Intervention de Jean-François Doridot

Réunion du mercredi 1er septembre 2021 à 15h30
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Jean-François Doridot, directeur général d'IPSOS :

Les citoyens sont-ils aussi inquiets que les politiques du niveau de l'abstention ? Pas sûr. Après le premier tour des élections régionales et départementales, on a demandé à ceux qui avaient déclaré s'être abstenus s'ils le regrettaient : pour 75 % d'entre eux, la réponse fut négative. De toute évidence, c'était aussi pour certains une manière de faire passer un message. Les raisons d'un vote ou d'une abstention ne sont jamais évidentes à expliquer. Nous avons pu observer dans les dix jours précédant l'élection un dégonflement des intentions de vote en faveur du Rassemblement national – de 26 % à 24 %, par exemple –, mais dans une proportion bien moindre que ce qui s'est passé dans la réalité, avec un score final de 19 %. Une hypothèse – mais je ne sais pas si elle est juste – serait que le vote protestataire, qui s'exprimait en partie en faveur du Rassemblement national, a pris la forme de l'abstention ; mais, d'une part, cela ne veut pas dire que cela se reproduira à la présidentielle, d'autre part, cela suppose que le candidat du Rassemblement national avait peu de chances d'être élu, ce qui n'était pas le cas dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur – du moins selon les instituts de sondages : là-bas, un électeur du Rassemblement national avait tout intérêt à se déplacer pour voter pour M. Mariani, qui était en tête des intentions de vote. Mais la personnalité de M. Mariani correspondait-elle à l'image du Rassemblement national ? C'est un autre sujet. Il reste que les citoyens qui se sont abstenus ne le regrettent pas nécessairement, ce qui accroît encore la difficulté à les faire revenir dans les bureaux de vote.

Certaines mesures a priori judicieuses, comme le non-cumul des mandats, peuvent avoir joué, quoiqu'à la marge, sur la participation, dans la mesure où les gens votent aussi pour une personnalité. Aujourd'hui, les candidats sont moins connus et cela incite moins les électeurs à se déplacer.

Nous n'organisons pas d' escape games mais, en plus des études quantitatives classiques, nous procédons à des études qualitatives, en utilisant diverses méthodes : entretiens, réunions de groupes, communautés en ligne… Cela nous permet d'approfondir les choses et de mieux comprendre les dynamiques à l'œuvre. Il nous arrive aussi d'utiliser des méthodes expérimentales : par exemple, nous travaillons avec des laboratoires sur la notion de regret ou sur le taux de réactivité. Malheureusement, ce n'est pas cela qui nous permettra de savoir si M. Mélenchon fera 19 % ou 20 % à la prochaine élection. Or c'est là ce qu'attendent les politiques et nos concitoyens des instituts de sondage – et c'est bien normal. De ce point de vue, les méthodes expérimentales, si elles nous permettent de mieux comprendre les raisons du vote, ne sont pas très intéressantes.

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