. L'instauration du vote obligatoire changerait considérablement le rapport entre les responsables politiques et les électeurs au moment d'une campagne. Certains logiciels de segmentation électorale permettent à un candidat de savoir à la porte près où il doit aller faire campagne : il y a des quartiers dans lesquels il faut faire campagne et d'autres dans lesquels ce n'est pas utile. Le vote obligatoire oblige les candidats à aller faire campagne partout. Il fait peser la responsabilité sur les électeurs, certes, mais il change le rapport que les responsables politiques ont avec eux. Peut-être des électeurs qui ne votent pas verraient-ils pour la première fois un responsable politique faire campagne dans leur quartier, jusqu'ici délaissé. La segmentation électorale participe de ce que Jérôme Fourquet appelle « l'archipelisation de la société ». Le vote obligatoire permettrait de rapprocher certaines franges de la population.
En effet, un fait de campagne survenu le samedi ou le dimanche peut avoir un impact pour l'électeur qui a déjà voté le mardi. Mais la mobilité électorale est déjà présente : au cours des six mois qui ont précédé la dernière élection présidentielle, un électeur sur deux a changé d'intention de vote ou a changé son intention de voter ou non. La question de la mobilité électorale serait aggravée par le vote par anticipation, mais dans un pays qui vote de plus en plus d'un point de vue épidermique, biographique et non plus idéologique, elle existe déjà.
Nous n'avons pas parlé des non-inscrits et des mal-inscrits. Ces derniers représentent entre 6,5 et 7 millions de Français. Je ne comprends pas comment il est possible de ne pas avoir rendu automatique un changement d'inscription dans un bureau de vote, à partir du moment où vous faites votre déclaration de changement de domicile auprès de l'administration fiscale. Si vous faites cela, vous récupérez 6,5 ou 7 millions de votants potentiels. Techniquement, cela ne me semble pas très compliqué.