Intervention de Sylvain Waserman

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 14h40
Groupe de travail chargé d'anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Waserman, président :

Je souhaiterais que nous discutions du « document martyr » qui a été soumis à votre appréciation.

S'agissant de la gouvernance en cas de crise, nous avons identifié deux options. Soit nous imaginons une espèce d'« état d'urgence parlementaire », en élaborant un corpus réglementaire ad hoc, soit nous nous reposons sur les instances de décision existantes – Conférence des présidents, Bureau – en leur offrant la possibilité de recourir à des outils particuliers en cas de force majeure. La première option soulevant beaucoup de questions juridiques, notamment sur l'articulation entre cette gouvernance spécifique – quand la déclencher ? quand y mettre fin ? – et la gouvernance pérenne, nous vous proposons de retenir la seconde.

En ce qui concerne les réponses face à une crise, nous avons dégagé quatre axes.

Premièrement, le cœur de l'activité de l'Assemblée, notamment le vote de la loi et le contrôle de l'action du Gouvernement, correspond à des fonctions essentielles à la vie de la nation, d'autant plus importantes en période de crise. Il convient donc de les préserver.

Deuxièmement, il faut adapter de manière ciblée et opérationnelle le Règlement de l'Assemblée, en permettant, en cas de force majeure, un recours très encadré à des outils numériques et le vote à distance, notamment.

Troisièmement, nous pourrions élaborer une boîte à outils. Nous en avons identifié cinq : utilisation particulière des questions écrites, qui permettraient aux députés d'interroger à une fréquence déterminée le Gouvernement, lequel répondrait beaucoup plus rapidement qu'il ne le fait actuellement ; utilisation des contributions écrites, qui permettraient aux députés empêchés de se rendre en séance publique de s'exprimer sur chaque texte, charge au rapporteur d'en faire lecture et d'y répondre au début de la discussion ; solutions techniques de débat ou de vote à distance, incluant l'outil numérique et la procédure, notamment les recours en cas de hacking ou de problème technique ; solution de débat virtuel mixte combinant présence physique et à distance ; constitution de binômes majorité-opposition pour contrôler le Gouvernement et création d'une banque de données recensant l'ensemble des travaux de contrôle du Gouvernement de manière à avoir une vue à 360° de l'action de celui-ci. La Conférence des présidents pourrait ainsi décider, en période de crise, d'activer l'un ou l'autre de ces outils.

Quatrièmement, des mesures pratiques pourraient être prises dès maintenant, qu'il s'agisse de recenser des locaux alternatifs où l'Assemblée pourrait se réunir, d'équiper des salles permettant la visioconférence, d'encourager l'utilisation par les députés d'outils informatiques fiables et souverains – sachant que chacun d'entre eux reste libre de son choix en la matière –, de sécuriser l'installation informatique de l'Assemblée ou d'améliorer la qualité du réseau.

En ce qui concerne l'adaptation ciblée et opérationnelle de notre Règlement, les deux enjeux majeurs sont la participation des députés aux débats et le vote à distance. En effet, beaucoup ont souligné que, lors de la crise du covid-19, le principal problème a tenu au non-respect de la représentation proportionnelle des différents groupes lors des débats. Quant au vote à distance, le Règlement actuel ne permet pas de l'envisager. Il conviendrait donc de le modifier en ce sens, sachant que le Conseil constitutionnel contrôle chacune de ses évolutions et que cette procédure doit respecter le principe du vote personnel et les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

Deux options se présentent. Soit la modification du Règlement comporte trois articles relatifs respectivement aux modalités de participation aux réunions de commission, aux votes à distance et aux modalités de participation à la séance publique, soit elle comporte un seul article de manière à laisser à la Conférence des présidents une certaine latitude pour adapter les modalités de discussion et de vote, y compris en recourant, le cas échéant, à des outils numériques de travail à distance.

En résumé, inventons-nous une gouvernance spécifique en cas de crise ou nous appuyons-nous sur les instances existantes ? Faut-il modifier le Règlement pour permettre le vote et le travail à distance ? Faut-il créer une boîte à outils utilisables si les circonstances l'imposent ? Enfin, quelles mesures pratiques pouvons-nous prendre dès à présent ?

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