Intervention de Gérard Grunberg

Réunion du mercredi 15 septembre 2021 à 14h35
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Gérard Grunberg, directeur de la publication de Télos :

. Dans quelle période sommes-nous ? Il y a deux façons de le voir. Bernard Manin, dans un livre important sur la démocratie représentative, disait que nous étions passés de la démocratie de partis à la démocratie du public. Ce qu'il disait s'est révélé assez juste, en particulier sur la personnalisation de la politique, mais ce à quoi il faudrait qu'il réfléchisse, c'est au fait que cette démocratie du public a évolué. Il faut l'étudier et le comprendre. Quand il a écrit ce livre, les partis existaient encore assez fortement. Nous ne savons pas si la crise des partis politiques correspond à l'apparition de nouveaux clivages politiques ou à la disparition d'anciens clivages, qui créeraient la situation très compliquée dans laquelle nous nous trouvons.

Que vont devenir les partis politiques dans le fonctionnement démocratique ? Je commence à me poser sérieusement cette question. Jusqu'à une date récente, je n'arrivais tout simplement pas à penser à ce que pouvait être la représentation sans partis politiques. Il va falloir y réfléchir, car il se passe quelque chose, et pas seulement en France, entre la personnalisation d'un côté et les Gilets jaunes de l'autre. La situation à LR, de ce point de vue, me paraît très intéressante. D'un côté, le parti veut organiser une primaire ; de l'autre, vous avez un candidat qui est très proche mais qui ne veut pas participer à la primaire. Ces deux processus parallèles confirment ce que je dis sur l'évolution de la démocratie représentative. Nous sommes au cœur du problème : qu'est-ce que les partis peuvent ou ne peuvent pas faire dans l'organisation de la démocratie ?

Si vous n'avez plus que les sondages et que vous n'avez plus d'organisation et d'accords collectifs pour sélectionner les candidats, tout peut se passer dans notre démocratie. Ce qui était bien, dans la démocratie de partis, c'est qu'ils organisaient la vie politique – pas quand ils étaient totalitaires, évidemment. Aujourd'hui, les partis en tant qu'organisations sont peut-être condamnés – je n'en suis pas sûr et ne l'espère pas, mais l'on ne peut pas exclure cette hypothèse – mais d'un autre côté, l'on ne voit pas très bien comment cette démocratie va vivre. Au-delà de l'abstention, c'est la question qui se pose dans nos sociétés.

En ce qui concerne les modes de scrutin, nous avions, Jean-Louis Missika et moi, proposé de modifier la règle des 12,5 % des inscrits pour pouvoir se accéder au deuxième tour de l'élection législative, car elle est une des raisons de l'augmentation de l'abstention. Lorsque cette règle a été instaurée, l'abstention se situait entre 10 et 15 % : il suffisait d'avoir 17 % pour être qualifié. Aujourd'hui, si l'abstention aux législatives continue d'augmenter et atteint les 60 %, il faudra avoir plus de 30 % des votes exprimés pour aller au second tour. Le fait de considérer qu'aucun candidat n'est vraiment légitime et qu'il faille les « repêcher » est un problème. Je vous prie de faire très attention à cette affaire. Il faut revenir par exemple à 12,5 % des suffrages exprimés, car actuellement, 95 % des candidats sont éliminés. Ou alors il faut être honnête et dire que ce sont les deux premiers qui sont qualifiés. Mais il faut arrêter ce système qui ne correspond plus à ce que l'on voulait faire à l'époque : il s'agissait d'éliminer les candidats qui n'avaient rien à faire là, mais aujourd'hui, le système élimine trop de monde.

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