Intervention de Olivier Véran

Réunion du lundi 10 mai 2021 à 10h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Je connais la qualité des travaux de la MECSS, dont j'ai suivi les publications au fil des ans. La MECSS, grâce à sa capacité à anticiper et à travailler dans la transversalité, est le lieu pour se poser les bonnes questions, au-delà des clivages politiques.

Je ne suis pas venu pour vous dire que tout va bien. Je n'avais cette habitude ni comme médecin, ni comme député, ni comme rapporteur général ; je ne l'ai pas plus comme ministre. Toutefois, mon premier message est de reconnaître l'exceptionnelle capacité de réactivité des agences régionales dans la durée et dans l'effort. Je la vis au quotidien. J'ai par exemple envoyé avant le week-end un SMS à un certain nombre de directeurs généraux d'ARS pour leur donner des objectifs chiffrés de vaccination à atteindre au 15 mai et les enjoindre à redoubler leurs efforts de mobilisation en ouvrant les centres de vaccination la nuit ou encore en vaccinant les vacanciers sur les aires d'autoroute.

Prenons de la hauteur. Nous parlons d'une crise sanitaire. Une crise, par définition, arrive sans qu'on ait pu l'anticiper et bouleverse l'action du quotidien. Les acteurs des agences régionales doivent donc traiter les affaires courantes, qui sont légion, et en même temps gérer et piloter la réponse à la plus grande crise que le monde ait connue depuis plus d'un siècle. Si tout cela se faisait sans difficulté et sans besoin de renfort dans les territoires, le premier procès que je pourrais faire en tant qu'ancien rapporteur général serait de juger que les ARS sont surdimensionnées en temps normal. Or, malgré les renforts et les soutiens, les équipes des ARS gèrent la crise au prix d'une fatigue conséquente, car elles sont mobilisées en semaine et en week-end et ont dû renoncer à des congés. Ces équipes sont des travailleurs de première ligne, essentiels et très engagés, qui ont réussi à faire face et continuent à le faire. Je leur tire donc mon chapeau.

Cette agilité que je constate dans mon quotidien avec les ARS, je la constate également avec les hôpitaux. Ainsi, des espaces permettant d'accueillir des civières de malades du covid-19 à l'extérieur des bâtiments, afin d'éviter de contaminer les autres patients, ont pu être organisés en 72 heures, voire en 48 heures. Autre exemple : les capacités en lits de réanimation ont été triplées grâce à la transformation de blocs opératoires en salles de réanimation. Je pourfends donc le discours de ceux qui voient dans l'hôpital une vieille structure trop rigide qu'il faudrait moderniser. Les hôpitaux en France sont modernes et réactifs. Il faut cesser de focaliser son attention sur ce qui ne va pas ! Malgré trois vagues épidémiques importantes, nous pouvons nous targuer de n'avoir jamais eu à trier les malades et nous n'avons pas subi de carence de médicaments de réanimation. La France n'a pas connu les scènes que nous avons pu voir en Italie, avec des malades utilisant des bouteilles d'oxygène dans les voitures, ou en Inde, où trois malades se partagent un même masque à oxygène. Ces résultats ont été obtenus grâce aux efforts des personnels des hôpitaux.

Je ne suis pas issu de la majorité qui a voté la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST : il serait donc facile pour moi de la critiquer. Je salue au contraire le formidable travail de construction qui a abouti à la « loi Bachelot » : celle-ci a non seulement créé les ARS, mais également mis fin au pilotage en silos de l'offre de médecine de ville et de médecine hospitalière en créant la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Cet outil centralisé donne une vision à 360 degrés de l'offre de soins. Cela ne me choque pas de voir, d'un côté, des administrations centrales focalisées sur des objectifs nationaux et, de l'autre, des agences déconcentrées et polyvalentes ayant une vision globale au niveau régional.

La structure qui doit avoir une vision centrale, polyvalente et à 360 degrés au niveau national, c'est bien le ministère. Il avait été question de créer une agence nationale de santé, et j'en avais d'ailleurs été partisan, mais trop regrouper à l'échelle nationale, c'est prendre le risque de faire disparaître le politique. Une telle agence aurait eu pour conséquence une totale dépolitisation de la gestion de crise sanitaire. Je ne m'inscris pas dans les procès contre l'État profond, mais la place du politique dans la gestion d'une crise sanitaire au sein d'un système démocratique comme le système français est fondamentale.

La question de l'organisation départementale a été abordée en début de mandat afin d'améliorer les conditions de recrutement des délégués départementaux. Historiquement, les postes de directions départementales furent occupés par des fonctionnaires exerçant des fonctions de direction dans les sept structures fusionnées par la loi HPST. On demandait donc à des ingénieurs des eaux, sans doute très compétents, de gérer la politique sanitaire et sociale à l'échelle d'un département, en lien avec les élus. Aujourd'hui, les profils des délégués départementaux ont considérablement évolué et continueront d'évoluer.

Je constate lors de mes déplacements que les élus ont tendance à comparer le directeur général de l'ARS de leur région au préfet de leur département. Je ne connais pas le nom des préfets de région ni des délégués départementaux d'ARS qui se sont succédé au cours de mon mandat de député. Je connaissais en revanche le préfet de département et le directeur général de l'ARS. On ne peut pas comparer un délégué départemental à un préfet de département : ni les fonctions ni la force de frappe organisationnelle en proximité ne sont les mêmes. Il est donc important qu'un directeur général d'ARS entretienne la même proximité avec les élus qu'un préfet de département. Cette importance a été renforcée après la réforme des régions. Je demande donc aux directeurs généraux d'ARS et aux délégués départementaux nouvellement nommés d'être le plus possible en lien avec les élus dans les territoires. Leur fonction politique est aujourd'hui très forte.

Le fonds d'intervention régional (FIR) est un outil d'agilité des ARS. Chaque année, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, certains essayent de fixer des sous-objectifs au niveau national. C'est une chance énorme pour notre pays d'avoir des agences régionales dotées de budgets conséquents qu'elles peuvent dépenser comme elles le souhaitent. C'est ce qui a permis pendant la crise sanitaire de trouver très rapidement, sans avoir besoin d'aller chercher des budgets au niveau national, des solutions opérationnelles. Voilà un aspect réussi de la déconcentration.

Nous allons discuter de ce qui doit être amélioré ou renforcé. Je ne suis pas là pour faire l'apologie des ARS et des délégations départementales, mais il ne faut pas perdre de vue l'effort conséquent réalisé par ces structures. Lors de mes déplacements, je demande aux préfets que je rencontre leur avis sur l'action des ARS. Tous me disent, à l'exception d'un préfet qui avait eu des difficultés avec son délégué départemental, qu'ils sont heureux de travailler avec les ARS et que les choses se passent très bien. Je le constate aussi de ma fenêtre. Il faut donc insister sur ce qui fonctionne tout en corrigeant ce qui doit l'être.

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