Intervention de Laure Salvaing

Réunion du mercredi 1er septembre 2021 à 15h30
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Laure Salvaing, directrice générale de Kantar Public France :

Effectivement, dès que l'on parle d'obligation, les réactions peuvent être très vives. Les Français plaident plutôt pour la facilitation du vote – possibilité de voter sur plusieurs jours, vote par voie électronique ou par courrier. Dans un contexte de perte de repères, les citoyens-consommateurs veulent qu'on leur simplifie la vie : ils attendent des pouvoirs publics qu'ils améliorent le « service » et soient plus à l'écoute de leurs besoins et de leurs contraintes quotidiennes. Nos confrères de l'IFOP ont comparé l'abstention électorale actuelle à la désaffection des églises il y a quelques dizaines d'années. La perte de repères politiques et sociétaux explique cette prise de distance par rapport à la chose politique : les citoyens s'interrogent sur le sens du vote et de l'abstention. Une majorité continue à considérer que son vote a une valeur, mais se demande ce qui fonde cette valeur.

Que signifie l'abstention ? Est-ce une expression de colère ? Nous avions réalisé un sondage deux jours avant le dernier scrutin et interrogé les Français sur le premier mot qui leur venait à l'esprit quand on leur parlait de ces élections. Il s'agissait d'une question ouverte et le mot qui revenait le plus fréquemment était « indifférence », avant « colère ». Si certains – comme les Gilets jaunes – vont presque considérer l'abstention comme un devoir, visant à faire passer un message, une autre frange de la population, plus jeune et dont le niveau d'études est moins élevé, est simplement indifférente – leur vie est ailleurs. Cette indifférence est, à mon sens, plus inquiétante que la colère, qui reste une forme d'implication.

Je partage l'analyse de ma consœur sur la légitimation des sortants : lorsque le corps électoral se restreint, ceux qui se mobilisent ont des profils beaucoup plus classiques que les autres.

J'en viens à la question de la fiabilité et de la rotation de nos échantillons. À partir de 1 000 interviewés, l'échantillon devient très solide. Lorsque nous faisons appel à des panélistes – des gens inscrits sur des panels sur internet –, nous essayons de ne pas solliciter toujours les mêmes. Les règles déontologiques et de gestion des panels sont propres à chaque institut, ce qui peut expliquer des temps de réalisation d'études et parfois des budgets différents. J'ai déjà évoqué les méthodes mixtes : elles nous permettront d'atteindre des cibles que nous n'arrivons pas à toucher lors de nos enquêtes par internet ou par téléphone, voire en face-à-face à domicile.

Vous nous interrogez sur le vote obligatoire et la comptabilisation du vote blanc. Je partage l'analyse de ma consœur : nos études soulignent combien le profil de ceux qui votent blanc est différent de celui des abstentionnistes. En outre, il n'existe pas une unique catégorie d'abstentionnistes et il serait possible d'établir une typologie en fonction des différents ressorts de l'abstention.

Si la réflexion sur le vote obligatoire ou les modalités du scrutin est importante, elle ne doit pas servir à mettre de côté le principal problème – les critiques à l'égard de l'action politique, la désaffection, la méfiance et la perte de confiance réciproque, car les citoyens ont parfois le sentiment que les hommes politiques ne leur font plus confiance. C'est cette confiance qu'il faut essayer de restaurer pour favoriser la participation.

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