Audition de M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
La séance est ouverte à 14 heures 05.
Présidence de M. Xavier Breton, président.
Dans la continuité de nos travaux, nous recevons aujourd'hui M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Nous aborderons avec vous les questions liées à la communication qui entourent le déroulement des élections. Le CSA veille au respect des règles relatives à la communication et au déroulement de la campagne audiovisuelle officielle. Notre commission auditionnera prochainement les responsables de France télévision et ceux de Radio France, ainsi que ceux des chaînes de télévision publiques et les représentants des principaux réseaux sociaux. M. Roch-Olivier Maistre, vous êtes accompagné de M. Guillaume Blanchot, directeur général du CSA et de Mme Justine Boniface, votre directrice de cabinet. Cette audition est ouverte à la presse. Elle est retransmise en direct sur le site Internet de l'Assemblée nationale, et fera également l'objet d'un compte rendu.
Le CSA est très attaché à ses liens avec le Parlement et il a à cœur de répondre aux différentes sollicitations de la représentation nationale. À la veille d'une année électorale de première importance pour notre pays, les réflexions de votre commission s'avéreront essentielles pour éclairer les scrutins à venir. J'espère que l'expertise du CSA sur le suivi et la couverture des campagnes électorales pourront vous être utiles.
J'ai préparé des réponses écrites à votre questionnaire que je pourrai vous transmettre. Je souhaite revenir rapidement sur les leçons que nous pouvons tirer des précédentes campagnes audiovisuelles et vous dire un mot de la feuille de route du régulateur qui permettra de préparer les prochains scrutins, à savoir la consultation en Nouvelle-Calédonie en décembre 2021 et l'élection présidentielle française en avril 2022.
Nous pouvons d'ores et déjà tirer un enseignement du cadre juridique qui entoure les précédentes campagnes électorales. Les audiences des précédents scrutins nous renseignent également. La loi du 30 septembre 1986 prévoit la diffusion d'émissions officielles pour une série d'élections (présidentielles, législatives, européennes, certaines élections d'assemblées territoriales et pour des référendums). Ces émissions officielles, communément nommées « clips de campagne », permettent aux formations politiques et aux candidats de présenter et de développer leur programme et leur argumentation. Elles offrent un accès minimal à l'antenne aux partis politiques de moindre notoriété, qui sont moins présents dans les grandes émissions d'information. Ces émissions officielles constituent, de ce point de vue, un élément important du débat démocratique. Elles sont partie intégrante des missions du service public de l'audiovisuel. Les sociétés publiques (France télévision, Radio France et France Médias Monde) sont tenues de produire et de diffuser ces émissions. Le CSA définit les règles relatives aux conditions de tournage et de montage. Pour assurer l'égalité de traitement des candidats, le CSA fixe également la durée maximale de l'enregistrement des émissions et de montage des séquences.
Nous avons analysé les données d'audience des spots de campagne diffusés pour l'élection présidentielle de 2017. Cette étude souligne trois éléments que nous portons à votre connaissance. Tout d'abord, un intérêt plus marqué des téléspectateurs pour la campagne présidentielle par rapport aux scrutins législatifs. Ensuite, nous avons constaté une baisse d'intérêt des téléspectateurs au fur et à mesure du déroulement de la campagne. Ainsi, l'audience a diminué de 689 000 téléspectateurs entre le premier et le deuxième spot de campagne du premier tour diffusé à 20 heures. Enfin, nous notons le rôle clé joué par l'âge dans l'intérêt porté aux campagnes officielles. Les personnes de plus de 65 ans accordent un temps six fois plus important au visionnage de la campagne électorale législative que celles de la tranche 25 à 34 ans. La population de 35 à 49 ans accorde quant à elle un temps identique de visionnage aux deux campagne pour les élections présidentielle et législatives.
Concernant les scrutins de 2021, les campagnes régionales et départementales ont suscité un intérêt certain parmi les téléspectateurs. En effet, nous avons noté une audience plus élevée pour les campagnes d'intérêt général diffusées dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19. Il n'apparaît pas que cette campagne a fait l'objet d'une couverture éditoriale moindre que les précédents scrutins en raison de la crise sanitaire. Ces dernières consultations ont donné lieu à une bonne couverture médiatique par les antennes des réseaux locaux du service public, France 3 Régions, France Bleue, Outre-mer La 1ère et les télévisions locales. Ces dernières connaissent un regain d'activité avec le développement de nouveaux réseaux, notamment des chaînes privées qui investissent ce secteur. Beaucoup de débats ont été organisés par ces acteurs locaux du service public et privés. La forte abstention observée lors des deux tours ne semble pas imputable à un défaut d'attention des médias audiovisuels durant ces scrutins et notamment des médias de proximité.
La feuille de route qui sera celle du régulateur dans les mois à venir constitue la prochaine étape. Après avoir recueilli l'avis du Conseil constitutionnel, nous allons adopter une recommandation à destination des services de communication audiovisuelle pour fixer le cadre leur permettant de rendre compte des enjeux de la campagne présidentielle dans le respect de la loi de 1986. Cette recommandation sera applicable à compter du 1er janvier 2022, les élections étant fixées à la mi-avril 2022. C'est à cette date que la nouvelle institution, l'Autorité de régulation des communications audiovisuelles et numériques (ARCOM) verra le jour. Nous demeurerons très attentifs au respect du pluralisme politique sur les antennes. Je souhaite rappeler l'importance de cet enjeu : une participation électorale éclairée procède d'un débat d'idées. Par ailleurs, l'ensemble des courants de pensées et d'opinions doit pouvoir s'exprimer dans les médias audiovisuels. Il ne s'agit pas d'un simple système de recensement des temps de paroles des personnalités politiques, mais d'une condition vitale de notre démocratie. Le respect du pluralisme est une valeur inscrite dans notre Constitution. Le Conseil constitutionnel a rappelé que le pluralisme était consubstantiel à la vie démocratique de notre pays. Chacun doit pouvoir se retrouver dans l'éventail des personnalités politiques qui s'expriment à l'antenne et être en mesure de se forger une juste idée des enjeux des politiques publiques. Le CSA a pleine conscience de sa responsabilité, il l'assume et continuera à agir conformément à la mission que le législateur lui a confiée.
Nous demeurerons également attentifs aux enjeux de manipulation de l'information, puisque la loi du 22 décembre 2018 nous confie une compétence en la matière, dont l'importance s'avère particulière en période électorale.
Par rapport à cette baisse de la participation, n'est-il pas indispensable de penser à une modernisation des outils de communication ? Une modification de ces règles vous paraît-elle souhaitable ? Je pense notamment aux publicités de campagnes électorales qui sont interdites dans notre pays. Doit-on réfléchir à un assouplissement de ces règles ? Faudrait-il envisager une modernisation des modalités de communication politique ?
Tout d'abord, il est nécessaire de concilier des objectifs contradictoires en la matière. Pour l'élection présidentielle, nous disposons de deux temps en matière de règles audiovisuelles. Le premier temps court de l'entrée en vigueur de la recommandation du CSA (le 1er janvier 2022) jusqu'à la publication officielle par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats. Pendant cette période, la règle de l'équité s'applique. Les médias doivent traiter les différents candidats et les candidats présumés de manière équitable en tenant compte du poids de la famille politique, des sondages et de la dynamique de la campagne. Un second temps concerne la campagne électorale officielle et correspond à une égalité stricte des temps de parole de tous les candidats. Nous assistons depuis un certain nombre d'années à une augmentation du nombre de candidatures. Dans les prestations médiatiques imposées, cela conduit à un effet d'accumulation, qui ne favorise pas le développement de l'audience. Il s'agit là d'une forme de contradiction. Le traitement doit demeurer équitable, mais il a des conséquences dissuasives vis-à-vis du spectateur.
Concernant la publicité, elle est interdite en France afin, d'une part, de limiter le pouvoir de l'argent et, d'autre part, de prémunir le débat des dérives induites par la publicité négative telle que nous l'observons aux États-Unis. Nous considérons que ces objectifs conservent toute leur légitimité. Les acteurs politiques bénéficient par ailleurs de nombreux canaux d'expression parmi lesquels se trouvent les médias audiovisuels, les émissions d'expression directe, la presse écrite, les meetings et, désormais, des éléments de la sphère digitale avec Internet. Mon approche est donc plutôt en retrait concernant la publicité politique.
Je rejoins la question du président, M. Xavier Breton sur les capacités dont nous pourrions disposer pour la réalisation de « clips de campagne ». La règle d'airain vise à éviter que l'argent ne vienne transformer la chose politique à des fins électorales. Elle nous prémunit contre des difficultés dans lesquelles nous pourrions tomber si les candidats étaient soutenus par des entreprises ou par d'importantes levées de fonds. L'égalité à laquelle nous tenons, le ciment de la démocratie, seraient clairement remis en cause. Pour autant, les messages à caractère informatif ne trouvent plus leur public. Les personnes de plus de 65 ans passent six fois plus de temps que toute autre catégorie de la population au visionnage des messages informatifs. Or 70 % de la population âgée de 18 à 34 ans s'est abstenue lors des derniers scrutins.
Quelles évolutions pensez-vous pouvoir apporter afin de rendre accessibles, à tous les publics, la diversité et la pluralité des messages de campagne électorale des différents candidats ? S'agissant du temps de parole, beaucoup s'interrogent sur la manière dont il est comptabilisé selon que l'on est candidat, pas encore candidat ou éventuellement candidat putatif. Ce phénomène crée une sorte d'émoi dans la bulle médiatique. Aujourd'hui, nous aurions besoin que les règles soient claires et identifiées afin de retrouver un débat nuancé et porteur de sens. Or nous avons l'impression que ces règles s'appliquent pour l'élection présidentielle, mais qu'elles n'affectent pas les autres élections. Il serait en tout cas nécessaire de les réexpliquer au début de la campagne. Par ailleurs, pour davantage de clarté comment établir une césure entre la pré-période électorale et le démarrage à proprement parler de la campagne ?
J'entends, à travers votre observation, que notre pédagogie est insuffisante sur le sujet. J'aurais la possibilité de m'expliquer prochainement publiquement, avec la publication de la recommandation relative à l'élection présidentielle. En matière de pluralisme, ce principe a une valeur constitutionnelle ; il est inscrit dans la constitution qui s'applique à tous. Cette dernière confie le soin au législateur de fixer les règles de la mise en œuvre du pluralisme. La loi du 30 septembre 1986 et en particulier son article 13 imposent aux médias audiovisuels de communiquer au CSA les temps de parole des personnalités politiques. Elle lui confie le soin de s'assurer du respect du pluralisme par lesdits médias. Nous recevons ces chiffres, nous les vérifions et nous les transmettons aux présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat, des formations politiques qui siègent dans les assemblées parlementaires ainsi qu'aux chefs des partis politiques. Ces données apparaissent également sur le site Internet du CSA. Elles sont donc transparentes. Or, au regard de ces données, les personnalités politiques se manifestent régulièrement concernant leurs traitements médiatiques. Le cas échéant, lorsque cela est justifié, des démarches sont effectuées.
Il est nécessaire de distinguer la période non électorale de la période électorale. Le pluralisme s'applique toute l'année. Son respect occupe activement les équipes du CSA. Hors période électorale, la règle en vigueur — elle a été précisée au lendemain des élections législatives de 2017 après consultation des différents partis politiques — indique qu'un tiers du temps de parole est réservé au pouvoir exécutif. Le reste est ventilé entre les différents acteurs de la vie politique, au prorata de leur poids politique (représentation dans les assemblées parlementaires, sondages…). Au regard de ces données, nous établissons un bilan tous les trimestres pour nous assurer du respect du pluralisme.
Le CSA a statué le 8 septembre 2021 sur le cas de M. Éric Zemmour. Jusqu'à la fin de l'été, nous avons considéré qu'il s'agissait d'un éditorialiste qui commentait l'actualité en exprimant ses convictions. À compter de la rentrée de septembre, un certain nombre de faisceaux d'indices nous ont menés à revoir cette position. M. Éric Zemmour appartient désormais à la catégorie des personnalités politiques. Son temps de parole doit être recensé pour respecter l'équité et le pluralisme. Ce choix ne porte aucunement atteinte à la liberté éditoriale des chaînes télévisées.
Cette règle concernant la période non électorale s'applique depuis une quarantaine d'années. Ensuite, lors des scrutins électoraux, le CSA prend une recommandation fixant la règle applicable à cette élection. Nous rencontrons les rédactions des médias audiovisuels afin de leur présenter le dispositif de recommandations. J'entends vos observations, monsieur le rapporteur, nous pourrions être davantage efficaces en termes de pédagogie et d'explications. Les règles pourront être modifiées à la suite des scrutins à venir. Nous en discuterons alors avec les formations politiques.
La production et les formats de programmation des émissions évoluent pour répondre aux exigences d'une communication contemporaine. Nous ne disposons que de peu de latitude. Il s'agit fondamentalement de « clips de campagne » enserrés dans des contraintes particulières. Depuis 2017, les candidats ou les partis politiques ont, selon le scrutin concerné, la possibilité de réaliser intégralement leur spot, à l'exception du premier tour de l'élection présidentielle. Ils demeurent libres de produire un document avec des canons qu'ils se fixent et dont le coût entre dans les comptes de campagne. Certains savent se saisir de cette opportunité pour renouveler les codes de la propagande électorale. D'autres reproduisent des formes de communication statiques et datées. Une évolution possible consisterait à permettre aux chaînes parlementaires de diffuser les émissions de la campagne audiovisuelle officielle. Cette ouverture a été proposée par le CSA en 2015. D'une manière générale, il pourrait être envisagé que le CSA étende aux services audiovisuels privés la possibilité de relayer les émissions de campagnes officielles afin de multiplier et de modifier les vecteurs de ces messages de campagnes. Nous nous engagerons sur ce terrain si votre mission d'information établit une recommandation en ce sens.
Vous êtes donc ouvert à l'idée d'inciter les chaînes de télévision et les radios qui n'abordent pas la chose politique à s'emparer de cette thématique. Quels seraient vos moyens d'action en ce sens ?
La régulation que nous mettons en œuvre peut prendre la forme du droit souple. Il existe des dispositions inscrites dans la loi, dans les règlements et dans les conventions qui encadrent les éditeurs des médias audiovisuels. Ces conventions les lient au CSA, ce denier leur attribuant les fréquences pour émettre. Au-delà de ces obligations, il existe d'autres formes de régulations plus souples, afin de tendre à ce type d'objectifs par une approche moins contraignante et moins coercitive d'un point de vue juridique. Fondamentalement, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et son article 1er indiquent explicitement que la communication est libre. Cette loi consacre la liberté éditoriale des chaînes. En aucune façon, le CSA n'intervient dans la programmation de ces médias. Des échanges ont eu lieu, il y a plusieurs mois, avec des chaînes de télévision concernant la couverture des questions européennes, sujet sur lequel nos compatriotes ont le sentiment de ne pas être suffisamment informés. L'échéance prochaine de la présidence française de l'Union européenne nous permettra d'échanger avec les éditeurs quant à la diffusion d'informations sur cette thématique. Nous demeurerons dans le cadre de discussions informelles et non coercitives, dans le respect de la loi en vigueur.
Nous constatons effectivement les limites de l'exercice pour les élections européennes. Il y a dix ans, chacune des grandes chaînes disposait d'une rédaction décentralisée à Bruxelles. Désormais, seuls le service public audiovisuel, France 3 en particulier, et l'AFP conservent des bureaux officiels à Bruxelles. Ce phénomène entraine des difficultés dans la diffusion de l'information sur le fait européen.
Votre remarque est tout à fait juste. Une table ronde s'est tenue dernièrement au Sénat avec la présence de nombreux acteurs du service audiovisuel public et privé que vous allez également recevoir. Concernant la couverture de la présidence française de l'Union, l'actualité permettra de fournir une bonne couverture médiatique. Récemment, les initiatives se sont accrues dans les médias concernant le fait européen. Ainsi, le dernier discours de la présidente Ursula von der Leyen a été retransmis en direct sur plusieurs chaînes de télévision. Il s'agira de préserver cette couverture médiatique après la présidence française de l'Union.
Vous avez remarqué l'existence de nombreux débats politiques avec les acteurs locaux en amont du dernier scrutin. Bien que ce phénomène n'ait pas eu d'effet notable sur la participation électorale, il demeure appréciable. Nous pouvons également noter un rapprochement des élus locaux avec les chaînes de télévision et la presse quotidienne régionale (PQR). Toutefois, ces relations sont moindres avec les élus nationaux. Dans certaines régions comme l'Occitanie, où je suis élue, cette situation devient très préoccupante. Les élus nationaux que nous sommes n'ont pas la parole. Ce phénomène soulève la question de la pluralité. Je souhaite savoir quand vos recommandations seront instaurées. Feront-elles l'objet d'un cahier des charges ? Si oui, pourrons-nous en prendre connaissance ?
Depuis plusieurs années, l'information sous tous ses angles est accessible à tous, à toute heure. L'information des citoyens est un principe de la démocratie. Nous avons vu se développer les chaînes d'informations en continu pour décortiquer l'information, mais également de petites phrases et autres polémiques. Le soir du scrutin des élections régionales, monsieur Laurent Delahousse a indiqué qu'il comprenait les Français en critiquant la quête permanente d'audience. L'actualité n'est plus considérée comme une information, mais comme un produit de consommation. Elle permet de vendre de la publicité autour des émissions télévisuelles. Pensez-vous que ce flot d'informations motive davantage les électeurs ? Où ce phénomène pousse-t-il certains de nos électeurs à l'abstention ?
Madame la députée Monique Iborra, votre question me donne la possibilité d'évoquer un sujet qui ne figurait pas dans le questionnaire, mais pourrait se révéler utile à vos réflexions. Il s'agit de l'initiative prise par le Parlement lors des dernières élections régionales et départementales. Avec la modification du calendrier en raison de la crise sanitaire, la question s'est posée d'organiser une campagne électorale nationale. Ce choix a été écarté pour des raisons de lourdeurs d'organisation, voire de coût budgétaire. Cependant, le législateur a retenu l'obligation de diffuser des messages d'information sur les missions de chacune de ces collectivités. Au-delà de la promotion des campagnes des candidats, il s'agit d'un moyen de sensibiliser nos citoyens aux missions de ces collectivités qui contribuent à notre quotidien. Existe-t-il un enseignement à tirer de ces initiatives ? Cette question reste ouverte.
Nous allons publier prochainement la recommandation du CSA. Vous disposerez, dans ce document, des règles applicables. La procédure sera identique pour les élections législatives.
J'entends votre remarque sur l'articulation entre les médias régionaux et les représentants nationaux. Ce sont les éditeurs qui choisissent leur programmation. Le regain d'intérêt des télévisions locales pour ses scrutins observé ces derniers mois ouvrira un espace d'information. Les acteurs de proximité ont un rôle incontestable à jouer. Toutefois, nous ne pouvons pas peser pour imposer des invités, sauf au titre d'un déséquilibre du pluralisme.
Monsieur Sylvain Templier, vous soulevez une vaste question. Les chaînes d'information disposent d'un long historique. Quatre chaînes sont en concurrence frontale. Seule France info n'est pas financée par les recettes publicitaires. Des trois chaînes privées, une seule reste bénéficiaire, les deux autres sont déficitaires. Les lignes éditoriales ne sont pas toutes les mêmes, elles ne disposent pas toutes du même format, mais la compétition et la recherche de l'audience comptent. Concernant les effets de ce phénomène sur le comportement électoral, il me semble que nous devons prendre du recul. Nous sommes une nation mature au plan politique. Les médias contribuent à l'information. Toutefois, « le quant-à-soi » de l'électeur demeure. Dans l'histoire des médias, nous connaissons des exemples de campagnes qui ont donné le sentiment de privilégier un candidat au détriment d'un autre. Cependant, le résultat en France ou ailleurs n'était pas celui escompté. Établir une corrélation entre l'intensité de l'activité sur les chaînes d'information et l'abstention serait un raccourci. Les journaux télévisés de 13 heures et de 20 heures des grandes chaînes d'informations, de TF1 et des chaînes de service public restent des rendez-vous très importants. Les Français s'informent beaucoup par les journaux de ces chaînes de télévision et des radios, particulièrement pendant les campagnes électorales. Il s'agit de vecteurs d'information qui conservent leur force de frappe. Pour ces chaînes, le principe du pluralisme attentivement respecté reste plus que jamais un enjeu démocratique.
Lorsque sur une chaîne de télévision, des propos racistes ou antisémites sont tenus, le CSA peut organiser des rappels à l'ordre. Pensez-vous que, pour contribuer à un débat apaisé, le CSA devrait alerter sur les manquements et les dérives que nous constatons sur les réseaux sociaux ? Pensez-vous que le CSA puisse tenir un rôle prépondérant dans ce secteur ?
Notre première mission est la garantie de communication, d'expression et de liberté éditoriale. Notre institution est souvent rebaptisée le « gendarme de l'audiovisuel », bien que je préfère le terme de « régulateur ». Notre première mission est de défendre cette liberté d'expression. Nous sommes dans une période d'« esprit de censure », comme le nomme Monique Canto-Sperber dans son ouvrage Sauver la liberté d'expression. Le législateur a fixé des limites à cette liberté, et le CSA veille, quand ces règles sont transgressées, à intervenir pour effectuer une mise en demeure et engager des procédures de sanction si nécessaire. Nous demeurons particulièrement attentifs aux règles d'indépendance qui pèsent sur les éditeurs de radio et de télévision. Ces points figurent dans les cahiers des charges des chaînes publiques et dans les conventions des chaînes privées. La délibération-cadre de 2018 relative à l'honnêteté des programmes et de l'information impose aux éditeurs de respecter les comptes rendus, commentaires et autres présentations qui découlent des élections. Il est nécessaire de veiller à ce que le choix des extraits et des commentaires ne soit pas dénaturé. Les éditeurs des services de télévision doivent indiquer systématiquement l'origine des images. Ils doivent également veiller à ce que l'utilisation des archives ne donne pas lieu à des montages qui déformeraient le sens original du document tout en mentionnant la source et sa date.
La sphère Internet et les grands acteurs systémiques d'Internet ont fait l'objet de plusieurs interventions du législateur. C'est le cas de la loi de décembre 2018 relative à la lutte contre la déformation de l'information. Cette loi dite Infox ne nous donne pas la possibilité de courir après chaque information qui circule. Elle impose aux réseaux sociaux des obligations de moyens (dispositifs de signalement, promotion d'informations vérifiées). Notre mission est de superviser cette mise en œuvre. Nous avons publié, il y a quinze jours, le deuxième bilan d'application de ce texte avec une série de recommandations. La loi dite Avia qui date de 2020 a permis la création d'un Observatoire de la haine en ligne, adossé au CSA. Un texte récent, la loi dite Principes de la République, qui n'est pas encore entrée en vigueur, nous donnera de nouvelles compétences en matière de lutte contre la haine en ligne. Ce texte impose des obligations de moyens précises et plus nombreuses, et fournit au CSA un pouvoir de sanction important qui porte sur le chiffre d'affaires mondial de ces plateformes. Ces textes constituent une forme de régulation d'un nouveau type. L'audiovisuel est un monde fini, contrairement aux acteurs d'Internet. La réglementation européenne en cours d'élaboration, le Digital Service Act (DSA), est un nouveau régime de responsabilité qui s'imposera aux grands acteurs de l'Internet. Elle participe de la même philosophie en créant de nouveaux régimes de responsabilité et en fournissant à la structure chargée de la régulation le soin de vérifier que ces moyens sont mis en œuvre.
N'oublions pas ce qui prévaut dans le secteur de la presse, la loi de 1881 sur la liberté de la presse, grand texte du début de la IIIe République qui vit toujours. Elle fixe le principe de la liberté de la presse et a permis la floraison de celle-ci. La presse écrite couvre le spectre de la vie politique. Pour les médias audiovisuels, nous sommes passés d'un monopole d'État à une ouverture avec l'imposition du respect du pluralisme.
Il serait difficile d'imposer le pluralisme aux chaînes YouTube. Il est nécessaire de regarder les choses avec nuance. Il existe certes des excès d'Internet, des contenus illicites contre lesquels le juge doit intervenir, à l'image de l'affaire Mila, exemple de cas de harcèlement. Par ailleurs, il demeure nécessaire d'imaginer un nouveau modèle de régulation, imposant un régime de contrôle à ces acteurs. Un mouvement a été enclenché par les États-Unis, auquel s'adjoint l'Union européenne avec la réglementation DSA. J'ai conscience de ne pas répondre entièrement à votre question qui demeure complexe.
La séance est levée à 15 heures 10.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Bruno Bilde, M. Xavier Breton, M. François Cornut-Gentille, Mme Jacqueline Dubois, Mme Monique Iborra, Mme Marion Lenne, Mme Jacqueline Maquet, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Pacôme Rupin, M. Sylvain Templier, M. Stéphane Travert