Intervention de Jean-Noël Barrot

Réunion du mardi 21 juillet 2020 à 17h10
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot, rapporteur :

Madame la présidente, mes chers collègues, je veux à mon tour avoir une pensée pour Claude Goasguen, avec lequel nous avons eu le privilège de commencer ces travaux, et exprimer ma reconnaissance à l'égard des administrateurs, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour assembler ce rapport.

Celui-ci est très novateur, le sujet de la concrétisation des lois n'ayant jusqu'alors pas été exploré au degré de détail où nous l'avons fait. Je veux également dire que j'ai été satisfait de retrouver, dans le récent discours de politique générale du Premier ministre, l'expression d'une volonté qui rejoint assez largement certains des objectifs de cette mission, à savoir une attention particulière accordée à l'exécution, c'est-à-dire à la concrétisation des lois. Il faudra que nous puissions porter à la connaissance du Gouvernement, notamment de ceux de ses membres qui auront pour mission de mettre en œuvre cette concrétisation des lois – je pense en particulier à la ministre de la transformation et de la fonction publiques – les propositions que je vais maintenant vous exposer.

Certaines de nos propositions sont relatives à l'organisation et aux missions du Parlement tandis que d'autres ont un caractère opérationnel. La concrétisation sur le terrain d'un texte législatif repose tout d'abord sur une anticipation suffisante de ses potentielles difficultés d'application, c'est pourquoi certaines propositions du rapport visent à améliorer la qualité des études d'impact des lois et des décrets. Le rapport préconise aussi la publication d'une étude d'impact actualisée après le vote du texte de loi.

La concrétisation d'une loi repose ensuite sur la bonne connaissance et la juste compréhension qu'en ont les parties prenantes. Tous les parlementaires, et pas seulement les rapporteurs du texte de la loi, ont un rôle pédagogique à jouer pour présenter et expliquer les lois votées, dans leur circonscription et auprès des élus locaux. La connaissance et la compréhension qu'ont de la réforme les agents publics chargés de la mettre en œuvre sont cruciales, comme cela est apparu à de nombreuses reprises lors des auditions. Le rapport se fonde sur les résultats de la consultation nationale des agents publics « Simplifions ensemble » qui s'est tenue l'an dernier pour formuler des préconisations. La mise en place de référents locaux de terrain afin de traiter les dysfonctionnements identifiés par les agents sur le territoire semble être une piste particulièrement intéressante pour améliorer la mise en œuvre des lois.

La plupart des propositions du rapport visent à repenser le rôle des parlementaires. Il ne s'agit pas de revenir sur le principe de séparation des pouvoirs en faisant des parlementaires des superviseurs de l'administration, mais de les doter de pouvoirs suffisants pour qu'ils puissent, notamment en lien avec les préfets, faire remonter les difficultés d'application des lois, en comprendre les causes et y remédier. Il est tout d'abord essentiel de renforcer le suivi par le Parlement des mesures d'application. Sur ce point, le rapport préconise de permettre au Parlement d'interpeller le Gouvernement sur les mesures réglementaires d'application des lois. S'inspirant de ce qui est aujourd'hui mis en place au Sénat, le rapport propose qu'ait lieu tous les ans une réunion entre les présidents de commissions de l'Assemblée nationale et le secrétaire général du Gouvernement, et qu'une séance par session soit réservée aux questions liées à l'application des lois, en présence de l'ensemble des ministres de plein exercice.

D'autres propositions visent à renforcer les liens entre le Conseil national d'évaluation des normes et les assemblées parlementaires. Les rapporteurs d'application gagneraient à participer pleinement aux réunions du CNEN et M. Alain Lambert, le président du Conseil, a d'ailleurs exprimé très clairement son souhait de travailler en étroite collaboration avec le Parlement.

Au-delà du suivi des mesures d'application, il faut faire du parlementaire un maillon essentiel de la chaîne de remontée d'informations. Aujourd'hui, les destinataires des lois qui veulent signaler des difficultés d'application contactent presque exclusivement les administrations, ce qui est dommage, d'autant plus qu'ils n'obtiennent pas toujours de réponse… Le rapport propose donc de mettre en place une plateforme de remontée d'informations, lesquelles seraient ensuite traitées par les services de l'Assemblée. Cette plateforme pourrait se composer de deux modules. Le premier permettrait à chacun – citoyen, élu local, entreprise ou association – de signaler une difficulté d'application sur le terrain ; le second serait à la disposition des seuls parlementaires pour leur permettre de faire remonter les difficultés d'application constatées sur le terrain, à l'aide d'un formulaire adapté.

Cette plateforme constituerait donc une réelle avancée. Néanmoins, pour que le rôle du Parlement dans l'évaluation in itinere évoqué par Laurent Saint-Martin ne reste pas lettre morte, la dernière partie du rapport propose d'aller plus loin et d'élargir la palette d'outils de contrôle à la disposition des parlementaires. Le rapport formule différentes propositions alternatives en fonction du vecteur normatif choisi – lois ordinaires ou textes visant à modifier la Constitution – pour étendre le pouvoir de contrôle sur pièces et sur place à davantage de parlementaires. Vous l'avez compris, les propositions sont nombreuses – il y en a trente-quatre – et variées, nous espérons qu'elles seront également consensuelles.

J'ajoute que ces propositions doivent s'entendre comme étant complémentaires. Ainsi, on voit aisément comment la plateforme de remontée d'informations peut se combiner avec la proposition précédente si les présidents de commissions reçoivent des notifications de la part de parlementaires ayant détecté des difficultés d'application : lors de la réunion annuelle avec le secrétaire général du Gouvernement, ces présidents de commissions pourraient faire état des difficultés identifiées par les parlementaires dans leurs circonscriptions.

La valeur ajoutée de ce rapport tient aussi au fait qu'il propose un guide méthodologique, c'est-à-dire un outil dont chaque parlementaire peut se saisir pour vérifier la bonne concrétisation d'une loi dans un territoire donné. Ce guide, illustré par de nombreux schémas, se veut le plus clair et opérationnel possible. Il constitue une bonne base et pourra utilement être complété et enrichi grâce aux travaux de contrôle qui sont d'ores et déjà menés par plusieurs membres de la mission.

En effet, au mois de juin a débuté un temps plus opérationnel qui nous conduira à confronter nos recommandations aux réalités des territoires. Les six objets législatifs suivants ont été choisis : « Développer la participation et l'intéressement », « Déployer le droit à l'erreur dans l'administration », « Déployer les emplois francs », « Soutenir les petites associations », « Déployer l'action en cœur de ville » et « Mettre en œuvre la procédure pénale numérique ».

L'idéal serait que le second rapport de la mission, présentant les résultats de ces travaux en petits groupes, puisse être finalisé et voté avant la fin de l'année.

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