Intervention de Jean-François Doridot

Réunion du mercredi 1er septembre 2021 à 15h30
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Jean-François Doridot, directeur général d'IPSOS :

Après les élections régionales et départementales de juin dernier, qui se sont caractérisées par un taux d'abstention record, nous nous sommes évidemment beaucoup penchés sur le sujet important de la participation électorale. Ce phénomène, qui a débuté il y a très longtemps, n'est pas forcément allé en s'amplifiant : ainsi, lors de la législature précédente, nous avons constaté une légère baisse de l'abstention aux scrutins intermédiaires puis à l'élection présidentielle.

Les circonstances dans lesquelles se sont tenues les dernières élections municipales, régionales et départementales étaient exceptionnelles, mais la crise sanitaire est loin de tout expliquer : ce serait une erreur que de se réfugier derrière ce paravent pour expliquer l'abstention. Il faudra déterminer si les raisons de ce phénomène ou les catégories de population qui en sont responsables ont évolué au fil du temps. Ce travail n'est pas évident.

D'une manière générale, vous le savez, l'abstention est très marquée chez les populations jeunes, où elle a trouvé son paroxysme en juin dernier. D'après nos enquêtes, moins d'un électeur de 18 à 34 ans sur cinq s'est rendu aux urnes les 20 et 27 juin – notez que cette tendance ne touche pas seulement les moins de 25 ans, mais aussi les jeunes actifs. Par ailleurs, l'abstention est plus forte chez les ouvriers, les employés et les catégories socioprofessionnelles (CSP) modestes, ce qui n'est pas nouveau non plus. Certes, il faut privilégier ces catégories de population lorsque l'on réfléchit à des mesures susceptibles de faire revenir les Français aux urnes, mais face à des taux d'abstention aussi élevés que 68 % ou 70 %, ce serait faire erreur que d'en rester là. En matière de participation électorale, l'écart entre les cadres et les ouvriers se réduit car un grand nombre de cadres se sont abstenus. Autrement dit, ce phénomène ne touche pas simplement les populations jeunes ou les populations un peu plus défavorisées : il concerne l'ensemble de la société française.

Les raisons de l'abstention sont difficiles à mesurer dans le cadre de sondages. Il y a une dizaine d'années, il s'agissait d'un phénomène un peu honteux, ce qui expliquait la difficulté qu'éprouvaient les instituts de sondage à estimer le taux d'abstention – cela dit, on ne nous le demande pas forcément et ce n'est pas un élément sur lequel nous sommes jugés. Les électeurs ont plutôt tendance à surdéclarer leur intention d'aller voter, ce qui est plutôt bon signe : cela signifie que nos concitoyens considèrent le vote comme un devoir. Cela est moins vrai depuis quatre ou cinq ans, même si l'on observe toujours dans nos enquêtes une surdéclaration de la participation, à cause d'autres biais. Du fait de la difficulté à avouer l'abstention donc, les raisons invoquées par les personnes interrogées n'étaient peut-être pas fausses, mais en tout cas pas très politiques : on prétextait l'organisation d'une fête ou d'une réunion de famille, ou encore l'impossibilité de se déplacer. C'est pourquoi les instituts de sondage ne se sont pas beaucoup penchés sur les causes de l'abstention.

Avec le temps, cependant, les raisons invoquées sont devenues beaucoup plus politiques. Je pense en particulier à deux raisons, qui ne concernent pas forcément les mêmes populations, et pour lesquelles les évolutions sont toujours difficiles à appréhender car les réponses dépendent en partie de la manière dont la question est posée. La première raison, structurelle, est liée à un mécontentement des électeurs vis-à-vis de l'ensemble de la classe politique, à une sorte de défiance que vous connaissez bien et qui n'a fait que s'accentuer ces dernières années. La seconde raison est encore plus préoccupante : elle tient à un certain désintérêt pour les élections, dont les enjeux ne sont pas compris, dont les conséquences sur la vie quotidienne ne sont pas perçues, et qui sont considérées comme inutiles. Depuis une dizaine d'années, cette cause de l'abstention apparaît davantage dans les enquêtes que nous menons juste avant les élections. Toutefois, il est difficile de donner des chiffres et d'essayer de faire des comparaisons. Comme vous pouvez l'imaginer, la crise sanitaire était la première raison d'abstention invoquée aux municipales l'année dernière – elle l'était encore, dans une bien moindre mesure, cette année.

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