Intervention de Pierre Cordier

Réunion du mercredi 8 septembre 2021 à 11h35
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Cordier :

Je souscris aux remarques de mon collègue. Comme les représentants des instituts de sondage, que nous avons auditionnés la semaine dernière, M. Babinet a pointé du doigt le politique en général, et souligné que, pour accroître la participation aux différents scrutins, il fallait un changement dans la vision que les citoyens ont du politique. Pourtant, quelles que soient leurs sensibilités ou les collectivités qu'ils représentent, et qu'ils soient élus locaux ou nationaux, la plupart des élus essaient d'être présents sur le terrain, d'assumer leurs responsabilités et d'être réguliers dans leur travail, car ils pensent à leur réélection, ce qui est normal. On a tout de même davantage de chances d'être réélu lorsque l'on travaille que quand on reste chez soi ou que l'on voyage.

Nous avions aussi évoqué avec les organismes de sondage la vision du politique et le phénomène de « généralisation » de certains faits ou de certaines idées par les chaînes d'actualité et les réseaux sociaux : d'un élu moins respectueux de l'éthique et de la loi, on aboutit au sentiment que les élus sont « tous les mêmes ».

Dans mon département des Ardennes, où la participation aux élections locales n'a pas été forte, des personnes que je connaissais bien, qui avaient toujours participé aux élections, disaient qu'elles ne me visaient pas par leur abstention, mais qu'elles voulaient lancer un défi au politique. Cela rejoint ce que vous évoquiez précédemment.

Je suis également très attaché au vote physique. Dans une démocratie, ne pas être capable de prendre dix minutes pour se rendre à un bureau de vote, choisir un bulletin, le mettre dans l'enveloppe et signer une liste d'émargement, pose question. Au-delà de l'effort qui peut être fait pour les Français de l'étranger, le vote électronique conduira à la suspicion : ceux qui n'auront pas voté pour le candidat élu penseront qu'il y a forcément eu une « magouille », et seront alors susceptibles de critiquer le fonctionnement du dispositif. Je partage donc le bilan coût-avantages que vous avez présenté.

J'ai le souvenir du feuilleton interminable du vote électronique lors de l'élection présidentielle américaine de 2000 : on n'en finissait pas de recompter les voix, notamment, mais pas uniquement, en Floride. Finalement, George Bush avait battu Al Gore d'un faible nombre de voix, remportant la totalité des grands électeurs d'un État, ce qui avait fait basculer l'élection. Cela a conduit à un fort sentiment de suspicion parmi les électeurs qui avaient voté pour Al Gore.

Quel que soit leur niveau, les politiques pensent qu'il existe des solutions toutes faites, un peu gadget, si vous me passez l'expression, pour encourager la participation des citoyens au scrutin. Le vote électronique en est une : en restant chez eux ou en se déplaçant sur une machine dans un bureau de vote, les citoyens pourraient voter plus facilement car ce dispositif semble moderne.

Pensez-vous s'il soit facile, pour un informaticien habile, de trafiquer les machines et de chambouler le résultat d'un scrutin ? Avez-vous connaissance d'un tel système, en Europe ou ailleurs, qui aurait provoqué une suspicion et, dans la foulée, des mouvements graves de protestation ? Lorsque la participation n'est que de 30 %, s'abstenir est de la responsabilité personnelle des citoyens. S'ils pensent qu'il y a eu une magouille avec une machine, je crains des mouvements de mécontents dans la rue ou des accrochages avec les scrutateurs des bureaux de vote. Une telle suspicion pourrait générer de fortes tensions.

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