Intervention de Olivier Durand

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 15h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Olivier Durand, fondateur de l'Association pour la reconnaissance du vote blanc :

Vous accueillez le collectif 25 avril. En effet, j'ai demandé à Mme Joséphine Staron, qui représente le think tank Synopia, et à M. Yann-Mael Lahrer, qui défend le processus de tirage au sort, de m'accompagner. Dans mon exposé, vous comprendrez pourquoi le collectif s'appelle 25 avril et ses objectifs. Sans le vouloir, vous avez reconstitué ce collectif éteint en raison de la pandémie, notamment.

La question qui vous intéresse ici est l'abstention. J'espère vous fournir des outils pour mener à bien votre réflexion. Mon exposé repose sur un travail réalisé le jeudi 23 septembre 2021. Le collectif 25 avril tente d'introduire au Parlement la réflexion sur le vote blanc, le jugement majoritaire et le tirage au sort, afin que les législateurs débattent de ces processus électoraux en profondeur. Nous existons depuis vingt-sept ans. Le vote blanc est régulièrement comparé à un serpent de mer. Il s'agit plus vraisemblablement d'un marronnier. Lorsque des débats ont lieu à ce sujet à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi ou d'un amendement, ils demeurent superficiels. En effet, lorsqu'un sujet est abordé à l'Assemblée nationale, un élu en dit ce qu'il pense, un autre indique son désaccord et le débat ne s'étend pas davantage. Nous souhaitons au contraire que soit mis en place un groupe de travail. Le député Jean-Philippe Maurer en 2011 avait réussi à l'obtenir, mais il n'a pas été réélu en 2012. Nous désirons un débat en profondeur sur ces questions réunissant des élus, des universitaires et des citoyens. C'est en ce sens que nous nous sommes réunis le jeudi 23 septembre 2021 avec des universitaires, un maire, un conseiller régional. Nous regrettons qu'aucun député n'ait pu être présent.

Depuis une trentaine d'années, le sujet est évoqué dans l'hémicycle, mais rien n'est proposé pour étayer ces propos, tels qu'une étude scientifique. Le vote blanc permet de diminuer l'abstention. Cet élément est avancé dans la dernière proposition de loi constitutionnelle déposée par M. Jean Lassalle. Il était également présent en 2018 dans l'amendement de M. Xavier Breton lors de la révision institutionnelle. Toutefois, aucun élément ne permet d'affirmer que le vote blanc diminuerait l'abstention. Nous avons trouvé une étude réalisée l'an dernier à l'université de Vienne comparant les élections nord-américaines et autrichiennes de 2016. Cette étude a analysé les réactions d'un panel d'individus auxquels il avait été remis un bulletin « pour aucun candidat » parmi les autres bulletins. De nombreuses personnes au sein de ce panel auraient utilisé ce bulletin. Cette étude indique que, si les électeurs disposaient de cette possibilité, ils iraient plus largement voter. Cependant, il s'agit d'un phénomène déclaratif. En outre, dans les pays qui reconnaissent le vote blanc la participation au scrutin ne s'avère pas massive. En Iran, lors d'élections locales dans trois villes, le vote blanc est arrivé devant tous les candidats. La participation à cette élection était toutefois particulièrement faible.

Selon nous, vous vous attelez à un long chantier, car il s'agit d'une histoire de mentalité. Les arguments contre le vote blanc sont régulièrement avancés par le ministère de l'Intérieur dans les débats au sein de l'Assemblée nationale. Quant au président de la République, le 25 avril 2019, il a évoqué le vote blanc pour clore le grand débat en indiquant que l'élection sert à désigner un vainqueur. Dans les débats de jeudi 23 septembre 2021, un politologue spécialiste de la vie électorale en France nous a révélé qu'avant la Révolution, le vote existait déjà, notamment dans le clergé. La Révolution a permis d'introduire la démocratie dans les élections. Auparavant, il s'agissait de nommer quelqu'un. Les idées de la Révolution ne sont jamais entrées dans l'acte électoral.

En 1848, la première élection au suffrage universel masculin est confiée à un juriste député monarchiste très clérical, même si des républicains radicaux votaient pour lui pendant la Restauration. Il conserve l'idée selon laquelle l'élection permet de désigner un vainqueur.

Lorsque vous désignez un vainqueur, vous démobilisez la population. Je vote depuis quarante ans et ma voix n'a jamais modifié un résultat. Je me déplace, car la République fait appel à moi. Cependant, si je vote blanc, ma voix ne compte pas. Un scrutin doit permettre à l'électeur de voter en conscience. Si vous le méprisez, il restera chez lui.

Nous comptons parmi nous une universitaire qui travaille pour le Centre de recherches politique de Sciences-po (CEVIPOF). Elle a étudié le vote blanc en 2001. La volonté de l'électeur est de demeurer digne d'être citoyen : si le parti pour lequel il vote habituellement ne lui convient pas, il souhaite tout de même être entendu. Or le principe « un homme égale une voix » laisse totalement indifférents les députés et les sénateurs. Le jour de l'élection devrait représenter une fête du citoyen, la célébration de nos principes républicains. Dans Les Lieux de mémoire de Pierre Nora, aucun chapitre ne concerne les élections. L'acte électoral n'appartiendrait donc pas à l'imaginaire français.

Notre collectif a choisi le nom de « 25 avril », car le président de la République a indiqué en 2019 dans un discours qu'il ne retiendra pas le vote blanc : « La crise de notre démocratie est une crise d'efficacité, de capacité à prendre des décisions. Nous pouvons avoir des projets dont aucun ne nous plait totalement, mais nous devons choisir soit pour le moins de mal soit pour le mieux possible. Ce choix est important et difficile, il faut prendre des options, il faut choisir. Je sais que nous vivons une période difficile, blanc ça ne décide pas, blanc c'est l'agrégation des rejets et des refus, c'est trop facile. » Par conséquent, 15 millions de Français ont été peureux. Un an plus tard avec la pandémie, une partie de la population a été portée aux pinacles. Or il pourrait s'agir de personnes qui ont voté blanc. Pourtant elles sont restées à leur poste pendant la pandémie. Un bulletin reste un bulletin, qu'il plaise ou non il doit être pris en compte. Synopia travaille sur la cohésion sociale. L'élection constitue un lien social.

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