixés pour déterminer les procédures d'appels d'offres qui seront sujettes à une mesure IPI : un seuil de 5 millions d'euros pour l'acquisition de biens et un seuil de 15 millions pour les travaux.

L'objectif est de forger un instrument efficace, qui ne puisse pas être contourné. Il peut vraiment être un levier d'ouverture des marchés publics ou de défense et de protection de nos propres marchés publics. Nous sommes très mobilisés sur cette question depuis quelques mois et nous voulons la voir aboutir en trilogue au cours de la présidence française.

La loi anti-coercition a pour but de mieux lutter contre les pratiques coercitives des pays tiers. J'ai évoqué le cas de la Lituanie, mais on pourrait aussi parler de l'Australie. Pour faire cesser ces pratiques, il nous faut un outil dissuasif qui nous permette de faire respecter, non seulement le droit international en matière de commerce, mais aussi le droit international public. La proposition de la Commission va dans le bon sens, et nous devons maintenant profiter de la présidence française pour parvenir à un consensus au sein du Conseil puis aboutir, dans le dialogue avec le Parlement, à un outil à la hauteur de nos attentes. Je pense vraiment que c'est l'un des outils majeurs pour l'avenir.

Nous attendons aussi avec impatience l'outil qui doit nous permettre de lutter contre les subventions qui viennent fausser les marchés publics et les fusions-acquisitions. C'est aussi l'une des priorités de la présidence française.

Parmi les instruments actuellement en discussion à Bruxelles, il faut aussi évoquer le règlement sur la déforestation. C'est une mesure miroir qui s'appliquera à tous les produits fabriqués au sein de l'Union européenne et aux produits importés – c'est la clé pour que cet instrument soit compatible avec les règles de l'OMC. Dans une logique de partenariat avec les pays tiers, ce règlement concernera, pour commencer, le soja, la viande bovine, l'huile de palme, le cacao, le café, ainsi que leurs produits dérivés. Il s'agit de demander aux entreprises de s'assurer, dans le cadre d'une diligence raisonnée, que leur chaîne de valeur ne favorise ni la déforestation, ni les pratiques à risque.

Ce règlement contient une obligation de traçabilité, avec les coordonnées géographiques des parcelles. L'idée est de classer les pays en fonction du degré de risque qu'ils présentent. Ce projet a déjà été examiné par le Conseil le 21 janvier. Des débats sont en cours sur la possibilité d'étendre la liste des produits concernés, ainsi que les zones couvertes. Des travaux ont également lieu au Parlement européen, au sein de la commission de l'environnement (ENVI), dont le rapporteur est M. Christophe Hansen. Voilà un outil qui sera très utile au sein de notre arsenal européen.

Pour améliorer les résultats de notre commerce extérieur, nous disposons de cinq leviers : la compétitivité, la réindustrialisation, la transition énergétique, l'affirmation d'une politique commerciale plus ferme, plus durable et plus ouverte et l'accompagnement des entreprises à l'international.

L'agroalimentaire est une priorité pour nous. Étant moi-même l'élu d'un territoire agricole, je sais à quel point ce secteur est important et contribue à notre commerce extérieur. Les résultats de 2021 sont vraiment satisfaisants : en valeur, nos exportations représentent 107 % de ce qu'elles étaient en 2019, et 103 % si l'on met de côté les vins et spiritueux. L'excédent commercial s'élève à 7,9 milliards d'euros dans la filière agroalimentaire : elle reste l'un des secteurs excédentaires.

Le Brexit a eu des conséquences sur nos échanges avec le Royaume-Uni et il est effectivement plus difficile de commercer avec ce pays. Notre excédent commercial est en baisse, puisqu'il ne représente plus que 7,6 milliards d'euros, contre 9,8 milliards en 2020, du fait notamment de l'accroissement des importations d'énergie depuis le Royaume-Uni, notamment de gaz. Or le prix du gaz augmente.

Dans notre politique d'aide publique au développement, nous avons déjà des standards RSE élevés. C'était d'ailleurs le cœur de la loi de programmation du 4 août 2021. Notre aide publique au développement a évidemment un rôle de diplomatie économique. Il faut que nous puissions accompagner les entreprises françaises et européennes qui ont des standards élevés en matière de RSE. Bercy organise justement, ce 9 février, une journée consacrée à notre politique de financement export, en lien avec les standards RSE. MM. Jean-Yves Le Drian, Bruno Le Maire, Mme Barbara Pompili et moi-même œuvrons à verdir et à rendre plus responsables nos financements export.

En ce qui concerne les semi-conducteurs, le commissaire européen Thierry Breton a annoncé la création d'un Chips Act européen. Des crédits de 50 milliards d'euros seront mobilisés, dont 12 milliards en recherche et développement.

S'agissant des biocarburants, la Commission européenne a pour objectif de porter leur part dans l'aéronautique à 20 %, contre 2 % aujourd'hui. Depuis juillet 2021, 200 millions d'euros d'investissements ont été réalisés dans notre pays en ce sens, notamment dans le cadre du quatrième plan d'investissements d'avenir (PIA4). Nous entendons maintenir la filière aéronautique à la pointe de l'innovation, notamment avec le développement de l'avion bas-carbone, auquel le plan France 2030 contribuera. Airbus jouera évidemment un rôle majeur en la matière.

J'ai souhaité que le conseil des ministres du commerce des 13 et 14 février se tienne à Marseille, en raison de l'histoire de la cité, de son ouverture vers l'Afrique et de son port, qui est le bras armé du commerce international français. À cette occasion, nous échangerons avec la directrice générale de l'OMC sur la réforme de cette organisation internationale et les négociations en cours ; nous préparerons le sommet entre l'Union africaine et l'Union européenne ; nous aborderons la nouvelle relation avec les États-Unis et les rapports avec la Chine, notamment sous l'angle de la coercition et des sanctions que cette dernière inflige à la Lituanie. Nous évoquerons également, avec M. Bernd Lange, président de la commission du commerce international du Parlement européen (INTA), l'actualité législative foisonnante, la politique commerciale, la défense de nos intérêts et le développement durable.

Les cosmétiques, qui englobent la chimie, les parfums et la cosmétique, sont un secteur clé pour notre économie. En 2021, les exportations étaient à 109 % de leur niveau de 2019, l'excédent dégagé étant de 15 milliards d'euros. Notre savoir-faire est reconnu à l'international. Un certain nombre de territoires, dont fait partie la Cosmetic Valley, détiennent une expertise incontournable. Nous souhaitons la promouvoir par une politique ambitieuse consistant à rassembler sous la marque France l'ensemble des marques. Nous menons une campagne de communication pour mobiliser tous les acteurs de la filière, en en appelant à leur esprit d'équipe pour jouer collectif à l'international. Nous travaillons avec eux pour que cette marque France soit consensuelle, reconnue par tous et représentative de la France dans sa diversité, y compris territoriale.

L'Afrique est pour nous une priorité. Il nous faut renouveler la relation avec ce continent, qui offre des opportunités en matière de commerce et d'investissement. En particulier, nous devons bâtir des partenariats gagnant-gagnant, notamment en l'intégrant dans notre réflexion sur l'autonomie stratégique de l'Europe et de la France dans le cadre de laquelle nous repensons les chaînes de valeur et d'approvisionnement. La stratégie consiste à relocaliser une partie des chaînes de valeur en France, pour pouvoir produire davantage dans notre pays et en Europe, mais aussi à en « co-localiser » une autre partie dans des pays qui ne se trouvent pas à l'autre bout du monde et qui sont plus résilients. Non seulement l'Afrique n'est qu'à 13 kilomètres de l'Europe par le détroit de Gibraltar, mais nous avons avec elle des intérêts partagés, une histoire, une culture et parfois une langue en commun. Ce que nous avons su faire avec la Tunisie dans le secteur de l'automobile et avec le Maroc dans l'aéronautique, nous pouvons le faire encore bien mieux dans d'autres secteurs. En même temps que nos chaînes de valeur gagneraient en résilience, de la valeur serait créée en Afrique – à l'instar de ce que nous sommes en train de faire avec la Côte d'Ivoire et le Sénégal concernant le cacao et la noix de cajou.

La contribution de la politique commerciale à l'autonomie stratégique de l'Union européenne fera l'objet d'une conférence qui se tiendra le 7 mars, en présence de Mme Margrethe Vestager. Vous y êtes évidemment la bienvenue, Madame Deprez-Audebert. Y seront abordés des points aussi importants que la sécurisation de nos chaînes de valeur et d'approvisionnement, la construction de chaînes de valeur partagée et la réduction de notre dépendance vis-à-vis de certaines zones ou de certains pays, tous sujets qui font écho à l'annonce de M. Thierry Breton sur les composants électroniques.

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