Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, je voudrais commencer mon propos en rendant hommage à tous les professionnels de santé, qui, grâce à leur dévouement, leur formation de qualité et leur professionnalisme, permettent à notre système de santé de demeurer l'un des meilleurs au monde, malgré toutes les contraintes auxquelles ils sont soumis.
Par ailleurs, au nom de l'ensemble des députés du groupe MODEM, je tiens à vous assurer, madame la ministre, de notre soutien dans la mise en oeuvre de vos objectifs ambitieux que vous avez bien voulu nous présenter hier en commission, notamment en matière de prévention. Les projets de loi de ratification d'ordonnances que nous examinons aujourd'hui ne s'inscrivent pas exactement dans ce cadre, puisqu'ils sont issus de la loi de modernisation de notre système de santé, adoptée sous la précédente législature. Je limiterai mon propos à trois aspects de la quatrième ordonnance, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.
Premièrement, son caractère d'urgence. La France, comme quatorze autres États membres, est tenue de transposer cette directive sans délai. Notre pays, sous le gouvernement précédent, a été rappelé à l'ordre à deux reprises, avec deux avis motivés, et nous sommes actuellement sous la menace d'un recours en manquement formé par la Commission européenne, le délai de transposition étant clos depuis le 18 janvier 2016. Nous comprenons – mais cela n'est pas de notre fait – que l'Assemblée, à peine élue, soit amenée à voter dans la précipitation ces projets de loi.
Deuxièmement, les conséquences directes de l'ordonnance sur l'organisation de notre système de soins. Dans le domaine de la santé, l'accès partiel concernera les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, auxiliaires médicaux, aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers, assistants dentaires et conseillers en génétique.
Nous ne pouvons nier que cette mesure comporte un véritable risque de dépréciation de la qualité et de la sécurité des soins. À ce titre, elle suscite beaucoup d'incompréhension et de craintes parmi les professionnels de santé. Ces dispositions concernant l'accès partiel auront des conséquences directes sur l'organisation de notre système de soins : lors des auditions des professionnels de santé, la semaine dernière, nous avons tous été marqués par le témoignage de la présidente de l'ordre des sages-femmes, qui nous a expliqué qu'une sage-femme croate, moins bien formée que son homologue française, serait autorisée à pratiquer un accouchement en France. Nous ne souhaitons pas revenir au temps où les accouchements étaient pratiqués par des « matrones ». Pour cette raison, la directive précise qu'en cas de raisons impérieuses d'intérêt général, un État membre devrait être en mesure de refuser l'accès partiel. C'est le cas en particulier pour les professions de santé, si elles ont des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients.
Troisième point, la France a choisi de transposer la directive à la lettre, prévoyant un régime d'autorisation encadré. D'autres pays ont fait une interprétation différente du droit européen. Ainsi, l'Allemagne a opté pour un régime d'interdiction, sauf exception. Conscients que vous héritez de ce dossier laissé par l'ancien gouvernement, nous nous interrogeons néanmoins sur le bien-fondé de la décision de transposer la directive à la lettre plutôt que de choisir une interprétation plus protectrice, comme l'a fait l'Allemagne. Nous observerons donc avec intérêt la décision que la Cour européenne prendra s'agissant de l'interprétation de la directive choisie par ce pays.
Les députés du groupe MODEM sont très mobilisés afin de s'assurer que l'adaptation du droit français aux règles européennes ne conduise en aucun cas à une dépréciation de la qualité et de la sécurité des soins, au détriment des patients. C'est pourquoi nous souhaitons que soit réalisé un état des lieux de la transposition de la directive européenne, étudiant notamment la possibilité pour la France de s'orienter vers une interprétation plus protectrice de notre système de santé. Nous voulons en particulier que notre pays soit en mesure de refuser l'accès partiel, chaque fois que nécessaire, en particulier si ces demandes peuvent avoir des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients. Nous avons entendu vos explications, madame la ministre, notamment sur les conditions de mise en oeuvre du décret, et nous nous félicitons de votre engagement d'introduire l'accès partiel dans notre pays dans les meilleures conditions possible, et de le soumettre à des contrôles très stricts.
Nous souhaitons que les parlementaires et les professionnels de santé soient étroitement associés à la rédaction du décret d'application, afin de privilégier la concertation et le dialogue constructif. En dernier lieu, il nous paraît important que des points d'étape soient réalisés régulièrement, notamment dans le cadre de la mission de contrôle du Parlement, afin de rendre compte de l'application de l'accès partiel et de ses conséquences dans notre pays.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe MODEM voteront les trois projets de loi de ratification d'ordonnances, mais seront vigilants sur le contrôle strict de l'accès partiel. Il faudrait également que les organisations professionnelles puissent donner un avis conforme et non seulement consultatif car elles sont seules habilitées à reconnaître les qualifications professionnelles.