La séance est ouverte à 17 heures 10
Présidence de Mme Cécile Untermaier, présidente
La mission d'information examine le projet de rapport d'étape.
Mes chers collègues, notre mission d'information se réunit aujourd'hui pour procéder à l'examen du projet de rapport d'étape et au vote sur sa publication. Nous devions initialement le faire début mars, mais nous en avons été empêchés en raison de l'actualité. La pandémie et les mesures de confinement, puis l'ordre du jour chargé de la reprise nous ont contraints à repousser une seconde fois notre réunion.
Comme vous le savez, l'un de nos rapporteurs, Claude Goasguen, a été frappé par le covid et y a finalement succombé. Je voulais lui rendre hommage et avoir une pensée pour sa famille à l'occasion de l'examen de ce rapport.
Avant de donner la parole à nos rapporteurs Laurent Saint-Martin et Jean-Noël Barrot pour une présentation – qui pourra être synthétique, puisque vous êtes déjà tous en possession du projet intégral depuis le mois de mars – je veux nous féliciter collectivement pour le travail accompli depuis octobre dernier, et remercier l'administration pour l'aide précieuse qu'elle nous a apportée.
Nous avons organisé une vingtaine d'auditions et de tables rondes, ce qui nous a permis d'entendre une cinquantaine de personnes d'horizons variés, représentatifs de la pluralité des intervenants dans le processus de mise en œuvre de la loi sur le terrain. Un nombre important d'entre vous a participé à ces travaux, qui nous ont permis d'aborder des sujets très divers et de partager nos expériences. Le rapport d'étape méthodologique me semble très bien rendre compte de la richesse des échanges et comporte des propositions intéressantes.
L'affluence des députés a toujours été satisfaisante au cours des différentes réunions – c'est peut-être un peu moins vrai aujourd'hui – et je me félicite que les membres de cette mission d'information aient manifesté beaucoup d'intérêt et d'enthousiasme dans leurs interventions, notamment quand il s'est agi d'interroger le secrétaire général du Gouvernement.
Les six groupes de députés constitués pour assurer le suivi de la concrétisation de certaines dispositions législatives votées depuis le début de la législature ont commencé à travailler, et un autre rapport rendra compte de leurs travaux cet automne. L'un de ces groupes de travail porte sur le droit à l'erreur, et j'espère qu'il ira assez loin pour formuler des propositions visant à remédier aux problèmes rencontrés par les agriculteurs quand ils se trompent lors de l'élaboration et de la restitution d'un dossier visant à obtenir des aides dans le cadre de la politique agricole commune (PAC).
J'estime que nous devrions adopter une approche plus réactive au regard de l'actualité : à défaut, nos propositions risquent assez rapidement de ne plus être en phase avec la réalité. Nous devons donc adopter une démarche proche de l'immédiateté, et nous sentir libres de faire part de notre étonnement, en nous appuyant pour cela sur une administration qui est là pour nous entendre et qui doit savoir que les parlementaires existent.
Messieurs les rapporteurs, vous avez la parole.
Madame la présidente, mes chers collègues, je commencerai moi aussi par rendre hommage à notre collègue Claude Goasguen, qui nous a quittés en mai dernier. Co-rapporteur de la mission d'information, il était aussi et surtout une haute figure de la politique française.
La conférence des présidents a décidé le 16 juillet 2019 de créer une mission d'information relative à la concrétisation des lois, laquelle, composée de députés issus de tous les groupes politiques, comme nous le souhaitions, a commencé ses travaux en octobre dernier. Nous voulions d'ores et déjà vous remercier, chers collègues, pour votre participation active aux auditions et aux réflexions de la mission. Je rejoins les propos de la présidente sur ce point : nous pouvons nous féliciter d'une assiduité globalement satisfaisante lors des auditions que nous avons effectuées, qui se sont révélées très instructives.
Les propositions contenues dans ce rapport, que Jean-Noël Barrot et moi-même allons détailler dans quelques instants, n'en sont que plus fortes et plus consensuelles. Pour résumer l'enjeu auquel la mission d'information a entendu répondre, je citerai une phrase de Richelieu, que vous retrouvez d'ailleurs dans l'introduction du rapport et qui me semble particulièrement éloquente : « faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose que l'on veut défendre » – que l'on veut interdire, dirait-on aujourd'hui.
C'est pourquoi nos travaux se sont fondés sur un constat assez simple : alors que de nombreux efforts sont entrepris depuis des années par les institutions et par les responsables publics pour améliorer la mise en œuvre des lois sur le terrain, nos concitoyens sont nombreux à ressentir, et de façon croissante, une déconnexion, pour ne pas dire un découplage, entre les réformes annoncées, les lois votées, et leur ressenti au quotidien.
Ils ont souvent le sentiment que les textes votés ne se traduisent pas toujours en actes, que ce processus est trop long ou n'est pas à la hauteur des enjeux réels ; ils ont le sentiment de ne pas toujours être entendus, et ce sentiment paraît au premier abord contraire aux progrès accomplis tant par l'exécutif que par le Parlement en matière d'application et d'évaluation des lois.
L'application stricto sensu des lois a connu ces dernières années une amélioration, si bien que, depuis le début de la présente législature, 95 % des décrets attendus pour l'application des dispositions législatives ont effectivement été pris dans un délai raisonnable – ce chiffre, cité par le secrétaire général du Gouvernement, a été vérifié. Ce taux n'avait jamais été aussi élevé, ce qui montre qu'on peut progresser d'un point de vue technique, sans que cela se traduise par une amélioration du ressenti sur le terrain.
L'évaluation des lois progresse également, notamment depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. En amont du débat parlementaire sur un projet de loi – c'est-à-dire ex ante –, les études d'impact préalables comprennent désormais au moins cinq indicateurs d'impact pertinents, qui permettent d'objectiver les résultats attendus d'une réforme. Une fois la mesure mise en œuvre – c'est-à-dire ex post –, des démarches innovantes d'évaluation ont été mises en place : je pense à la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'évaluation de la loi du 6 août 2015, dite « Macron », au comité d'évaluation de la loi du 22 mai 2019, dite « PACTE », piloté par les services du Premier ministre, ou encore au comité présidé par Benoît Cœuré, chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19, prises dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Si ces deux aspects – évaluation de l'impact ex ante et estimation des effets réels ex post – ont été abordés par de nombreux travaux, ce n'est pas le cas de la phase intermédiaire, lorsque le texte prend corps dans les territoires. La concrétisation de la loi dans le quotidien des citoyens est au cœur du sujet qui nous occupe. Ses formes et ses canaux sont aussi variés que complexes.
Le Gouvernement s'est saisi de cette question à travers le suivi d'« objets de la vie quotidienne » (OVQ), la mise en place dans les ministères d'un conseiller spécifiquement chargé du suivi des réformes, ou encore la création, à l'occasion du récent remaniement ministériel, d'un ministère dédié à la transformation publique, confié à Amélie de Montchalin. Notre mission d'information témoigne de la volonté du Parlement de trouver des solutions à la hauteur des enjeux.
Mais pour reprendre la formule d'un grand auteur classique, je dirai, mes chers collègues, que notre mal vient de plus loin… Le renforcement du non-cumul des mandats intervenu en 2014, nécessaire par beaucoup d'aspects, a cependant contribué à distendre le lien qui unit les parlementaires et les citoyens. Les premiers sont moins impliqués dans la vie des territoires et dépendent désormais de « remontées » du terrain pour identifier d'éventuelles difficultés. Les seconds ont le sentiment que le Parlement leur est devenu inaccessible. Il en résulte un affaiblissement du principe même de représentation.
C'est donc, au fond, le rôle des parlementaires dans les territoires qu'il nous faut repenser dans le cadre de cette mission, et le problème se pose avec une plus grande acuité pour les députés que pour les sénateurs. Notre objectif est d'imaginer les conditions d'une nouvelle dualité de fonctions du député, à la fois législateur et contrôleur de la concrétisation des lois.
À la gravité des enjeux posés, notre mission d'information répond par une démarche innovante. Nous avons mené jusqu'à présent des travaux prospectifs. Dix-huit réunions ont été consacrées à l'audition d'acteurs divers : services ministériels, membres du Sénat, du Conseil d'État, du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), représentants des collectivités territoriales, des consommateurs et des entreprises, professionnels du droit, universitaires ou chercheurs… Nous avons interrogé l'ensemble du spectre des acteurs participant, de près ou de loin, à la concrétisation des lois. Nous avons également pu, grâce au Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP), collecter des informations sur les bonnes pratiques mises en place à l'étranger.
Ces travaux ont abouti à l'élaboration d'une méthode, d'un guide de l'évaluation in itinere des lois, que vous trouverez en troisième partie du rapport, et qui doit servir à mettre en application cette fameuse deuxième fonction du député, consistant à veiller à l'application des lois sur le terrain.
L'originalité de la mission tient à ce qu'au-delà du premier rapport, fruit d'un travail assez classique, la méthode de contrôle de la concrétisation des lois que nous proposons sera directement éprouvée sur le terrain par les membres de la mission qui, répartis en groupes de travail thématiques, l'utiliseront au cours des prochains mois pour évaluer l'application dans leurs circonscriptions de plusieurs objets législatifs.
Comme vous le voyez, tout en restant modestes sur l'outil que nous avons créé, nous pouvons être fiers d'avoir proposé quelque chose de très concret pour permettre aux députés d'aller vérifier la bonne application des lois et d'effectuer ces allers-retours permanents entre le Parlement et le terrain, entre la circonscription et le lieu où nous faisons la loi et où nous l'évaluons. Cependant, tout cela sera vain si la seconde phase n'est pas correctement prise en main par nous-mêmes, c'est-à-dire si nous n'allons pas vérifier sur chaque territoire, objet législatif à l'appui, le ressenti de nos concitoyens et pourquoi, trop souvent encore, les lois que nous votons sont mal comprises par nos concitoyens.
Avant de conclure, je tiens également à remercier les administrateurs pour leur formidable travail, effectué parfois dans des délais assez contraints et dans un contexte un peu compliqué. Grâce à eux, nous avons pu, comme nous le souhaitions, remettre ce rapport avant la coupure estivale afin que, dès l'automne, nous ayons le réflexe d'aller sur le terrain pour y vérifier la concrétisation de nos lois.
Madame la présidente, mes chers collègues, je veux à mon tour avoir une pensée pour Claude Goasguen, avec lequel nous avons eu le privilège de commencer ces travaux, et exprimer ma reconnaissance à l'égard des administrateurs, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour assembler ce rapport.
Celui-ci est très novateur, le sujet de la concrétisation des lois n'ayant jusqu'alors pas été exploré au degré de détail où nous l'avons fait. Je veux également dire que j'ai été satisfait de retrouver, dans le récent discours de politique générale du Premier ministre, l'expression d'une volonté qui rejoint assez largement certains des objectifs de cette mission, à savoir une attention particulière accordée à l'exécution, c'est-à-dire à la concrétisation des lois. Il faudra que nous puissions porter à la connaissance du Gouvernement, notamment de ceux de ses membres qui auront pour mission de mettre en œuvre cette concrétisation des lois – je pense en particulier à la ministre de la transformation et de la fonction publiques – les propositions que je vais maintenant vous exposer.
Certaines de nos propositions sont relatives à l'organisation et aux missions du Parlement tandis que d'autres ont un caractère opérationnel. La concrétisation sur le terrain d'un texte législatif repose tout d'abord sur une anticipation suffisante de ses potentielles difficultés d'application, c'est pourquoi certaines propositions du rapport visent à améliorer la qualité des études d'impact des lois et des décrets. Le rapport préconise aussi la publication d'une étude d'impact actualisée après le vote du texte de loi.
La concrétisation d'une loi repose ensuite sur la bonne connaissance et la juste compréhension qu'en ont les parties prenantes. Tous les parlementaires, et pas seulement les rapporteurs du texte de la loi, ont un rôle pédagogique à jouer pour présenter et expliquer les lois votées, dans leur circonscription et auprès des élus locaux. La connaissance et la compréhension qu'ont de la réforme les agents publics chargés de la mettre en œuvre sont cruciales, comme cela est apparu à de nombreuses reprises lors des auditions. Le rapport se fonde sur les résultats de la consultation nationale des agents publics « Simplifions ensemble » qui s'est tenue l'an dernier pour formuler des préconisations. La mise en place de référents locaux de terrain afin de traiter les dysfonctionnements identifiés par les agents sur le territoire semble être une piste particulièrement intéressante pour améliorer la mise en œuvre des lois.
La plupart des propositions du rapport visent à repenser le rôle des parlementaires. Il ne s'agit pas de revenir sur le principe de séparation des pouvoirs en faisant des parlementaires des superviseurs de l'administration, mais de les doter de pouvoirs suffisants pour qu'ils puissent, notamment en lien avec les préfets, faire remonter les difficultés d'application des lois, en comprendre les causes et y remédier. Il est tout d'abord essentiel de renforcer le suivi par le Parlement des mesures d'application. Sur ce point, le rapport préconise de permettre au Parlement d'interpeller le Gouvernement sur les mesures réglementaires d'application des lois. S'inspirant de ce qui est aujourd'hui mis en place au Sénat, le rapport propose qu'ait lieu tous les ans une réunion entre les présidents de commissions de l'Assemblée nationale et le secrétaire général du Gouvernement, et qu'une séance par session soit réservée aux questions liées à l'application des lois, en présence de l'ensemble des ministres de plein exercice.
D'autres propositions visent à renforcer les liens entre le Conseil national d'évaluation des normes et les assemblées parlementaires. Les rapporteurs d'application gagneraient à participer pleinement aux réunions du CNEN et M. Alain Lambert, le président du Conseil, a d'ailleurs exprimé très clairement son souhait de travailler en étroite collaboration avec le Parlement.
Au-delà du suivi des mesures d'application, il faut faire du parlementaire un maillon essentiel de la chaîne de remontée d'informations. Aujourd'hui, les destinataires des lois qui veulent signaler des difficultés d'application contactent presque exclusivement les administrations, ce qui est dommage, d'autant plus qu'ils n'obtiennent pas toujours de réponse… Le rapport propose donc de mettre en place une plateforme de remontée d'informations, lesquelles seraient ensuite traitées par les services de l'Assemblée. Cette plateforme pourrait se composer de deux modules. Le premier permettrait à chacun – citoyen, élu local, entreprise ou association – de signaler une difficulté d'application sur le terrain ; le second serait à la disposition des seuls parlementaires pour leur permettre de faire remonter les difficultés d'application constatées sur le terrain, à l'aide d'un formulaire adapté.
Cette plateforme constituerait donc une réelle avancée. Néanmoins, pour que le rôle du Parlement dans l'évaluation in itinere évoqué par Laurent Saint-Martin ne reste pas lettre morte, la dernière partie du rapport propose d'aller plus loin et d'élargir la palette d'outils de contrôle à la disposition des parlementaires. Le rapport formule différentes propositions alternatives en fonction du vecteur normatif choisi – lois ordinaires ou textes visant à modifier la Constitution – pour étendre le pouvoir de contrôle sur pièces et sur place à davantage de parlementaires. Vous l'avez compris, les propositions sont nombreuses – il y en a trente-quatre – et variées, nous espérons qu'elles seront également consensuelles.
J'ajoute que ces propositions doivent s'entendre comme étant complémentaires. Ainsi, on voit aisément comment la plateforme de remontée d'informations peut se combiner avec la proposition précédente si les présidents de commissions reçoivent des notifications de la part de parlementaires ayant détecté des difficultés d'application : lors de la réunion annuelle avec le secrétaire général du Gouvernement, ces présidents de commissions pourraient faire état des difficultés identifiées par les parlementaires dans leurs circonscriptions.
La valeur ajoutée de ce rapport tient aussi au fait qu'il propose un guide méthodologique, c'est-à-dire un outil dont chaque parlementaire peut se saisir pour vérifier la bonne concrétisation d'une loi dans un territoire donné. Ce guide, illustré par de nombreux schémas, se veut le plus clair et opérationnel possible. Il constitue une bonne base et pourra utilement être complété et enrichi grâce aux travaux de contrôle qui sont d'ores et déjà menés par plusieurs membres de la mission.
En effet, au mois de juin a débuté un temps plus opérationnel qui nous conduira à confronter nos recommandations aux réalités des territoires. Les six objets législatifs suivants ont été choisis : « Développer la participation et l'intéressement », « Déployer le droit à l'erreur dans l'administration », « Déployer les emplois francs », « Soutenir les petites associations », « Déployer l'action en cœur de ville » et « Mettre en œuvre la procédure pénale numérique ».
L'idéal serait que le second rapport de la mission, présentant les résultats de ces travaux en petits groupes, puisse être finalisé et voté avant la fin de l'année.
Nous vous remercions tous deux pour votre travail et pour l'avancée institutionnelle que comporte ce texte. Le cumul des mandats pose problème, et il n'est pas rare que des parlementaires choisissent finalement de se consacrer à un mandat local, sans doute parce que le travail du parlementaire n'est pas à la hauteur de ce qu'il devrait être. Or, ce travail est fondamental, tant à l'Assemblée qu'au niveau local. Quand les élus locaux auront compris qu'ils doivent absolument travailler avec les parlementaires en amont et en aval d'une loi, nous aurons accompli un grand progrès, et nous ne pouvons qu'espérer que cette mission nous aide à avancer dans cette direction.
J'ai également une pensée pour Claude Goasguen, et je remercie les administrateurs pour l'aide qu'ils nous ont apportée. Je constate avec enthousiasme que les choses progressent dans le domaine de la concrétisation de la loi et, tout en étant conscient du fait que ce n'est pas le moment d'en débattre, je souhaite faire une suggestion, dont j'ai déjà parlé de manière informelle à certains de nos collègues. Au cours de plusieurs auditions – je pense en particulier au contact privilégié que nous avons pu avoir avec le président du Conseil national d'évaluation des normes, avec lequel nous étions en phase sur le thème de la fabrique de la loi – est apparue la nécessité de modifier ce que j'appellerai une « culture juridique » de notre appareil d'État, reposant en grande partie sur l'idée d'un contrôle de la conformité légale, donc sur une espèce de défiance a priori entre le centre et la périphérie, entre le Parlement, l'exécutif – c'est-à-dire l'État – et les collectivités.
À mon sens, nous devrions nous efforcer de limiter l'inflation de précisions réglementaires et d'amendements sur les textes de loi que nous adoptons. En effet, si nous sommes plus efficaces en matière de contrôle et de concrétisation, il est permis d'espérer que cela se traduise par un Parlement qui légifère un peu moins mais mieux. Je suis donc favorable à ce que nous saisissions la main tendue par le président du CNEN et constituions un groupe de travail qui nous permettrait peut-être d'avancer plus vite que nous ne pouvons le faire dans le cadre de cette mission. Ce groupe de travail, qui comprendrait des juristes – avec lesquels le président du CNEN pourrait nous mettre en relation – et travaillerait sur la légistique, pourrait être un outil efficace pour faire évoluer la culture juridique de la production des lois. En tout état de cause, je pense qu'il serait intéressant de voir si un tel groupe ne pourrait pas nous permettre d'enrichir ce premier rapport, déjà bien fourni, de quelques propositions complémentaires.
Je remercie nos rapporteurs pour leur travail. Si l'on s'interroge actuellement sur la limitation du cumul des mandats et si certains députés estiment que leurs fonctions ne sont peut-être pas aussi concrètes et opérationnelles qu'elles devraient l'être, je dois dire que ce n'est pas mon cas. Depuis le début de mon mandat, je m'intéresse à la question du droit à l'erreur, où l'aspect concret de notre mandat me paraît justement trouver tout son sens. Après le travail ex ante déjà effectué, nous devons maintenant nous rendre sur les territoires, au plus près des citoyens pour lesquelles nous votons les lois, afin de vérifier si ce que nous avons voté est mis en oeuvre conformément à l'esprit dans lequel nous l'avons voté. À mon sens, c'est par une telle démarche que nous pourrons retrouver le sens profond de notre engagement en tant que députés, c'est pourquoi j'espère que les propositions de votre rapport feront leur chemin et permettront de faire avancer les choses.
Le non-cumul est un outil extrêmement efficace pour la résolution des conflits d'intérêts. Nous ne devons jamais perdre de vue que nous sommes des législateurs, et non les représentants de telle ou telle collectivité. Pour ma part, je suis donc extrêmement attachée à ce principe qui n'a pas été facile à faire accepter.
Notre collègue Frédéric Descrozaille a évoqué un point important, qui constitue l'un des gros chantiers que les parlementaires doivent encore mener à bien : je veux parler de la nécessité de voter des lois moins bavardes, qui s'impose comme l'une des conclusions de nos travaux et implique une confiance réciproque entre le Parlement et l'administration. Pour que les lois s'appliquent de façon satisfaisante, elles doivent être facilement applicables, ce qui n'est pas toujours le cas, il faut bien le reconnaître. La démarche consistant à écrire des lois moins bavardes et à faire confiance à ceux qui sont chargés de les mettre en application ne se fera pas en un jour, car c'est effectivement toute une culture de nos rapports avec l'administration qu'il faut modifier – et sur ce point, je suis moi aussi convaincu que, du fait de son expérience et des idées qu'il en a tirées, Alain Lambert peut apporter beaucoup de choses à nos travaux.
Je suis d'accord avec vous, madame la présidente, pour considérer qu'il ne faut pas revenir au cumul des mandats et que le législateur de demain doit rester un législateur qui fait des lois moins bavardes et veille ensuite à leur application sur le terrain : nous devons garder en tête ce triple objectif qui doit constituer pour nous un idéal. À défaut, nous risquons de nous retrouver piégés en permanence, même en essayant de mieux appliquer les lois, parce qu'elles sont souvent trop complexes dès leur sortie de l'Assemblée nationale.
Je souscris à ce qui vient d'être dit et je trouve très intéressante l'idée que l'on puisse poursuivre le travail au-delà de cette mission d'information avec le CNEN. Si je considère que le retour du cumul des mandats n'est pas la bonne solution, j'estime également que le statut des parlementaires n'est pas satisfaisant à l'heure actuelle, et qu'il est même soumis à une lente érosion qu'il convient de stopper le plus le plus tôt possible. À cet égard, la voie que nous offre, à règles institutionnelles constantes, le contrôle de l'application – toutes nos propositions ne nécessitent pas de changement constitutionnel – permettrait sans doute de freiner cette érosion, voire d'inverser son processus.
Même si toutes nos propositions ne nécessitent pas de changement constitutionnel, il faudra tout de même que l'exécutif regarde avec bienveillance l'ensemble de nos propositions, notamment celles impliquant un nouveau rôle des parlementaires. Compte tenu des intentions du Gouvernement, on peut espérer que notre volonté d'impliquer les parlementaires dans une meilleure exécution sera bien accueillie.
Je vous remercie pour vos propos sages et constructifs. Vous venez de nous présenter un rapport d'excellence, qui doit être promu, connu et partagé si l'on veut que la culture qu'il entend défendre soit diffusée. Nous pourrions envisager d'effectuer une restitution de nos travaux dans le cadre d'un colloque sur le statut du parlementaire. Ce qui nous rassemble ici, c'est avant tout notre attachement au Parlement, en particulier aux députés, et notre réflexion doit absolument se poursuivre car, à défaut, je crains qu'il n'y ait personne d'autre pour le faire.
La création d'un ministère de la transformation publique répond à une demande que nombre d'entre nous avaient formulée de longue date, et nous devons donc nous féliciter qu'il y soit aujourd'hui fait droit. Nous avons l'intention de présenter notre rapport à la ministre Amélie de Montchalin avant la suspension des travaux du Parlement. Il est en effet important qu'elle se saisisse de nos propositions afin que nous puissions travailler ensemble le plus rapidement possible. Nous avons une vingtaine de mois devant nous et cela peut suffire pour faire des choses intéressantes et innovantes. En tout état de cause, il serait dommage de ne pas le faire alors qu'il existe désormais un ministère consacré à l'efficacité de l'action publique. Amélie de Montchalin a expliqué très clairement ce matin sur France Inter qu'elle était la ministre de l'action et des résultats, et une telle conception correspond parfaitement au sens des travaux que nous voulons promouvoir au Parlement – je précise que nous avons également prévu de faire une présentation de notre rapport au ministre des relations avec le Parlement.
La ministre de la transformation et de la fonction publique m'a envoyé un petit mot où elle exprime le souhait de collaborer avec notre mission durant ce qui va constituer le dernier kilomètre de nos travaux. Peut-être aurons-nous donc l'occasion de l'auditionner.
La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'étape, autorisant ainsi sa publication conformément aux dispositions de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale.
La séance est levée à 17 heures 45
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Noël Barrot, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Frédéric Descrozaille, M. Régis Juanico, M. Laurent Saint-Martin, Mme Cécile Untermaier, Mme Alexandra Valetta Ardisson, Mme Corinne Vignon.