Intervention de Martine de Boisdeffre

Réunion du mardi 10 décembre 2019 à 19h05
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d'État :

Le président de la section du contentieux vous a indiqué ce que peut décider le juge lorsqu'il est saisi d'un recours contre le refus de l'administration de prendre un texte d'application d'une loi. Je dirai un mot, pour ma part, des procédures d'exécution des arrêts du Conseil d'État. Si une formation de jugement contentieuse a ordonné qu'un texte réglementaire soit pris, et que cette décision reste lettre morte, un requérant peut, conformément à la procédure simplifiée en vigueur depuis le 6 avril 2017, saisir la section du rapport et des études d'une demande d'exécution. En ce cas, nous commençons par nous rapprocher de l'administration pour voir ce qu'il se passe et user de persuasion, ce qui porte généralement ses fruits. Si tel n'est pas le cas, le président de la section du rapport et des études transmet le dossier au président de la section du contentieux, qui peut décider d'ouvrir une procédure d'astreinte d'office. Dans cette hypothèse, il peut enjoindre à nouveau l'administration d'appliquer la décision et prononcer une astreinte – applicable tant que le texte n'est pas pris. Le décret du 6 avril 2017 nous a conféré un nouveau pouvoir : la section du rapport et des études peut désormais se saisir d'office de ces cas d'inexécution ; elle n'a donc pas besoin d'être saisie par un requérant. C'est extrêmement utile car, lorsque le Conseil d'État rend une décision ordonnant l'adoption ou la modification d'un texte, ou l'abrogation de certaines de ses dispositions, le requérant se contente parfois d'avoir obtenu gain de cause : bien que cela puisse paraître surprenant, il ne va pas automatiquement vérifier que la décision est exécutée. En pareil cas, nous pouvons dorénavant nous autosaisir, ce que nous avons fait à une dizaine de reprises en deux ans et demi – ce n'est pas négligeable.

Nous nous sommes heurtés à une réelle difficulté concernant un texte d'application relatif au reste à charge pour les personnes handicapées. Le décret n'avait pas été pris car, du fait de sa rédaction, un article de loi était impraticable. Afin d'y remédier, une proposition de loi a ensuite été élaborée par l'Assemblée nationale, qui est en cours d'examen par le Sénat. Il faut donc s'attacher à ce que les décisions contentieuses comme les textes soient praticables.

En vertu de la circulaire du 5 juin 2019 du Premier ministre relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, les projets de loi doivent être accompagnés de cinq indicateurs – au moins – portant sur les objectifs majeurs et intégrés à l'étude d'impact. Ces indicateurs et leurs modalités d'élaboration doivent être décrits lors de la présentation du projet de loi en conseil des ministres. La première application de cette procédure a concerné le projet de loi sur l'audiovisuel, au sujet duquel nous avons rendu un avis public le 27 novembre dernier, dont je vous lis un extrait : « Le Conseil d'État prend note avec intérêt de l'insertion dans l'étude d'impact de sept indicateurs d'impact destinés à mesurer l'atteinte des objectifs de la loi. Il approuve cette nouvelle orientation qui doit faciliter l'évaluation de la mise en œuvre des textes législatifs. » Notre étude annuelle, que nous venons de commencer, porte d'ailleurs sur l'évaluation. Par ailleurs, nous nous sommes permis de formuler quelques recommandations très prudentes. Nous préconisons d'abord de « veiller à ce que les indicateurs choisis correspondent aux objectifs majeurs du texte » ; s'ils portaient sur des dispositions résiduelles, cela biaiserait évidemment l'évaluation et amoindrirait sa rigueur. Nous suggérons par ailleurs que « leur méthode de construction, leur périodicité et leur mode de diffusion soient bien précisés », car ce sont des prolégomènes d'une bonne évaluation, pour tous les acteurs concernés. Enfin, en cohérence avec ce que nous disons depuis un certain temps – je pense en particulier à notre étude de 2016 sur la simplification et la qualité du droit – nous recommandons de choisir une formulation des indicateurs « aussi lisible et compréhensible que possible ».

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