Intervention de Frédéric Descrozaille

Réunion du mardi 10 décembre 2019 à 19h05
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Descrozaille :

Je tiens à vous dire, en préambule, que j'ai beaucoup travaillé, au cours de ma carrière, pour le secteur agricole, et que j'en ai retiré une grande admiration pour le Conseil d'État.

Je voudrais revenir sur la fabrique de la loi et la responsabilité des différents acteurs en partant d'un exemple. Je vais demander pardon à mes collègues : j'évoque toujours le même problème parce que je le connais bien et qu'il n'est pas réglé. Il s'agit de l'application du droit de la concurrence au secteur agricole, question que le Conseil d'État maîtrise, je le sais d'expérience, à la différence de toutes les autres juridictions ou presque – on l'a vu à propos des interprofessions dans le cadre du droit communautaire. L'exécution de la volonté du législateur se heurte à plusieurs difficultés.

Le titre Ier de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, vise à bâtir des indicateurs qui n'imposent pas des contraintes mais permettent d'avoir des discussions sur les prix et les volumes entre acteurs concurrents, ce que n'autorise pas une partie de l'administration. Je pourrais citer des noms : j'ai rencontré des hauts fonctionnaires qui ne contestent pas que les objectifs de la politique agricole commune (PAC) prévalent sur l'application du droit de la concurrence, mais qui disent ne pas savoir quelle interprétation il faut retenir – ils laissent faire tant qu'il n'y a pas d'impact sur le marché. Cela concerne notamment l'Autorité de la concurrence : j'en viens à me demander, en tant que député, s'il ne faudrait pas retirer l'agriculture de son champ de compétence. Il y a une contradiction interne : une partie des acteurs appliquent le droit de la concurrence, mais pas les autres – notamment du côté de la rue de Varenne. On peut adopter toutes les lois possibles – qu'elles fassent un paragraphe ou quinze voire soixante pages – mais on va continuer à tourner dans le vide. Je me demande, au risque de dire une hérésie, si le Conseil d'État ne pourrait pas nous aider en amont. Il devait veiller, historiquement, à la bonne expression de la volonté du législateur : il n'était pas seulement là pour arbitrer a posteriori, en cas de contradictions juridiques internes.

Il y a aussi la question du lien entre les sociétés coopératives et leurs associés coopérateurs. Une partie de l'administration – toujours la même – a tendance à nier la spécificité de ce secteur : elle considère qu'il y a une vente et un prix, alors que ce sont des notions impropres en l'absence de transaction – il n'existe même pas de transfert de propriété. La notion de prix abusivement bas, que nous avons adoptée, ne s'applique pas dans ce contexte. Or la question n'est toujours pas réglée. Certaines coopératives qui doivent préparer des assemblées générales se trouvent dans une véritable impasse. De quelle manière le Parlement pourrait-il s'appuyer sur les compétences du Conseil d'État au stade de la fabrique de la loi afin d'éviter que l'on perde du temps par la suite ?

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