. S'agissant des élections régionales, on observe de fortes différences entre classes sociales et entre générations. Le taux d'abstention au premier tour s'élève à 82 % chez les moins de 35 ans, à 70 % chez les 35-49 ans, à 68 % chez les 50-64 ans. Il tombe à 53 % chez les 65 ans et plus.
Par ailleurs, le taux d'abstention aux régionales est très élevé dans certaines banlieues : 88 % à Vaulx-en-Velin, 83 % à Vénissieux, et 80 % à Stains. L'abstention a touché tout le monde, mais pas dans les mêmes proportions : elle s'élève à 70 % à Megève, à 66 % dans le 16e arrondissement de Paris, à 65 % à Deauville.
Nous noterons toujours de fortes différences générationnelles et de fortes différences entre catégories sociales. Le fait d'avoir des chiffres aussi importants dans des territoires aussi différents que Megève et Stains accrédite l'idée qu'il s'agit d'un mouvement de fond plus qu'un élément contextuel.
En ce qui concerne la jeunesse, je suis frappé par le décalage existant entre les moyens de communication et les canaux de diffusion dont on pense qu'ils vont toucher la jeune génération dans l'acte de voter, et la réalité. Certains responsables politiques vont sur TikTok, Instagram, ou se rendent dans l'émission de Cyril Hanouna. Quel impact cela a-t-il eu sur le vote, sur l'intérêt porté à la politique, sur l'image renvoyée par les responsables politiques ? Au mieux, cet impact est nul ; au pire, cela rabaisse le politique à un rang qui ne devrait pas être le sien. Ce qui a été dit tout à l'heure, sur le fait que les jeunes ne demandent pas un vote sur Twitter ou sur Facebook, est extrêmement révélateur.
Je suis d'accord : certains médias n'incitent pas à voter. Je suis partisan de la rareté en politique. Les gens qui écoutent France Inter et lisent la presse écrite constituent une catégorie particulière qui vote déjà ; mais les chaînes d'information en continu, qui sont regardées par une grande partie de la population, toutes classes sociales confondues, provoquent une « overdose », alors qu'il faudrait cultiver la rareté. Lors du premier tour des élections régionales du 20 juin 2021, la soirée électorale sur France 2 a attiré 2,2 millions de curieux (10 % de parts d'audience), contre 4 millions de téléspectateurs pour le film diffusé sur TF1 All Inclusive avec Franck Dubosc, soit 20 % du public. L'on aurait pu penser que la soirée électorale allait rester la « grande messe », mais ces chiffres attestent un désintérêt, dû à une « overdose ».
En football, il a été proposé de créer une Super Ligue, pour regrouper dans un seul championnat les meilleurs clubs d'Europe. L'un des arguments des promoteurs était le désintérêt de la jeune génération pour le football. Aujourd'hui, si vous regardez tous les championnats européens, vous avez la possibilité de voir des matchs de football tous les jours, tous les soirs. Cela a créé un dégoût, un rejet, chez une partie des amoureux du football. L'élément qui a été mis en avant pour lutter contre la Super Ligue est la rareté : ce que les gens aiment, c'est la rareté des grands moments, des grands matchs, mais ils ne souhaitent pas avoir des grands matchs chaque semaine. La rareté peut être l'un des éléments qui redonnent envie d'être curieux de quelque chose.