Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Réunion du jeudi 9 janvier 2020 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bio
  • glyphosate
  • phytosanitaires
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

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La réunion

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L'audition débute à quatorze heures trente.

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Nous sommes réunis pour poursuivre les travaux de notre mission d'information commune. Elle a été créée à l'automne 2018, dans le sillage de l'examen de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim, pour suivre la stratégie de sortie du glyphosate telle qu'elle a été annoncée par le président de la République. Vous avez été auditionné une première fois en novembre 2018. C'est donc notre deuxième rencontre.

Pour rappel, la mission d'information commune court jusqu'à la fin de l'année 2020 ; ses co-rapporteurs, MM. Jean-Luc Fugit et Jean-Baptiste Moreau, ont rendu un rapport d'étape le 12 novembre 2019. Trois points particuliers ont été soulignés :

- la difficulté à établir un « T zéro » des usages en France du fait de la difficulté d'accès à certaines données, notamment celles des ventes du glyphosate en France en 2018 ;

- la difficulté constatée à se saisir et à appliquer dans le délai imparti, c'est-à-dire d'ici la fin de l'année 2020, des alternatives au glyphosate, qu'elles soient mécaniques, chimiques ou autres ;

- la mise en lumière de situations se trouvant en impasse technique, qui suscitent le plus d'inquiétudes, notamment l'agriculture de conservation des sols ou les vignes en coteaux.

Sur ces trois problématiques, nous avons formulé un certain nombre de propositions.

Pour l'année 2020, en fonction du travail qui a été mené par la mission et dont je félicite l'ensemble de ses membres, nous avons retenu deux axes de travail. Le premier axe concerne la formation des agriculteurs et des salariés agricoles aux pratiques agricoles sans glyphosate. Nous visiterons des lycées agricoles, des chambres d'agriculture et étudierons les programmes qui sont proposés. Le deuxième axe de travail sera d'analyser le coût de l'interdiction du glyphosate par filière afin d'identifier les mesures d'accompagnement financier des agriculteurs dans leur transition d'ici la fin de cette année.

Le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS) du plan Écophyto II +, sous votre responsabilité, monsieur le ministre, s'est réuni le 7 janvier dernier et a communiqué les données pertinentes qui nous manquaient en novembre, à savoir la quantité de produits phytopharmaceutiques, dont le glyphosate, vendus en 2018. Ce rapport observe qu'il y a une hausse des achats et des ventes de produits phytopharmaceutiques, dans une stratégie de stockage anticipant l'augmentation de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) et l'interdiction de certains produits. Une logique d'anticipation que chacun pourrait suivre si une politique publique ou l'achat d'un produit devait évoluer à moyen ou court terme.

Lors de ce COS, vous avez confirmé la sortie du glyphosate en France à la fin de l'année 2020, avec certains aménagements, notamment pour les usages pour lesquels des alternatives non chimiques existent déjà et pour les situations d'impasse. Monsieur le ministre, y aura-t-il un accompagnement spécifique pour ces situations d'impasse et les cas sans alternative chimique ? Prévoyez-vous un calendrier différent de sortie du glyphosate pour ces situations ? Sera-t-il calqué sur le calendrier d'autorisation accordé par la Commission européenne (jusqu'à 2022 pour le glyphosate) ou s'en distinguera-t-il ?

Le rapport du COS a par ailleurs indiqué que l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) évalue à 250 euros par hectare le surcoût moyen du désherbage mécanique en viticulture. Un viticulteur, producteur de Beaumes-de-Venise dans le Vaucluse, dont le domaine s'appelle Demoiselle Suzette m'a expliqué hier qu'il n'utilise pas d'insecticides, a recours le moins possible aux produits phytopharmaceutiques, sinon du glyphosate en quantité raisonnable sur les seuls pieds de vigne – donc pas sur le raisin – car il exploite dix hectares de vigne en coteaux très pentus. Il s'est installé en 2000 et a ouvert sa cave en 2016 ; il doit rembourser 2 600 euros d'emprunt par mois – sa ferme est hypothéquée – et 500 euros de fermage mensuel puisqu'il n'est pas propriétaire de ses terres, et s'il a la possibilité de se verser un revenu aujourd'hui, c'est grâce aux chambres d'hôtes qu'il a pu ouvrir dans sa ferme. Il me dit : «  moi qui suis très précautionneux, très soucieux de la qualité de mon territoire et de mes vignes, j'utilise un peu de cet herbicide. Je m'interroge et j'ai de grandes inquiétudes sur la fin du glyphosate, sans alternative réelle pour moi d'ici la fin de cette année, et notamment sur les surcoûts que cela pourrait engendrer. » Je voudrais vous alerter sur ce genre de difficultés, dont je sais que vous connaissez l'existence.

Mes autres questions concernent les négociations de la future politique agricole commune (PAC) : prendront-elles en compte la politique que mène la France pour sortir du glyphosate ? Y aura-t-il des dispositifs d'aide, comme les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui pourraient être mobilisables sans que ces dispositifs ne viennent impacter d'autres politiques menées autour de l'agriculture biologique, de la captation du carbone, etc. ?

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Notre rapport d'étape pointait en effet un certain nombre de manques, notamment l'absence d'un « T zéro » ainsi que la non disponibilité des chiffres de 2018 à la fin 2019, ce qui compliquait le suivi de l'avancement de la stratégie de sortie.

J'étais présent au COS Écophyto II. Les données qui ont été présentées sont intéressantes. Mais ces derniers jours, dans la presse notamment, elles ont fait l'objet d'interprétations dictées par une vision particulière des choses. Elles soulignent l'augmentation globale des produits phytosanitaires sans relever la baisse de 10 à 15 % des produits les plus dangereux, c'est-à-dire ceux qui sont classés cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR 1 et CMR 2) et qui sont en forte diminution entre 2009 et aujourd'hui. Elles ne rappellent pas non plus qu'un certain nombre de molécules ont été interdites depuis une dizaine d'années, notamment au niveau européen. Cela en concernait une trentaine il y a deux ans et une quarantaine l'année dernière. Par ailleurs, elles ne tiennent pas compte du fait qu'ont été supprimés des produits qui étaient utilisés de façon très concentrée et qui sont remplacés par des produits moins efficaces donc utilisés à plus forte dose. Enfin, il faut observer qu'aujourd'hui, le soufre représente les plus importants volumes utilisés - à hauteur de 16 % des usages totaux de produits phytosanitaires -, aussi bien en agriculture biologique qu'en agriculture conventionnelle.

Des données très parcellaires ont été ainsi interprétées par des journalistes, des organisations non gouvernementales (ONG) et certains politiques de façon un peu caricaturale. Il est important de resituer ce bilan dans son contexte. Il faut arrêter de faire des schémas grossiers sans retracer tous les efforts réalisés par toutes les filières agricoles depuis plus de dix ans ainsi que par les gouvernements successifs avec les plans Écophyto I et II. Dire qu'il s'agit d'un échec est un peu facile et n'apporte aucune solution ; je n'en ai pas entendu beaucoup.

Pour un cadrage général, nous avons besoin d'évaluer les coûts économiques réels. Plusieurs intervenants ont présenté des projections, mais une vraie objectivation des coûts de la suppression du glyphosate est nécessaire. M. Philippe Mauguin, président-directeur général de l'INRAE, a annoncé des avancées, notamment sur la viticulture et sur les fruits et légumes. De nouvelles données devraient incessamment sortir. Il sera intéressant d'en avoir connaissance pour anticiper l'échéance. On ne peut acter la sortie au 1er janvier 2021 sans avoir, avant le 31 décembre 2020, de vision à plus ou moins long terme de la façon dont vont évoluer les situations. Il faut des précisions sur le calendrier réel d'interdiction et sur les dérogations dont pourront bénéficier les situations d'impasse qui auront été identifiées. Les agriculteurs ont besoin d'être rassurés à ce sujet.

Il est excessivement dangereux de faire de grandes déclarations – ce n'est pas de vous dont il s'agit – annonçant une sortie complète des produits phytosanitaires. Les produits phytosanitaires sont des outils de soin des plantes ; leur suppression poserait davantage de problèmes qu'elle n'apporterait de solutions. Il est nécessaire de sortir progressivement des produits les plus dangereux, ceux qui sont soumis à des CMR 1 et 2, comme le fait l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) qui interdit tel ou tel produit chaque fois qu'elle dispose d'études consolidées qui en prouvent la dangerosité. Mais dire que nous allons sortir totalement des produits phytosanitaires, je ne suis pas sûr que ce soit possible, et encore moins souhaitable.

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Je souhaite que cette année soit conquérante pour l'agriculture et que nous puissions poursuivre l'accompagnement de nos agriculteurs vers une réduction de l'impact environnemental de tout ce qui est fait, tout en faisant très attention à la situation économique de chacun.

Un travail a été engagé. Nous sommes le seul pays en Europe où la stratégie est aussi structurée. Mais à ce stade, nous avons besoin d'y voir plus clair. La tradition du début de janvier consiste à regarder le chemin parcouru et à imaginer celui qui reste à parcourir dans l'année. Pour la stratégie de sortie du glyphosate, nous sommes dans la même logique. Nous souhaiterions que vous dressiez un bilan du travail réalisé par la task force d'accompagnement vers la sortie du glyphosate. Quels sont les enjeux que vous lui fixez en 2020 pour les principaux usages ?

Nous sommes particulièrement préoccupés par les impasses identifiées. S'agissant de l'agriculture de conservation des sols notamment, si on la considère de manière rationnelle, en se basant sur la science et non la croyance, on constate les nombreux avantages de ce mode de culture : fixation du CO2, moins de labour permettant de préserver la biodiversité et de réduire, en moyenne par trois, les quantités de carburant utilisées, etc. À confronter à son aspect négatif qu'est, pour un certain nombre d'agriculteurs qui la pratiquent, l'utilisation en intercultures de glyphosate.

Le rapport que nous avons présenté le 12 novembre dernier interpelle le Gouvernement sur le discours à tenir en 2020 à nos agriculteurs. Si nous souhaitons renoncer au 1er janvier 2021 – dans à peine un an – au glyphosate pour un certain nombre d'usages, nous pensons que les choses doivent être clarifiées dès mi 2020, y compris sur l'accompagnement des agriculteurs et l'amortissement du choc financier que cela peut représenter pour un certain nombre d'entre eux. J'avoue être un peu inquiet, notamment parce que j'ai rencontré plusieurs agriculteurs sur mon territoire et que j'ai constaté les difficultés que cela pouvait engendrer.

Par ailleurs, avez-vous évalué l'impact de la décision prise par l'ANSES début décembre de retirer en 2020 l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de 36 des 69 produits commercialisés en France qui contiennent du glyphosate du point de vue des volumes ?

La formation, initiale et continue, de nos agriculteurs a été un peu évoquée lors du COS. Quelles orientations préconisez-vous ?

Enfin, des viticulteurs de l'Union des crus du Beaujolais dans le département du Rhône m'ont alerté sur la question de la mixité bio/non bio dans le périmètre d'une même exploitation. Certains membres de la filière voudraient, pour répondre aux attentes de la société et accélérer la transition écologique, pouvoir passer immédiatement en bio une partie de leurs productions. Ils m'ont montré des exemples concrets : six hectares de vignes en terrain plat pourraient ainsi basculer alors que ce n'est pas encore envisageable pour d'autres terrains beaucoup plus pentus. Or, dans la mesure où ces terrains appartiennent à la même exploitation, le label bio sera refusé à la production en terrain plat. Cette mixité bio/non bio est ainsi impossible aujourd'hui dans une même entreprise sur la même couleur de raisin. Ne pouvons-nous envisager une évolution des règles ? Elle permettrait de cranter des avancées et ces premiers pas pourraient conduire les exploitations à basculer plus rapidement en tout bio. Le président de la République avait évoqué le bio et la viticulture dans son discours au Salon de l'agriculture de février 2019.

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Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation

La réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques constitue un enjeu majeur pour notre pays. Celui-ci est porté fortement par le Gouvernement et par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. J'ai déjà eu l'occasion de l'annoncer fermement : la transition agro-écologique est en marche et est irréversible. Les choses doivent être dites clairement : nous devons changer les pratiques, faire évoluer notre agriculture, répondre aux attentes de la société, qui sont aussi celles des agriculteurs qui ne souhaitent pas continuer à utiliser beaucoup de produits phytopharmaceutiques et sont pour la plupart engagés dans cette transition. Déjà 10 % des exploitations agricoles françaises et 7,5 % des surfaces exploitées sont en bio. Il n'y a jamais eu autant de filières en haute valeur environnementale HVE 1 et HVE 2. Les fermes « Démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires » (DEPHY) fonctionnent. Je souhaite démentir une idée reçue : les agriculteurs, les filières agricoles, le monde agricole ne cherchent pas à freiner cette transition. En même temps, il est compliqué d'aller plus vite pour certains. Le temps de la campagne, le temps des saisons, le temps des plantations et des semailles ne sont pas le temps des réseaux sociaux. Il n'en reste pas moins que cette transition est irréversible.

Nous nous trouvons sur une ligne de crête parce que les demandes sont fortes. Il ne s'agit ni d'interdire les pesticides du jour au lendemain, ni d'attendre la réglementation européenne. Le président de la République a fixé un objectif de sortie du glyphosate début 2021. Son intervention a été d'une clarté limpide et d'un pragmatisme absolu. Nous ne laisserons pas des filières ou des secteurs sans solution, au risque que cette transition environnementale, indispensable, ait un impact économique qui remette en cause des filières ou des exploitations entières. Ce n'est pas ce que veut le Gouvernement. Mais les engagements pris par le président de la République seront tenus ; ils ont été réaffirmés au dernier COS Écophyto : le glyphosate sera interdit pour une majorité d'usages d'ici fin 2020.

Et il ne s'agit pas de se limiter au glyphosate, comme j'ai eu l'occasion de le dire aux questions d'actualité au Gouvernement. Nous devons absolument sortir de notre dépendance à l'ensemble des produits phytopharmaceutiques chimiques. L'objectif du Gouvernement d'une réduction de 50 % de produits phytosanitaires utilisés en 2025 est maintenu.

Le glyphosate est un sujet qui enflamme particulièrement la population, les associations… ainsi que le monde agricole à qui on demande de pratiquer l'agriculture autrement qu'il ne l'a fait depuis des décennies. On peut considérer que cela ne va pas assez vite ; mais il faut souligner qu'aucune autre filière économique dans ce pays n'a autant participé aux transitions que la filière agricole. L'utilisation du glyphosate est déjà interdite pour les traitements en pré-récolte. Le nombre de produits autorisés en France contenant du glyphosate est passé de 190 à 29. La redevance pour pollution diffuse (RDP) sur ces produits a augmenté de 50 %, passant de deux à trois euros. Tout cela n'est pas sans conséquences négatives pour les exploitants. Aujourd'hui, avec Mme Élisabeth Borne, nous souhaitons nous fonder sur une évaluation économique et scientifique et des bases juridiques robustes pour statuer sur les 29 produits encore disponibles sur le marché.

Nous voulons travailler sur deux piliers : la rationalité et la science, et la transparence. Nous avons ainsi mis en place la task force et avons demandé à l'INRAE – que nous lançons officiellement tout à l'heure – et à l'ANSES de travailler ensemble pour permettre à la science d'avancer plus vite, avec des bases actualisées. La science est notre seule référence, comme lorsque nous avons mis en place les zones de non-traitement (ZNT) à 3 ou 5 mètres alors que certains souhaitaient 150 mètres. La transparence est l'autre préoccupation du Gouvernement. Le rapport et les travaux de cette mission d'information commune y contribuent.

S'agissant des viticulteurs, l'engagement de la filière dans la transition a été clairement annoncé ; mais elle ne sera pas sans difficultés. Or, il ne faut pas que les choix du Gouvernement aient pour conséquence de faire fermer des exploitations agricoles. Il faut donc aider les exploitants. Le Gouvernement compte investir 400 millions d'euros pour accompagner leurs transitions. Parce qu'il sait que le coût pour une exploitation sera beaucoup plus élevé.

Mais également, comme je l'ai indiqué au COS Écophyto, parce qu'il est aujourd'hui possible avec du matériel agricole moderne (des agroéquipements, des buses anti-dérive…) d'utiliser 60 à 90 % de produits phytosanitaires, dont le glyphosate, en moins. Quelle stratégie privilégier ? Aider l'acquisition collective de ces matériels par des aides publiques afin de réduire la consommation des produits phytosanitaires ? Ce soutien enverra-t-il le message que l'on peut continuer à épandre ? Ou donnera-t-il plutôt l'indication qu'en finançant ces nouveaux matériels - donc en mettant les autres de côté – nous diminuerons de 80 % les produits phytosanitaires ? Je pense qu'il faut tenir les deux bouts de la chaîne : non seulement travailler à se libérer de la dépendance aux produits phytosanitaires, mais en même temps accompagner le développement d'une filière d'agroéquipement et l'acquisition de ce type de matériel qui permettrait d'avancer plus facilement vers la sortie du glyphosate. Il y a notamment des endroits difficiles à traiter pour lesquels il est besoin de matériel robotisé, sauf à compliquer davantage le travail.

En termes d'accompagnement, la formation est aussi absolument indispensable. À partir de la rentrée 2020, nous changeons totalement les programmes des lycées d'enseignement technique agricole. Mais l'arrêt du glyphosate est identifié comme l'une des trois priorités de l'année scolaire en cours. Cette dynamique se poursuit dans le cadre du deuxième plan « Enseigner à produire autrement ». Les exploitations des établissements de formation devront répondre à un double objectif : fin 2020, 100 % des exploitations agricoles des lycées devront être sorties du glyphosate. Et en 2025, 100 % de la surface agricole utile (SAU) de ces exploitations devront être conduites en agriculture biologique, « Signe d'identification de la qualité et de l'origine » (SIQO) ou HVE de niveau trois. On ne peut fixer des règles sans les appliquer à soi-même. Tous les nouveaux agriculteurs sortiront ainsi avec des formations de base très fortes.

La task force est une réponse aux débats de plus en plus clivants que l'on voit se développer. J'aimerais que lorsque des instituts ou des chercheurs parlent, on les écoute, sans imaginer qu'ils travestissent les choses. Si l'on ne croit plus à ceux qui ont des connaissances, qui croire ? On ne peut s'appuyer sur des croyances, quelles qu'elles soient, mais sur des données claires. Cette task force se réunit tous les trois à six mois. Parmi les sujets discutés figurent les avancées des plans de filière, l'état d'avancement du plan de sortie et ses difficultés, les axes d'amélioration du plan Écophyto… Elle est animée - fort bien - par le préfet Pierre-Étienne Bisch et réunit l'INRAE, l'Association de coordination technique agricole (ACTA), l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), l'ANSES, le « Contrat de solutions » et son président, le président de la commission des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), le président du Conseil scientifique d'orientation recherche et innovation, la Cellule d'appui national du réseau DEPHY, le réseau des centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (CIVAM), l'association France nature environnement (FNE), cinq interprofessions, le Comité national des interprofessions des vins (CNIV), le Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (CNIPT), Terres Univia, Intercéréales, le Salon méditerranéen interprofessionnel de la filière des fruits et légumes (MIFFEL) et l'Interprofession de la filière des fruits et légumes frais (Interfel). Tout le monde travaille dans cette direction.

Jamais autant n'a été fait et pourtant, la courbe d'achat des produits phytosanitaires continue à monter. Il faut analyser cette évolution. Il ne s'agit pas d'abandonner l'indicateur du nombre de doses unités (NODU) comme ne valant rien. Je fais partie de ceux qui pensent qu'on doit l'associer à d'autres critères. En 2018, comme en 2014, des stocks ont été constitués lorsque la RPD a été augmentée, mais cela n'explique pas tout. Il est aussi important de relever que dans le même temps, l'achat ou la vente de produits CMR 1 et 2 a baissé. Peut-être serons-nous amenés à aller plus loin d'ailleurs. Or, nous savons, pragmatiquement et scientifiquement, qu'en utilisant des produits moins toxiques, là où il suffisait d'un passage, il faut en faire trois maintenant. De fait, on constate que les substances dont les volumes augmentent beaucoup sont les moins toxiques. Cette évolution ne me réjouit pas, mais elle traduit aussi l'avancée de la transition agro-écologique. D'après les chiffres publiés, le glyphosate représente près de 10 % des produits phytosanitaires vendus, derrière le soufre qui est la substance la plus vendue et est utilisé même en agriculture biologique. Les quantités de glyphosate vendues ont certes augmenté de 10 % entre 2017 et 2018, passant de 8 800 à 9 700 tonnes. Toutefois, cette augmentation n'est pas spécifique à la substance. Les ventes de l'ensemble des produits phytosanitaires ont augmenté de 21 % sur la même période, alors qu'elles avaient diminué de 3 % entre 2016 et 2017. Le phénomène du stockage compte, mais il faut aussi regarder quel type de substance est concerné.

S'agissant de la problématique remontée par Monsieur Fugit, je suis personnellement favorable à ce que l'on puisse avoir du bio et du non-bio sur une même exploitation. Il y a des endroits en effet où l'on n'arrivera pas à faire du bio, mais d'autres où cela est possible. Or, tout ce qui va dans le sens de la transition agro-écologique, même partielle, est mieux que de ne pas y aller du tout. Comment organiser cette mixité ? Ce n'est pas si simple. J'ai demandé aux services ministériels de travailler sur le sujet. Cela concerne essentiellement la viticulture. D'ailleurs, nous ignorons quel est le pourcentage de pentes où cela ne fonctionne pas ; j'ai interrogé l'INRAE et l'ANSES, mais je n'ai pas encore la réponse.

Quant aux négociations PAC, la France soutient très fortement la Commission ; il était le premier pays favorable aux eco-scheme du premier pilier, obligatoires pour tous les États. En revanche, la France est défavorable à la proposition de la Commission actuelle de baisser le budget. Contrairement à ce qui se dit, le président de la République et le Gouvernement se battent contre cette orientation. Nous sommes encore une majorité qualifiée bloquante au sein du conseil des ministres de l'agriculture européens qui refusons d'« aborder l'intérieur de la PAC tant que nous n'avons pas le cadre financier pluriannuel (CFP) », à la hauteur de ce qu'il est aujourd'hui sans les Britanniques. Les services ministériels y travaillent tout de même à travers les programmes stratégiques nationaux. En tout état de cause, il est évident que les echo-scheme dans le premier pilier, la transition agro-écologique dans le deuxième pilier seront essentiels. L'Europe aussi doit muter, dans le cadre de sa diversité.

Il nous est parfois reproché de rajouter des normes ou de les sur-transposer. C'est faux. Il n'en reste pas moins que lorsque le glyphosate sera interdit à la fin de l'année, d'autres pays continueront à l'autoriser. Nous sommes confrontés à la même problématique sur le bio : j'ai pris la décision, assumée, de refuser ce label aux tomates cultivées sous serre en janvier parce que le bio ne fait pas du contre-saisonnal. Pourtant, nous recevons depuis longtemps ce type de tomates de Hollande ou d'ailleurs avec l'étiquette « bio ». Il existe une concurrence déloyale entre États membres ; aussi luttons-nous pour que ceux qui ont les standards les plus élevés fassent monter les autres. Je me suis rendu en Europe centrale et orientale, en Espagne et en Allemagne, j'ai rencontré le groupe de Visegrád en leur disant : «  vous avez tout intérêt à ce que vos exigences montent. Parce que si tout le monde monte, vos agriculteurs gagneront mieux leur vie et vos consommateurs auront une agriculture et une alimentation plus tracée. »

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À propos du calendrier, j'ai bien compris que l'agenda 2020 du Gouvernement diffère de celui de la Commission européenne en 2022. Ma question était autre ; elle concernait les situations d'impasse, sujets de notre étude.

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Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation

Nous avons demandé à l'ANSES de nous les préciser et de statuer sur les autorisations de mise sur le marché (AMM) avant la fin juin.

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Vos propos correspondent à ceux que vous aviez tenus lors de votre première audition devant cette mission, ce qui prouve que le Gouvernement ne change pas de cap dans ce domaine, et cela me satisfait grandement. J'ai tenu à participer à cette mission d'information commune parce que j'ai très mal vécu les débats que nous avions eus dans l'hémicycle lors de l'examen de la loi Egalim et la pression qui avait été exercée pour que nous inscrivions l'interdiction du glyphosate dans la loi. Cela n'avait pas été fait parce qu'il y avait eu l'engagement du président de la République de l'interdire trois ans après, soit au 1er janvier 2021. Vous semblez tenir cet engagement à l'échéance promise. Vous nous expliquez que des mesures compensatoires pour les agriculteurs sont en cours d'élaboration. Mais je crains que sur le terrain, notamment dans ma circonscription de Saint-Malo, ces mesures de compensation ne soient pas perçues. Les agriculteurs considèrent cette perspective avec beaucoup d'inquiétude, sans comprendre comment on pourra les aider à trouver des alternatives.

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Les chiffres présentés le 7 janvier montrent qu'après une légère baisse en 2017, les ventes de pesticides sont à la hausse en 2018 dans le secteur agricole et que les stocks n'expliquent pas tout. Le premier plan Écophyto instauré en 2008 devait permettre de réduire de moitié l'usage des pesticides en France en dix ans. Malgré deux nouveaux plans en 2015 puis en 2019, l'objectif d'une diminution de 50 % d'ici 2025 semble difficilement atteignable. Pourtant, l'engagement du Gouvernement pour réduire l'usage des produits phytosanitaires dans la transition agro-écologique est total. Au titre du programme Écophyto, ce sont près de 41 millions d'euros qui sont consacrés chaque année aux actions nationales d'accompagnement et plus de 200 millions qui sont dédiés à la conversion en agriculture biologique. Malgré quelques signes encourageants, comme l'augmentation de 13 % du nombre d'exploitations engagées en agriculture biologique entre 2017 et 2018 ou la hausse de 46 % du nombre d'exploitations engagées dans la certification environnementale HVE en six mois entre janvier et juillet 2019, malgré plusieurs plans gouvernementaux dont le but est de diminuer leur usage, force est de constater que la consommation de pesticides ne diminue pas en France. En outre, il n'est pas possible, voire souhaitable, de se passer du glyphosate pour tout.

Néanmoins, comment expliquez-vous cette hausse des ventes ? Quelles solutions pouvons-nous mettre en œuvre afin de respecter nos objectifs de réduire de 50 % les produits phytopharmaceutiques en 2025 ? Si cela n'est pas tenable, comment devons-nous faire pour la suite ?

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Avoir, sur une même exploitation et pour une même culture, une partie en bio et une partie en conventionnel me semble une très mauvaise idée. Comment les contrôles pourront-ils être faits ? Si vous vous engagez dans cette voie, il faudra travailler avec les organismes certificateurs. Aujourd'hui, pour exercer son contrôle, l'organisme vient sur l'exploitation, prend toute sa comptabilité et regarde si des produits interdits n'ont pas été achetés. Si, demain, j'ai le droit de cultiver une partie en bio et une partie en conventionnel, que j'achète un produit autorisé en conventionnel mais pas en bio, comment mon organisme certificateur saura-t-il si je n'ai pas épandu le produit sur mes pommes de terre en bio ? Ce n'est pas possible. Quand ils ont un doute, ils peuvent faire des prélèvements de terre, mais c'est très rare et cela coûte cher. Je ne suis pas du tout favorable à cette évolution, sauf si les organismes certificateurs nous assurent qu'ils pourront contrôler le respect des règles. J'entends qu'il faut avancer, mais je vous alerte là-dessus parce ce que je viens d'entendre m'inquiète.

Concernant les subventions et les financements pour l'acquisition, notamment, de pulvérisateurs nouvelle génération afin de réduire les quantités de pesticides utilisés, ne faudrait-il pas plutôt mettre tout l'argent disponible dans l'achat de matériel mécanique (les bineuses, les herses étrilles ou les houes rotatives) ? Il coûte beaucoup moins cher et pourrait être utile à bien plus d'agriculteurs. Je précise que le matériel mécanique est aujourd'hui capable d'intervenir dans les inter-rangs, sur le rang et sous les végétaux. Par exemple, la bineuse à doigts Kress permet de nettoyer sous les végétaux et au plus près.

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Monsieur le ministre, j'ai bien entendu que la France se bat au premier rang pour défendre les systèmes de solidarité de la PAC, et surtout pour essayer de maintenir les sommes affectées à cette politique, notamment celles qui accompagnent la transition écologique. Par contre, je m'interroge sur la manière dont sont gérées les subventions attribuées par la PAC. J'ai été fortement déstabilisée par une chronique que Stéphane Foucart a faite dans Le Monde sur une grande enquête réalisée par une demi-douzaine de journalistes du New York Times - que nous ne pouvons pas soupçonner d'être à la solde du président Trump que nous savons hostile à l'Europe. J'avais plutôt une confiance aveugle dans la stratégie de la PAC. Or, cette grande étude, menée dans neuf pays, dont la France, arrive à une conclusion assez édifiante. Je cite : «  la PAC est un système de subventions délibérément opaque, faussé par la corruption et le conflit d'intérêts, et qui sape complètement les objectifs environnementaux de l'Union. Les résultats en sont un soutien aux oligarchies locales, produisant une version moderne d'un système féodal corrompu et favorisent la captation frauduleuse du foncier. Par ailleurs, il n'y a aucun respect des enjeux environnementaux. »

La Commission européenne défend vivement la PAC contre de telles accusations, mais la réalité n'a que faire de ces dénégations. Les émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture européenne atteignent des proportions faramineuses. La gestion des subventions par la communauté européenne et la capacité de la France à vérifier l'utilisation de ces subventions dans certains pays que l'on a du mal à maintenir dans le système démocratique européen me posent question. Je m'interroge aussi sur les moyens que nous avons en interne pour contrôler la gestion des subventions qui sont versées à notre propre agriculture.

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Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation

Monsieur Lurton, je suis d'accord avec vous, le monde agricole ne perçoit pas tout à fait l'aide dont il peut bénéficier et je comprends qu'il s'interroge parce que nous sommes en pleine mutation. Dans les nombreux départements où je me rends, tous me font part de leur inquiétude et me disent qu'ils ne savent pas faire, qu'ils n'y arriveront pas... C'est le rôle des chambres d'agriculture et des filières de les accompagner. Des plans stratégiques de filières ont été définis à la suite des États généraux de l'alimentation. Sur le papier, ils sont tous très bons. Mais le papier doit se décliner en actions concrètes.

Je ne dis pas que cela ne se fait pas. Il y a tout pour réussir : les plans stratégiques de filières sont en place ; les chambres d'agriculture vont jouer leur rôle ; plus de 200 millions d'euros peuvent être mobilisés pour aider la transition. Nous allons essayer d'avancer. À partir du 1er janvier 2021, le conseil obligatoire devra être fait deux fois tous les cinq ans. Nous allons tout faire pour régler le problème. Nous travaillons beaucoup avec l'APCA pour avancer. J'ai une pensée pour M. Cochonneau, président des Chambres d'agriculture décédé brutalement pendant les fêtes.

Madame Limon, je suis navré de constater l'augmentation des achats de phytopharmaceutiques et ne peux vous en dire les causes. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à l'INRA et à l'ANSES de rapidement analyser la situation. Utilise-t-on plus de produits parce qu'ils sont moins efficaces et qu'il faut faire plusieurs passages ? C'est mon observation. Ce bilan n'est pas un échec. Il est vrai que nous ne sommes pas encore dans les objectifs que nous nous sommes fixés, mais il y a une sensibilisation qui progresse, des transitions qui se réalisent, des filières qui s'organisent ; tout cela est très important.

Madame Le Feur, moi qui ai fait, modestement, de mon département le premier département bio de France, je suis également opposé à l'évolution des règles si on ne peut contrôler leur mise en œuvre. Nous ne pouvons faire n'importe quoi. Mais j'y suis favorable si la labellisation et les contrôles restent possibles. Il existe peut-être des situations envisageables. De fait, lorsqu'on cultive des carottes, des pommes de terre ou de la vigne, on n'utilise pas les mêmes produits ou pas au même moment. Si l'organisme certificateur est capable de mener ces contrôles, je serai favorable à cette évolution parce que le mieux est l'ennemi du bien. Je veux aller en haut ; si je n'y arrive pas totalement, je préfère faire la moitié du chemin plutôt que de rester en bas. C'est mon objectif. Il est parfois critiqué, mais le Gouvernement veut nous faire avancer. Pour aller d'un point A à un point B, il faut quitter le point A. Or, il y a toujours une bonne raison de ne pas bouger.

De la même manière, il faut évidemment déployer tous les moyens mécaniques disponibles avant les pulvérisateurs. J'ai créé, il y a une douzaine d'années, le salon Tech&Bio dans la Drôme. Il s'agit du premier salon en Europe des techniques alternatives du bio, où passent des dizaines de milliers de gens. Les premières techniques alternatives sont l'agronomie, la transition agro-écologique et toutes les pratiques agraires que nous devons mettre en place. Nous sommes d'accord sur l'objectif. Toutefois, certaines pratiques culturales, comme en arboriculture, ne peuvent encore renoncer totalement au glyphosate. Je préfère alors que nous n'en utilisions que 20 % plutôt que 100 %.

Madame Toutut-Picard, je vous ai trouvé très dure sur la PAC. Les agriculteurs français n'ont pas l'impression qu'il n'y a pas de contrôle, ils ont même parfois l'impression qu'il y en a trop. Il faut sans doute aller plus loin mais de nombreux contrôles sont réalisés. L'Europe n'est pas corrompue ; ses aides ne sont pas attribuées n'importe comment à des gens qui ne le méritent pas ; mais nous avons des histoires différentes. Certains pays comme le nôtre sont entrés dans la communauté européenne il y a plus de 50 ans ; d'autres en 2004. Malgré tout, les aides de la PAC évoluent très fortement en faveur de la transition agro-écologique. Rendre l' eco-scheme obligatoire dans le premier pilier n'était pas gagné et nous y arrivons. On regarde concrètement à quoi sert l'argent distribué. C'est faux de dire que ce sont les plus gros qui reçoivent toujours. La prime aux premiers hectares est une réalité. Tous les jours, nous faisons en sorte que l'argent soit utilisé au mieux, avec les contrôles nécessaires. Quand on touche de l'argent public, il faut accepter d'être contrôlé.

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Certes, le travail mécanique du sol est une solution de remplacement au glyphosate, mais pas dans les régions aux pentes fortes et aux sols hautement érosifs. Différentes auditions nous ont montré que ses solutions ne sont pas généralisables à tous les territoires. C'est justement une des impasses du glyphosate.

Quant à l'étude sur la PAC réalisée par des Américains, nous pouvons douter de leur objectivité, leur propre dispositif national ayant un fonctionnement complètement opaque avec un système assurantiel dont nous ne savons pas comment il est géré. Cela étant, la PAC actuelle est perfectible.

Enfin, d'où viennent les chiffres d'une hausse des gaz à effet de serre produits par l'agriculture ? Du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ? Il n'y a pas forcément d'augmentation de ces émissions. De plus, il faut faire attention aux bases sur lesquelles on se fonde : pour l'agriculture, on considère les émissions de la totalité de la filière, depuis la fabrication de l'aliment jusqu'à son transport, ce qui n'est pas le cas des autres secteurs

Notre rapport a proposé la création d'une plateforme d'enregistrement des utilisations de produits phytopharmaceutiques. Les agriculteurs notent l'ensemble de leurs pratiques, dont une grande partie déjà sur informatique. Lors de chaque traitement, ils précisent le produit épandu et sa quantité à l'hectare. Les logiciels utilisés sont largement uniformisés. Ne serait-il pas possible de centraliser ces données et de créer une base de données unique sur l'utilisation des produits phytosanitaires ? Avant d'interdire certaines molécules, cela permettrait d'avoir une meilleure vision de leurs usages et de mieux préparer leur suppression. Avec mon collègue, M. Jean-Luc Fugit, il nous a été notamment difficile de connaître précisément les consommations et les pratiques des différentes filières. Une telle base devrait être encadrée juridiquement, mais elle pourrait aider l'administration et les pouvoirs publics dans l'accompagnement des agriculteurs.

Vous avez évoqué les discussions qui avaient eu lieu au niveau européen. Quelle est la position des différents États de l'Union européenne sur l'interdiction du glyphosate ? Nous savons que l'Autriche l'avait interdit, avant de revenir sur sa décision, et que l'Allemagne le prévoit pour 2023. Quel est l'état des discussions au niveau européen ?

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Le Gouvernement suit la mise en œuvre des contrats de filière. Quels en sont les résultats ? Comment interagit-il avec les filières dont la vitesse d'engagement ne lui semble pas optimale ? Dans un processus de progrès, il y a la trajectoire, le chemin, mais aussi la vitesse pour le prendre. En viticulture comme dans les autres filières, comment faites-vous pour que l'engagement soit à la fois fort et rapide, pour qu'il soit efficace et que l'on atteigne le plus rapidement possible l'objectif ?

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Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation

Votre idée de plateforme d'enregistrement est pertinente ; mais nous y avons réfléchi et nous n'y croyons pas aujourd'hui. Il faudrait un nouveau dispositif normatif pour qu'un agriculteur déclare instantanément. Or, nous leur en demandons déjà beaucoup. Votre mission, formidable par la largeur et la durée de son travail, peut étudier les conditions de sa mise en place pour qu'il soit vraiment accepté.

Au niveau européen, globalement, les derniers pays entrants sont les moins pressés de renoncer au glyphosate. L'année 2023 sera une année charnière. Si nous voulons que tous les pays de l'Europe interdisent le glyphosate en 2023, nous devons être capables de démontrer que cela fonctionne grâce à nos agriculteurs qui seraient pilotes du mouvement. Je suis favorable à cette interdiction, mais à condition qu'il y existe des alternatives et qu'on ne remplace pas le glyphosate par une nouvelle molécule chimique. Lors de l'examen de la loi Egalim, je m'étais opposé en tant que sénateur à l'inscription dans la loi de l'interdiction du glyphosate parce que je pensais que ce n'était pas possible. 2023 sera cruciale si nous avançons, grâce aux efforts de la recherche scientifique, avec une première sortie au 1er janvier 2021, conformément aux engagements présidentiels, qui ne laisse aucune filière sans alternative.

Monsieur Fugit, c'est la bonne volonté qui compte. J'essaie de faire en sorte que les filières avancent vite. Régulièrement, je les réunis toutes pour en discuter, ensemble ou séparément. Nous faisons des suivis de contrats de filières tous les trois ou quatre mois en regardant ce qui avance et ce qui n'avance pas. Ces États généraux – je peux en parler librement car je n'étais pas encore ministre - ont changé totalement la façon d'appréhender l'agriculture française et européenne. Le président de la République aura marqué la transition de notre agriculture et vous l'aurez accompagnée. Ces plans de filières sont très bien écrits et leurs objectifs sont clairs. Maintenant, il faut mettre tout le monde en mouvement. Certains agriculteurs s'inquiètent et n'y croient pas ; d'autres aimeraient que nous leur disions comment faire. La formation et l'action des chambres d'agriculture sont donc cruciales.

Nous constatons des avancées. L'année dernière, au congrès de l'association générale des producteurs de blé (AGPB) dans la région parisienne, ils m'ont annoncé passer en HVE 2 et s'appeler « les Nouveaux Céréaliers ». Au congrès de l'association générale des producteurs de maïs (AGPM) dans le Sud il y a un mois ou deux, ils m'ont également dit passer en HVE 2 et vouloir mettre 10 000 exploitations en HVE 2-HVE 3. À un moment, cela se traduira dans les achats et les ventes de glyphosate. La mise en œuvre de la séparation du conseil et de la vente ira aussi dans le bon sens. La volonté et la mise en œuvre des plans de filière font progresser le monde agricole. Mais si cela ne suffit pas, nous prendrons évidemment des mesures réglementaires. Déjà nous écartons progressivement les substances les plus préoccupantes, notamment les CMR 1, mais pas uniquement. En 2018-2019 38 substances ont été interdites au niveau de l'Union européenne et au niveau national. Nous poursuivrons cet effort et, dans les prochains mois, d'autres substances seront interdites par l'ANSES. Nous agissons sur les deux leviers. Le mouvement est lancé. Maintenant, il ne s'arrêtera plus.

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Je vous remercie, monsieur le ministre. Je souhaite avoir une pensée, au nom de la commission, pour M. Claude Cochonneau, président de l'APCA. Nous l'avions reçu ici dans le cadre des auditions de la mission d'information commune. Il était dévoué à la cause de la défense du collectif. Nous ne pouvons que le saluer et souhaiter bon courage à celui qui prend son intérim dans ces circonstances dramatiques, M. Sébastien Windsor, que nous avions entendu au nom de l'ACTA et que nous recevrons prochainement.

Cette mission se réunira le 29 janvier pour recevoir Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, et dans les semaines suivantes pour auditionner à nouveau l'INRAE et l'APCA. Notre mission a bien pour buts d'essayer d'apaiser les débats autour du glyphosate, de lutter contre les idées reçues et de faire avec et non pas contre les agriculteurs. Je vous remercie.

L'audition s'achève à quinze heures quarante.

Membres présents ou excusés

Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Réunion du jeudi 9 janvier 2020 à 14 h 30

Présents. - M. Julien Dive, M. Jean-Luc Fugit, Mme Sandrine Le Feur, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Élisabeth Toutut-Picard

Excusé. - M. Nicolas Turquois