Intervention de Roch-Olivier Maistre

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 14h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) :

Le CSA est très attaché à ses liens avec le Parlement et il a à cœur de répondre aux différentes sollicitations de la représentation nationale. À la veille d'une année électorale de première importance pour notre pays, les réflexions de votre commission s'avéreront essentielles pour éclairer les scrutins à venir. J'espère que l'expertise du CSA sur le suivi et la couverture des campagnes électorales pourront vous être utiles.

J'ai préparé des réponses écrites à votre questionnaire que je pourrai vous transmettre. Je souhaite revenir rapidement sur les leçons que nous pouvons tirer des précédentes campagnes audiovisuelles et vous dire un mot de la feuille de route du régulateur qui permettra de préparer les prochains scrutins, à savoir la consultation en Nouvelle-Calédonie en décembre 2021 et l'élection présidentielle française en avril 2022.

Nous pouvons d'ores et déjà tirer un enseignement du cadre juridique qui entoure les précédentes campagnes électorales. Les audiences des précédents scrutins nous renseignent également. La loi du 30 septembre 1986 prévoit la diffusion d'émissions officielles pour une série d'élections (présidentielles, législatives, européennes, certaines élections d'assemblées territoriales et pour des référendums). Ces émissions officielles, communément nommées « clips de campagne », permettent aux formations politiques et aux candidats de présenter et de développer leur programme et leur argumentation. Elles offrent un accès minimal à l'antenne aux partis politiques de moindre notoriété, qui sont moins présents dans les grandes émissions d'information. Ces émissions officielles constituent, de ce point de vue, un élément important du débat démocratique. Elles sont partie intégrante des missions du service public de l'audiovisuel. Les sociétés publiques (France télévision, Radio France et France Médias Monde) sont tenues de produire et de diffuser ces émissions. Le CSA définit les règles relatives aux conditions de tournage et de montage. Pour assurer l'égalité de traitement des candidats, le CSA fixe également la durée maximale de l'enregistrement des émissions et de montage des séquences.

Nous avons analysé les données d'audience des spots de campagne diffusés pour l'élection présidentielle de 2017. Cette étude souligne trois éléments que nous portons à votre connaissance. Tout d'abord, un intérêt plus marqué des téléspectateurs pour la campagne présidentielle par rapport aux scrutins législatifs. Ensuite, nous avons constaté une baisse d'intérêt des téléspectateurs au fur et à mesure du déroulement de la campagne. Ainsi, l'audience a diminué de 689 000 téléspectateurs entre le premier et le deuxième spot de campagne du premier tour diffusé à 20 heures. Enfin, nous notons le rôle clé joué par l'âge dans l'intérêt porté aux campagnes officielles. Les personnes de plus de 65 ans accordent un temps six fois plus important au visionnage de la campagne électorale législative que celles de la tranche 25 à 34 ans. La population de 35 à 49 ans accorde quant à elle un temps identique de visionnage aux deux campagne pour les élections présidentielle et législatives.

Concernant les scrutins de 2021, les campagnes régionales et départementales ont suscité un intérêt certain parmi les téléspectateurs. En effet, nous avons noté une audience plus élevée pour les campagnes d'intérêt général diffusées dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19. Il n'apparaît pas que cette campagne a fait l'objet d'une couverture éditoriale moindre que les précédents scrutins en raison de la crise sanitaire. Ces dernières consultations ont donné lieu à une bonne couverture médiatique par les antennes des réseaux locaux du service public, France 3 Régions, France Bleue, Outre-mer La 1ère et les télévisions locales. Ces dernières connaissent un regain d'activité avec le développement de nouveaux réseaux, notamment des chaînes privées qui investissent ce secteur. Beaucoup de débats ont été organisés par ces acteurs locaux du service public et privés. La forte abstention observée lors des deux tours ne semble pas imputable à un défaut d'attention des médias audiovisuels durant ces scrutins et notamment des médias de proximité.

La feuille de route qui sera celle du régulateur dans les mois à venir constitue la prochaine étape. Après avoir recueilli l'avis du Conseil constitutionnel, nous allons adopter une recommandation à destination des services de communication audiovisuelle pour fixer le cadre leur permettant de rendre compte des enjeux de la campagne présidentielle dans le respect de la loi de 1986. Cette recommandation sera applicable à compter du 1er janvier 2022, les élections étant fixées à la mi-avril 2022. C'est à cette date que la nouvelle institution, l'Autorité de régulation des communications audiovisuelles et numériques (ARCOM) verra le jour. Nous demeurerons très attentifs au respect du pluralisme politique sur les antennes. Je souhaite rappeler l'importance de cet enjeu : une participation électorale éclairée procède d'un débat d'idées. Par ailleurs, l'ensemble des courants de pensées et d'opinions doit pouvoir s'exprimer dans les médias audiovisuels. Il ne s'agit pas d'un simple système de recensement des temps de paroles des personnalités politiques, mais d'une condition vitale de notre démocratie. Le respect du pluralisme est une valeur inscrite dans notre Constitution. Le Conseil constitutionnel a rappelé que le pluralisme était consubstantiel à la vie démocratique de notre pays. Chacun doit pouvoir se retrouver dans l'éventail des personnalités politiques qui s'expriment à l'antenne et être en mesure de se forger une juste idée des enjeux des politiques publiques. Le CSA a pleine conscience de sa responsabilité, il l'assume et continuera à agir conformément à la mission que le législateur lui a confiée.

Nous demeurerons également attentifs aux enjeux de manipulation de l'information, puisque la loi du 22 décembre 2018 nous confie une compétence en la matière, dont l'importance s'avère particulière en période électorale.

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