Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Réunion du jeudi 9 janvier 2020 à 14h30
Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau, rapporteur :

Notre rapport d'étape pointait en effet un certain nombre de manques, notamment l'absence d'un « T zéro » ainsi que la non disponibilité des chiffres de 2018 à la fin 2019, ce qui compliquait le suivi de l'avancement de la stratégie de sortie.

J'étais présent au COS Écophyto II. Les données qui ont été présentées sont intéressantes. Mais ces derniers jours, dans la presse notamment, elles ont fait l'objet d'interprétations dictées par une vision particulière des choses. Elles soulignent l'augmentation globale des produits phytosanitaires sans relever la baisse de 10 à 15 % des produits les plus dangereux, c'est-à-dire ceux qui sont classés cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR 1 et CMR 2) et qui sont en forte diminution entre 2009 et aujourd'hui. Elles ne rappellent pas non plus qu'un certain nombre de molécules ont été interdites depuis une dizaine d'années, notamment au niveau européen. Cela en concernait une trentaine il y a deux ans et une quarantaine l'année dernière. Par ailleurs, elles ne tiennent pas compte du fait qu'ont été supprimés des produits qui étaient utilisés de façon très concentrée et qui sont remplacés par des produits moins efficaces donc utilisés à plus forte dose. Enfin, il faut observer qu'aujourd'hui, le soufre représente les plus importants volumes utilisés - à hauteur de 16 % des usages totaux de produits phytosanitaires -, aussi bien en agriculture biologique qu'en agriculture conventionnelle.

Des données très parcellaires ont été ainsi interprétées par des journalistes, des organisations non gouvernementales (ONG) et certains politiques de façon un peu caricaturale. Il est important de resituer ce bilan dans son contexte. Il faut arrêter de faire des schémas grossiers sans retracer tous les efforts réalisés par toutes les filières agricoles depuis plus de dix ans ainsi que par les gouvernements successifs avec les plans Écophyto I et II. Dire qu'il s'agit d'un échec est un peu facile et n'apporte aucune solution ; je n'en ai pas entendu beaucoup.

Pour un cadrage général, nous avons besoin d'évaluer les coûts économiques réels. Plusieurs intervenants ont présenté des projections, mais une vraie objectivation des coûts de la suppression du glyphosate est nécessaire. M. Philippe Mauguin, président-directeur général de l'INRAE, a annoncé des avancées, notamment sur la viticulture et sur les fruits et légumes. De nouvelles données devraient incessamment sortir. Il sera intéressant d'en avoir connaissance pour anticiper l'échéance. On ne peut acter la sortie au 1er janvier 2021 sans avoir, avant le 31 décembre 2020, de vision à plus ou moins long terme de la façon dont vont évoluer les situations. Il faut des précisions sur le calendrier réel d'interdiction et sur les dérogations dont pourront bénéficier les situations d'impasse qui auront été identifiées. Les agriculteurs ont besoin d'être rassurés à ce sujet.

Il est excessivement dangereux de faire de grandes déclarations – ce n'est pas de vous dont il s'agit – annonçant une sortie complète des produits phytosanitaires. Les produits phytosanitaires sont des outils de soin des plantes ; leur suppression poserait davantage de problèmes qu'elle n'apporterait de solutions. Il est nécessaire de sortir progressivement des produits les plus dangereux, ceux qui sont soumis à des CMR 1 et 2, comme le fait l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) qui interdit tel ou tel produit chaque fois qu'elle dispose d'études consolidées qui en prouvent la dangerosité. Mais dire que nous allons sortir totalement des produits phytosanitaires, je ne suis pas sûr que ce soit possible, et encore moins souhaitable.

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