Intervention de Julien Dive

Réunion du jeudi 9 janvier 2020 à 14h30
Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive, président :

Nous sommes réunis pour poursuivre les travaux de notre mission d'information commune. Elle a été créée à l'automne 2018, dans le sillage de l'examen de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim, pour suivre la stratégie de sortie du glyphosate telle qu'elle a été annoncée par le président de la République. Vous avez été auditionné une première fois en novembre 2018. C'est donc notre deuxième rencontre.

Pour rappel, la mission d'information commune court jusqu'à la fin de l'année 2020 ; ses co-rapporteurs, MM. Jean-Luc Fugit et Jean-Baptiste Moreau, ont rendu un rapport d'étape le 12 novembre 2019. Trois points particuliers ont été soulignés :

- la difficulté à établir un « T zéro » des usages en France du fait de la difficulté d'accès à certaines données, notamment celles des ventes du glyphosate en France en 2018 ;

- la difficulté constatée à se saisir et à appliquer dans le délai imparti, c'est-à-dire d'ici la fin de l'année 2020, des alternatives au glyphosate, qu'elles soient mécaniques, chimiques ou autres ;

- la mise en lumière de situations se trouvant en impasse technique, qui suscitent le plus d'inquiétudes, notamment l'agriculture de conservation des sols ou les vignes en coteaux.

Sur ces trois problématiques, nous avons formulé un certain nombre de propositions.

Pour l'année 2020, en fonction du travail qui a été mené par la mission et dont je félicite l'ensemble de ses membres, nous avons retenu deux axes de travail. Le premier axe concerne la formation des agriculteurs et des salariés agricoles aux pratiques agricoles sans glyphosate. Nous visiterons des lycées agricoles, des chambres d'agriculture et étudierons les programmes qui sont proposés. Le deuxième axe de travail sera d'analyser le coût de l'interdiction du glyphosate par filière afin d'identifier les mesures d'accompagnement financier des agriculteurs dans leur transition d'ici la fin de cette année.

Le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS) du plan Écophyto II +, sous votre responsabilité, monsieur le ministre, s'est réuni le 7 janvier dernier et a communiqué les données pertinentes qui nous manquaient en novembre, à savoir la quantité de produits phytopharmaceutiques, dont le glyphosate, vendus en 2018. Ce rapport observe qu'il y a une hausse des achats et des ventes de produits phytopharmaceutiques, dans une stratégie de stockage anticipant l'augmentation de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) et l'interdiction de certains produits. Une logique d'anticipation que chacun pourrait suivre si une politique publique ou l'achat d'un produit devait évoluer à moyen ou court terme.

Lors de ce COS, vous avez confirmé la sortie du glyphosate en France à la fin de l'année 2020, avec certains aménagements, notamment pour les usages pour lesquels des alternatives non chimiques existent déjà et pour les situations d'impasse. Monsieur le ministre, y aura-t-il un accompagnement spécifique pour ces situations d'impasse et les cas sans alternative chimique ? Prévoyez-vous un calendrier différent de sortie du glyphosate pour ces situations ? Sera-t-il calqué sur le calendrier d'autorisation accordé par la Commission européenne (jusqu'à 2022 pour le glyphosate) ou s'en distinguera-t-il ?

Le rapport du COS a par ailleurs indiqué que l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) évalue à 250 euros par hectare le surcoût moyen du désherbage mécanique en viticulture. Un viticulteur, producteur de Beaumes-de-Venise dans le Vaucluse, dont le domaine s'appelle Demoiselle Suzette m'a expliqué hier qu'il n'utilise pas d'insecticides, a recours le moins possible aux produits phytopharmaceutiques, sinon du glyphosate en quantité raisonnable sur les seuls pieds de vigne – donc pas sur le raisin – car il exploite dix hectares de vigne en coteaux très pentus. Il s'est installé en 2000 et a ouvert sa cave en 2016 ; il doit rembourser 2 600 euros d'emprunt par mois – sa ferme est hypothéquée – et 500 euros de fermage mensuel puisqu'il n'est pas propriétaire de ses terres, et s'il a la possibilité de se verser un revenu aujourd'hui, c'est grâce aux chambres d'hôtes qu'il a pu ouvrir dans sa ferme. Il me dit : «  moi qui suis très précautionneux, très soucieux de la qualité de mon territoire et de mes vignes, j'utilise un peu de cet herbicide. Je m'interroge et j'ai de grandes inquiétudes sur la fin du glyphosate, sans alternative réelle pour moi d'ici la fin de cette année, et notamment sur les surcoûts que cela pourrait engendrer. » Je voudrais vous alerter sur ce genre de difficultés, dont je sais que vous connaissez l'existence.

Mes autres questions concernent les négociations de la future politique agricole commune (PAC) : prendront-elles en compte la politique que mène la France pour sortir du glyphosate ? Y aura-t-il des dispositifs d'aide, comme les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui pourraient être mobilisables sans que ces dispositifs ne viennent impacter d'autres politiques menées autour de l'agriculture biologique, de la captation du carbone, etc. ?

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