Intervention de Elizabeth Zoller

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 16h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Elizabeth Zoller, professeure émérite de droit public des pays de common law et de droit constitutionnel comparé à l'université Paris 2 Panthéon-Assas :

La France n'étant ni un État fédéral ni un pays de common law, une transposition poserait d'immenses difficultés juridiques. Le fédéralisme est à éviter à tout prix. La constitution américaine est admirable. Cependant, elle ne donne des résultats qu'entre des mains américaines. Partout ailleurs, elle a échoué. Elle soulève des difficultés sans nom, comme l'évoquait Alexis de Tocqueville, car elle procède d'une théorie juridique : le fractionnement de la souveraineté. Le résultat est l'éparpillement du pouvoir dans toute la société. Le président Truman avait sur son bureau un panneau indiquant :  the buck stops here. Il s'agit d'un système de délégation du pouvoir fondamentalement opposé à nos traditions et à notre culture. Le problème fondamental des États-Unis, Alexis de Tocqueville le disait déjà, est de savoir comment faire obéir les États souverains et indépendants. La loi HAVA dispose que le gouvernement fédéral donne des dotations à une administration qui est l' election advise commission. Une clause limite le pouvoir réglementaire de la commission qui n'aura aucune autorité pour promulguer un règlement ou toute autre action qui imposerait une décision à une unité ou un gouvernement local.

S'agissant du vote électronique, avec le système des listes électorales imposées aux États, les Américains ont fourni beaucoup de données personnelles. Or ces listes ont été piratées par les Russes, entrainant de graves difficultés et de l'inquiétude. Le vote électronique n'existe pas à ma connaissance, sauf pour les militaires. Ce mode de scrutin n'est pas répandu, car il présente trop de risques.

Le contrôle des machines n'est pas très poussé. Les sociétés privées ne se laissent pas investiguer. Elles disposent de leur autonomie.

Vous avez évoqué la possibilité d'organiser l'élection du président de la République et des députés le même jour. Cela est une fausse bonne idée. Le président de la République n'est pas un chef de parti. Aux États-Unis, la présidence a été construite pour ne pas être l'instrument d'un parti politique. Or, elle l'est devenue, avec la réforme électorale de 1802, qui a supprimé le système de filtrage qui faisait que les hommes du type de Washington pouvaient accéder à la présidence. Bien entendu, dès qu'ils sont élus, les présidents américains tentent de sortir de leur appartenance partisane, mais il existe une différence importante, qui fait qu'ils ne disposent pas de la même légitimité que le président français : dans notre pays, le second tour reste systématique. Le président de la République est élu en France avec la majorité est absolue, tandis qu'aux États-Unis, cette majorité n'est que relative, et on n'imaginerait pas le président de la République élu en France à la majorité relative ! Nous avons peu d'institutions. Ce sont des « pouvoirs neutres », comme dirait Benjamin Constant, il est nécessaire de les conserver. Le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat sont au-dessus des partis politiques. Aux États-Unis, si vous dites que vous n'êtes pas partisan, personne ne vous croit.

Le gouvernement fédéral intervient très peu. L'amendement décisif en matière électorale est le quinzième amendement, qui dit que les États ne pourront pas refuser le droit de vote à un citoyen américain pour des raisons de race ou de couleur. Le 1er juillet dernier, la Cour suprême a reconnu l'absence de facilités de votes pour une population amérindienne qui ne dispose pas de voting center. Ils représentent 0,1 % de la population. Il a donc été décidé que leur vote n'était pas nécessaire. Nous ne pourrions pas agir de la sorte en France. Nous ne classons pas les individus par leur race.

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