Intervention de Gilles Babinet

Réunion du mercredi 8 septembre 2021 à 11h35
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Gilles Babinet, coprésident du Conseil national du numérique :

L'Estonie, un des pays qui a le plus numérisé les processus administratifs et politiques, conserve systématiquement une voie traditionnelle. Un tel principe figure d'ailleurs dans la loi. De même, la France pourrait maintenir la campagne papier, et offrir à ceux qui le souhaitent la possibilité d'opter en un clic pour une documentation électronique. La mesure semble de bon aloi, et apte à faire économiser de nombreux documents papier au fil des années.

Le terme « décentralisation » est impropre en effet : je pense plutôt à une « détechnocratisation », une suppression des couches administratives et, de façon générale, à rapprocher le citoyen de la décision. C'est cela que j'exprime avec le concept de « démocratie liquide », c'est-à-dire le fait qu'un citoyen soit au cœur de l'État, au lieu de lui faire face.

On observe ainsi des citoyens qui participent activement à la rédaction des projets de loi ou à l'élaboration des principes qui les guident, voire qui construisent des outils pour le compte des autorités publiques. À Taïwan, le système de traçage du covid a d'abord été construit par l'État, puis, face aux critiques, un autre a été élaboré de façon citoyenne, et massivement accepté. Le traçage automatique par bluetooth a été remplacé par une déclaration volontaire. Le taux de déclaration des cas contact a beaucoup augmenté.

Le concept reste étranger aux principes de fonctionnement des institutions et de l'administration françaises : on est dubitatif face à la possibilité d'un tel processus. Pourtant, dès que l'on s'y intéresse, on rencontre des exemples à grande échelle. Taïwan est un assez grand pays, qui rassemble environ 25 millions d'habitants. Cet État, qui était une dictature il y a peu, a réussi à créer un engagement citoyen très fort. Comme la Corée du Sud, il a réussi à faire fondre la barrière qui peut exister entre les citoyens et les acteurs politiques ou des institutions.

Avons-nous eu connaissance de cas où des élections étaient altérées par des forces étrangères ? Non, par le vote électronique, mais oui, par l'influence. Cela a notamment été le cas pour le Brexit : on a de fortes raisons de penser que les Russes se sont mêlés de ce scrutin, et ont eu une influence substantielle, même si on ne peut pas la mesurer objectivement. Le vote ayant été très tendu, les résultats auraient peut-être été différents sans cette influence. Si l'on ouvrait la possibilité pour des hackers d'entrer dans des machines de vote, ils y consacreraient une grande énergie. Je ne sais pas s'ils y parviendraient mais le risque semble tellement élevé qu'il faut éviter de le courir.

Enfin, je suis favorable à la simplification des processus d'accès à la procuration. Ils nécessitent à l'heure actuelle d'entrer dans un commissariat. Je ne suis pas certain que les jeunes aient envie de se ruer dans un tel lieu. Si l'on disposait d'une identité électronique, il serait très facile de réaliser une procuration en ligne. Du point de vue de l'altération du vote, le risque est inexistant. On pourrait critiquer le fait que cela n'existe pas car la base du contrat social entre les citoyens est de pouvoir choisir de participer à la vie de la Cité, en votant. Ne pas avoir répondu à cette exigence, par faiblesse d'engager le débat sur le vote électronique, me semble critiquable.

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