Intervention de Nathalie Durand-Prinborgne

Réunion du jeudi 30 novembre 2017 à 10h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Nathalie Durand-Prinborgne, secrétaire de la section Force Ouvrière de STX France :

« L'Airbus de la navale » n'est pas une référence pour nous. Du reste, Airbus France n'est pas la branche d'Airbus qui se porte le mieux… Si c'est pour que les branches de tous les pays ne soient pas sur un pied d'égalité, nous ne voulons pas d'un Airbus de la navale.

En ce qui concerne le financement, si nous avons obtenu nos dernières commandes – en particulier celle de l'Oasis of the Seas –, c'est parce que l'État actionnaire a su imposer aux banques françaises de jouer le jeu et de nous trouver les garanties pour faire les montages financiers nécessaires. Si les banques françaises accompagnaient davantage les industriels, on peut supposer que ces derniers auraient montré plus d'intérêt pour STX.

Nous avons effectivement un bassin de sous-traitants assez considérable à Saint-Nazaire. La phase finale de construction du Harmony of the Seas commandé par RCCL (Royal Carribean Cruise Line) a mobilisé quelque 3 200 ouvriers, mais seuls 10 % des effectifs étaient des salariés de STX ; près de 3 000 salariés étaient extérieurs à l'entreprise. Pour ce qui est de la proportion entre les salariés détachés et la sous-traitance française, il existait dans l'entreprise une instance qui permettait de connaître la répartition chiffrée des salariés par entreprise et par pays d'origine ; elle avait quelque peu disparu quand nous étions en sous-activité, nous avons demandé sa réactivation.

En dix ans, la population active sur le site de Saint-Nazaire a beaucoup changé. On est passé de plus de 2 000 à moins de 1 000 ouvriers. Le nombre de techniciens a baissé aussi, mais ce sont les ouvriers qui ont le plus trinqué : la grande proportion de travailleurs des sous-traitants permet clairement à la direction de l'entreprise de jouer sur la flexibilité de l'emploi, ce qui explique qu'elle n'ait aucune volonté à proprement parler d'embaucher. Les embauches en cours concernent bien plus les cadres – je dirais même les jeunes cadres dynamiques, fraîchement émoulus et qu'on paie moins cher qu'un technicien ayant quinze ou vingt ans d'ancienneté dans l'entreprise ! Autre évolution importante de la population au sein de STX : la moyenne d'âge va croissant chez les ouvriers occupant des postes à haut degré de pénibilité. C'est surtout pour le bassin de sous-traitants locaux que nous craignons en cas d'entrée de Fincantieri au capital de STX France. Ces sous-traitants ont déjà subi très fortement la crise que nous avons connue il y a quelques années quand nous étions en sous-activité : de nombreuses entreprises ont alors dû licencier ou déposer le bilan. Il nous paraît donc important de sauvegarder les savoir-faire que nous avons en France. Si jamais Fincantieri – qui emploie sur son site italien des travailleurs détachés payés entre 3 et 6 euros de l'heure – entre dans le capital de STX, il y aura de quoi s'inquiéter. À Saint-Nazaire, nous avons déjà constaté que certains travailleurs détachés étrangers pouvaient entrer à dix ou quinze sur le site avec un seul et même badge d'accès… Nous avons déjà des problèmes avec la sous-traitance délocalisée et payée à bas coût; on peut craindre que la situation ne s'aggrave avec l'arrivée de Fincantieri.

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