En 2015, après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper casher, nous avons réalisé une étude pour le compte de l'Assemblée nationale sur la thématique de l'engagement, en collaboration avec la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation pour l'innovation politique.
Qu'est-ce qui nous avait frappés et est probablement toujours vrai ? C'est un point de désaccord avec mes confrères, mais les citoyens estiment que le principal marqueur de l'engagement et de l'action citoyenne, c'est le vote. Lorsqu'on va ou qu'on ne va pas voter, on le fait en conscience, quels que soient la météorologie ou les engagements personnels. Les Français sont donc parfaitement conscients des effets de l'abstention. En France, cette dernière n'est pas du tout de même nature qu'aux États-Unis. Lors d'enquêtes récentes, notamment celle réalisée par le CEVIPOF, l'abstention résiduelle concernait 11 % de la population française, très en deçà de ce qu'on constate dans d'autres pays où la participation est faible, de manière tendancielle.
En facilitant le vote, on accroît évidemment la participation électorale. À l'automne dernier, lors des débats concernant la mise en place du vote par internet, nous avions testé différentes options pour Régions Magazine et, si on propose fromage et dessert aux Français, ils disent oui ! Ils estiment que la possibilité de vote à distance, ou par correspondance, en complément du vote en présentiel, les incitera à voter. Mais il s'agit là de déclarations d'intention.
La baisse de la participation ne touche pas uniquement la sphère politique, mais tous les corps intermédiaires. Ainsi la suppression des élections prud'homales n'a-t-elle pas suscité beaucoup d'émoi. Est-ce un phénomène rassurant ou inquiétant ? Chacun est libre de son analyse, même si voter pour ses juges n'est pas tout à fait dans la tradition française et que les Français n'identifient pas toujours bien le rapport de force entre patronat et représentants du monde salarié.
Si l'abstention a connu son paroxysme lors des derniers scrutins, nous avons très peu parlé de l'élection présidentielle et des élections législatives. Sauf en 1969, la participation a toujours connu une hausse entre le premier et le deuxième tour. L'élection présidentielle de 2017 fait donc exception, alors même que l'extrême droite était présente au second tour. La hausse de l'abstention est loin d'être négligeable : un Français sur quatre inscrits sur les listes électorales ne s'est pas déplacé au deuxième tour en 2017 et 4 millions de Français ont déposé un bulletin blanc ou nul dans l'urne. Cela signifie que 8 % des Français inscrits sur les listes électorales ou 12 % de ceux qui ont voté ont décidé de ne pas choisir entre un candidat, Emmanuel Macron, vu comme centriste, et une candidate d'extrême droite. Alors que la presse soulignait régulièrement l'enjeu du scrutin, une partie non négligeable de la population française n'a pas analysé la situation de la même façon et a émis un autre message. Il faut le garder à l'esprit.
Que s'est-il passé lors des élections législatives qui ont suivi ? Moins d'un électeur sur deux s'est déplacé au premier tour, record absolu d'abstention depuis la création de la Ve République, et moins de 43 % des inscrits ont pris part au vote au deuxième tour.