Intervention de Adélaïde Zulfikarpasic

Réunion du mercredi 1er septembre 2021 à 15h30
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinions :

Y a-t-il un désintérêt pour le vote ? Même si c'est moins le cas que par le passé, paradoxalement, il est encore tabou de dire que l'on ne vote pas. Dans nos enquêtes, les deux tiers des Français déclarent voter à toutes les élections ou presque, alors que ce n'est pas vrai. Sans doute le vote est-il encore un peu sacré. Dans l'enquête que nous avons diligentée pour la Fondation Jean-Jaurès, les Français déclarent d'ailleurs que le vote est l'un des deux moyens les plus efficaces de faire valoir une conviction.

Mais les faits démentent cet attachement. C'est pourquoi, dans la note produite pour la Fondation Jean-Jaurès, nous estimons que les Français se sentent toujours engagés, mais que cet engagement ne passe plus par la politique ou le collectif – syndical par exemple. Il revêt des formes de plus en plus individuelles et privées : engagement dans une association, dons, boycott de produits ou de marques, etc. On peut donc parler d'individualisation des formes de l'engagement.

Vous évoquez le paradoxe entre l'abstention record lors des dernières échéances électorales, qui traduirait une contestation du politique, et un vote légitimiste. Mais il n'y a pas de paradoxe et c'est même un phénomène inhérent à la faible participation électorale : les électeurs qui se déplacent alors pour voter ont un rapport assez classique au vote. Pour eux, le vote est un devoir. Leur profil sociodémographique, mais aussi politique, est traditionnel. En conséquence, leur idéologie l'est également : ils sont proches des partis les plus traditionnels et leur vote est un peu plus légitimiste que la moyenne.

Vous m'interrogez sur les nuances entre vote blanc et abstention. Mon mémoire de recherche pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) s'intitulait « Le vote blanc : abstention civique ou expression politique ? ». Même si ce mémoire date de 2001, je m'intéresse toujours à ce sujet et je me sens donc particulièrement légitime à répondre. Il ressortait de mon étude qu'il existe probablement une différence de motivation et de profil entre les gens qui votent blanc et ceux qui s'abstiennent : le vote blanc semble plutôt le fait d'électeurs dotés d'un sens civique très aigu – ils n'imaginent pas ne pas voter – mais qui ne s'intéressent pas au sujet ou votent en général pour un parti et se trouvent dans l'impasse parce que l'offre électorale ne leur donne pas satisfaction. Ils décident alors d'exprimer un mécontentement. Cela ressortait particulièrement des nombreux entretiens qualitatifs que j'avais menés en complément de mes travaux quantitatifs. Si l'abstention peut être systématique, le vote blanc est plutôt intermittent.

Le vote blanc n'est donc pas une forme d'abstention. En le reconnaissant dans le cadre d'une réforme plus globale visant à rendre le vote obligatoire, je ne suis pas certaine qu'on amènerait plus d'électeurs vers les urnes, à moins que sa comptabilisation puisse, par exemple, entraîner l'annulation de l'élection présidentielle si un candidat doit rassembler la majorité absolue des suffrages pour être élu au second tour. Mais nous n'en sommes pas là.

Enfin, vous nous interrogez sur l'évolution des modalités du vote. Après les régionales, nous avons sondé les Français sur ce qui permettrait de lutter efficacement contre l'abstention. Ils sont assez favorables à la possibilité de voter à distance – par internet ou par courrier –, à la reconnaissance du vote blanc, à la généralisation du vote électronique ou encore à la possibilité de voter depuis leur lieu de travail, en semaine. En revanche, le vote obligatoire fait plus débat et le sujet semble particulièrement clivant.

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