Les comités exécutifs des ARS sont composés pour un tiers de personnes issues des corps de contrôle et la totalité des délégués départementaux y siègent.
Il m'est arrivé de dire qu'en cas de crise sanitaire, les préfets prenaient la main de fait sur la gestion de crise. L'article L. 1435-1 du code de la santé publique dispose, dans son alinéa 5, que le préfet peut placer les services de l'ARS sous son autorité quand une crise sanitaire entraîne un risque de trouble à l'ordre public. Cela peut être le cas d'un attentat ou d'une guerre bactériologique, mais ce n'est pas forcément le cas d'une épidémie. Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, le préfet Bouillon, qui fait autorité, s'est exprimé devant la mission pour faire part de ses doutes sur la prise en main de la crise par les préfets, alors que ceux-ci n'ont pratiquement plus aucune compétence en matière de santé et qu'ils ne connaissent aucun des interlocuteurs, en dehors peut-être du directeur du SAMU. Il a ajouté que la collaboration avait bien fonctionné et que les préfets ne voulaient pas s'en occuper ; ces derniers me l'ont d'ailleurs tous confirmé. Nous avons fortement impliqué les préfets dans le pilotage des centres de vaccination aux côtés des ARS. Les préfets comme les directeurs généraux des ARS ont fait un très gros travail, mais le leadership en matière de politique vaccinale est assuré par les ARS et ce sont elles qui sont comptables de notre bilan.
La souplesse des pratiques est un des acquis positifs de cette crise terrible, qui nous a conduits à bazarder tout un tas de règles rigides et de normes qui n'ont pas de sens. La loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification adoptée à l'initiative de Mme Rist a ainsi rendu non opposable aux établissements de santé une partie conséquente du code de la santé publique, ce qui, avant la crise, eût été impensable. Aujourd'hui, nous disons à tous ceux qui se sont formidablement organisés pendant la crise : ce que vous avez réussi à faire, il n'y a pas de raison que vous ne soyez pas capables de le faire en un jour ordinaire. Nous voulons faire davantage confiance et imposer beaucoup moins de rigidité et de lourdeur.
Je mène un combat permanent dans mon ministère, parce que les habitudes de l'administration centrale peuvent revenir rapidement. En voici un exemple. Le régime d'autorisation de certains plateaux techniques m'agaçait profondément comme député et continue à m'agacer comme ministre. Les délais pour obtenir un équipement d'imagerie par résonance magnétique peuvent aller jusqu'à deux mois. Or il peut arriver que, dans une région, le comité ad hoc – la commission spécialisée de l'organisation des soins – valide trois ou quatre projets d'équipement mais que l'ARS ne puisse accorder qu'une seule autorisation dans l'année : comment en est-on arrivé là ? Le législatif comme l'exécutif ont considérablement rigidifié le droit en multipliant les normes, notamment dans le cadre de la maîtrise médicalisée. La gauche comme la droite ont fait le procès de l'hospitalo-centrisme et ont instauré des barrières et des garde-fous pour aller vers davantage de médecine de ville.
De même, le financement de la réanimation fonctionne par autorisations. Un hôpital peut se voir contraint de maintenir dix lits de réanimation et, que ces lits soient occupés par des malades ou non, le coût sera quasiment le même puisque les charges fixes en réanimation représentent 85 % des coûts liés à l'activité du service. Si tous les lits ne sont pas occupés, l'hôpital perdra de l'argent avec la réanimation. Cela a induit des comportements de recours excessif à la réanimation pour des patients qui n'en relevaient pas forcément. Aucun patient n'a été intubé alors qu'il n'en avait pas besoin, mais des facturations ont été faites pour rentabiliser un service de réanimation. Cela n'a pas de sens, surtout dans le cadre d'un dispositif qui fonctionne par autorisation. J'en avais fait le constat dans le cadre d'un rapport que j'ai rédigé en 2015 lorsque j'étais député, et nous sommes en train de changer cela. Nous devons faire évoluer notre référentiel de gouvernance nationale pour tenir davantage compte des réalités de terrain.