Je voudrais aller un peu plus loin dans la sociologie de l'abstention. Vous avez relevé le fait, déjà connu, que les jeunes et les catégories populaires sont les plus touchés, tout en disant que l'abstention concerne tout le monde. Avez-vous des éléments plus précis sur les dynamiques de chaque catégorie sociale ? Et, point qui me paraît essentiel, certaines familles politiques sont-elles davantage touchées par l'abstention ?
Par ailleurs, vous avez mis en cause, à raison, la responsabilité des politiques dans la situation assez dramatique de l'abstention. Il ne faut pas tourner autour du pot, cette responsabilité est majeure. Ceci étant dit, et sans provocation aucune, peut-on aussi s'interroger sur la place des sondages ? N'ont-ils pas une influence, quand on entend dire toute la journée que l'élection va se passer de telle manière ? Entendons-nous : je ne considère pas que les sondages soient prédictifs, et je ne pense pas un instant que vous ayez l'ambition de les présenter comme tels. Nous savons tous ici que ce sont les dynamiques qui sont importantes dans les sondages – et dorénavant la dynamique de l'abstention sera autant prise en compte que les chiffres de chacun des candidats. Mais les sondages ne pèsent-ils pas sur la mobilisation, en donnant l'impression que tout est joué et que ce n'est pas la peine d'aller voter ? Les électeurs ne se transforment-ils pas en stratèges dans ce qu'ils vous disent ? Le fameux vote prétendu utile est aussi lié à l'essor des sondages, me semble-t-il.